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Rwanda

Événements de 2009

Le Rwanda en 2009 a été le théâtre non seulement de restrictions par le gouvernement de la sphère politique et de libertés individuelles, mais aussi d'une intolérance croissante envers les critiques des politiques étatiques et d'un refus de toute discussion sur l'appartenance ethnique. Les groupes de défense des droits humains et plusieurs bailleurs de fonds internationaux craignent un redoublement de la répression. Les préparations de l'élection présidentielle de 2010 ont ranimé les préoccupations concernant l'intimidation et la violence au sein des communautés locales et ont conduit à des arrestations parmi les individus soutenant la formation de nouveaux partis politiques.

Les tribunaux gacaca communautaires et les tribunaux conventionnels ont continué de juger les individus pour des crimes commis pendant le génocide de 1994. Les tribunaux gacaca devaient fermer leurs portes en juin 2009 mais le Service national des juridictions gacaca (National Service of Gacaca Jurisdictions, SNJG), contre toute attente, a commencé à rassembler de nouvelles allégations dans certaines parties du pays et a repoussé l'échéance à décembre. Alors que certains Rwandais avaient le sentiment que les procès gacaca avaient aidé à la réconciliation, d'autres dénoncent leur corruption et le fait que les accusés sont souvent condamnés à des peines très légères ou sur des preuves bien minces. Le gouvernement a, à plusieurs reprises mais en vain, demandé aux juridictions internationales, y compris le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) établi en Tanzanie et à plusieurs pays européens le retour des suspects de génocide au Rwanda. Il a violemment rejeté les appels du TPIR à poursuivre les crimes commis par le Front patriotique rwandais en 1994.

Les juridictions gacaca

La corruption et l'influence indue des autorités locales et des autres notables de la communauté ont entaché les actions des tribunaux gacaca, sapant la confiance des victimes et des accusés. Selon le SNJG, les tribunaux gacaca ont jugé près de 1,6 millions de cas de génocide depuis leur lancement en 2002. Des cas récents, de plus en plus liés aux efforts du gouvernement visant à museler les dissensions politiques et à des griefs privés plutôt qu'aux évènements de 1994, ont conduit de nombreux Rwandais à fuir le pays pour échapper à une condamnation ou à des menaces de nouvelles poursuites.

Les tribunaux gacaca ont passé une bonne partie de l'année à juger des milliers de cas de violence sexuelle et d'autres cas graves et ont condamné les coupables à la détention en isolement à perpétuité. En l'absence de législation fixant la mise en œuvre de la peine, les autorités pénitentiaires n'ont pas isolé les prisonniers. Les victimes de viol ont unanimement manifesté leur déception d'avoir à comparaître devant les tribunaux gacaca plutôt que devant les juridictions conventionnelles car les tribunaux gacaca, même à huis clos, n'ont pas protégé leur vie privée.

Les tribunaux conventionnels

Alors que la plupart des cas de génocide ont été transférés au système gacaca en 2008, les tribunaux conventionnels n'ont eu à juger que quelques-uns de ces cas en 2009, en particulier celui d'Agnès Ntamabyariro, ministre de la Justice dans le gouvernement d'intérim, qui a été condamnée à la détention en isolement à perpétuité.   

L'ancien ministre des Transports Charles Ntakirutinka est resté en prison, purgeant une peine de 10 ans imposée après un procès lacunaire en 2004 pour son rôle dans l'établissement d'un nouveau parti politique, avec l'ancien président, Pasteur Bizimungu, qui a été gracié et relâché en 2007.

En janvier 2009, les militaires rwandais ont capturé le leader rebelle congolais Laurent Nkunda, qui à l'heure où nous écrivons ces lignes reste détenu sans qu'aucune charge n'ait été retenue contre lui et sans perspective de jugement, en violation des procédures pénales rwandaises. Les tribunaux ont rejeté toute tentative de mettre en question la légalité de sa détention et le gouvernement n'a pas répondu à la demande d'extradition de la République démocratique du Congo.

Les crimes du Front patriotique rwandais

Le Rwanda s'est fortement opposé aux appels renouvelés à la poursuite de membres du Front patriotique rwandais (FPR,actuellement au pouvoir) qui ont commis des crimes au cours du génocide. En dépit des estimations du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés selon lesquelles le FPR a tué entre 25 000 et 45 000 civils en 1994, le Rwanda n'a jugé que 36 soldats. On trouve parmi eux quatre officiers militaires accusés du meurtre de 15 civils (dont 13 membres du clergé) et jugés de façon expéditive en 2008. En février 2009, la cour militaire d'appel a confirmé l'acquittement des deux officiers supérieurs et a réduit les peines des officiers subordonnés de huit à cinq ans de prison.

En juin, le procureur du TPIR a indiqué au Conseil de sécurité que ce procès du FPR avait respecté les normes relatives aux procès équitables et qu'aucune mise en accusation n'était prévue envers le FPR. Lors d'une conférence internationale évaluant la contribution du TPIR en juillet, de nombreux participants ont dénoncé la décision du procureur de ne pas poursuivre les crimes du FPR comme étant la défaillance la plus importante du tribunal.

Justice internationale

Comme lors des années précédentes, les suspects de génocide vivant hors du Rwanda sont restés hors d'atteinte pour la justice. Les procureurs rwandais ont redoublé d'efforts pour assurer l'extradition de suspects au Rwanda et ont même prévu de collaborer avec la chaîne américaine NBC pour organiser une émission en direct visant à mettre un homme enseignant à l'université du Maryland face aux accusations de génocide le concernant. NBC a abandonné l'émission après qu'elle ait été accusée de politiser la justice et de représenter des pratiques journalistiques contraires à la déontologie.  

En avril 2009, le Haut Tribunal du Royaume-Uni a refusé l'extradition de quatre Rwandais, suspectés de génocide, alléguant qu'ils ne bénéficieraient pas d'un procès équitable au Rwanda. La Suède a répondu favorablement à une demande d'extradition en juillet, bien qu'un appel présenté devant la Cour européenne des Droits de l'homme ait suspendu l'extradition en attendant qu'une décision soit prise. Le Rwanda a répété son appel au TPIR à transférer des cas au Rwanda et a modifié sa législation afin d'obtenir ces transferts, mais aucune de ces requêtes n'a été acceptée par le TPIR.

Droits humains et libertés individuelles

Les limites imposées par le gouvernement sur la liberté de parole, la santé reproductive, l'homosexualité, les associations politiques et l'utilisation de la terre témoignent d'une répression et d'un manque de liberté de plus en plus criants au Rwanda. L'opposition aux politiques du gouvernement a souvent conduit ce dernier à accuser ses critiques de promouvoir une « idéologie du génocide », un délit vaguement défini, établi en 2008, qui ne s'appuie pas sur l'intention de contribuer, d'inciter à la violence ou de faciliter des actes de violence en raison de l'origine ethnique. Ce délit est puni de 10 à 25 ans de prison et d'amendes pouvant s'élever jusqu'à 2 000 $, alors que les groupes politiques et les organisations sans but lucratif reconnues coupables risquent la dissolution. Les enfants de tous âges peuvent être envoyés en centres de rééducation pour une durée pouvant aller jusqu'à un an aux termes de cette loi, pour avoir simplement taquiné un camarade de classe, et leurs parents et professeurs peuvent écoper de 15 à 25 ans de prison du fait de la conduite de l'enfant.

Des groupes de travail parlementaires ont envisagé puis ajourné une proposition de loi forçant les couples à se soumettre à un dépistage du VIH avant le mariage ou sur la demande de l'un des époux et demandant la stérilisation forcée des handicapés mentaux si trois médecins la recommandent. À l'heure actuelle, le Parlement débat d'un nouveau code pénal criminalisant l'homosexualité et punissant les homosexuels de 5 à 10 ans d'emprisonnement et d'amendes considérables. Comme l'a rappelé le Comité des droits de l'homme des Nations Unies en mars 2009, le fait de criminaliser l'homosexualité contreviendrait aux obligations du Rwanda aux termes du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP).

Deux nouveaux partis politiques ont rencontré des difficultés pour obtenir l'accréditation du gouvernement, nécessaire pour participer à la présidentielle de 2010. Les deux groupes ont vu leurs réunions interrompues par la police et certains de leurs membres ont été arrêtés, notamment dans le Parti Social Imberakuri.

Le gouvernement a continué à déployer sa politique d'utilisation des terres, enjoignant les paysans de ne planter que les ressources affectées à leur région. Cette politique, dont l'objectif est de remplacer l'agriculture de subsistance par une industrie agricole professionnelle d'ici à 2020, est bien souvent mise en application de façon agressive par les fonctionnaires locaux, qui menacent d'exproprier les paysans qui ne se conforment pas aux nouvelles règles. Les critiques indiquent que ce programme place les paysans en danger d'insécurité alimentaire et pourrait conduire à une aggravation de la pauvreté.

Le gouvernement a continué à exproprier les terres dans les alentours les moins développés de Kigali et d'autres zones urbaines pour y construire des bâtiments commerciaux. Cette politique a particulièrement affecté les communautés les plus pauvres, les propriétaires des terres ayant reçu une très faible indemnité et n'ayant eu d'autre choix que de partir vers les terrains gouvernementaux qu'on leur proposait, parfois en s'endettant auprès de l'État de la différence entre la valeur de leur propriété d'origine et celle de leur nouveau terrain.

Liberté des médias

En avril 2009, le gouvernement a suspendu le service en langue kinyarwanda de la BBC, en prétendant qu'il servait de plateforme aux négationnistes du génocide. La suspension, levée deux mois plus tard, faisait partie d'une stratégie plus large d'interférence du gouvernement dans les médias. En évaluant le respect par le Rwanda du PIDCP, en mars, le Comité des droits de l'homme des Nations unies a exprimé sa préoccupation sur le fait que le gouvernement n'hésite pas à recourir à l'intimidation et au harcèlement des journalistes qui critiquent sa politique, les accusant de « divisionnisme », un terme souvent utilisé pour remplacer « idéologie du génocide ».

Lors d'une conférence de presse présidentielle en juillet, le ministre rwandais de l‘Information a déclaré que « les jours des [principaux journaux indépendants] Umuseso et Umuvugizi [étaient] comptés. » Dans les jours qui ont suivi, le Haut Conseil des médias, qui régule la profession, a recommandé une suspension de trois mois pour Umuseso pour un article qui critiquait le président Paul Kagamé et les procureurs ont lancé une procédure pour diffamation contre le rédacteur en chef de Umuvugizi pour un article sur un scandale de mœurs impliquant un procureur national de haut rang.

Une nouvelle loi sur les médias adoptée en août exclut tous les journalistes rwandais non titulaires d'un diplôme universitaire ou d'un certificat leur permettant de travailler sur le terrain, la plupart des journalistes rwandais indépendants ne possédant ni l'un ni l'autre. La législation impose également un large éventail de restrictions sur la collecte et la diffusion d'informations et maintient le statut de délit de la diffamation.

Acteurs internationaux clés

Les bailleurs de fonds fournissent un généreux soutien au Rwanda, contribuant à sa croissance économique et à la relative stabilité de la région. Cependant, les Pays-Bas et la Suède ont suspendu tout soutien budgétaire direct en décembre 2008 après la publication d'un rapport des Nations unies faisant état du soutien du Rwanda à un mouvement rebelle tutsi en République démocratique du Congo, aucun n'ayant recommencé à verser ses aides à l'heure où nous écrivons ces lignes.

Le Royaume-Uni reste le donateur bilatéral le plus important et a réussi à influencer des réformes électorales avant l'échéance de 2010. L'Allemagne et le Rwanda ont restauré leurs relations diplomatiques après les avoir interrompues en novembre 2008 lors de l'arrestation de Rose Kabuye, mise en cause par la France pour sa participation présumée à l'abattage de l'avion du président Habyarimana en 1994. Le Rwanda a également renforcé ses liens économiques avec la Chine.