Coupables par association
Violations des droits humains commises dans l’application de la loi contre l’homosexualité au Cameroun
Résumé
Ils ont pris Joseph au bar. Ils l'ont emmené au camp militaire. Il a été déshabillé et torturé. Il a été molesté pendant quatre heures. Ils l'ont frappé avec une ceinture métallique, l’ont fait nager dans un caniveau et ont brûlé des sacs en plastique sur sa poitrine ...
Le lendemain matin, je l'ai emmené à l'hôpital. Je lui ai demandé de ne pas porter plainte, car nous n’avons pas de droits. Nous, les homosexuels, nous n'avons aucun recours.
—Ami et colocataire de Joseph, un homme homosexuel dans la région sud-ouest, octobre 2012
Le Cameroun poursuit ses citoyens en justice pour relations sexuelles consenties entre personnes du même sexe avec plus d'ardeur que pratiquement n'importe quel autre pays du monde. Contrairement à la plupart des 76 pays dont la législation contient actuellement de telles lois, mais qui les mettent rarement en application, les procureurs camerounais ont engagé des poursuites contre au moins 28 personnes pour homosexualité au cours des trois dernières années.
Dans la plupart des cas, les accusés sont déclarés coupables, souvent sur la base de preuves très minces, voire non existantes. Les enquêteurs ont fréquemment recours à la torture ou à des mauvais traitements pour obtenir des aveux. Bien que le Code de procédure pénale du Cameroun contienne des provisions selon lesquelles des aveux doivent être accompagnés d'autres éléments de preuve, ces provisions ne sont pas respectées.
Ce rapport se concentre principalement sur les vices de procédure et autres violations des droits humains commises au Cameroun dans le processus d'arrestation et de poursuites contre des personnes pour relations sexuelles consenties entre personnes du même sexe. L'ampleur des violations rend urgent l'appel à mettre fin aux arrestations en vertu de l'article 347 bis du Code pénal, qui punit « l'homosexualité », en définissant le terme comme des «rapports sexuels avec une personne de son sexe.». Cependant, même si la procédure pénale du Cameroun a été pleinement respectée lors de l'application de l'article 347 bis, l'article lui-même serait toujours contraire au droit international des droits humains.
Des responsables de la police et du gouvernement camerounais ont affirmé à plusieurs reprises que l'article 347 bis du code pénal ne s'appliquait qu'aux personnes prises sur le fait lors d'une relation sexuelle de ce type. Le chef des forces de police du Cameroun a déclaré à Human Rights Watch et à l’association Cameroonian Foundation for AIDS (CAMFAIDS) que l'article ne s'appliquait qu'aux personnes qui se livraient publiquement à une relation sexuelle avec une personne du même sexe. Mais, parmi les huit personnes que nous avons identifiées qui ont été condamnées pour homosexualité entre 2010 et 2012, dans aucun des cas n'y avait-il le moindre indice, dans les pièces à conviction présentées au tribunal, que les accusés s'étaient livrés publiquement à des relations homosexuelles. Au moins trois affaires récentes qualifiées de cas de « flagrant délit » par des membres des forces de l’ordre reposaient en fait sur des machinations : une personne prétendant avoir fait l'objet d'avances non sollicitées de la part d'une personne du même sexe s'en plaint auprès des forces de sécurité, qui l'encouragent à conclure un rendez-vous avec le « suspect », puis arrêtent ce dernier pour « tentative d'homosexualité », ce qui équivaut à un crime d'homosexualité en vertu du droit camerounais.
La loi criminalise les relations homosexuelles entre hommes et femmes. La plupart des personnes qui ont été arrêtées à ce jour en vertu de l'article 347 bis sont des hommes. Toutefois, dans un cas, documenté dans le chapitre II ci-dessous, deux femmes ont également été inculpées d'homosexualité.
Dans l'un des cas les plus flagrants documentés dans le présent rapport, marqué par une absence frappante de preuves, deux hommes ont été déclarés coupables d'homosexualité à Yaoundé en 2011 parce que les gendarmes avaient trouvé un paquet de préservatifs et du lubrifiant dans leur maison pendant la recherche d'un soi-disant ordinateur portable volé. Un autre homme a été déclaré coupable d'homosexualité et de tentative d'homosexualité en 2011 après avoir envoyé un texto à un homme de sa connaissance, disant « Je suis tombé amoureux de vous ». À Kribi, quand des responsables des services de renseignement ont entendu dire qu'un chef de village avait fait des avances à un homme, ils lui ont tendu un piège, malgré l'absence de toute plainte ou preuve qu'un crime avait été commis. Ils ont persuadé l'homme de prendre rendez-vous avec le chef de village sur une plage isolée ; selon son avocat, les agents de renseignement ont surgi, l'ont arrêté, ont pris des photos et l'ont forcé à marcher entièrement nu jusqu'à leur bureau. L’affaire était toujours en cours d’instruction au moment de la rédaction du présent rapport.
La loi contre l'homosexualité du Cameroun se prête facilement aux abus et peut être utilisée par pratiquement n'importe qui comme un moyen efficace de régler des comptes. Elle constitue également une recette pour l'extorsion de fonds : CAMFAIDS a reçu des plaintes de certains de ses membres au sujet de plusieurs hommes à Yaoundé qui gagnaient leur vie en rôdant sur les sites internet homosexuels, où ils prennent rendez-vous avec d'autres hommes, puis menacent de les dénoncer pour homosexualité s'ils ne leur donnent pas d'argent. Compte tenu du grand nombre d'arrestations injustifiées et du taux élevé de condamnations, la plupart des victimes de cette forme de chantage ne prennent pas de risques et versent de l'argent à ces prédateurs.
Ce rapport est le produit d'une coopération entre quatre organisations : Alternatives-Cameroun, une organisation basée à Douala qui fournit des services de santé aux lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT) et défend leurs droits ; l'Association pour la défense des Homosexuel-le-s (ADEFHO), un groupe d'avocats et d'observateurs des droits humains qui représente des clients accusés d'homosexualité, également basé à Douala ; l’association Cameroonian Foundation for AIDS (CAMFAIDS), une organisation basée à Yaoundé qui fournit une assistance juridique aux personnes LGBT et dénonce les abus à leur encontre ; et Human Rights Watch, une organisation internationale.
Ces organisations se sont efforcées de documenter des cas récents d'arrestation, de poursuites judiciaires et de condamnation effectuées ou prononcées au Cameroun sur la base de l'article 347 bis du code pénal. Toutes les quatre sont opposées à la pénalisation de l'homosexualité, étant donné qu'en autorisant des arrestations pour des rapports consensuels entre personnes du même sexe, le Cameroun enfreint ses engagements internationaux en matière de droits humains, ainsi que sa propre constitution. Et même les partisans de la répression de l'homosexualité par la loi devraient être sérieusement préoccupés par la manière dont la loi est actuellement appliquée. Les affaires d'homosexualité sont entachées par un nombre prodigieux de vices de procédure et d'autres violations de droits humains, allant de la torture à divers mauvais traitements, notamment les examens anaux, aux violations de la vie privée et à une homophobie flagrante de la part de juges et de responsables de l'application des lois.
Malheureusement, certaines personnes qui sont accusées d'homosexualité ne bénéficient pas d’assistance juridique et lorsque des violations de la légalité des procédures sont commises dans des affaires les concernant, elles ne sont bien souvent jamais dénoncées. Les documents du ministère de la Justice révèlent que 22 personnes ont été déclarées coupables d’homosexualité en 2010 et 2011, mais les organisations qui ont produit ce rapport n'avaient connaissance que de 8 affaires durant cette période — en général, celles dans lesquelles les accusés vivaient dans des centres urbains et bénéficiaient d'une assistance juridique.
Dans un climat marqué par une homophobie généralisée, où certains médias publient des articles à sensation « révélant » la prétendue homosexualité de personnages publics et où des ateliers ou d'autres manifestations visant à promouvoir les droits des personnes LGBT ont été interdits ou perturbés par des responsables gouvernementaux ou par des bandes d’auto-justiciers, bien peu d'avocats acceptent de se saisir de tels dossiers.
Pendant la période des recherches ayant conduit à la rédaction de ce rapport, un événement alarmant s'est produit : fin 2012, deux avocats qui avaient défendu des clients accusés d'homosexualité ont reçu, par message texto et par courriel, des menaces de violence contre eux-mêmes ou contre leurs enfants. Au moment de la rédaction de ce rapport, les autorités camerounaises n'avaient pas dénoncé publiquement ces menaces, bien que les avocats les aient signalées, et personne n'avait été arrêté dans ce contexte.
En plus d'être marquées au Cameroun par d'innombrables violations des droits humains, les arrestations pour conduite homosexuelle consensuelle constituent, en elles-mêmes, des infractions aux engagements internationaux du Cameroun en matière de droits humains. Le Cameroun est signataire du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui a été interprété comme interdisant toute discrimination sur la base de l'orientation sexuelle. La constitution intègre ce pacte et d'autres traités signés par le Cameroun dans la loi du pays. Conformément à l'article 45 de la Constitution, en cas de conflit, les traités internationaux que le Cameroun a ratifiés priment sur la législation nationale.
L'intimité du domicile est protégée aux termes du préambule de la constitution du Cameroun, qui affirme que « le domicile est inviolable » et que « le secret de toute correspondance est inviolable ». La constitution stipule que « Tous les hommes sont égaux en droits et en devoirs » ; elle garantit des droits égaux à tous les citoyens, ainsi que « la protection des minorités. » Elle proclame un État laïc, indépendant et neutre.
En 2010, le ministère de la Justice a entrepris un processus de révision du Code pénal de 1967. Un projet de révision, rendu publique au cours d'un processus de validation en 2011, a laissé la disposition relative à l'homosexualité inchangée. Cependant, le ministre de la justice a été remplacé peu de temps après. Des représentants de la Justice ont déclaré à Human Rights Watch et à la CAMFAIDS que le projet est en train d’être remanié sous le nouveau ministre, mais n'ont pas fourni de calendrier pour la révision.
Début 2012, le président Paul Biya a indiqué à des diplomates que tout en n'étant pas prêt à appeler à la dépénalisation de l'homosexualité au Cameroun, il s'efforcerait d'imposer un moratoire sur les arrestations effectuées sur la base de l'article 347 bis. Mais au moment de la rédaction de ce rapport, aucun progrès n'a été fait pour concrétiser cet engagement. En janvier 2013, lors d'une conférence de presse en France, Biya a parlé d'une « évolution de mentalité » au Cameroun en ce qui concerne l'homosexualité, mais ne s'est pas engagé à prendre des mesures spécifiques visant à dépénaliser l’homosexualité.
Être attiré par quelqu'un ou avoir des relations sexuelles consensuelles ne devrait jamais être un motif de discrimination et d'abus. Le Cameroun devrait prendre des mesures immédiates pour la dépénalisation de l'homosexualité et supprimer l'article 347 bis — une contravention du droit international — du code pénal de la nation.
Méthodologie
Les recherches relatives à ce rapport, ont été effectuées par trois organisations camerounaises – Alternatives-Cameroun, l'Association pour la Défense des Homosexuel-le-s (ADEFHO) et l’association Cameroonian Foundation for AIDS (CAMFAIDS) – et par une organisation internationale, Human Rights Watch.
Les recherches de base ont été effectuées en octobre 2012 et de janvier à février 2013. Les chercheurs se sont rendus à Yaoundé, Douala, Buéa, Kumba et Limbé et ont interrogé 14 des 26 personnes dont nous savions qu’elles avaient été poursuivies en justice pour homosexualité entre 2010 et 2012, dont cinq qui avaient été condamnées. Une personne a été interviewée dans un pays hors du Cameroun où elle a demandé l'asile. Les chercheurs se sont également entretenus avec des responsables de la police et du ministère de la Justice, des avocats, des universitaires, des membres d'organisations non gouvernementales camerounaises et internationales, des responsables des Nations Unies et des diplomates étrangers.
Les entretiens ont été menés en français ou en anglais par des chercheurs parlant couramment ces langues. Tous les entretiens ont été effectués sur une base volontaire. Personne n'a été payé pour fournir des informations destinées à ce rapport.
Les noms des victimes figurent dans le rapport dans la mesure où une procédure judiciaire contre elles est déjà tombée dans le domaine public et a déjà suscité l'attention des médias. Toutefois, ces victimes ont fourni certaines informations qui ne sont pas dans le domaine public, sur des questions comme les sévices subis en détention et les tentatives de la part de membres des forces de sécurité d'obtenir des pots-de-vin. Dans ces cas-là, et lorsque les victimes sont mineures, leurs noms ont été omis ou changés. Les noms d'autres victimes — celles qui n'étaient pas l'objet de procédures judiciaires publiques ou qui n'avaient pas été l'objet de l'attention des médias — ont été omis ou modifiés afin de préserver leur anonymat.
Une limitation à cette étude est le fait que les chercheurs n'ont été en mesure de visiter que trois des 10 régions du Cameroun : centrale, littorale et sud-ouest. Nous avons également reçu des informations et avons interviewé l'accusé d'un cas dans la province du sud. On ne sait pas si des poursuites judiciaires sur la base de l'article 347 bis ont eu lieu dans les six autres régions, qui sont essentiellement rurales.
Le ministère de la Justice n'a pas répondu aux demandes répétées de la part de Human Rights Watch de fournir de plus amples informations sur les affaires mentionnées dans son rapport de droits humains annuel.
I. Recommandations
Au président Paul Biya et au gouvernement du Cameroun
- Veiller à ce que l'article 347 bis soit supprimé du Code pénal révisé, ou prendre des mesures pour faire pression pour la dépénalisation des relations homosexuelles par des moyens législatifs.
- Informer les responsables de l'application des lois et les procureurs qu'ils doivent suspendre immédiatement les arrestations et les poursuites fondées sur l’article 347 bis.
- Libérer toutes les personnes actuellement détenues pour conduite homosexuelle consensuelle.
- Interdire la pratique des examens anaux pour déterminer l'homosexualité d'une personne.
Au parlement du Cameroun
- Entamer la procédure d'abrogation de l'article 347 bis.
- Modifier l'article 296 du code pénal, qui criminalise le viol, en élargissant la définition du viol pour inclure les victimes masculines et féminines.
Au Ministère public
- Retirer les accusations dans les affaires d'homosexualité en cours d’instruction.
- Enquêter sur tous les cas de torture et de mauvais traitements documentés dans ce rapport et traduire les auteurs en justice.
À la Cour suprême
- Veiller à ce que les décisions judiciaires dans les affaires d'homosexualité reflètent le respect de la constitution du Cameroun, qui intègre dans le droit national tous les traités internationaux que le Cameroun a ratifiés.
À la Commission nationale des droits de l'homme et des libertés fondamentales
- Appeler publiquement à la révocation de l'article 347 bis.
- Mener une étude à l'échelle nationale des arrestations et des poursuites sur la base de l'homosexualité, afin de mettre en évidence les violations de la légalité des procédures et autres violations des droits humains.
- Nommer un commissaire pour assumer la responsabilité de traiter les cas d'arrestation arbitraire ou de discrimination sur la base de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre.
Au Rapporteur spécial sur les conditions prévalant dans les prisons et sur la détention préventive de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples et au Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture
- Effectuer une mission d'information au Cameroun afin d'enquêter sur les violations des droits humains commises par les responsables de l'État dans le contexte de l'application de l'article 347 bis et publier un rapport sur ses constatations.
Au Conseil des droits de l'homme des Nations Unies
- À l'occasion de l'Examen périodique universel (EPU) du bilan du Cameroun en matière de droits humains, qui aura lieu à Genève en mai 2013, évaluer dans quelle mesure le pays s'est conformé aux recommandations faites lors de son EPU de 2008, qui contenaient un appel à la dépénalisation de l'homosexualité.
II. Contexte
La loi anti-homosexualité du Cameroun remonte à 1972, date à laquelle elle a été imposée par un décret de l'ancien président Ahmadou Ahidjo. L'article 347 bis du code pénal camerounais, intitulé « Homosexualité », punit d'un emprisonnement de six mois à cinq ans et d'une amende de 20 000 à 200 000 francs CFA (40 à 400 dollars) « toute personne qui a des rapports sexuels avec une personne de son sexe. »
En théorie, la loi punit seulement les actes homosexuels, et non « l’homosexualité » en tant que telle (souvent comprise comme une identité homosexuelle). Toutefois, du fait que l’intitulé de l’article emploie le terme « homosexualité » et du fait que c’est le terme couramment utilisé par les membres des forces de l’ordre et dans les archives légales au Cameroun, c’est le terme que nous employons tout au long de ce rapport lorsque nous parlons des accusations contre les personnes accusées de relations consenties entre personnes du même sexe.
Les poursuites en justice sur la base de cet article étaient semble-t-il quasi inexistantes avant 2005, selon les recherches menées par Alternatives-Cameroun, qui a examiné les archives des prisons de Douala : le dossier le plus ancien qu’ils aient trouvé concernant une affaire d'homosexualité remontait à 1997. [1]
Les raisons pour lesquelles une vague soudaine de mises en accusation a commencé en 2005 ne sont pas claires, mais au mois de mai de cette année-là la police a arrêté 32 personnes dans une boîte de nuit de Yaoundé, initiant ainsi une série d’arrestations retentissantes s’appuyant sur cet article. Onze de ces personnes ont été poursuivies, et neuf d’entre elles ont été déclarées coupables d’homosexualité. Le Groupe de travail de l'ONU sur la détention arbitraire a déterminé en 2006 que « l’existence de lois criminalisant les relations sexuelles entre adultes consentants du même sexe en privé et l’application de sanctions pénales contre des personnes accusées de telles conduites violent les droits à la vie privée et la non-discrimination établis dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques », et que ces arrestations étaient donc arbitraires. [2]
Lors de l'Examen périodique universel (EPU) du Cameroun en décembre 2008, le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies a recommandé la dépénalisation des actes homosexuels. Le Cameroun a rejeté cette recommandation. En 2009, Alternatives-Cameroun a lancé devant l'Assemblée nationale une pétition pour la dépénalisation de l'homosexualité. L’Assemblée n’en a pas tenu compte.
Les arrestations se sont semble-t-il poursuivies à un rythme régulier entre 2005 et 2010, mais des organisations de défense des droits humains au Cameroun ont documenté une recrudescence en 2010 et 2011. Depuis janvier 2010, au moins 28 personnes ont été traduites en justice pour homosexualité. Au moins huit d’entre elles ont été condamnées, dont deux ont par la suite été acquittées en appel.
Au mois de février 2013, au moins trois personnes se trouvaient en prison dans l’attente de leur procès pour les mêmes chefs d’accusation. Au moins neuf autres personnes avaient été libérées sous caution mais étaient sous le coup de poursuites. Au total, l’ADEFHO a documenté 51 arrestations pour homosexualité depuis 2005, même s'il est probable que de nombreux cas ne soient jamais signalés.
Des avocats camerounais ont avancé l’argument que la loi ayant été imposée par l’ancien président sans jamais avoir été approuvée par le parlement, son application viole la constitution camerounaise de 1996, qui stipule que seul le parlement peut légiférer en ce qui concerne « la détermination des crimes et délits et l'institution des peines civiles, les voies d'exécution, l'amnistie. » [3] Toutefois, les tribunaux n’ont fourni aucune réponse aux motions que deux avocats ont déposées dans plusieurs des récentes affaires d’homosexualité, qui contestent les mises en accusation pour homosexualité en invoquant le fait que la loi elle-même est anticonstitutionnelle. [4]
Un environnement homophobe
Les membres des forces de l’ordre, les procureurs et les juges sont indubitablement influencés dans leur application de l'article 347 bis par un climat homophobe omniprésent au Cameroun.
Des journaux publient régulièrement des articles sensationnels au sujet de prétendus homosexuels. [5] D'éminentes personnalités religieuses ont également dénoncé l’homosexualité, par exemple l’archevêque de Yaoundé en décembre 2012 désignant le mariage entre personnes de même sexe comme un « crime contre l’humanité ». [6] Des citoyens ordinaires expriment parfois une haine féroce à l'égard des personnes LGBT, même si d'autres membres de la communauté nationale sont plus tolérants. Lorsqu’une bande de voyous a violemment attaqué les participants à une réunion le 17 mai 2012, facilitée par trois organisations qui fournissent des services aux personnes LGBT à Yaoundé, un membre d’une de ces organisations a déclaré à la CAMFAIDS et à Human Rights Watch : « Des femmes du quartier sont intervenues et ont tenté de persuader ces hommes de cesser de tabasser les gens. Ils ont répondu : ‘Ce sont des homosexuels, nous devons les éliminer’. » [7]
Dans ce contexte, les préjugés individuels des membres des forces de l'ordre peuvent parfois contribuer au caractère arbitraire des arrestations effectuées sur la base de l’article 347 bis. Alternatives-Cameroun a observé des cas dans lesquels des policiers et des gendarmes de rang subalterne ont procédé à des arrestations en raison de leurs propres préjugés, sans considération pour la loi. Même aux niveaux les plus élevés, les autorités font preuve d'un manque de compréhension de la loi. Le chef de la police du Cameroun, par exemple, a indiqué à la CAMFAIDS et à Human Rights Watch : « Il y a des organisations ici qui font la promotion de l'homosexualité. Ils [les homosexuels] ne sont pas reconnus ; ils n'ont pas le droit de tenir des réunions. » [8]
Cependant, il n'existe aucune loi au Cameroun interdisant aux personnes LGBT d'organiser des réunions. Le chef de la police a cité la Bible pour justifier la loi actuelle contre l’homosexualité, déclarant : « Dieu a dit ‘Croissez et multipliez’. Cela ne peut pas se faire entre deux hommes ou deux femmes. » [9] Les membres des forces de l’ordre et du système judiciaire qui font preuve d’homophobie ne sont pas tenus de rendre des comptes lorsqu’ils enfreignent la loi en toute impunité ; aucun d’eux n’a été sanctionné ni poursuivi pour des abus commis à l’encontre de personnes LGBT présumées.
Un « crime » sans victime
L'homosexualité est l'un des rares crimes figurant au code pénal du Cameroun qui, dans la plupart des cas, ne fait pas de « victime ». [10] Paradoxalement, cela signifie que les droits des suspects sont encore plus restreints que dans les autres affaires pénales. Ce paradoxe découle de la section 62 du Code de procédure pénale, qui stipule que l'inculpation sera levée dans le cas d'un « retrait de la plainte [ou du] désistement de la partie civile en matière de contravention et de délit, lorsqu'elle a mis l'action publique en mouvement ». [11] L'homosexualité est un délit, mais les personnes soupçonnées d'homosexualité ne bénéficient presque jamais d'un retrait de plainte. Dans deux seulement des dix affaires documentées ci-dessous, une « partie civile » a été constituée ; dans les autres cas, les poursuites ont été lancées à l'initiative de l'État.
Le chef de la police, Martin Mbarga Nguélé, a déclaré à la CAMFAIDS et à Human Rights Watch que la victime dans les affaires d'homosexualité est « la société ». Il n'a pas expliqué en quoi la société subissait un préjudice du fait de relations privées consenties entre personnes du même sexe.
Cadre légal inapproprié pour traiter les viols, les agressions sexuelles et les délits contre les mineurs
Dans certains cas, des accusations d’homosexualité sont utilisées pour des affaires de viol ou d’agression sexuelle entre personnes de même sexe, notamment de rapports sexuels avec des mineurs au-dessous de l’âge de consentement. Le viol et l’agression sexuelle sont des crimes graves et devraient faire l’objet de poursuites. Toutefois, des lois neutres selon le genre, qui ne font pas de différences entre des criminels qui sont de même sexe ou de sexe différent de leurs victimes, sont la façon la plus appropriée de traiter ce type de crimes.
Une grave lacune figure dans le droit camerounais : l’article 296 du code pénal, qui criminalise le viol, concerne seulement les victimes de sexe féminin. [12] La définition limitée du viol peut conduire certains membres des forces de l’ordre à estimer que la meilleure façon d’aborder le viol entre personnes de même sexe est d’accuser le la personne soupçonnée de viol d’homosexualité sur le fondement de l’article 347 bis. Cette lacune juridique a comme résultat regrettable que les actes homosexuels consentis et non consentis se confondent aux yeux des membres des forces de l’ordre et du système judiciaire, et par extension du public dans son ensemble.
Non seulement cette situation a pour résultat que des personnes font l’objet de poursuites pour des rapports consentis, mais cela signifie également qu’en cas de viol les criminels reçoivent un traitement différente selon que leur victime est de sexe masculin ou féminin. Pour ceux qui violent des victimes de sexe féminin, au regard de la loi sur le « viol », la sanction est de cinq à dix ans. Mais pour ceux qui violent des hommes, s’ils sont poursuivis sur le fondement de la loi sur « l’homosexualité », la peine est plus légère : de six mois à cinq ans.
Certains cas d’agression sexuelle qui n’équivalent pas à un viol sont poursuivis selon l’article 295 du code pénal, qui criminalise l’« outrage à la pudeur » et qui est neutre du point de vue du genre. [13] Il prévoit une peine pouvant aller jusqu’à quatre ans d’emprisonnement.
Les lois sur les délits commis contre des enfants sont également conçues de façon neutre du point de vue du genre. Au Cameroun, l’âge légal de la majorité est 21 ans. Le droit pénal camerounais, dans sa définition des délits contre les enfants, utilise trois degrés : plusieurs lois distinctes abordent les délits contre les enfants de moins de 16 ans, les enfants de moins de 18 ans, et les enfants de moins de 21 ans.
L’article 346 criminalise « l’outrage à la pudeur d’une personne mineure de seize ans. » [14] Les relations sexuelles avec une personne de moins de 16 ans sont passibles de 10 à 15 ans de prison. En d’autres termes, les enfants de moins de16 ans, de l’un ou l’autre sexe, sont considérés comme incapables de consentir. [15] Cet article est neutre du point de vue du genre, en accord avec le point de vue du droit international : il permet de sanctionner pareillement les auteurs de crimes de même sexe que la victime et ceux du sexe opposé.
L’article 346 stipule de plus que le viol d’un mineur de moins de 16 ans est passible de 15 à 25 ans de prison. Il n’est pas précisé si le « viol » dans ce contexte, suivant la logique de l’article 296, renvoie seulement aux victimes de sexe féminin ou s’il est censé être neutre du point de vue du genre.
L’article 347 sanctionne l’« outrage sur mineur de seize à vingt et un an ». Il indique que si les infractions détaillées aux articles 295, 296 ou 347 bis – agression sexuelle (« outrage à la pudeur »), viol ou homosexualité – sont commises sur la personne d’un mineur âgé de 16 à 21 ans, « les peines prévues auxdits articles sont doublées ». Donc des rapports sexuels consentis entre un adulte et une personne du sexe opposé ayant entre 16 et 21 ans sont autorisés au regard de la loi ; mais des rapports sexuels consentis entre un adulte et une personne du même sexe ayant entre 16 et 21 ans sont criminalisés à deux niveaux.
Aucun des cas décrits dans ce rapport ne concerne des relations sexuelles entre adultes et mineurs de moins de 16 ans. Toutefois, plusieurs cas impliquent des rapports consentis entre adultes et mineurs de même sexe ayant entre 16 et 21 ans. Le droit international ne donne pas de consignes strictes sur l’âge de la majorité légale pour le consentement à des relations sexuelles ; toutefois, il est clair que les dispositions relatives aux délits sexuels ne devraient pas autoriser un traitement différentiel s’appuyant sur le fait que le criminel et la victime sont de même sexe.
Afin de remédier à ces incohérences, le Cameroun devrait amender sa loi sur le viol afin qu’elle s’applique de la même façon aux hommes et aux femmes, et veiller à ce que la législation sur le viol ou les agressions sexuelles contre les enfants s’applique de la même façon pour les garçons et pour les filles. L’article 347 fournit des protections raisonnables contre le viol et les agressions sexuelles pour les enfants ayant entre 16 et 21 ans, mais il ne devrait pas être utilisé pour renforcer les sanctions contre des rapports consentis entre personnes de même sexe.
Structures d’application de la loi et procédure pénale au CamerounAu Cameroun, ce sont la police et la gendarmerie qui assument les tâches fondamentales d'application de la loi, parmi lesquelles l'arrestation des suspects et la conduite de l’enquête préliminaire sur un crime. La police dépend de la Délégation Générale de la Sûreté Nationale, qui fait partie de la présidence. Les gendarmes rendent compte au ministère de la Défense. Tous les gendarmes ont le statut d' « officier de police judiciaire », ce qui leur permet de mener des enquêtes et d'interroger des suspects. Les suspects ne peuvent être gardés à vue par la police ou la gendarmerie que pendant 48 heures, et s’ils n’ont pas été pris en flagrant délit, ils ne peuvent pas être gardés en détention du tout sans l'autorisation d'un procureur. Au bout de 48 heures, les suspects doivent être officiellement inculpés d'un crime devant le Parquet. Ils peuvent ensuite être remis en liberté sans conditions avec abandon des charges, si le procureur ne trouve pas assez de preuves contre eux. Ils peuvent aussi être libérés sous caution ou mis en liberté provisoire jusqu’à leur procès, ou encore placés en détention préventive. La détention préventive est censée être une mesure d’exception, utilisée uniquement dans des circonstances exceptionnelles, par exemple lorsque l’accusé n’a pas d’adresse fixe ou ne peut fournir aucune garantie. [16] Quand un accusé est maintenu en détention préventive, son procès doit s'ouvrir dans un délai d’un an. S’il est déclaré coupable par un Tribunal de Grande Instance, l'accusé ou son avocat peuvent faire appel devant une Cour d’appel. Des protections spécifiques concernent les mineurs dans le système de justice pénale. Les enfants entre 14 et 18 ans ne devraient pas être arrêtés en l’absence d’une enquête préliminaire. [17] Ils doivent être séparés des adultes lors de leur détention. [18] Le code de procédure pénale stipule que : « La mesure de garde du mineur est prise dans l'intérêt supérieur de celui-ci et peut être révoquée ou révisée à tout moment. » [19] De plus, les enfants ayant entre 14 et 18 ans qui sont inculpés de crimes devraient bénéficier de l’examen de circonstances atténuantes au moment de prononcer la peine. |
Lois anti-homosexualité et droit international
Ce rapport est axé largement sur les violations de procédures régulières et autres violations des droits humains commises au Cameroun dans la conduite des arrestations et des poursuites menées contre les personnes pour rapports consentis entre personnes de même sexe. L’ampleur des abus rend urgent l’appel à mettre fin aux arrestations s’appuyant sur l’article 347 bis.
Toutefois, même si les lois et procédures criminelles du Cameroun étaient pleinement respectées dans la mise en application de l’article 347 bis, cet article lui-même n’en demeurerait pas moins contraire au droit international des droits humains.
La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples garantit à tout individu le droit à une protection égale devant la loi et à la non-discrimination. La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, l’organisme chargé de surveiller le respect des É tats parties envers la Charte africaine, a déclaré que la protection égale s’étend à l’orientation sexuelle. Elle a également déclaré que le principe de non-discrimination, y compris sur la base de l’orientation sexuelle, est le fondement de la jouissance de tous les droits humains :
Ensemble, avec l'égalité devant la loi et l’égale protection de la loi, le principe de non-discrimination prévu à l'article 2 de la Charte constitue le fondement de la jouissance de tous les droits de l’homme.… Le but de ce principe est d'assurer l'égalité de traitement pour les personnes sans distinction de nationalité, sexe, l'origine raciale ou ethnique, l'opinion politique, la religion ou les convictions, le handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle. [20]
Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auquel le Cameroun est un État partie, prévoit une protection égale, la non-discrimination et le droit à la vie privée. [21] Sur cette base, le Comité des droits de l’homme de l’ONU a jugé que la pénalisation des rapports consentis entre adultes de même sexe est une violation du PIDCP. [22]
III. Études de cas
En octobre 2012, le chef de la police camerounaise Martin Mbarga Nguélé a rencontré des représentants de la CAMFAIDS et de Human Rights Watch, et leur a expliqué comment l'article 347 bis est censé être appliqué. Il a déclaré : « Nous n'allons pas arrêter les gens dans leur chambre. C'est lorsqu'ils font quelque chose en public qui constitue une menace pour notre société ». [23] De nombreuses études de cas, présentées ci-dessous, prouvent le contraire.
Le plus inquiétant, en particulier dans le contexte du Cameroun où des crimes graves tels que la traite d'êtres humains et le trafic de drogue international sont souvent impunis, est que les agents des forces de l’ordre semblent consacrer beaucoup d’efforts à concevoir des stratagèmes pour prendre au piège des personnes soupçonnées d'homosexualité – même lorsqu'il n'existe aucune preuve que ces personnes aient commis un crime quelconque. [24]
Dans trois affaires documentées ici, des hommes, ou des membres de leurs familles, ont déposé plainte auprès des autorités après avoir fait l'objet d'une attention non désirée de la part d'autres hommes. Si cette attention atteignait le niveau du harcèlement tel qu'il est défini dans la loi camerounaise, elle constituerait une source légitime de préoccupation pour les agents chargés de l'application de la loi. Cependant, aucune des « victimes » en question n'a déposé plainte pour harcèlement, pas plus que pour viol, tentative de viol ou agression sexuelle. Ces personnes étaient plutôt simplement irritées du fait qu'elles recevaient une attention non désirée de la part d'un homme (il s'agit-là d'une source d'irritation quotidienne pour de nombreuses femmes au Cameroun et ailleurs, qui pourtant ne conduit généralement pas à des enquêtes criminelles).
Dans les trois cas, les agents des forces de l’ordre ont conspiré avec les « victimes » pour tendre un piège aux suspects, en encourageant les « victimes » à prendre des rendez-vous avec leurs supposés soupirants. Les représentants de la loi ont alors surgi, accusant les suspects de « tentative d'homosexualité » alors qu’il n’y avait souvent pas de preuves évidentes pouvant suggérer que l’accusé ait eu aucunement l’intention d’entreprendre des actes à caractère sexuel.
Affaires qui ont été conclues
Étude de cas n°1 : Jonas K., Franky D. et Hilaire N.
Dans la nuit du 26 juillet 2011, des policiers du Groupe d'intervention mobile de Yaoundé ont arrêté un véhicule qui « zigzaguait » dans la rue. Les policiers ont trouvé trois personnes dans la voiture. Deux d’entre elles, Jonas K. et Franky D., sont transgenres. Ils s'identifient comme des femmes et portaient des vêtements féminins.
Selon le rapport de police, quand les policiers ont approché le véhicule, qui s'était arrêté, les individus étaient en train de se « tripoter » mutuellement les parties génitales. L’un d’eux, Hilaire N., a offert aux policiers 20 000 francs CFA (environ 40 dollars) ; selon lui, c'était à la demande des agents de police. Tous les trois ont été arrêtés pour homosexualité et tentative de corruption.
Ils ont été retenus en garde à vue à la division régionale de la Police judiciaire du Centre au-delà de la limite légale de 48 heures. La police leur a refusé le droit de contacter leurs familles. Selon Jonas K. :
Nous avons passé une semaine au commissariat. Nous n'avons reçu aucune visite et n'avons pas pu appeler nos parents. Ils ne savaient pas où nous étions avant notre arrivée ici [à la prison de Kondengui]. [25]
Jonas K. et Franky D. ont tous deux reconnu les « tripotages » dans la voiture la nuit de leur arrestation et admis qu'ils avaient eu des rapports homosexuels dans le passé, mais ils se sont rétractés par la suite, affirmant que ces aveux leur avaient été extorqués sous la contrainte. [26]
Hilaire N. a été libéré sous caution le 2 août. [27] Il s'est ensuite enfui et n'a pas comparu lors des audiences suivantes. Le 23 août 2011, le tribunal de première instance de Yaoundé- Ékounou a rejeté une motion déposée par les avocats Nkom et Togué demandant que Jonas et Franky soient remis en liberté sous caution. [28]
Le procès a eu lieu le 22 novembre 2011. Franky D. et Jonas K. ont plaidé non coupables, mais le tribunal a rejeté leur argument selon lequel leurs aveux initiaux leur avaient été extorqués sous la contrainte. [29] Le jugement du tribunal souligne également que « [Hilaire N.] aussi reconnaît qu’il pratique l’homosexualité » – bien qu'aucun des procès-verbaux de la police présentés au tribunal ne contenait de preuves qu’il avait reconnu être homosexuel. Hilaire N. avait affirmé à la police qu'il croyait être en compagnie de deux jeunes femmes. [30]
Dans une décision rendue le même jour, le tribunal a condamné les trois accusés, y compris Hilaire N., qui a été jugé par contumace, pour homosexualité. [31] Bafouant la loi camerounaise, le tribunal n'a pas offert la possibilité de plaider les circonstances atténuantes, comme l’avait prévu la défense. [32] Tous les trois ont été condamnés à cinq ans de prison ainsi qu’à une amende de 200 000 francs CFA (environ 400 dollars) chacun. [33]
Les avocats des accusés ont déposé un appel le lendemain. Dans leur argumentaire, ils affirmaient que par son comportement, le juge a enfreint son obligation d'impartialité et de neutralité, qui impose aux magistrats de « rendre justice à toute personne sans rancune.» [34] Ils ont affirmé que :
Le premier juge n’a pas caché sa partialité, voire son homophobie, interpellant les prévenus sur leur goût (en matière) de boisson, leur habitude vestimentaire pour conclure qu’un « homme normal ne porte pas de jupes, ne boit pas du whisky Baileys ou ne porte pas de greffe. » [35]
La défense a en outre développé l’argument selon lequel l'article 347 bis viole la constitution du Cameroun ; que les accusés avaient été placés en garde à vue illégalement, sans autorisation du Ministère public, ce qui n'est permis que dans les cas de flagrant délit ; que la loi contre l’homosexualité ne s'applique que dans les cas de « pénétration du sexe masculin dans l’anus d’un autre homme, ce qui n’est manifestement pas le cas en l'espèce » ; et que leurs clients avaient été maintenus en garde à vue pendant quatre jours avant d'être formellement accusés, en violation de la durée limite de 48 heures. [36]
La Cour d'appel du Centre a tenu une audience d'appel le 20 juillet 2012. Le 7 janvier 2013, après de nombreux ajournements, elle a annulé la condamnation de Jonas K. et de Franky D. Ils ont été relâchés après avoir passé un an et demi à la prison de Kondengui. Les défenseurs des droits humains au Cameroun et à l’étranger se sont réjouis de cette décision, bien que le tribunal n’ait pas encore rendu public ses arguments, ce qui pourrait faire jurisprudence pour interjeter d’autres appels. [37]
Étude de cas n°2 : E.A. et F.M.
Le 23 mars 2010, des gendarmes ont surpris deux hommes, E.A. et F.M., alors qu'ils se disputaient sur la voie publique. Les gendarmes ont interrogé les deux hommes. Selon le rapport de la gendarmerie, F.M. a déclaré qu'ils avaient eu des relations sexuelles tarifées et qu'ils avaient ensuite eu un désaccord sur le paiement. E.A. a affirmé que F.M. avait tenté de le séduire mais qu'il avait refusé.
Les gendarmes ont interpellé les deux hommes, justifiant leur arrestation en affirmant que : « l’enquête effectuée a permis de réunir à l’encontre des intéressés des indices graves et concordants faisant présumer qu’ils ont commis ou tenté [sic] de commettre l’infraction d’homosexualité ». [38] Ils ont détenu les deux hommes sur la base du flagrant délit, bien que ceux-ci n’aient pas été pris en plein acte sexuel.
Les deux hommes ont été déclarés coupables le 14 mai 2010. Ils n'avaient aucune assistance juridique lors du procès. Le temps que leur affaire soit portée à l'attention de l'ADEFHO, la date limite pour interjeter appel était dépassée. Les deux hommes ont purgé leurs peines et ont été libérés fin 2010.
Étude de cas n°3 : Jean-Jacques E., Stéphane M. et John V.
Le 26 mars 2010, la police de Douala a arrêté Jean-Jacques E., Stéphane M. et John V. (un ressortissant australien). En voyage d'affaires, John V. était arrivé la veille, et avait pris une chambre à l'hôtel Méridien, où Jean-Jacques E., un ami depuis plusieurs années, l'avait rejoint.
Le lendemain matin, Stéphane est arrivé à l’hôtel Méridien pour retrouver John et Jean-Jacques pour le déjeuner. Lorsque Stéphane s'est enquis de John à la réception, un réceptionniste lui a demandé : « Qui est John pour vous ? » [39] Stéphane a attendu dans le hall de l’hôtel mais quand ses amis sont arrivés, ils ont été immédiatement interceptés par deux hommes qui se sont présentés comme étant des « inspecteurs de police des services de l’immigration » et leur ont ordonné de les accompagner au bureau de l'immigration.
Stéphane a été séparé de ses amis et interrogé par un agent de l'immigration sur sa relation avec Vasek. L'agent a refusé d'accéder aux demandes de Stéphane d’appeler sa sœur et un avocat. Lorsque Stéphane a nié avoir eu des rapports homosexuels avec John, l'agent l'a menacé :
Vous continuez à jouer au dur, vous ne voulez rien dire mais nous savons ce que vous faites avec le blanc. Si vous ne parlez pas, nous vous garderons ici tout le weekend, personne ne saura où vous êtes et on verra bien si vous ne parlerez pas lundi.
Stéphane avait un rendez-vous chez le médecin cet après-midi-là, pour changer un pansement sur une plaie. Il a expliqué à Human Rights Watch :
J’avais été opéré deux semaines avant et je devais me rendre ce jour-là à l’hôpital à 15h [pour changer] les pansements. Je leur ai signifié cela. Ils m’ont dit tant que je n’avoue pas, les pansements j’y aurais pas droit. Ils m’ont privé à la fois de pansements, de médicaments aussi. [40]
Lorsque Stéphane a continué d’insister, en expliquant qu'il avait récemment subi une opération pour des hémorroïdes, l'inspecteur lui aurait dit : « Voyez ce que vous me dites, ce sont les pédés qui ont des opérations à l'anus, vous êtes un pédé ». [41]
Après plusieurs heures d'interrogatoire par les agents de l'immigration, les trois hommes ont été emmenés devant un commissaire de police judiciaire et interrogés une fois de plus. Les rapports de police montrent que tous les trois ont nié avoir des rapports homosexuels, mais John V. aurait reconnu avoir une fois « câliné » Jean-Jacques E. dans un hôtel en Afrique du Sud, « il y a plusieurs années », tandis que Jean-Jacques E., interrogé séparément, a dit qu’il avait embrassé John V. en Afrique du Sud en 2008. [42] Stéphane continuait de démentir les accusations. [43] Se câliner et s'embrasser ne sont pas des crimes au regard de la loi camerounaise, à plus forte raison si cela se passe hors du Cameroun. Cependant, le commissaire de police Aloys Emmanuel Olgane a, sur la base de ces déclarations, conclu :
Fort de ce qui précède, le délit de pratique d’homosexualité à l’encontre des nommés [John V., Jean-Jacques E. et Stéphane M.] est constant compte tenu des déclarations des uns et des autres. [44]
La police a placé les trois hommes en cellule. Stéphane s'est vu refuser pendant trois jours l'accès à un médecin pour changer les pansements sur sa blessure. [45] Le lundi 29 mars, les trois hommes ont été amenés au Parquet, où ils ont été remis en liberté sous caution.
Le 7 juin 2010, Alice Nkom, leur avocate, a déposé un recours, demandant l'abandon des poursuites en raison de violations des procédures légales. Selon ses arguments, l'arrestation de ses clients et leur placement en garde à vue dans les locaux de la police étaient infondés ; la loi ne permettait pas que des agents de l'immigration « se substituent aux officiers de police judiciaire pour procéder à des arrestations sans mandat, sans plainte» ; et la police des frontières avait émis un document selon lequel elle remettait John V., seul, entre les mains de la police judiciaire, sans produire de trace écrite correspondante concernant les arrestations de Jean Jacques E. et de Stéphane M. Elle a également argué que l'article 347 bis était contraire à la constitution. [46] Le tribunal n'a jamais répondu à ces arguments, en violation de l'article 382(4) du Code de procédure pénale. [47]
Les trois hommes ont été jugés par contumace le 7 mars 2011. Tous trois avaient fui le Cameroun avant l'ouverture du procès et, de ce fait, ils n'avaient pas d'assistance juridique. Le verdict du procès n'est pas connu.
Affaires dans lesquelles un appel a été interjeté après un verdict de culpabilité
Étude de cas nº4 : Marc-Henri B. et Bruno E.
Marc-Henri B. et Bruno E. ont été arrêtés avec un colocataire, Clément N., le 26 septembre 2010, après qu'un quatrième colocataire, Emmanuel M., ait été accusé d'avoir volé un ordinateur portable à la femme qui leur louait leurs chambres.
Marc-Henri B. et Bruno E. sont toujours stupéfaits par les circonstances dans lesquelles une affaire de vol d'ordinateur est devenue une affaire d'homosexualité. Selon ces deux hommes, Emmanuel M. avait été arrêté plusieurs jours auparavant pour vol. Des gendarmes se sont présentés chez eux le 26 septembre, et ont déclaré vouloir faire une perquisition à la suite de l’arrestation de Emmanuel M. Les deux hommes ont fait entrer les gendarmes dans la maison, estimant n'avoir rien à cacher. Mais les gendarmes ont adopté une attitude de confrontation dès le début. [48]
Marc-Henri B. a décrit ainsi à la CAMFAIDS et à Human Rights Watch sa surprise devant la tournure prise par les événements, qui ont abouti à son arrestation et à celles de Bruno E. et de Clément N. Il se souvient :
Cela a commencé par une histoire d'ordinateur portable et c'est devenu une affaire d'homosexualité. Dans la même soirée nous avons été emprisonnés.
Quand les gendarmes sont arrivés… ils ont dit qu'ils étaient venus au sujet de l'ordinateur et que s'ils trouvaient de la drogue, ils arrêteraient tout le monde. Ils n'ont rien trouvé [en matière de drogue] mais ils nous ont dit de les suivre pour un supplément d'information. Ils n'avaient pas de mandat. C'étaient quatre gendarmes du SED [le Secrétariat d' É tat à la défense] . Nous les avons suivis jusqu'au poste.
Ils nous ont posé des questions. Ils avaient trouvé des préservatifs et du lubrifiant dans la maison et c'était pourquoi ils nous avaient demandé de les suivre. Chacun de nous a été emmené dans un bureau différent. Ils ont demandé : « ‘Glisse entre mecs’, qu'est-ce que c'est que ça ? » J'ai répondu : « Je n'en sais rien. J'habite dans la maison mais ces préservatifs et lubrifiants ne sont pas à moi » [49]
Ils m'ont demandé: « Depuis quand êtes-vous homosexuel ? », J’ai rétorqué : « Pourquoi me posez-vous ce genre de questions ? » … J'ai refusé de répondre aux questions. Ils nous ont accusés de sortir avec des ministres [du gouvernement]. Ils ont demandé: « Comment s'appelle le ministre avec qui vous sortez ? » Je ne suis jamais sorti avec des ministres … Ils nous ont placés en garde à vue. [50]
Les procès-verbaux de l'enquête préliminaire de la gendarmerie indiquent que quand Emmanuel M. a été fouillé lors de son arrestation, on a trouvé sur lui « des préservatifs et du lubrifiant étiqueté ‘glisse entre mecs’ avec la mention 'GAY à usage homosexuel' », et que Emmanuel M. leur a dit avoir reçu les préservatifs et le lubrifiant de ses colocataires. [51] Ceci a conduit les gendarmes à demander au Procureur de la République l'autorisation d'enquêter sur des « soupçons de pratiques homosexuelles » de la part de Marc-Henri B., Bruno E. et Clément N.
Selon le récit de Marc-Henri B., les trois hommes ont été détenus à la Brigade du Lac, apparemment sur la base de la découverte de préservatifs et de lubrifiant, et ont été interrogés sur leurs prétendues pratiques homosexuelles. Les procès-verbaux, rédigés par le capitaine Dieudonné Donfack et par le maréchal Yougouda Sambo, indiquent que parmi les questions posées à Marc-Henri B. figurait celle-ci : « À quel réseau homosexuel appartenez-vous ? » Bruno E. Efaaba a également été questionné sur son appartenance à un « réseau gay ». [52] Marc-Henri B. et Bruno E. ont tous deux refusé de signer les procès-verbaux dressés par les gendarmes, des documents qui prétendent que les deux hommes ont reconnu avoir eu des rapports homosexuels dans le passé.
Après plus d'une semaine de détention, le 4 octobre, Marc-Henri B., Bruno E. et Clément N. ont été amenés chez un médecin militaire, Annie Ngabala, pour subir des examens anaux. Le rapport du Dr. Ngabala affirme que l'un des trois hommes « semblait normal » mais que « le toucher rectal révèle une vacuité rectale qui laisse néanmoins un doute quant à une activité sexo-rectale » ; qu’un autre présentait des lésions anales et « une béance rectale le tout évoquant une grande et vieille activité sexo-rectale » ; et que le troisième avait « quelques bourrelets et une béance évoquant certes une activité sexuelle mais modérée. » [53]
En dépit des descriptions détaillées de la cavité anale des trois hommes par le Dr. Ngabala, Marc-Henri B. et Bruno E. affirment que les examens anaux n’ont jamais eu lieu. Selon Marc-Henri B. :
Elle ne m'a pas touché, elle m'a simplement regardé. Elle m'a posé des questions comme « Pourquoi faites-vous ça? Vous vous détruisez. » Puis on nous a ramenés à la gendarmerie. [54]
À ce moment-là, la limite légale de la détention préventive – 48 heures au Cameroun – était dépassée depuis longtemps. Peut-être soucieux de produire des preuves justifiant les arrestations, l'inspecteur, Yougouda, a giflé Marc-Henri B. à plusieurs reprises, selon les déclarations faites par Marc-Henri B. à la CAMFAIDS et à Human Rights Watch. Les deux hommes ont affirmé que les gendarmes leur ont demandé des pots-de-vin en échange de leur libération, qu’ils n’ont pas versés. Clément N. a été relâché, pour des raisons inconnues.
Le 5 octobre, Marc-Henri B., Bruno E. et Emmanuel M. ont été présentés au Parquet. Là, Emmanuel M. a été libéré. [55] Dans chacun des trois cas, le Parquet a estimé que le dossier de la gendarmerie manquait de preuves suffisantes pour incriminer les hommes. Toutefois, au lieu d’ordonner leur libération, le procureur a ordonné que Marc-Henri B. et Bruno E. soient remis en détention et que l’on remette le dossier aux gendarmes pour des « informations approfondies ». Les deux hommes ont été détenus au commissariat de police pendant une nuit, puis renvoyés à la brigade de gendarmerie. [56]
Le 7 octobre, les deux hommes ont été emmenés à la prison Kondengui. Le procureur a signé un mandat de détention provisoire, en violation du Code de procédure pénale du Cameroun, qui stipule que les procureurs ne peuvent signer un tel mandat qu'« en cas de flagrant délit. » Dans tout autre cas, un juge doit autoriser une détention provisoire. Alice Nkom a déposé un recours contestant la légalité de la détention provisoire, mais le tribunal l'a rejeté. [57]
Le procès s'est déroulé le 24 décembre 2010. Le 28 janvier 2011, une juge a déclaré les deux hommes coupables d’« homosexualité » et a condamné Marc-Henri B. et Bruno E. à six mois de prison et à une amende de 39 300 francs CFA (78,60 dollars). En annonçant le verdict, la juge n'a pas donné lecture de la totalité du jugement et n'a pas expliqué sur quoi se fondait la condamnation des deux hommes, selon leur avocat, Michel Togué. Celui-ci a expliqué : « La loi dit que le juge est tenu de lire le jugement dans son intégralité mais d'habitude, ils se contentent de lire les dispositifs du tribunal – comme dans cette affaire. J'ignore si les préservatifs ont été admis comme pièces à conviction ».
Bruno E. est convaincu que la juge savait que les accusations étaient sans fondement mais qu’elle se sentait obligée de prononcer une condamnation :
Le tribunal a tout rejeté mais m'a quand même condamné à six mois de prison. Peut-être est-ce parce qu'on a beaucoup parlé de cette affaire. Il y avait des pressions sur eux. La juge voulait se protéger ; elle n'a pas voulu prendre de risques. [58]
Le 15 février 2011, Michel Togué a fait appel du verdict. Mais aucune audience d'appel n'a jamais été programmée et, plus étonnant encore, près de deux ans plus tard il n'y a toujours pas de version écrite du jugement. [59]
Marc-Henri B. et Bruno E. ont été libérés le 7 avril 2011.
Quand la CAMFAIDS et Human Rights Watch ont exprimé leurs préoccupations à propos de cette affaire au chef de la police camerounaise Martin Mbarga Nguélé — soulignant que de telles arrestations, en créant un précédent de l'utilisation de préservatifs et de lubrifiant comme preuve d'une activité criminelle, pourraient avoir un effet négatif sur les efforts de prévention du VIH/SIDA auprès des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes – Mbarga Nguélé leur a répondu : « Nous avons de gros problèmes à résoudre en Afrique. Ce n’est pas le problème, les préservatifs ». [60]
Étude de cas n°5 : Roger M.
Roger M. a été arrêté le 2 mars 2011 sur la base d'une série de messages texto envoyés à C.F. Dans le premier de ces messages, il avouait son « envie de coucher avec un homme » ; dans un deuxième message il proposait que Roger et C.F. parlent des sentiments de Roger, et un troisième message déclarait : « Je suis tombé amoureux de vous ».
C.F. s'est plaint auprès de la gendarmerie, et a convenu avec les gendarmes qu’il inviterait Roger M. chez lui afin qu’ils puissent l’arrêter. À ce stade, selon l’avocat de Roger, Michel Togué, il n'y avait aucune preuve qu'un crime quelconque avait été commis au regard de la loi camerounaise, puisqu’aucun des messages envoyés à C.F. ne constituait une preuve d’un réel comportement homosexuel ni même d’une tentative. [61] Néanmoins, des gendarmes se sont rendus ce soir-là au domicile de C.F. et ont arrêté Roger, sans mandat.
Roger a été placé en détention, au cours de laquelle il affirme avoir été battu. Il se souvient :
J'ai passé sept jours à la brigade. Je n'ai pas eu accès à un avocat. Je n'avais aucun moyen d'appeler mes amis. Personne ne savait où j'étais. Ils me convoquaient constamment pour m'interroger mais je refusais.
J'ai été battu le troisième jour, après avoir refusé de parler les deux premiers jours. Ensuite, ils ne m'ont plus rappelé avant le 7ème jour.
L’enquêteur… a appelé son ami, un gendarme, pour me frapper. Le gendarme m’a donné des coups de poings sur la bouche. Il continuait de me frapper et a déchiré ma chemise. Ils ont jeté mes chaussures. Quand j'ai été présenté au Parquet, j'étais pieds nus, comme un bandit. [62]
Selon le rapport des gendarmes, Roger avait avoué avoir eu des rapports sexuels avec trois hommes par le passé. [63] Les trois hommes ont été convoqués pour un interrogatoire ; un seul d’entre eux, J.T., y a consenti. Il a nié avoir eu des rapports sexuels avec Roger. Le « rapport d’enquête » des gendarmes accuse Roger d’homosexualité en s’appuyant sur le fait qu’il aurait eu des rapports homosexuels avec J.T. et deux autres personnes ; cependant, la page suivante du même document fait état de la conclusion contradictoire des gendarmes que J.T. n’a pas eu de rapports sexuels avec Roger. J.T. n’a pas été arrêté. Les deux autres « suspects » n’ont jamais été interrogés. [64]
Roger a également été accusé de « tentative d'homosexualité » au motif qu'il avait « tenté d'avoir des relations sexuelles avec C.F. » Le procès-verbal d'enquête des gendarmes affirme que « les actes de [Roger M.] n’ont manqué leur effet que par des circonstances indépendantes de sa volonté, notamment la réticence de [C.F.] » sans fournir aucun fondement à la supposition que l’intention de Roger eut été d’avoir des rapports homosexuels. [65]
Le 7 mars, trois jours après l’expiration de la durée légale de la détention préventive, la gendarmerie a envoyé une lettre au procureur, demandant l'autorisation de maintenir Roger M. en détention pendant 96 heures de plus, « afin de poursuivre l'enquête ». [66] Il a finalement été déféré au Parquet le 9 mars. Il a relaté : « Tout le monde dans la salle d'audience a commencé à crier et à m'insulter – même le juge, M. Dairou, et le procureur ». [67]
Le procès s'est déroulé le lendemain. Roger n’a pu bénéficier d’aucune assistance juridique. Ses messages SMS ainsi que les courriels dans sa boîte aux lettres électronique, ont été présentés comme pièces à conviction. Il se rappelle : « Ils ne m'ont pas posé de questions. Quand je me suis levé pour aller à la barre, ce n'étaient que cris et insultes ». [68]
Roger M. a été déclaré coupable le 28 avril 2011 et condamné à trois ans de détention à la prison Kondengui. L’avocat Michel Togué, ayant eu connaissance de l’affaire de Roger à son audience de détermination de la peine, a repris la défense de Roger et a fait appel du verdict le 3 mai, contestant les éléments de preuve sur lesquels était fondée la condamnation ; il a argué que « le premier juge fonde sa décision sur de simples SMS en l’absence de la simple tentative de commission de l’infraction, le requérant n’étant coupable que de l’envoi desdits messages». [69]
En effet, le jugement révèle que sa condamnation a été fondée uniquement sur les messages SMS et sur le prétendu aveu par Roger qu'il « avait eu des relations sexuelles avec plusieurs hommes ». [70] Le tribunal a affirmé qu'un courriel trouvé dans la messagerie électronique de Roger constituait une preuve supplémentaire de son homosexualité mais les procureurs n'ont fourni aucune preuve de l'identité de l'expéditeur. [71] Un aveu ne peut à lui seul servir de fondement à un verdict de culpabilité, selon le ministère de la Justice. [72]
Michel Togué a également déposé un recours demandant que Roger, étudiant en master à l'université, soit libéré sous caution pendant la procédure d'appel afin de poursuivre ses études. Ce recours a été accepté le 16 juillet 2012 et Roger a été mis en liberté provisoire alors que sa procédure d’appel était en attente. Cependant, le 17 décembre, la Cour d’appel du Centre a maintenu la condamnation de Roger. Des sources au Cameroun indiquent qu’actuellement Roger se cache. Ses avocats ont déposé une demande d’appel auprès de la Cour Suprême.
Affaires en instance devant le Tribunal de première instance ou en attente d'appel de questions préliminaires
Étude de cas n°6 : L.I.
Le 28 août 2010, une responsable de la municipalité de Kribi a informé le Bureau de liaison de la Direction générale de la recherche extérieure (DGRE) que son jeune frère, M.B., faisait l'objet de « harcèlement » de la part de L.I., un chef de village, qui lui avait « fait une déclaration d'amour ». Au cours des jours suivants, elle a affirmé que L.I. appelait son frère « régulièrement » et qu'il lui avait proposé de l'argent en échange de rapports sexuels.
Bien que M.B. n'ait jamais porté plainte pour harcèlement, les agents du renseignement ont décidé de tendre un piège à L.I. Ils ont demandé à M.B. de prendre rendez-vous avec L.I. et de les tenir informés.
Le 31 août, des agents du renseignement ont suivi M.B. et L.I. à l’endroit du rendez-vous, une plage isolée dans une zone appelée Nziou, et ils ont encerclé la zone. Selon le rapport de la DGRE :
Une fois sur les lieux, M. I… s’est déshabillé et a voulu passer à l’acte lorsque les éléments du Bureau de Liaison de la DGRE sont sortis de leur cachette et ont maitrisé le susnommé qu’ils ont conduit tout nu au Bureau de Liaison sur demande du Chef dudit service…. Après quelques photos faites par le Commandant de Compagnie, M. I… a été autorisé à se vêtir. D’autres photos ont également été prises sur les lieux d’opérations à Nziou.
Les agents du renseignement ont ensuite remis L.I. à la compagnie de gendarmerie de Kribi. [73] Un rapport de la gendarmerie confirme que L.I. a été contraint de marcher nu depuis la plage jusqu’au Bureau de liaison. [74]
Les gendarmes ont inculpé L.I. d'« outrage à la pudeur » et de « tentative d'homosexualité ». [75]
Cette affaire a été marquée par de nombreux vices de procédure, notamment le fait que des agents du renseignement extérieur n'ont aucun mandat pour enquêter sur des crimes de droit commun. En outre, le traitement de L.I. par les agents du renseignement — qui l'ont forcé à marcher nu depuis la plage jusqu’au Bureau de la DGRE — constitue un traitement dégradant au regard de la Convention contre la torture, dont le Cameroun est un État partie. [76]
L.I. a également affirmé à son avocat qu'il avait été contraint de se déshabiller par les agents de la DGRE qui l’avaient frappé lors de l'arrestation. Son dossier contient un rapport médical signé par le Dr. Pierre Ngué Ngué, daté du 2 septembre 2010, indiquant qu'il a reçu des soins pour une ecchymose à la lèvre supérieure ; selon le rapport, « Le patient indique qu'il a été frappé par deux hommes le 31/08/10 vers 21h00. » [77]
Les accusations portées contre L.I. sont sujettes à caution. L’« outrage à la pudeur » contre un adulte n'est applicable que lorsque l'autre partie n’est pas consentante, mais aucun acte n’a eu lieu auquel M.B. n'ait pas consenti. Le procès-verbal de M.B. indique qu'il a demandé à L.I. de se déshabiller, puis s’est lui-même déshabillé partiellement ; clairement, rien de tout cela ne s’est produit sans consentement. [78] L.I., de son côté, affirme qu'il a été contraint de se déshabiller par des agents du renseignement. Selon Michel Togué, la « tentative d'homosexualité » ne pourrait être une accusation valide que si les procureurs pouvaient prouver que le rapport de gendarmerie affirme que L.I. « avait la ferme résolution d’avoir des rapports sexuels » avec M.B. mais le rapport ne présente pas d'éléments de preuve à cet effet. [79]
L'avocate de L.I., Alice Nkom, a déposé un recours demandant l'abandon des poursuites à cause du caractère anticonstitutionnel de l'article 347 bis. Le 18 janvier 2011, le tribunal s'est déclaré incompétent pour statuer sur la constitutionnalité de l'article. Alice Nkom a fait appel de cette décision mais n'a pas pu en assurer le suivi, l'affaire ayant été renvoyée devant la Cour d'Appel d'Ebolowa, loin de Douala. Une audience dans l'affaire était prévue à Ebolowa le 19 mars 2013.
Étude de cas n°7 : Samuel A. et A.N.
Samuel A., un adulte, et A.N., un mineur de 16 ans, ont été arrêtés le 25 juin 2012 par des policiers du Groupe mobile d'intervention N° 2 de la zone du Littoral, à Douala.
Selon les procès-verbaux de police, Samuel A. et A.N. se sont rencontrés sur un site internet et ont pris rendez-vous au domicile de Samuel. Après qu’ils se soient livrés à des « ébats sexuels », A.N. aurait demandé de l'argent à Samuel, qui aurait refusé de le payer mais a accepté de lui donner son ordinateur portable en gage de futurs paiements. A.N. aurait quitté la maison avec l'ordinateur portable. Samuel l'aurait alors poursuivi dans la rue, l'accusant de vol. Un attroupement de personnes s'est formé et elles ont tenté de lyncher A.N. mais la police est arrivée et l'a soustrait à la foule. Lorsque les policiers ont réalisé que l'altercation « trouvait son origine dans un différend qui oppose ce couple homosexuel », ils ont arrêté Samuel et A.N. Ils ont ensuite inspecté l'ordinateur portable et ont déclaré avoir découvert des photos de Samuel dans des postures homosexuelles. [80]
Samuel A. et A.N. ont été tous deux gardés à vue dans les locaux de la police pendant huit jours, au-delà de la limite légale de 48 heures. Selon Samuel, il a été passé à tabac par les policiers :
Au commissariat, j'ai été bastonné par les policiers, à coups de matraque et de ceinture. Ils m'ont frappé parce qu'ils ont vu les photos. Ils m'ont interrogé, me demandant comment j'avais commencé et avec qui je sortais. Je leur ai dit que je voulais voir un avocat. Ils ne m'ont pas écouté.
J'ai été détenu par la police pendant des jours … Ils m'ont enfermé nu, dans une cellule avec d'autres détenus. Je dormais nu sur le sol. [81]
Pendant tout ce temps, Samuel A. n'avait pas été autorisé à contacter sa famille. [82]
Le 2 juillet, Samuel A. et A.N. ont été déférés au Parquet. Tous deux ont été accusés d'homosexualité et Samuel d'« outrage sur mineur ». Ils ont été transférés à la prison New Bell de Douala. À la suite d'une requête de son avocat, Michel Togué, Samuel a été libéré sous caution le 6 novembre. [83] Samuel a affirmé qu’A.N.avait été libéré peu de temps auparavant. Les chercheurs ne sont pas parvenus à le joindre. Les accusations contre Samuel et A.N. sont toujours en instance au moment de la rédaction de ce rapport.
Du fait qu’A.N. est un mineur de 16 ans, Samuel a été accusé de deux crimes distincts : outrage sur mineur et homosexualité. L'homosexualité avec des mineurs âgés de 16 à 21 ans est punie par un doublement des peines de prison pour conduite homosexuelle encourues par les personnes au-dessus de cet âge. [84] Par conséquent, Samuel encourt une peine pouvant aller jusqu'à dix ans d’emprisonnement, le double de la peine d’incarcération qu’il aurait reçue s’il avait eu des relations sexuelles avec un adulte de sexe masculin. Les adultes qui se livrent à des relations sexuelles consenties avec des mineurs âgés de 16 à 21 ans du sexe opposé n’encourent aucune sanction pénale, une contradiction qui met en évidence le caractère discriminatoire des lois du Cameroun.
Alors que Samuel était en prison, sa femme est morte à la suite d'un accident de moto. Il n'a pas été autorisé à sortir de prison pour assister à ses obsèques. [85]
Étude de cas n°8 : Esther B. et Martine A.
Le 9 février 2012, un homme du nom de Philémon A. a signalé à la gendarmerie qu’une femme était venue le voir la veille sur son lieu de travail pour lui dire de tenir sa femme, Léonie D., à l'écart de son « mari », Esther. Philémon A. a porté plainte contre « Esther et compagnie » pour diffamation et homosexualité. [86] Le même jour, Philémon, accompagné d'un gendarme, s'est rendu au domicile où Martine A. – la femme qui se serait rendue sur le lieu de travail de Philémon – vivait avec Esther B. Le gendarme était muni de convocations non remplies. Il a réclamé leur pièce d'identité aux deux femmes et a noté leurs noms sur les convocations, qui leur demandaient de se présenter à la brigade de police le lendemain matin.
Le lendemain, des gendarmes ont interrogé les trois femmes. Léonie D. a affirmé que Martine A. l'avait diffamée en disant à son mari qu'elle couchait avec une femme. Selon les procès-verbaux de leurs interrogatoires, Léonie a été questionnée pour savoir si elle avait eu des rapports homosexuels avec Esther, ce qu'elle a nié. Esther aurait en revanche reconnu avoir eu des relations homosexuelles avec les deux autres femmes.
Le capitaine de gendarmerie Jean-Claude Zé Mvélé a mis les trois femmes en état d'arrestation sur présomption d'homosexualité. [87] Leur arrestation s'est faite en violation du Code de procédure pénale camerounais car elle n'avait pas été autorisée par un procureur. [88]
Les trois femmes ont été présentées au procureur le 14 février 2012, deux jours après l'expiration du délai légal. Le procureur a libéré Léonie D., en déclarant qu'à ce stade, seules Martine A. et Esther B. étaient accusées d'homosexualité. Elles ont également été mises en accusation pour diffamation. Une note adressée par la gendarmerie au procureur indique qu'en ce qui concerne Djuila, il y avait des « preuves insuffisantes ». [89] Martine et Esther ont été libérées sous caution et convoquées de nouveau au tribunal le 16 février. À l'audience, les deux femmes ont plaidé coupable d'homosexualité.
En mars 2012, l'avocate de Martine et Esther, Alice Nkom, a introduit un recours en nullité de procédure, basé sur les vices de procédure commis lors de leur arrestation et sur la durée de leur détention. Le tribunal a rejeté ce recours. Alice Nkom a ensuite fait appel devant la Cour d'appel du Sud. Au moment de la rédaction de ce rapport, l'appel n'avait pas encore fait l'objet d'une audience. Les deux femmes demeuraient en liberté sous caution, mais les accusations pesant sur elles étaient toujours en instance.
Étude de cas n°9 : Joseph O., Séraphin N., N.N. et E.L.
En août 2011, Joseph O. a été arrêté après avoir été dénoncé à la gendarmerie par B.Z., un homme adulte, qui affirmait que Joseph O. lui avait fait des avances. Les gendarmes ont conspiré avec B.Z. pour « surprendre » Joseph O. à son domicile le 16 août 2011, « au moment où il tentait d'avoir des relations sexuelles avec [B.Z.] », selon les dossiers du tribunal. [90]
Les gendarmes sont arrivés sans mandat d'arrêt ni mandat de perquisition. Toutefois, les minutes du tribunal indiquent qu'ils sont néanmoins entrés au domicile de Joseph O. et ont perquisitionné, saisissant « plusieurs objets ne laissant aucun doute sur les activités homosexuelles du susnommé ». Ces objets comprenaient des préservatifs et du lubrifiant, décrit par le tribunal comme « du lubrifiant pour l'anus » et « des préservatifs masculins homosexuels » — des conclusions hâtives, étant donné que les préservatifs et le lubrifiant sont utilisés aussi bien par les couples hétérosexuels qu’homosexuels. [91]
Le domicile est inviolable, selon la constitution du Cameroun, et comme noté plus haut, le chef de la police camerounaise a affirmé que la loi contre l’homosexualité ne peut pas s'appliquer aux individus qui ont des rapports homosexuels consentis dans l'intimité de leur domicile. Cependant, c'est précisément ce que les gendarmes ont tenté de faire dans ce cas. B.Z. s'est rendu au domicile de Joseph O. de sa propre volonté et il n'existe aucune preuve dans les documents légaux que Joseph O. aurait tenté de se livrer à des actes sexuels non consentis avec B.Z.
Joseph O. a été interpellé et placé en garde à vue à la brigade de gendarmerie de Yaoundé I. Le lendemain, un membre de sa famille, Séraphin N., s'est rendu à la brigade pour tenter de le voir. Séraphin N. était accompagné de N.N., un orphelin âgé de 17 ans et enfant de la rue recueilli par Joseph O., qui lui avait trouvé un travail sur un chantier de construction. Ils ont tous deux également été arrêtés, sur le soupçon d'homosexualité. Les gendarmes ont ensuite perquisitionné le domicile de Séraphin N. et ont arrêté un autre garçon âgé de 17 ans qui s'y trouvait, E.L., sur les mêmes accusations. [92]
Tous les quatre ont été maintenus en garde à vue à la brigade du 16 au 26 août, bien au-delà de la durée limite de 48 heures prévue par la loi. Joseph O. et l’un des mineurs ont été soumis à des examens anaux par un médecin militaire. [93]
Joseph O. et Séraphin N. ont été initialement inculpés d'homosexualité et d'« outrage à la pudeur d’une personne mineure de 16 ans suivi de rapport sexuels », mais des agents des forces de l’ordre ont constaté plus tard qu’aucun des garçons n’avait moins de 16 ans et ont supprimé ce chef d’accusation. Joseph O. a également été inculpé d'« outrage sur mineur de 16 à 21 ans». N.N. et E.L., tous deux mineurs, ont été inculpés d'homosexualité. [94]
Alice Nkom et Michel Togué, représentant tous les accusés, ont déposé un recours en nullité des poursuites en se basant sur les vices de procédure, dont le non-respect de l'inviolabilité du domicile et les mauvais traitements infligés aux accusés pendant leur détention, notamment des examens anaux et des méthodes d’interrogatoire brutales. [95]
Le Tribunal de Grande Instance du Mfoundi a statué, le 20 juillet 2012, qu'il n'y avait pas eu de violation illégale de l'inviolabilité du domicile et qu'un mandat de perquisition n'était pas nécessaire car les gendarmes avaient « mis au point une stratégie visant à surprendre le susmentionné en flagrant délit d'homosexualité ». Il a affirmé qu'un mandat de perquisition n'est pas nécessaire quand une personne est prise en flagrant délit. Mais quand les gendarmes sont arrivés au domicile de Joseph O., il n'était pas engagé dans un acte homosexuel. [96]
Le tribunal a également statué que l'examen anal imposé à Joseph O. ne constituait pas un mauvais traitement et que « la preuve que les inculpés n’auraient pas bénéficié d’un temps de repos nécessaire entre les interrogatoires, ne ressort nullement de la procédure. » [97]
Le juge a statué que les chefs d'accusation retenus contre Joseph O., Séraphin N. et N.N. justifiaient l'ouverture d'un procès mais qu'il n’y avait aucune preuve contre E.L. [98] N.N. aurait avoué, durant son interrogatoire, avoir eu des rapports homosexuels avec Joseph O., selon les minutes du tribunal. L’unique élément de preuve contre Séraphin N. était l'affirmation par un de ses co-accusés qu'il avait eu des rapports homosexuels avec un tiers, qui n’était pas mineur.
N.N. a été libéré sous caution le 18 juillet 2012. [99] E.L. a été libéré définitivement. Au moment de la rédaction de ce rapport, Joseph O. et Séraphin N. se trouvaient toujours à la prison de Kondengui dans l'attente du procès.
Étude de cas n°10 : E.F., G.M., L.N. et R.X.
Le 26 décembre 2011, un groupe de jeunes hommes à Kumba, petite ville de la région du Sud-ouest, se sont rendus au domicile d'un ami après avoir passé la soirée à boire. Un autre groupe de jeunes hommes du quartier s'est approché pour les espionner à travers la fenêtre. L.N., un jeune homme qui était présent dans la maison ce soir-là, a déclaré que les voisins espionnaient car ils soupçonnaient le locataire de la maison – qui n'était pas présent lors de l'incident – d'être homosexuel.
Les voisins ont frappé à la porte. Quand L.N. et ses amis ont ouvert, les voisins ont prétendu avoir vu deux hommes s'embrasser et ont demandé de l'argent pour prix de leur silence. Comme L.N. et ses amis n'avaient pas d'argent, les jeunes du quartier se sont emparés de force d'une bombonne de gaz trouvée dans la maison, affirmant qu'ils la garderaient en gage d'un paiement ultérieur.
Le lendemain, L.N. a alerté K.X., l'ami dans la maison duquel s'était déroulé l'incident. K.X. a suggéré d’aller trouver les voisins pour récupérer la bombonne de gaz. Quand ils sont arrivés, un groupe d'hommes les a enfermés dans une pièce dans la maison de K.X., et « une vingtaine » d'entre eux sont entrés, selon L.N., tandis que d'autres attendaient à l'extérieur :
Ils ont commencé à nous poser des questions : « Est-ce qu'il se passait des choses dans cette pièce cette nuit-là ? » L'un des gars qui étaient avec nous, R.X., avait 17 ans. Ils ont commencé à le frapper et il a dû avouer. Ils m'ont battu, moi aussi. Ils m'ont accusé d'être le meneur et de corrompre les autres …. J’avais du sang partout.
Le frère aîné de L.N. et un ami sont venus à la maison pour intervenir, et L.N. est rentré avec eux. R.X. est également rentré chez lui. L.N. a raconté :
Quand il est arrivé, le mari de sa sœur l'a frappé à son tour. Il avait entendu dire qu'un incident s’était produit et que nous étions tous impliqués. Il ne savait pas [avant] que nous étions gays.
Le beau-frère de R.X. a alors appelé la police, qui l'a emmené, ainsi qu’un voisin qui, apparemment, était également soupçonné d'être homosexuel. Tôt ce matin-là, vers une heure, la police a également arrêté L.N., ainsi que l'ami de son frère, alors qu'ils étaient assis dans la véranda de sa maison. L.N. a déclaré :
À une heure du matin, j'ai entendu des gens faisant irruption dans le couloir. C'était la police. Ils n'avaient pas de mandat. Ils ne nous ont pas dit pourquoi nous étions arrêtés. Nous avons été emmenés au poste de police. Ils ont pris nos dépositions. J'ai nié qu'il s'était passé une telle chose ce jour-là. Nous avons été incarcérés... Nous sommes restés deux semaines dans une cellule.
Un beau matin, les policiers nous ont emmenés voir le procureur et ils lui ont dit que nous étions, comme on dit, des gays. Il nous a posé des questions – les mêmes questions [que la police avait déjà posées]. J'ai continué à nier .... Le procureur a dit qu'il était censé nous envoyer en prison.
Nous avons été remis en cellule. Au bout de trois jours, la police nous a emmenés à l'hôpital général de Kumba. Un médecin a fait des examens anaux sur nous tous. On ne nous a pas dit quels étaient les résultats. [100]
G.M., un des quatre hommes arrêtés, a affirmé que lors de son interrogatoire « l'inspecteur et le commissaire [de police] nous ont dit ‘Si vous ne signez pas [le procès-verbal], nous allons vous tabasser.’ Nous avons tous signé le PV. Je ne l'ai même pas lu – je n’avais pas la tête claire. » [101]
Dans la façon dont elle a traité R.X., la police a violé la loi camerounaise et internationale de protection des mineurs, notamment la disposition de la loi camerounaise selon laquelle un mineur entre 14 et 18 ans ne devrait pas être maintenu en détention sans enquête préliminaire, et la disposition selon laquelle les décisions de maintenir ou non un enfant en garde à vue devraient être prises dans le meilleur intérêt de l'enfant. [102]
L.N. et ses amis ont ensuite été emmenés à la prison de Kumba, où ils ont été torturés par des gardiens (cf. le chapitre III ci-dessous). Au bout d'une semaine, le 20 janvier 2012, un avocat basé à Kumba, Walter Atoh, a été informé de l'affaire et a réussi à obtenir d'un magistrat que les quatre jeunes hommes soient remis en liberté sous caution. Au moment de la rédaction de ce rapport, l'affaire était toujours en instance mais les accusés n'avaient pas été convoqués pour de nouvelles audiences et Walter Atoh avait bon espoir d'obtenir un non-lieu. [103]
Affaires dans lesquelles les arrestations et les convocations n'ont pas été suivies de poursuites judiciaires
Dans d'autres affaires sur lesquelles les quatre organisations ont enquêté, les forces de l’ordre ont convoqué ou arrêté des personnes soupçonnées d'homosexualité mais n'ont finalement pas entamé de poursuites judiciaires contre elles. Ces cas sont néanmoins révélateurs de la façon dont l'article 347 bis est systématiquement utilisé de manière abusive.
Corruption et systèmes d'extorsion de fonds
Les personnes accusées d'homosexualité versent des sommes d'argent exorbitantes, tant à des agents des forces de l’ordre qu'à des profiteurs privés, afin d'éviter d'être arrêtées sous l'accusation d'homosexualité ou d'obtenir leur libération après une arrestation. [104]
En août et septembre 2011, à au moins trois reprises, un escroc de Yaoundé s'est fait passer pour un homme gay sur des sites de réseaux sociaux, afin d'obtenir des rendez-vous avec des homosexuels, avant de les livrer aux autorités. Dans deux de ces cas, les victimes ont été forcées de verser des pots-de-vin, qui ont été partagés entre l'escroc et les forces de sécurité. La CAMFAIDS a recueilli les plaintes de diverses personnes qui ont été les victimes du même escroc ; l’organisation a découvert qu'il travaillait en liaison avec des agents de la sécurité, dont des gendarmes affectés aux brigades Nlongkak, Étoudi et Melen, et avec des policiers du commissariat du 10ème arrondissement à Bastos.
L'extorsion de fonds à l'encontre d'hommes soupçonnés d'être gays au Cameroun peut s’avérer une activité lucrative, étant donné la combinaison malsaine d’une corruption généralisée et du profond stigma social lié à l'homosexualité. [105] Les victimes, qu'elles soient réellement homosexuelles ou non, sont susceptibles de verser des pots-de-vin en échange de leur liberté. Connaître ses droits et disposer d'une assistance juridique sont deux moyens essentiels de protection auxquels tous les Camerounais n’ont pas accès. Éric O. a décrit à la CAMFAIDS et à Human Rights Watch comment il a échappé de peu à des poursuites judiciaires après qu’un escroc connu sous le nom d’Ékobo a discuté avec lui en ligne, l'a appelé deux fois, puis a organisé un rendez-vous :
Je l'ai retrouvé près du commissariat du 10ème arrondissement, à Bastos. D'abord, il a réclamé [le remboursement] des unités de téléphone qu'il avait dépensées pour m'appeler. Il a dit que je devrais les lui payer en bière. Je lui ai dit que je ne l'avais pas rappelé immédiatement parce que sur internet, les gens ne sont pas sérieux et il y a des escrocs.
Quand Éric a essayé de partir, É kobo l’a attrapé par la chemise et a commencé à tirer dessus, en disant qu’il était dans les Marines.
Nous étions devant le commissariat et il m'a tiré à l'intérieur. Nous sommes arrivés dans l'entrée. Il a dit : « Regardez, en voici un autre ! » J'ai pris mon téléphone pour essayer d'appeler quelqu'un. Un agent de police m'a arraché le téléphone des mains. J'ai dit : « Vous m'arrêtez pour quel motif ? »
Le deuxième adjoint au commissaire de police est venu prendre ma carte d'identité et a dit « Amenez-le dans le bureau. » Il voulait m'intimider et m'a demandé : « Êtes-vous homosexuel ? » J'ai répondu que non. Il a dit : « Vous n'étiez pas au marché central hier ? » J'ai répondu que non. Ékobo avait prétendu qu'un [autre homme] et moi lui avions tendu une embuscade au marché central et que nous avions pris son ordinateur portable. Il a également prétendu que [l'autre homme] lui avait fait des avances et l'avait harcelé sexuellement. J'ai dit : « Je n'ai jamais vu ce type de ma vie. »
É ric O. a passé la nuit au commissariat de police. Le lendemain, il a appelé un avocat qui est venu au commissariat et a déclaré aux policiers qu'ils n'avaient aucune base pour maintenir Éric O. en détention. Après plusieurs heures d'interrogatoire, l'enquêteur a accepté de libérer É ric O., qui a déclaré à la CAMFAIDS et à Human Rights Watch que s'il n'avait pas insisté sur ses droits ou s'il n'avait pas connu un avocat qu'il pouvait appeler, il serait probablement en prison aujourd'hui ou aurait dû payer un pot-de-vin en échange de sa liberté. [106]
Alec S. a expliqué à Human Rights Watch que son ami, Joseph P., avait été arrêté par des gendarmes à Limbé après être tombé dans un piège tendu par un homme avec qui il avait conclu un rendez-vous. Des gendarmes du Bataillon d’intervention rapide (BIR) se sont rendus à son domicile et ont trouvé Joseph P. nu. Ils ont pris des photos de lui et l'ont emmené et placé en garde à vue. Alec a été informé de l'arrestation et s'est rendu à la brigade du quartier de Bota. Il se souvient :
J'y suis allé … pour essayer de le faire libérer. Nous leur avons parlé. Ils ont dit que c'était un crime, que l'homosexualité n'était pas acceptée au Cameroun et qu'ils avaient des photos... L’enquêteur a demandé 100 000 francs CFA [200 dollars]. Nous avons réuni 70 000 francs CFA [140 dollars]. Nous les lui avons donnés et il a libéré [mon ami]. [107]
Les travailleurs du sexe masculins sont particulièrement vulnérables à l'extorsion de la part des agents des forces de l’ordre. Le travail du sexe est pénalisé au Cameroun et la police ramasse fréquemment les travailleurs du sexe masculins et féminins, mais selon Aids Acodev, une organisation qui représente les travailleurs du sexe des deux sexes, les hommes ont tendance à être traités plus sévèrement par les autorités. [108] Un travailleur du sexe masculin a déclaré à Human Rights Watch qu'à la mi 2010, des policiers ont fait irruption dans une chambre dans une maison d'hôtes et l'ont forcé, lui et son client masculin à leur verser 800 000 francs CFA [1600 dollars].
L'extorsion ne prend pas seulement la forme d’une demande directe d'argent. En février 2012, un jeune homme a été dénoncé à la police du 12ème arrondissement de Douala par un homme qu'il avait accepté de rencontrer après une conversation sur Internet. En échange de sa libération, les policiers l'ont contraint à donner des interviews à trois chaînes de télévision dans lesquelles il a prétendu faussement qu'il avait été « recruté » par Alternatives-Cameroun à devenir homosexuel. Après cet incident, Alternatives-Cameroun a dû suspendre temporairement son travail à cause de l'hostilité du public envers l’organisation.
La loi utilisée comme prétexte pour réprimer la liberté d'association
On ne perçoit pas toujours clairement si le harcèlement des personnes LGBT par les agents des forces de l’ordre est dû à leur ignorance de la loi ou bien à une mauvaise interprétation intentionnelle. Quelle qu’en soit la raison, un tel comportement a un effet paralysant sur la liberté d'association et d'expression parmi les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres.
Par exemple, A.M., bien connue comme entraîneur d'une équipe féminine de football et militante des droits des lesbiennes, avait l'habitude de réunir des amis gays, lesbiennes et bisexuels dans un bar de Douala après les matches de football du dimanche. Elle a été convoquée par la police de Douala parce qu'un responsable administratif local la soupçonnait d'« organiser des fêtes homosexuelles », dont le deuxième adjoint au commissaire (A2) a indiqué qu’elles étaient illégales. A.M. a déclaré : « Il m'a dit que je devais faire attention et que s’il ne me connaissait pas, j’aurais été envoyée en prison. » A.M. a fortement modifié ses activités du fait de cet avertissement. [109]
IV. Tortures et mauvais traitements
Dans un grand nombre d'affaires étudiées pour les besoins de ce rapport, les victimes ont affirmé avoir subi des tortures ou des traitements cruels, inhumains ou dégradants de la part de gendarmes, de policiers, d’agents de renseignement, ou de gardiens de prison. Du fait que la plupart des procès pour homosexualité au Cameroun reposent sur des aveux, le risque que les agents des forces de l’ordre aient recours à la torture ou à d'autres mauvais traitements pour obtenir des aveux peut être particulièrement élevé.
Le Cameroun est un État partie à la Convention contre la torture et autres peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants. La torture et les mauvais traitements, dont les passages à tabac, constituent également des violations de la section 30(4) du Code de procédure pénale camerounais. [110]
Le ministère de la Justice insiste sur le fait que « les magistrats camerounais annulent les procédures lorsqu'il est établi que les aveux ont été obtenus par la torture. » [111] Toutefois, aucune des poursuites judiciaires engagées pour homosexualité n'a été annulée pour ce motif.
Tortures et mauvais traitements infligés par des gendarmes
La majorité des tortures ou des mauvais traitements infligés à des personnes présumées gays et lesbiennes que nous avons documentés étaient le fait de gendarmes.
L’un des mineurs arrêtés à Yaoundé a déclaré que quand il avait été arrêté par les gendarmes et interrogé à la brigade du SED : « L’inspecteur m’a frappé sur la plante des pieds, 50 coups avec le côté non tranchant d’une machette. » [112] Une autre personne arrêtée à Yaoundé a également affirmé avoir été tabassé par les gendarmes de la brigade du SED, qui lui ont donné des coups de poing à la bouche, l'ont frappé à plusieurs reprises, ont déchiré sa chemise et jeté ses chaussures. [113]
Thierry O. a indiqué avoir été interpellé par des gendarmes alors qu’il marchait dans la rue avec un autre homme à Douala en septembre 2011 et il a été accusé de tentative d’homosexualité. Il a expliqué avoir été conduit au Camp de la Gendarmerie de Bonanjo où il a été attaché à une chaise. Des gendarmes l’ont frappé à coups de crosse de leurs mitraillettes, à coups de ceinture, et avec le côté non tranchant d’une machette, notamment sur la plante des pieds. Il est resté ligoté à la chaise pendant environ huit heures, selon lui. Après qu’il a été transféré à la police judicaire le lendemain matin, où il a été relâché pour manque de preuves, Thierry n’a pas pu marcher pendant deux semaines. [114]
Alec S. a expliqué à Human Rights Watch comment des gendarmes ont torturé son ami, Joseph P., à Limbé en 2011:
En 2011, vers le mois de juin, Joseph a rencontré un type. Ils sont devenus bons amis. Joseph lui a dit qu'il était gay et qu'il voulait avoir une relation avec lui. Le type lui a dit qu'il n'y avait pas de problème et a proposé qu'ils aillent boire un verre.
Plus tard, l'homme a appelé quatre de ses frères. Deux d'entre eux étaient des militaires, du BIR [Bataillon d’Intervention Rapide]. Ils ont retrouvé Joseph au bar. Ils l'ont emmené au camp militaire Manawa Bay à Limbé. Il a été déshabillé entièrement et torturé. Ils l'ont molesté pendant quatre heures. Ils l'ont frappé avec une ceinture métallique, l'ont fait nager dans un caniveau et ont brûlé des sacs en plastique sur sa poitrine.
Il est rentré à la maison comme cela. Quand il est arrivé, on voyait qu'il avait été bien torturé. Le lendemain matin, je l'ai emmené à l'hôpital. Je lui ai demandé de ne pas porter plainte car nous n'avons pas de droits. Nous, les homosexuels, nous n'avons aucun soutien. [115]
Tortures et mauvais traitements infligés par des policiers
Les organisations ont documenté deux affaires récentes dans lesquelles des suspects ont été maltraités par la police. Comme il est décrit au Chapitre II plus haut, Samuel A. a déclaré à Alternatives-Cameroun, à la CAMFAIDS et à Human Rights Watch que quand les policiers l'ont arrêté, ils l'ont frappé à coups de matraque et de ceinture et l'ont forcé à dormir nu sur le sol. [116]
Jonas K. et Franky D. ont indiqué que lorsqu’ils ont été arrêtés et interrogés, les policiers les ont frappés à coups de matraque et les ont menacés de mort. Ils ont ajouté que les policiers les avaient filmés avec leurs téléphones portables. [117]
Tortures et mauvais traitements infligés par des agents des services de renseignement
Les organisations ont documenté un cas de traitement dégradant de la part d'agents des services de renseignement, décrit au Chapitre II, plus haut. Des agents des renseignements de Kribi, sous les ordres du chef du Bureau de liaison de la DGRE, ont forcé un homme à marcher nu depuis la plage jusqu’au bureau de la DGRE. Ils ont également pris des photos de lui nu à chaque endroit.
Tortures et mauvais traitements infligés par des gardiens de prison
Les jeunes hommes arrêtés sous l'accusation d'homosexualité à Kumba, décrits au Chapitre II, ont été tabassés par des gardiens de prison. Même si les faits ne se sont pas déroulés pendant les interrogatoires ou pendant l'enquête, cela soulève des questions quant aux attitudes discriminatoires des représentants de l'État vis-à-vis des personnes présumées LGBT. G. M. a expliqué :
En prison, nous avons été tourmentés et frappés par les gardiens. Nous aurions pu mourir. Ils nous ont battus continuellement pendant trois jours …. Ils nous frappaient sur les fesses et les jambes avec un gros tube en caoutchouc contenant du câble métallique.
Ils nous ont rasé la tête. La première nuit, nous avons dormi nus, comme punition prolongée. La deuxième nuit, nous avons refusé. Nous étions déterminés. Les prisonniers nous ont soutenus et ont dit qu'ils déclencheraient une émeute si nous ne mettions pas nos vêtements. Les gardiens ont apporté cinq litres d'eau et nous ont forcés à nous coucher sur le sol. Ils nous ont versé l'eau dans la bouche – cinq litres chacun. Nous étions tout près de mourir.
Ils nous ont forcés à chanter une chanson comique dont les paroles veulent dire « Nous faisons l'amour par l'anus », en pidgin. [118]
Examens anaux
Un certain nombre d'hommes soupçonnés d'homosexualité ont été emmenés chez des médecins et contraints de se soumettre à un examen anal. Ces examens sont censés prouver qu'une personne a été pénétrée par l'anus. Mais même quand les médecins effectuant ces examens n’ont trouvé aucune preuve de pénétration, cela n’a pas aidé les accusés au Cameroun. Par exemple, un jeune homme a expliqué à la CAMFAIDS et à Human Rights Watch :
Le lendemain matin, ils m'ont emmené, avec [un autre détenu] à l'hôpital pour voir si nous avions été pénétrés. Une femme a mis des gants et elle a introduit sa main. Elle a dit que je n'avais pas été pénétré. Sur mon PV, ils avaient d'abord écrit que [mon ami] m'avait baisé, mais à cause de cet examen ils ont dit ensuite que c’était moi qui l’avais baisé [mon ami]. [119]
Les examens anaux n’ont pas de valeur scientifique. Selon l’un des rédacteurs du Manuel de l’ONU pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (connu aussi sous le nom de Protocole d'Istanbul), les « examens de la région anale ne permettent en aucun cas de déterminer la pratique du coït anal consensuel . » [120]
Le caractère intrusif de cet examen peut refléter une intention de punir et/ou d'humilier la personne examinée. Quand les autorités d'un État effectuent de tels actes, cela peut être considéré comme équivalant à un traitement cruel et inhumain, ce qui constitue une violation du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ainsi que de la Convention contre la Torture.
V. Autres vices de procédure courants
Au-delà de la torture et des mauvais traitements, les accusés soupçonnés d'homosexualité sont également en butte à un large éventail de vices de procédure. Cependant, dans les affaires que nous avons examinées, ces violations n’entraînent que rarement l'arrêt des poursuites ou quelque autre remède légal, même quand elles ont été reconnues par les tribunaux.
Dépassement du délai légal de garde à vue avant inculpation
Avant d'être inculpés par un tribunal, les suspects accusés d'homosexualité ont passé habituellement plus de temps aux mains des forces de sécurité que les 48 heures de garde à vue prévues par la loi. [121]
Par exemple, à Kumba, G.M., L.N., E.F. et R.X. (un enfant de 17 ans) ont été maintenus en détention dans les locaux de la police pendant deux semaines avant d'être inculpés. Samuel A. et A.N. (un enfant de 16 ans), arrêtés par la police à Douala, ont été gardés à vue pendant huit jours. À Yaoundé, Marc-Henri B. et Bruno E. ont été détenus par les gendarmes pendant au moins neuf jours avant d'être inculpés et incarcérés. Roger M. a été gardé à vue pendant sept jours. Esther B. et Martine A., arrêtées sous l'accusation d'homosexualité à Ambam, ont été détenues à la compagnie de gendarmerie de cette ville pendant quatre jours en février 2012.
Refus du droit à l’aide juridique
Le Code de procédure pénale du Cameroun garantit le droit à un avocat, mais plusieurs des accusés que nous avons interrogés et qui ont demandé à en consulter un au moment de leur arrestation se sont vu refuser ce droit. [122] Par exemple, Samuel A. a déclaré : « Ils m'ont interrogé et m’ont demandé comment j'avais commencé et avec qui je sortais. Je leur ai dit que je voulais voir un avocat. Ils ne m'ont pas écouté. » [123] Stéphane M., dont l'affaire est décrite dans l'étude de cas n° 3 (Chapitre II), s'est également vu refuser le droit de consulter un avocat.
Les agents des forces de l’ordre se sont souvent sentis gênés quand des avocats sont intervenus pour la défense. Joseph M. a appris fin 2011 que la police de Kumba, après avoir arrêté quatre autres hommes présumés gays, le recherchait sur des présomptions d'homosexualité.
J'ai été informé que la police me recherchait … J'en ai parlé à un ami qui est avocat. Il a dit qu'il m'accompagnerait. Quand nous sommes entrés [au poste de police], ils l'ont vu. Ils m'ont demandé si je savais pourquoi j'étais appelé. J'ai répondu : « Non, je ne sais pas. »
L'agent de police a commencé à user d'un langage d'intimidation : « Alors comme ça, vous avez un avocat ? » L'avocat est intervenu : « Est-ce mal pour un citoyen d'avoir un avocat ? » L'avocat et les policiers ont eu des mots. L'avocat a dit : « Si vous avez quelque chose, envoyez cela au tribunal et nous en parlerons là-bas. » Nous sommes partis. Lors de mon passage suivant à Kumba, nous sommes allés au poste [de police]. Nous avons rencontré deux policiers. Quoi qu'ils aient prévu de dire ou de faire, il semble que la présence de l'avocat les gênait. [124]
Refus du droit de contacter sa famille
En plus de se voir refuser le droit à une assistance juridique, plusieurs détenus n'ont pas été autorisés à contacter leur famille, contrairement à ce que garantit l’article 37 du Code de procédure pénale. Stéphane M. a indiqué que la police de Douala lui avait refusé la possibilité d'appeler sa sœur. Jonas K. a dit que durant sa semaine de garde à vue par la police de Yaoundé, il n’avait pas été autorisé à informer ses parents. [125]
L'ADEFHO a documenté une affaire en 2012 dans laquelle les parents d'un mineur arrêté pour homosexualité n'ont eu pendant deux mois aucune idée de l’endroit où il se trouvait. Au moment où il a été libéré de prison, ils avaient déjà accompli les rites du deuil.
Préjugés chez les agents des forces de l’ordre et du système judiciaire
Dans certains cas, les préjugés des agents des forces de l’ordre jouent un rôle dans ce qu'ils considèrent comme « preuve » d'un crime. Lorsque Franky D. et Jonas K. ont été accusés d'homosexualité devant un tribunal de Yaoundé, le président du tribunal a demandé à Franky D. d'expliquer pourquoi il buvait du Baileys, une liqueur, la nuit de son arrestation, et a affirmé que le Baileys étant une « boisson de femme », cela prouvait que Franky D. était homosexuel. [126] Il a également accusé Franky D. et Jonas K. de « parler comme des femmes. » [127]
Le procureur de l'affaire contre Bruno E. et Marc-Henri B. a déclaré aux juges qu'en les arrêtant, il avait « démantelé un réseau d'homosexuels », faisant preuve ainsi de préjugés biaisés sur les homosexuels. [128]
Une personne qui a été poursuivie pour homosexualité a déclaré que les policiers qualifiaient l'homosexualité de « sorcellerie » et d'« abomination » lors de l'interrogatoire, ce qui reflète des préjugés qui pourraient nuire à leur capacité à examiner objectivement les éléments de preuve. [129]
Utilisation des aveux
De nombreuses personnes arrêtées pour homosexualité sont torturées, comme détaillé précédemment, ou intimidées d'une autre manière afin de leur soutirer des aveux. Fréquemment, les « aveux » extorqués aux victimes ne constituent pas un assentiment que des crimes ont été réellement commis, mais plutôt la simple reconnaissance d’une identité homosexuelle ou le vague souvenir de s'être livré antérieurement à des actes homosexuels. Les éléments indispensables pour qu'un crime soit constitué — en l'occurrence des informations telles que l'identité de la seconde personne, son sexe et savoir si oui ou non l'incident s'est produit dans le délai de prescription — sont absents.
Selon le ministère de la Justice, « non seulement les aveux devront être faits volontairement, mais le tribunal devra s'assurer de la véracité de leur contenu. » [130] Mais dans nombre des affaires étudiées dans ce rapport, des aveux ont été utilisés au tribunal sans être corroborés par des éléments de preuve substantiels, notamment ceux de Roger M. ; de R.X., le mineur arrêté à Kumba ; d'Esther A. et Martine A. ; et dans le cas de Jonas K. et Franky D., qui ont finalement été acquittés en appel.
Corruption
Plusieurs personnes ont fini par être poursuivies en justice pour homosexualité parce qu'elles n'étaient pas en mesure de verser les pots-de-vin considérables exigés par les gendarmes ou les policiers. Dans l'un de ces cas, plusieurs hommes arrêtés en même temps ont passé plus d'une semaine en garde à vue dans une brigade de gendarmerie à Yaoundé. Selon l'un d'eux, les membres de leurs familles sont venus « négocier » leur libération avec le commandant, apportant un total de 450 000 francs CFA (environ 900 dollars). Ils étaient sur le point d'être libérés lorsque le capitaine — supérieur hiérarchique du commandant — a eu vent de la transaction et a ordonné de ne pas les libérer. [131]
Un autre homme détenu dans la même affaire, interrogé séparément, a expliqué : « Les enquêteurs nous ont demandé de l'argent, 500 000 CFA (1000 dollars). C’est le commandant de la brigade qui nous l’a demandé. Il a dit que si nous ne payions pas, nous serions déférés au Parquet. » [132]
Ceux qui ont payé des pots-de-vin, comme Joseph P. à Limbé, dont les amis ont versé 70 000 francs CFA aux gendarmes (voir Chapitre II ci-dessus), ont souvent été libérés.
VI. Au-delà du verdict de culpabilité ou de non-culpabilité : conséquences des procès pour les accusés
Même lorsque les poursuites judiciaires pour homosexualité sont abandonnées ou se soldent par des acquittements, elles peuvent avoir des implications à long terme pour les accusés. Les mises en examen ont eu pour effet secondaire de dévoiler l'homosexualité de nombreuses personnes au Cameroun, avec des conséquences dévastatrices, notamment l’expulsion de la famille ou de la communauté.
Par exemple, lorsque deux lesbiennes présumées ont été arrêtées à Ambam en 2012, et ont été détenues à la brigade de gendarmerie pendant quatre jours, Esther B. a expliqué :
Les autres détenus se moquaient de nous. Ils savaient de quoi nous étions accusées. Des gens venaient constamment à la brigade pour nous voir. On en avait parlé à la radio.
Après leur mise en liberté provisoire, Esther B. et Martine A. sont retournées chez elle et se sont rendu compte que leur propriétaire ne voulait plus leur louer leur chambre. Esther a déménagé dans une autre chambre avec une amie, qui a été ensuite harcelée parce qu’elle « gardait une lesbienne dans sa chambre. » Esther restait à l’intérieur la plupart du temps. Elle a expliqué: « Je suis allée au marché un jour et c’était comme si j’étais une voleuse — les gens m’ont jeté des pierres. » [133] Les deux femmes ont finalement déménagé à Yaoundé, où elles ont pu rester relativement anonymes.
Roger M. nous a déclaré : « Quand nous sortons de prison, nous sommes presque tous rejetés par nos familles et par la société. » Dans son cas il a expliqué :
L’affaire était trop dans les médias. Cela génère des menaces à mon encontre. Tout le monde est contre moi à présent dans ma famille. Ils n’étaient pas au courant [de mon orientation sexuelle] avant. J’ai étudié pour être prêtre, et je suis toujours inscrit comme tel. Je n’ai plus de contact avec ma famille maintenant, à part avec ma tante qui est ma nourrice. Elle me soutient, mais elle a des problèmes avec le reste de la famille pour cela. [134]
G.M., arrêté en décembre 2012 après que deux de ses amis aient été vus en train de s’embrasser, a perdu la possibilité d’étudier. Il a expliqué :
Mes parents ont refusé de me financer [les frais d’école] à cause de ça. Ils disent que je devrais juste me débrouiller et gagner ma propre vie. Avant ils ne savaient pas que je suis gay…. J’ai des problèmes aussi avec mon frère. Il ne veut pas me voir à cause de ce qui est arrivé. [135]
Parmi les personnes qui ont passé du temps en prison sur des accusations d’homosexualité, plusieurs d’entre celles avec qui nous nous sommes entretenus pour ce rapport portaient les cicatrices physiques des violences endurées en prison. Roger M. présente une petite cicatrice au sourcil. Il a expliqué à l’ADEFHO, à la CAMFAIDS et à Human Rights Watch :
J’ai cette blessure à cause d’un détenu dans ma cellule qui était très violent et qui disait que je devais quitter sa cellule. Il m’a frappé plusieurs fois. La dernière fois, il a essayé de me frapper à la tête avec un banc [tabouret en bois]. J’ai esquivé le coup et j’ai été touché au front et au sourcil. Je suis quand même resté dans la même cellule.
J’ai passé 17 mois en prison. Pendant tout ce temps il y avait de la violence [contre moi]. [136]
Un accusé a été violé à plusieurs reprises en prison, ce qui a entraîné des dommages tant physiques qu’émotionnels. Il a aussi été battu si violemment qu’il a eu une côte fracturée. [137] Les gardiens de prison n’ont même pas essayé d’arrêter le viol collectif et l’agression, et personne n’a été puni pour cela, ce qui souligne une autre triste ironie de la loi camerounaise : les gens sont condamnés à une peine de prison pour des relations sexuelles consenties, mais une fois en prison, des prisonniers qui ne sont pas considérés comme « homosexuels » peuvent les persécuter sexuellement en toute impunité.
Un autre accusé, libéré de prison en 2011 après avoir purgé une peine pour homosexualité, souffre aujourd’hui de dépression et de crises de violence incontrôlables. Il bénéficie d’une assistance psychologique, mais pense qu’il ne peut pas parler de son orientation sexuelle avec son thérapeute, ce qui pourrait créer un obstacle de plus à son rétablissement. [138]
VII. Menaces contre des avocats de la défense
Comme le démontre ce rapport, l’accès à la justice est difficile pour de nombreuses personnes accusées d’homosexualité. Les menaces récentes contre certains avocats de la défense ayant représenté des clients dans des affaires d’homosexualité constituent une nouvelle menace pour le droit à une assistance juridique. Ces avocats avaient déjà reçu ponctuellement des menaces par le passé, mais le harcèlement systématisé au cours des derniers mois, associé à l’inertie de l’ É tat, suscitent de sérieuses inquiétudes quant à l’engagement du gouvernement camerounais à garantir le droit à une assistance juridique.
Depuis le 18 octobre 2012, Maître Alice Nkom et Maître Michel Togué ont reçu une série de menaces anonymes par téléphone portable et email liées à leur travail sur des affaires d’homosexualité très médiatisées. Un message SMS envoyé à Togué menaçait ses enfants d’âge scolaire et l’avertissait qu’il devait arrêter de défendre des personnes accusées d’homosexualité. Un message électronique adressé ultérieurement à Togué avertissait : « Dans ce pays il n’y a pas de place pour les pédés et leurs défenseurs », et un troisième message le menaçait que s’il n’arrêtait pas de « défendre ses idées de pédé » il risquerait « d’être au chevet d'un de [ses] enfants mourant. » L’expéditeur a joint des photos à l’un de ces messages, où l’on voyait les enfants de Togué quitter leur établissement scolaire. [139]
Un courriel électronique adressé à Alice Nkom déclarait : « Si tu n’arrêtes pas tu verras » et la prévenait que « Ce sera sanglant » ; il contenait aussi des menaces contre les enfants d’Alice Nkom. Un autre message, menaçant ses clients, annonçait : « Il nous reste seulement[à trouver] leur domicile… les quartiers sont déjà entre nos mains. » [140]
Michel Togué a déposé une plainte auprès de la police de Yaoundé, et Alice Nkom a porté plainte auprès des procureurs de la république à Yaoundé et Douala. Cependant, bien que les menaces se soient calmées pendant plusieurs jours, elles ont redoublé d’intensité à l’approche d’une audience d’appel pour Roger M. le 19 novembre. L’épouse de Michel Togué a également reçu des menaces de violences par téléphone. Au moment de la rédaction de ce rapport, les autorités camerounaises n’avaient encore pris aucune mesure pour dénoncer publiquement les menaces ou pour assurer la protection de Michel Togué et d’Alice Nkom. Le manque de réaction aux plaintes soulève des doutes quant à la volonté du gouvernement camerounais de garantir à tous les citoyens l’accès à une procédure régulière.
VIII. Conclusion
Les nombreux vices de procédure ainsi que d’autres violations des droits humains qui touchent les personnes accusées de relations homosexuelles au Cameroun exigent une attention urgente. Le gouvernement camerounais devrait reconnaître que la loi est sujette à des abus généralisés.
Il existe de grandes contradictions entre le discours des agents des forces de l’ordre—comme lorsqu’ils prétendent que le seul objectif de la loi est de punir ceux qui se livrent à des rapports sexuels en public—et la réalité de l’article 347 bis en vertu duquel des personnes innocentes sont piégées, espionnées par leurs voisins, soumises à l’extorsion et à la corruption, battues par la police et les gendarmes, humiliées par des examens anaux sans valeur, violées en détention, reniées par leur parents à la suite des arrestations, et marquées émotionnellement par des confrontations traumatisantes avec les forces de l’ordre—et tout cela au nom de la justice.
Le président Biya devrait mettre un terme aux arrestations en vertu de l’article 347 bis, relâcher les personnes actuellement en prison sur la seule base de l’article 347 bis, et prendre des mesures immédiates pour modifier la loi.
Dépénaliser les rapports homosexuels consentis au Cameroun est un impératif juridique, et une étape indispensable à la restauration des droits et de la dignité pour une partie de la population camerounaise.
Remerciements
Ce rapport a été rédigé par Neela Ghoshal, chercheuse au sein du programme Droits des personnes LGBT à Human Rights Watch. Le rapport s’appuie sur des recherches menées par Neela Ghoshal ; Dominique Menoga et Eric Lembembe de la CAMFAIDS ; Simon Biatch d’Alternatives-Cameroun ; ainsi que par Marc Lamba Lambert, Joseph Achille Tiedjou et Samson Esong de l’ADEFHO. À Human Rights Watch, le rapport a été révisé par Graeme Reid, directeur du programme Droits des personnes LGBT ; Rona Peligal, directrice adjointe de la division Afrique ; Juliane Kippenberg, chercheuse senior au sein de la division Droits des enfants ; Clive Baldwin, conseiller juridique senior ; et Danielle Haas, rédactrice senior au Bureau du programme. Il a également été révisé par Yves Yomb, directeur exécutif d’Alternatives-Cameroun, et Alice Nkom, directrice de l’ADEFHO. José Luis Hernández, associé auprès du programme Droits des LGBT à Human Rights Watch, a assuré la coordination éditoriale et de production et a préparé ce rapport pour sa publication. Grace Choi, directrice du département des Publications et Fitzroy Hepkins, gestionnaire du courrier, ont participé à la conception et à la publication de ce rapport. Ce rapport a été traduit en français par Danielle Serres, avec l’assistance d’Elisa Marrero. La vérification de la fidélité de la traduction a été assurée par Peter Huvos, responsable de la section française du site Internet de Human Rights Watch.
Alternatives-Cameroun, l’ADEFHO, la CAMFAIDS et Human Rights Watch tiennent à remercier les nombreuses victimes d’arrestations et de poursuites judiciaires au Cameroun qui ont accepté de partager avec nous leurs histoires.
Annexe
: Statistiques du
ministère de la Justice
sur les arrestations pour homosexualité
Année |
Nombre d’enquêtes |
Nombre de oursuites |
Nombre d’affaires jugées |
Nombre de condamnations |
Nombre de demandes d’abandon des poursuites/d’acquittements |
Nombre de « victimes » |
2011 |
36 |
12 dans le cadre d’enquêtes judiciaires, 25 par des tribunaux de première instance |
16 |
14 |
2 |
21 hommes adultes ; 8 enfants |
2010 |
27 |
20 |
9 |
8 |
1 |
7 hommes adultes ; 12 enfants |
[1] Alternatives-Cameroun, « Projet Atteintes aux bonnes mœurs » (Projet 347 bis), 2006.
[2] François Ayissi et autres c. Cameroun, Groupe de travail sur la détention arbitraire, Opinion N° 22/2006, Doc. ONU A/HRC/4/40/Add.1 à 91 (2006), conservé par Human Rights Watch.
[3] Loi No. 96-06 du 18 janvier 1996 amendant la Constitution du 2 juin 1972, Constitution de la République du Cameroun, art. 26 (6). Le Cameroun est un É tat bilingue, et il existe des versions officielles de la constitution en anglais et en français. Dans la version anglaise de ce rapport, nous nous appuyons sur la version anglaise de la Constitution, tandis que dans la version française du rapport, nous nous appuyons sur la version française de la constitution.
[4] Entretien de Human Rights Watch avec Michel Togué, New York, 8 janvier 2012 ; « L'avocate camerounaise Alice Nkom se livre sur Yagg », Bonaberi.com, 22 avril 2012, http://www.bonaberi.com/ar,l_avocate_Cameroonaise_alice_nkom_se_livre_sur_yagg,7709.html (consulté le 14 janvier 2013).
[5] En 2006, un journal a publié une liste des « 50 homosexuels les plus célèbres » du Cameroun. Par la suite, cette liste a été reproduite ou utilisée comme référence dans au moins 34 articles de presse parus dans 19 publications. Elle contenait les noms de politiciens en vue et d'autres personnalités publiques. Le président Biya a appelé les médias à faire preuve de davantage de respect pour la vie privée des individus. Mais, quoiqu'il n'y ait pas eu depuis lors de nouvel incident de cette ampleur, les médias continuent de publier des articles à sensation sur de prétendus gays et lesbiennes. Entretiens avec Human Rights Watch, à Yaoundé et Douala, octobre 2012 ; voir aussi Alternatives-Cameroun, « Projet Atteintes aux bonnes mœurs » (Projet 347 bis), 2006, p. 3.
[6] « Cameroon archbishop calls same-sex marriage crime against humanity », Reuters, 25 décembre 2012, http://www.reuters.com/article/2012/12/25/us-cameroon-homosexuality-idUSBRE8BO05O20121225 (consulté le 14 janvier 2012).
[7] Entretien de la CAMFAIDS et de Human Rights Watch avec un représentant de Humanity First (Humanité d'abord), Yaoundé, 13 octobre 2012.
[8] Entretien de la CAMFAIDS et de Human Rights Watch avec Martin Mbarga Nguélé, Délégué général de la Sûreté nationale, Yaoundé, 17 octobre 2012.
[9] Ibid.
[10] Ni le Code pénal, ni le Code de procédure pénale ne définit une «victime». Le ministère de la Justice, dans ses rapports sur les droits humains de 2010 et 2011, dresse la liste de nombreuses «victimes » de l'homosexualité mais, dans la plupart des affaires que nous avons étudiées, il n'y avait pas de victime évidente et personne ne s'était porté partie civile. Le ministère de la Justice n'a pas encore répondu à une requête présentée par Human Rights Watch en octobre 2012 concernant la définition de la «victime », pour les besoins de ces rapports. Correspondance par courriel de Human Rights Watch à Helen Galega, directrice pour les droits de l'homme au ministère de la Justice, 31 octobre 2012.
[11] Loi N° 2005 du 27 juillet 2005 sur le Code de procédure pénale (par la suite mentionné comme «le Code de procédure pénale »), Section 62 (h).
[12] Code pénal, art. 296 : « Est puni d'un emprisonnement de cinq à dix ans celui qui à l'aide de violences physiques ou morales contraint une femme, même pubère, à avoir avec lui des relations sexuelles. »
[13] Code pénal, art. 295, « Outrage privé à la pudeur »: « 1) Est puni d'un emprisonnement de quinze jours à deux ans et d'une amende de 10 000 à 100 000 francs ou de l'une de ces deux peines seulement celui qui, même dans un lieu privé, commet un outrage à la pudeur en présence d'une personne de l'un ou l'autre sexe non consentante. (2) Les peines sont doublées si l'outrage est accompagné de violences. »
[14] Code pénal, Article 346, Outrage à la pudeur d'une personne mineure de seize ans : « (1) Est puni d'un emprisonnement de deux à cinq ans et d'une amende de 20 000 à 200 000 francs celui qui commet un outrage à la pudeur en la présence d'une personne mineure de seize ans. (2) Les peines sont doublées si l'outrage est commis avec violence ou si l'auteur est une des personnes visées à l'article 298. (3) La peine est un emprisonnement de dix à quinze ans si l'auteur a eu des rapports sexuels même avec le consentement de la victime. (4) En cas de viol, l'emprisonnement est de quinze à vingt-cinq ans. L'emprisonnement est à vie si l'auteur est une des personnes énumérées à l'article 298. »
[15] La loi ne stipule pas si la sanction s’applique dans le cas où les deux personnes ayant des rapports sexuels sont des mineurs.
[16] Code de procédure pénale, article 117: « A la clôture de l'enquête, le suspect qui n'a pas de résidence connue ou qui ne présente aucune des garanties prévues à l'article 246 (g) est arrêté et conduit devant le Procureur de la République s'il existe contre lui des indices graves et concordants. Le suspect qui a une résidence connue ou qui présente l'une des garanties prévues à l'article 246 (g) est laissé en liberté. » ; Section 224 (1) : « Toute personne légalement détenue à titre provisoire peut bénéficier de la mise en liberté moyennant une des garanties visées à l'article 246 (g) et destinées à assurer notamment sa représentation devant un officier de police judiciaire ou une autorité judiciaire compétente »; Section 246 (g) : le suspect devra « fournir, en vue de garantir sa représentation en justice :
- soit un cautionnement dont le montant et les modalités de versement sont fixés par le Juge d'Instruction, compte tenu notamment des ressources de l'inculpé ;
- soit un ou plusieurs garants conformément aux dispositions des articles 224 et suivants. »
[17] Code de procédure pénale, article 700 : « (1) L'information judiciaire est obligatoire en matière de crime et de délit commis par les mineurs de dix-huit (18) ans. (2) Lorsqu'un crime ou un délit est reproché à un mineur de dix-huit (18) ans, l'information est faite selon les règles de droit commun, sous réserve des dispositions ci-après.(3) Sauf en matière de contravention, le mineur ne peut être poursuivi par voie de citation directe.(4) Le Procureur de la République ou le Juge d'Instruction avise les parents, tuteur ou gardien du mineur des poursuites engagées contre celui-ci. »
[18] Code pénal, article 29.
[19] Code de procédure pénale, article 702(3).
[20] Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, Zimbabwe Human Rights NGO Forum c. Zimbabwe, sec. 169, Jugement de mai 2006, AHRLR 128 (CADHP 2006).
[21] Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), adopté le 16 décembre 1966, G.A. Res. 2200A (XXI), 21 U.N. GAOR Supp. (No. 16) at 52, U.N. Doc. A/6316 (1966), 999 U.N.T.S. 171, entré en vigueur le 23 mars 1976, signé par le Cameroun le 27 juin 1984.
[22] Toonen c. Australie, 50ème Sess., Communication No. 488/1992, U.N. Doc CCPR/C/50/D/488/1992, 14 avril 1994, sec. 8.7.
[23] Entretien de la CAMFAIDS et de Human Rights Watch avec Martin Mbarga Nguélé, Délégué Général de la Sûreté Nationale (chef de la police camerounaise), Yaoundé, 17 octobre 2012.
[24] Département d’ É tat des É tats-Unis, « Trafficking in Persons Report, 2012 », http://www.state.gov/documents/organization/192594.pdf (consulté le 25novembre 2012) ; Divine Ntaryike, « Central Africa New Drug Transit Hub: Interpol », AP,http://bigstory.ap.org/article/central-africa-new-drug-transit-hub-interpol (consulté le 25 novembre 2012).
[25] Entretien de la CAMFAIDS et de Human Rights Watch avec Jonas K., Yaoundé, 19 octobre 2012.
[26] Cour d’appel du Centre, Tribunal de première instance de Yaoundé-Ekounou, Jugement No. 1892/COR du 22 novembre 2011, conservé par l’ADEFHO.
[27] Cour d’appel du Centre, Tribunal de première instance de Yaoundé-Ekoundou, Dossier No. 11 FD 1347, « Ordre de Mise en Liberté », conservé par l’ADEFHO.
[28] Cour d’appel du Centre, Tribunal de première instance de Yaoundé-Ekounou, Jugement No. 1427/bis/ADD/COR du 23 août 2011, conservé par l’ADEFHO.
[29] Cour d’appel du Centre, Tribunal de première instance de Yaoundé-Ekounou, Jugement No. 1892/COR du 22 novembre 2011, « Notes d’Audience », conservé par l’ADEFHO.
[30] Lettre du chef de la division régionale de la police judiciaire du Centre, adressée au Procureur de la République auprès du Tribunal de première instance de Yaoundé-Ekounou, date illisible, conservée par l’ADEFHO.
[31] Human Rights Watch est en général opposé aux procès par contumace en raison des défis posés à la garantie d’un procès équitable, droit qui est protégé selon l’article 14 du PIDCP.
[32] « Cameroun : Trois hommes condamnés à cinq ans de prison pour homosexualité à Yaoundé », Jeune Afrique, 23 novembre 2011, http://www.jeuneafrique.com/Article/ARTJAWEB20111123163941/ (consulté le 9 novembre 2012).
[33] Cour d’appel du Centre, Tribunal de première instance de Yaoundé-Ekounou, Jugement No. 1892/COR du 22 novembre 2011, conservé par l’ADEFHO.
[34] Décret no. 95/048 du 8 mars 1995 portant statut de la magistrature, conservé par l’ADEFHO.
[35] « Mémoire d’Appel », soumis par Michel Togué au Président de la Cour d’appel du Centre de Yaoundé, 20 décembre 2011, conservé par l’ADEFHO.
[36] Alice Nkom, Michel Togué et Saskia Ditishein, Cour d’appel du Centre, Audience correctionnelle du 20 juillet 2012, Yaoundé, « Conclusions », conservé par l’ADEFHO.
[37] Voir, par exemple, Stéphane Koche, « Affaire Franky et Jonas - Analyse de la décision de non-culpabilité », http://www.youtube.com/watch?v=IoEAxOuFmN8 (consulté le 15 janvier 2012). Koche fait remarquer que le même tribunal qui a annulé la condamnation de Kimié et Franky D., la Cour d’appel du Centre, a par ailleurs confirmé la condamnation de Roger M. un mois auparavant.
[38] Gendarmerie Nationale, Première Région, Légion du Centre, Groupement de Grie Ter, Compagnie Yaoundé II, Brigade de Melen, Procès Verbal No. 220/2010 du 24/03/2010, « Enquête de Flagrance : Bordereau d’envoi de procédure », conservé par l’ADEFHO.
[39] Stéphane M., « Histoire de mon incarcération », conservé par l’ADEFHO.
[40] Entretien de Human Rights Watch avec Stéphane M., lieu non divulgué, 24 janvier 2013.
[41] Stéphane M., « Histoire de mon incarcération », conservé par l’ADEFHO.
[42] Lettre d'Aloys Emmanuel Olgane, chef de la Division régionale de police judiciaire du Littoral à Douala, au procureur de la République auprès du Tribunal de première instance de Douala-Bonanjo, N° 203 DGSN/DRSNL/DRPJL/SP, 29 mars 2010.
[43] Entretien de Human Rights Watch avec Stéphane M., lieu non divulgué, 24 janvier 2013.
[44] Lettre d'Aloys Emmanuel Olgane, chef de la Division régionale de police judiciaire du Littoral à Douala, au procureur de la République auprès du Tribunal de première instance de Douala-Bonanjo, N° 203 DGSN/DRSNL/DRPJL/SP, 29 mars 2010.
[45] Stéphane M., « Histoire de mon incarcération », conservé par l'ADEFHO.
[46] Recours déposé par Alice Nkom, 7 juin 2010, conservé par l'ADEFHO.
[47] Lettre d'Alice Nkom au président du Tribunal de première instance, Douala-Bonanjo, 9 mars 2011, conservée par l'ADEFHO. Les sections pertinentes stipulent: « [La juridiction] statue par jugement séparé sur toute exception d'ordre public. » Code de procédure pénale, section 382(4)
[48] Entretien de la CAMFAIDS et de Human Rights Watch avec Marc-Henri B., Douala, 15 octobre 2012.
[49] Bruno E. a affirmé à la CAMFAIDS et à Human Rights Watch que ces objets avaient été laissés par des amis qui leur avaient récemment rendu visite.
[50] Entretien de la CAMFAIDS et de Human Rights Watch avec Marc Henri B., Douala, 15 octobre 2012.
[51] Gendarmerie Nationale, Première Région, Légion du Centre, Groupement de Gendarmerie Territoriale de Yaoundé, Compagnie de Yaoundé I, P.V. No. 315 du 05/10/2010, Enquête Préliminaire; Procès-verbal de Synthèse.
[52] Ibid.
[53] Ministère de la Défense, Gendarmerie Nationale, Direction Centrale de la Coordination, Direction Technique et Logistique, Service Santé Gendarmerie, « Rapport », Yaoundé, 4 octobre 2010 ; conservé par l’ADEFHO.
[54] Entretien de la CAMFAIDS et de Human Rights Watch avec Marc-Henri B., Douala, 15 octobre 2012.
[55] Le procès-verbal d'enquête préliminaire des gendarmes ne contient aucune explication de sa libération, ni de la décision de ne pas accuser Emmanuel M. d'homosexualité.
[56] Entretiens de la CAMFAIDS et de Human Rights Watch, Yaoundé, 13 octobre 2012.
[57] Alice Nkom, « Note de Plaidoirie », déposée devant le tribunal de première instance de Yaoundé-Centre administratif, le 21 octobre 2010. Cf. le Code de procédure pénale, section 12.
[58] Entretien de la CAMFAIDS et de Human Rights Watch avec Bruno E., Yaoundé, 13 octobre 2012.
[59] Entretien de la CAMFAIDS et de Human Rights Watch avec Maître Michel Togué, Yaoundé, 18 octobre 2012.
[60] Entretien de la CAMFAIDS et de Human Rights Watch avec Martin Mbarga Nguélé, Délégué général de la Sûreté nationale, Yaoundé, 17 octobre 2012.
[61] Courrier électronique de Michel Togué à Human Rights Watch, 15 janvier 2013.
[62] Entretien de l’ADEFHO, de la CAMFAIDS et de Human Rights Watch avec Roger M., Yaoundé, 12 octobre 2012.
[63] Gendarmerie Nationale, Direction de l’Emploi et des Structures, Service Central des Recherches Judiciaires, P.V. No. 114 du 02.03.2011, « Enquête Préliminaire », conservé par l’ADEFHO.
[64] Ibid.
[65] Ibid.
[66] Lettre du Lieutenant-colonel Chargé d’Études à la Direction Centrale de la Coordination et Chef du Service Central des Recherches Judiciaires à la Gendarmerie Nationale au Procureur de la République du tribunal de grande instance de Yaoundé-Centre administratif, 7 mars 2012, conservée par l’ADEFHO.
[67] Entretien de l’ADEFHO, de la CAMFAIDS et de Human Rights Watch avec Roger M., Yaoundé, 12 octobre 2012.
[68] Ibid.
[69] Mémoire d’Appel, soumis à la Cour d’appel du Centre, Yaoundé, par Michel Togué, 16 mai 2011.
[70] Cour d’appel du Centre, Tribunal de grande instance de Yaoundé, Centre Administratif, No. du Jugement 318/CO du 28 avril 2011
[71] Une copie du courriel est conservée par l'ADEFHO.
[72] Ministère de la Justice, Rapport du ministère de la Justice sur les droits de l'homme au Cameroun en 2005, paragraphe 486 : « Non seulement, l’aveu est libre, mais encore le tribunal se doit de vérifier sa véracité. »
[73] Lettre de Gwogon Guillaume, commissaire de police, DGRE, au procureur du tribunal à Kribi, N° 0152/L/BL/KBI, 19 novembre 2010, conservée par l'ADEFHO.
[74] Ministère de la Défense, Gendarmerie Nationale, Première Région, Légion du Sud, Compagnie de Kribi, P.V. o. 103/10 du 01/09/10, « Enquête de Flagrance : Procès-verbal de Transport, Constatations et Mesures Prises », conservé par l’ADEFHO.
[75] L’article 263 du Code pénal stipule : « Est puni d'un emprisonnement de quinze jours à deux ans et d'une amende de 10 000 à 100 000 francs ou de l'une de ces deux peines seulement celui qui outrage publiquement la pudeur. »
[76] Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Convention contre la torture), adoptée le 10 décembre 1984, G.A. res. 39/46, annexe, 39 U.N.GAOR Supp. (N° 51) à 197, Doc. ONU A/39/51 (1984), entrée en vigueur le 26 juin 1987, signée par le Cameroun le 19 décembre 1986, art. 16. Selon le Rapporteur spécial sur la torture, « les actes visant à humilier la victime constituent un traitement ou une peine dégradante même quand aucune douleur aigüe n'a été infligée ». Commission de l'ONU sur les droits de l'homme et sur les droits civils et politiques, y compris les questions de la torture et d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Rapport du Rapporteur spécial sur la torture, Manfred Nowak, 23 décembre 2005, E/CN.4/2006/6, disponible à : http://www.unhcr.org/refworld/docid/441181ed6.html (consulté le 25 novembre 2012).
[77] Rapport médical signé par le Dr. Pierre Ngué Ngué, daté du 2 septembre 2010 et visé par la Gendarmerie; conservé par l'ADEFHO.
[78] Texte du procès-verbal de M.B. : « Quand nous sommes arrivés il m’a demandé de me déshabiller, j’ai refusé demandant qu’il se déshabille le premier. Il se déshabille complètement nu, cela où j’ai enlevé mon pantalon, je suis resté en short. » Ministère de la Défense, Gendarmerie Nationale, Première Région, Légion du Sud, Compagnie de Kribi, P.V. No. 103/10 du 01/09/2010, « Enquête de Flagrance : Procès-verbal d’Audition de Victime », conservé par l’ADEFHO.
[79] Ibid.
[80] Lettre d'Ibrahima Iya, chef de la division régionale de Police judiciaire du Littoral, à Douala, au Procureur de la République auprès du Tribunal de première instance de Douala, Bonanjo, 6 juillet 2012, conservé par l'ADEFHO.
[81] Entretien de la CAMFAIDS et de Human Rights Watch avec Samuel A., Douala, 15 octobre 2012.
[82] Samuel A., « Restitution des faits », conservé par la CAMFAIDS et Human Rights Watch.
[83] Eric O. Lembembe, « Cameroun : [Samuel A.] a été libéré provisoirement », Erasing 76 Crimes, 10 novembre 2012, http://76crimes.com/2002/11/10/cameroun-samuel-gervais-akam -a-ete-libere-provisoirement/ (consulté le 25 novembre 2012).
[84] Code pénal, article 347(1) :« Au cas où les infractions visées aux articles 295, 296 et 347 bis ont été commises sur la personne d'un mineur de seize à vingt et un ans, les peines prévues auxdits articles sont doublées.»
[85] Entretien de Human Rights Watch avec Samuel A., Douala, 31 janvier 2013.
[86] Ministère de la Défense, Gendarmerie Nationale, Première Région, Légion su Sud, Compagnie d’Ambam, PV Np. 019/211 du 4 octobre 2011 [sic], « Enquête de Flagrance : Procès-verbal de Notification de la Garde à Vue », conservé par l’ADEFHO.
[87] Ibid.
[88] Les mandats d'arrêt sont qualifiés à tort comme « Enquête de Flagrance » – le seul cas dans lequel la police est habilitée à garder à vue des suspects sans l'autorisation d'un procureur – mais les femmes n'ont pas été prises en flagrant délit dans des actes homosexuels. Code de procédure pénale, article 118.
[89] Lettre du capitaine Jean-Claude Zé Mvélé au Procureur de la République, Tribunal de Grande Instance d'Ambam, N°067/LS/CIE/AMB/2, 13 février 2012, conservée par l'ADEFHO.
[90] Tribunal de Grande Instance du Mfoundi, « Ordonnance de Non-lieu Partiel et de Renvoi devant le Tribunal de Grande Instance du Mfoundi à Yaoundé », 20 juillet 2012, conservée par l'ADEFHO.
[91] Ibid.
[92] Entretien de la CAMFAIDS et de Human Rights Watch avec N.N., lieu non divulgué, 14 octobre 2012.
[93] Entretiens de la CAMFAIDS et de Human Rights Watch avec N.N., lieu non divulgué, 14 octobre 2012, et avec Alice Nkom, Douala, 15 octobre 2012.
[94] Tribunal de Grande Instance du Mfoundi, « Ordonnance de Non-lieu Partiel et de Renvoi devant le Tribunal de Grande Instance du Mfoundi à Yaoundé », 20 juillet 2012, conservée par l'ADEFHO.
[95] Ils ont également avancé que le fait que la loi résultait d'une ordonnance prise par l'ancien président du Cameroun la rendait anticonstitutionnelle. Mais le tribunal a jugé que l'ordonnance n'était pas anticonstitutionnelle car l'ancienne constitution de 1972 permettait au président de signer des ordonnances qui avaient force de loi. Alice Nkom et Michel Togué ont aussi argué que le délai légal de garde à vue avait été dépassé ; le tribunal a reconnu ce fait mais a affirmé que cela ne rendait pas la procédure invalide. Tribunal de Grande Instance du Mfoundi, « Ordonnance de Non-lieu Partiel et de Renvoi devant le Tribunal de Grande Instance du Mfoundi à Yaoundé », 20 juillet 2012, conservée par l'ADEFHO.
[96] Ibid.
[97] Ibid.
[98] Cependant, l'accusation d' « outrage à la pudeur sur un mineur » qui visait Séraphin N. a été abandonnée ; seule l'accusation d'homosexualité a été conservée.
[99] Tribunal de Grande Instance du Mfoundi, « Ordonnance de Mise en Liberté », conservée par l'ADEFHO.
[100] Entretien d'Alternative-Cameroun, de l'ADEFHO, de la CAMFAIDS et de Human Rights Watch avec L.N., Kumba, 16 octobre 2012.
[101] Entretien d'Alternative-Cameroun, de l'ADEFHO, de la CAMFAIDS et de Human Rights Watch avec G.M., Kumba, 16 octobre 2012.
[102] La Convention internationale des Droits de l’Enfant (CIDE) stipule que « L’arrestation, la détention ou l’emprisonnement d’un enfant doit être en conformité avec la loi, n’être qu’une mesure de dernier ressort, et être d’une durée aussi brève que possible. » Convention Internationale relative aux Droits de l’Enfant (CIDE), adoptée le 20 novembre 1989, G.A. Res. 44/25, annexe, 44 U.N. GAOR Supp. (No. 49) at 167, U.N. Doc. A/44/49 (1989), entrée en vigueur le 2 septembre 1990, ratifiée par le Cameroun le 11 janvier 1993, art. 37.
[103] Entretien de Human Rights Watch avec Walter Atoh, 1er février 2013.
[104] Bien que ce rapport porte essentiellement sur des affaires datant des cinq dernières années, certaines affaires antérieures, qui ne semblent pas avoir été divulguées publiquement, méritent l'attention en raison de la gravité des violations. Par exemple, Harold F., arrêté en 2006, a affirmé à Human Rights Watch que la mère de son petit ami, qui est d'une famille riche comptant de solides relations, avait payé 1 200 000 francs CFA (environ 2.400 dollars) pour obtenir la libération d'Harold et de son ami. Entretien de la CAMFAIDS et de Human Rights Watch avec Harold F., Yaoundé, 12 octobre 2012.
[105] De telles affaires sont très répandues au Cameroun; Alternatives-Cameroun a découvert, lors de recherches préliminaires sur les extorsions de fonds, qu'une forte proportion de personnes LGBT avait versé un pot-de-vin au moins une fois pour empêcher que leur orientation sexuelle soit révélée publiquement. Commission internationale des droits humains des gays et lesbiennes, « Nowhere to Turn » «Aucun échappatoire », 2011. http://www.iglhrc.org/binary-data/ATTACHMENT/file/000/000/484-1.pdf (consulté le 4 octobre 2012).
[106] Entretien de la CAMFAIDS et de Human Rights Watch, Yaoundé, 13 octobre 2012.
[107] Entretien de Human Rights Watch avec Alec S., Limbe, 16 octobre 2012.
[108] Entretien de Human Rights Watch avec un représentant de l’association Aids Acodev, Douala, 2 février 2013.
[109] Entretien de la CAMFAIDS et de Human Rights Watch avec A. M., Douala, 17 octobre 2012.
[110] Code de procédure pénale, section 30(4) : « Aucun mal physique ou psychologique ne sera fait à la personne arrêtée». Plus précisément, la section 122 (2) stipule : « Le suspect ne sera soumis à aucune contrainte physique ou mentale, ni à des tortures, violences, menaces ou pressions d'aucune sorte, ni à des tromperies, manœuvres insidieuses, fausses propositions, interrogatoires prolongés, séances d'hypnose, prises de drogues ou à toute autre méthode susceptible de compromettre ou limiter sa liberté d'action ou de décision, ou sa mémoire ou son jugement ».
[111] Ministère de la Justice, rapport du ministère sur les droits de l'homme au Cameroun en 2005.
[112] Entretien de la CAMFAIDS et de Human Rights Watch, lieu non divulgué, octobre 2012.
[113] Entretien de l'ADEFHO, de la CAMFAIDS et de Human Rights Watch, Yaoundé, 12 octobre 2012.
[114] Entretien de Human Rights Watch avec Thierry O., Douala, 31 janvier 2013.
[115] Entretien de Human Rights Watch avec Alec S., Limbé, 16 octobre 2012.
[116] Entretien d’Alternatives-Cameroun, de la CAMFAIDS et de Human Rights Watch avec Samuel A., Douala, 17 octobre 2012.
[117] Entretien de Human Rights Watch avec Jonas K. et Franky D., Yaoundé, 30 janvier 2013.
[118] Entretien d'Alternatives-Cameroun, de l'ADEFHO, de la CAMFAIDS et de Human Rights Watch avec G.M., Buea, 16 octobre 2012.
[119] Entretien de la CAMFAIDS et de Human Rights Watch, date et lieu confidentiels, octobre 2012.
[120] Human Rights Watch, Cameroun – Criminalisation des identités, novembre 2010, http://www.hrw.org/sites/default/files/reports/cameroon1010frweb.pdf, pp. 28-29.
[121] Code de procédure pénale, section 119 (2).
[122] Code de procédure pénale, section 37, section 122 (3).
[123] Entretien d'Alternatives-Cameroun, de la CAMFAIDS et de Human Rights Watch avec Samuel A., Douala, 17 octobre 2012.
[124] Entretien d'Alternatives-Cameroun, de l’ADEFHO, de la CAMFAIDS et de Human Rights Watch avec Joseph M., Kumba, 16 octobre 2012.
[125] Entretien de la CAMFAIDS et de Human Rights Watch avec Jonas K., Yaoundé, 19 octobre 2012.
[126] Observation du procès par la CAMFAIDS, 22 novembre 2011 ; entretien de la CAMFAIDS et de Human Rights Watch avec Michel Togué, Yaoundé, 18 octobre 2012.
[127] Entretien de Human Rights Watch avec Michel Togué, New York, 8 janvier 2012.
[128] Entretien de Human Rights Watch, Yaoundé, 29 janvier 2013.
[129] Entretien de Human Rights Watch avec Jonas K. et Franky D., Yaoundé, 30 janvier 2013.
[130] Ministère de la Justice, Rapport du ministère de la Justice sur les droits de l'homme au Cameroun en 2005, paragraphe 486.
[131] Entretiens de la CAMFAIDS et de Human Rights Watch, Yaoundé, 13 octobre 2012
[132] Entretien de la CAMFAIDS et de Human Rights Watch, Douala, 15 octobre 2012.
[133] Entretien d’ADEFHO, de la CAMFAIDS et de Human Rights Watch avec Esther B., Yaoundé, 12 octobre 2012.
[134] Entretien d’ADEFHO, de la CAMFAIDS et de Human Rights Watch avec Roger M., Yaoundé, 12 octobre 2012.
[135] Entretien de Human Rights Watch avec G.M., Buea, 16 octobre 2012.
[136] Entretien de l’ADEFHO, de la CAMFAIDS et de Human Rights Watch avec Roger M., Yaoundé, 12 octobre 2012.
[137] Entretien de Human Rights Watch et de la CAMFAIDS, Yaoundé, octobre 2012.
[138] Entretien de Human Rights Watch et de la CAMFAIDS, Douala, octobre 2012.
[139] Courriels envoyés depuis « pasdepedesaucameroun@gmail.com » à Michel Togué, conservés par Human Rights Watch.
[140] Courriels et messages SMS, conservés par l’ADEFHO.