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Rapport mondial 2011: L’inaction face aux abus

Les risques du dialogue et de la coopération avec les gouvernements qui violent les droits humains

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Protecting Students, Teachers, and Schools from Attack

 
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Grâce à l'entrée en vigueur au mois de janvier de la Charte des Droits Fondamentaux, au rôle plus important donné au Parlement européen et à la création d'un poste de Commissaire européen aux droits fondamentaux, l'Union européenne bénéficie désormais d'une nouvelle structure pour protéger les droits humains. La nouvelle commissaire chargée de la justice, des droits fondamentaux et de la citoyenneté, Viviane Reding, a promis une politique de « tolérance zéro » pour les États de l'Union européenne qui violeraient cette charte.

La procédure d'infraction engagée contre la Grèce concernant son système d'asile a montré la volonté de la Commission européenne de demander des comptes aux États membres commettant des violations. La Commission a publiquement critiqué la France pour l'expulsion des Roms, mettant l'accent sur les garanties de procédure existant en cas de limitation de la libre circulation des citoyens européens plutôt que sur les obligations de non discrimination.

L'ampleur du défi que présente la garantie du plein respect des droits humains au sein de l'Union européenne a été mise en évidence par les signes d'une intolérance croissante, manifeste d'une part dans les succès électoraux des partis d'extrême droite - y compris dans les coalitions au pouvoir - et d'autre part dans les politiques visant les Roms, les Musulmans et les migrants. Des inquiétudes ont également été suscitées par les politiques antiterroristes abusives, par les entraves aux demandes d'asile et par la protection inégale face à la discrimination.

Politique commune de l'UE en matière d'asile et de migration

Rien de plus n'a été fait pour réformer et harmoniser les procédures d'asile dans l'ensemble de l'Union européenne. Des études menées par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR) au mois de mars et par la Commission européenne au mois de septembre ont révélé des différences et des insuffisances significatives dans le mode de traitement des demandes d'asile dans l'ensemble de l'Union européenne.

Environ les trois quarts des migrants irréguliers sont entrés dans l'Union européenne par la Grèce en 2009, les premières estimations pour 2010 suggérant une tendance à la hausse. Les arrivées par la mer ont connu une chute significative en 2010 ; Frontex, l'agence européenne aux frontières extérieures, annonce une diminution de 75 % des arrivées maritimes au cours du premier semestre de l'année. Seules 150 personnes ont atteint l'Italie et Malte au cours du premier trimestre, contre 5 200 personnes au cours de la même période en 2009. Les arrivées par la mer en Espagne ont également affiché une nette diminution.

Le Règlement Dublin II, qui impose que les demandes d'asile soient déposées dans le premier pays d'entrée dans l'Union européenne, a aggravé le fardeau pesant sur le système d'asile déjà très mal en point de la Grèce (abordé ci-dessous). Mais les efforts conduits par la Commission européenne pour engager une réforme, pourtant de faible envergure, ont été soumis à une forte opposition de la part de certains États membres.

À partir de la mi-2010, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a prononcé des ordonnances adressées aux États demandant de suspendre plus de 750 retours « Dublin » vers la Grèce, des milliers d'autres étant en attente ou bloqués au niveau national. Au mois de septembre, le gouvernement britannique a mis un terme à ces retours vers la Grèce. Dès le début du mois de novembre, les Pays-Bas, la Belgique, la Finlande, la Suède, l'Islande et la Norvège (ces deux derniers pays ne faisant pas partie de l'UE) avaient fait de même.

En septembre, la CEDH a entendu une contestation soulevée par un Afghan renvoyé en Grèce par la Belgique, contestation dans laquelle il déclarait avoir été soumis à de mauvais traitements et avoir risqué d'être renvoyé en Afghanistan sans que sa demande d'asile ne soit dûment examinée. La décision, à l'heure où nous écrivons ces lignes, n'a pas encore été rendue.

Le plan d'action de la Commission européenne relatif aux enfants migrants non accompagnés adopté en mai appelait à l'adoption d'une approche européenne commune pour garantir des solutions durables au mieux des intérêts des enfants.

Le Royaume-Uni et d'autres pays de l'Union européenne (ainsi que la Norvège) ont poursuivi leurs projets de construction de centres d'accueil à Kaboul, en Afghanistan, afin d'y rapatrier les enfants non accompagnés, en dépit des préoccupations concernant la sécurité et l'absence de garanties.

Des dizaines de demandeurs d'asile ont été renvoyés en Irak dans le cadre d'au moins trois vols groupés entre les mois d'avril et septembre, malgré les objections du HCR. Frontex a coordonné au moins l'un de ces vols charters. Le Royaume-Uni et les Pays-Bas ont organisé leurs propres vols, en plus de leur participation à des retours groupés. Au mois de novembre, les Pays-Bas ont annoncé une interruption de ces expulsions après l'intervention de la CEDH. Le Royaume-Uni a annoncé qu'il suspendrait les renvois si la CEDH le lui ordonnait.

Les nouvelles directives pour les opérations en mer de Frontex, adoptées en avril, comprenaient une interdiction du renvoi vers un pays où le migrant risquerait la persécution et l'obligation de prendre en considération les besoins des groupes vulnérables, parmi lesquels les demandeurs d'asile, les enfants et les victimes de trafic.

Malte s'est retirée des missions de Frontex en mars en raison des directives qui imposent que les personnes secourues dans les eaux internationales soient emmenées dans le pays d'accueil de la mission plutôt que dans le port le plus proche. Mais au mois de juillet, Malte a participé à une opération controversée de sauvetage conjoint avec la Libye, qui a entraîné le renvoi de plusieurs migrants somaliens en Libye, tandis que d'autres étaient emmenés à Malte. Le Parlement européen a approuvé un accord de réadmission de l'Union européenne conclu avec le Pakistan en septembre, en dépit de graves préoccupations quant au respect des dispositions relatives aux droits humains. Des préoccupations portaient également sur le fait que l'accord allait faciliter le rapatriement d'Afghans vers le Pakistan, dont des enfants, qui avaient transité par le Pakistan.

La Commission européenne a signé un accord de coopération avec la Libye en octobre, comprenant 50 millions d'euros (environ 67 millions de dollars US) pour la gestion des frontières et la protection des réfugiés, malgré la fermeture forcée du bureau du HCR à Tripoli en juin.

Discrimination et intolérance

Les Roms, plus importante minorité en Europe, ont continué d'être confrontés à la discrimination, l'exclusion et la pauvreté extrême dans toute la région. En avril, la Commission européenne a pour la première fois adopté une communication sur les Roms, avant même le deuxième sommet de l'Union européenne sur les Roms qui s'est tenu quelques semaines plus tard en Espagne, réclamant des politiques plus efficaces pour faire face aux multiples sources existantes de marginalisation des Roms. Certains pays de l'Union européenne, et notamment l'Allemagne, ont continué de rapatrier des Roms au Kosovo en dépit des directives du HCR, tandis que la France prenait les Roms pour cible pour les rapatrier en Europe orientale.

Malgré des préoccupations liées au fait d'entraver le droit à la liberté de religion et à l'autonomie personnelle, les efforts visant à limiter le voile intégral en Europe se sont intensifiés sur le plan politique en 2010. En France, le parlement a approuvé en septembre une législation interdisant le port de ces voiles dans les lieux publics et faisant du fait de contraindre les femmes à se couvrir un délit. Le Conseil Constitutionnel a jugé début octobre que la loi était en conformité avec la Constitution française.

La chambre basse du parlement belge a approuvé une législation similaire en mai. Au moment où nous rédigeons cet article, cette dernière n'a pas encore été examinée par le Sénat. Une interdiction a été incluse dans l'accord de coalition signé aux Pays-Bas en septembre et des propositions sont également à l'ordre du jour en Espagne, en Italie et au Danemark.

Au mois de mai, le ministre de l'Intérieur allemand s'est prononcé contre une interdiction similaire mais une décision du Tribunal fédéral du travail en décembre 2009, confirmant la suspension d'une enseignante en Rhénanie du Nord-Westphalie qui portait le foulard en cours, a souligné l'existence de restrictions au niveau des « Länder » (États fédérés allemands) portant sur le port du foulard islamique par les enseignantes et les fonctionnaires.

L'Allemagne et d'autres États de l'Union européenne ont mis un frein aux efforts faits pour améliorer les lois européennes contre la discrimination afin d'interdire la discrimination pour des motifs liés à la religion, à l'âge, au handicap et à l'orientation sexuelle. Des obstacles au niveau national empêchant de mettre un terme à la discrimination contre les lesbiennes, les gays, les bisexuels et les transgenres ont également été maintenus, notamment aux Pays-Bas, où les personnes transgenres ne pouvaient officiellement changer de sexe que si elles subissaient une chirurgie de changement de sexe irréversible, et en Italie, où il n'existait toujours pas de protection explicite contre les discriminations pour des motifs liés à l'orientation sexuelle.

Mesures de lutte contre le terrorisme et droits humains

Les rapporteurs spéciaux des Nations Unies sur la torture et sur les droits humains dans la lutte contre le terrorisme ont conclu dans un rapport conjoint du mois de février que l'Allemagne (un cas en 2002) et le Royaume-Uni (plusieurs cas depuis 2002) avaient été complices de détentions secrètes de terroristes présumés. En juin, le Commissaire aux droits de l'Homme du Conseil de l'Europe a critiqué l'absence d'avancées pour parvenir à ce que les complices dans le cadre d'abus commis par les États-Unis en Pologne, Roumanie et Suède soient amenés à rendre des comptes. Une enquête criminelle a été engagée en janvier en Lituanie après qu'un comité parlementaire a conclu en décembre 2009 que la CIA avait établi deux centres de détention secrète dans ce pays en 2005 et 2006.

L'installation d'anciens détenus de Guantanamo en Europe s'est poursuivie. Entre les mois de janvier et septembre, dix anciens détenus ont été rapatriés à destination de pays de l'Union européenne : trois en Espagne, trois en Slovaquie, deux en Allemagne, un en Bulgarie et un en Lettonie. L'Italie et l'Espagne se sont toutes deux engagées à en accueillir deux supplémentaires.

Dans le cadre du plan d'action visant à contrer la radicalisation et le recrutement en matière de terrorisme, le Conseil de l'Union européenne a accepté en avril de recueillir et partager de manière systématique les informations sur la radicalisation, soulevant ainsi des inquiétudes quant au droit à la vie privée.

En septembre, le Tribunal de la Cour de justice de l'Union européenne a annulé une réglementation de la Commission européenne sur le financement du terrorisme datant de novembre 2008 gelant les actifs du ressortissant saoudien Yassin Abdullah Kadi, une seconde décision du Tribunal se prononçant contre le gel de ses actifs, dans les deux cas pour absence de procédure équitable.

Inquiétudes relatives aux droits humains dans certains États membres de l'UE

France

En juillet, le gouvernement a lancé une campagne très médiatisée visant à expulser les Roms de France à la suite d'émeutes déclenchées par les coups de feu mortels dont a été victime le même mois un membre de la communauté des gens du voyage de nationalité française tirés par un gendarme (aujourd'hui sous le coup d'une enquête criminelle). À la fin du mois d'août, 128 campements sauvages avaient été démantelés - y compris ceux occupés par des gens du voyage français - et près de mille Roms avaient été renvoyés en Roumanie et Bulgarie. Une directive en date du 5 août émanant du ministre de l'Intérieur, divulguée début septembre et par la suite annulée, ordonnant aux préfets « d'engager [...] une démarche systématique de démantèlement des camps illicites, en priorité ceux de Roms » et associant à ces mesures des mesures de reconduite à la frontière, a démontré une intention discriminatoire.

Au mois de septembre, la France a accepté d'améliorer les garanties de procédure après avoir été menacée par la Commission européenne d'une procédure d'infraction pour la non-application en bonne et due forme de la législation de l'Union européenne sur la liberté de circulation. Les changements n'ont pas encore été effectués à l'heure où nous rédigeons ce chapitre.

Suite à son étude du mois d'août sur la France, le Comité des Nations Unies pour l'Élimination de la Discrimination Raciale s'est montré préoccupé par ce qui semblait être une expulsion collective, ainsi que par les difficultés auxquelles sont confrontés les Roms et les gens du voyage français en matière d'exercice de leurs droits et d'accès à l'éducation et à un logement décent. Le comité s'est également dit plus généralement préoccupé par le discours politique discriminatoire en France et l'augmentation de la violence raciste et xénophobe.

Au mois d'octobre, l'Assemblée nationale a approuvé un projet de loi du gouvernement sur l'immigration affaiblissant les droits des demandeurs d'asile et des migrants, en dépit des critiques du Comité des Nations Unies contre la Torture en mai et de la CEDH en 2009 au sujet des garanties inappropriées pour les demandes d'asile accélérées. Le Sénat doit débattre de la loi au début de l'année 2011.

Le projet de loi comprenait aussi des amendements de dernière minute apportés par le gouvernement et destinés à élargir les motifs d'expulsion des citoyens de l'Union européenne en y incluant le fait d'« abuser » du système de prestations sociales français, l'exploitation de la mendicité et l'occupation « abusive » de terrains. Le moment choisi pour les amendements ainsi que l'orientation et les déclarations faites par les ministres du gouvernement suggéraient fortement que ces mesures visaient les Roms.

À la fin du mois de décembre 2009, les autorités françaises ont expulsé un Tunisien vers le Sénégal en invoquant la sécurité nationale, malgré une ordonnance de la CEDH demandant la suspension de son renvoi. Quelques semaines auparavant, la Cour avait jugé que si la France expulsait un Algérien qui avait purgé une peine de six ans de prison suite à une condamnation pour terrorisme, elle violerait ses obligations dans le cadre de la Convention européenne. La France a obtempéré.

En juillet, le Conseil constitutionnel a déclaré que les garanties inappropriées dans les affaires criminelles ordinaires, notamment le refus de la présence d'un avocat pendant les interrogatoires, étaient anticonstitutionnelles. En octobre, le gouvernement a présenté un projet de loi pour réformer la garde à vue. Cette loi n'a pas encore été votée au moment où nous écrivons ces lignes. La CEDH a par la suite jugé en octobre que les règles actuellement en vigueur enfreignaient les normes de procès équitable. En octobre également, la Cour de Cassation, la plus haute juridiction pénale, a jugé que droits réduits dans les affaires de terrorisme, de crime organisé et de trafic de drogue violaient le droit à une défense équitable. A l'heure où nous rédigeons cet article, le projet de loi actuel n'aborde pas ces questions.

Allemagne

Dans un rapport du mois de février, le rapporteur spécial des Nations Unies sur le racisme a souligné une persistance du racisme, de la xénophobie et de la discrimination en matière de logement, d'emploi et d'éducation, de conditions de vie et de restrictions de mouvements pour les demandeurs d'asile.

La Grande Chambre de la CEDH a jugé en juin que l'Allemagne avait violé l'interdiction de mauvais traitement en se contentant de condamner à une amende un chef adjoint de la police (qui a ensuite été promu) et l'un de ses subordonnés pour avoir menacé de torture un kidnappeur en 2002, concluant que la sanction n'avait pas l'effet dissuasif nécessaire.

Dans un jugement qui est devenu définitif au mois de mai, la CEDH a jugé qu'une loi allemande autorisant les prisonniers reconnus coupables et jugés dangereux à être détenus pour une durée indéterminée après avoir purgé leur peine violait le droit à la liberté et l'interdiction de la détention arbitraire.

En juillet, l'Allemagne a levé ses restrictions sur l'application de la Convention des Nations Unies relative aux Droits de l'Enfant, couvrant diverses questions parmi lesquelles les enfants demandeurs d'asile. Les organisations allemandes de défense des droits humains continuent d'appeler le gouvernement à faire en sorte que les enfants migrants non accompagnés soient traités en conformité avec la convention, en mettant par exemple fin à l'hébergement mixte avec des adultes et à la détention avant expulsion de ceux âgés de 16 à 18 ans.

Grèce

En septembre, le HCR a qualifié la situation à laquelle sont confrontés les migrants et les demandeurs d'asile en Grèce de « crise humanitaire ». Aucune amélioration concrète n'a été notée malgré les engagements répétés pris par le gouvernement de réformer son système d'asile, de rétablir les droits d'appel, de garantir un traitement humain des migrants et la responsabilité de la police en cas de mauvais traitement.

Un décret présidentiel comportant de modestes réformes, traitant notamment un arriéré de plus de 46 000 affaires, est resté au point mort, en partie du fait de la crise budgétaire qui a frappé le pays. Seuls 11 des 30 000 demandeurs (soit 0,04 pourcent) se sont vu octroyer l'asile en première instance en 2009. De plus amples réformes ont été repoussées à 2011, voire plus tard.

La Commission européenne a poursuivi sa procédure d'infraction contre la Grèce pour sa violation des règles d'asile de l'Union européenne en envoyant au gouvernement une deuxième lettre de mise en demeure le 24 juin. En réponse à une demande de la Grèce, Frontex a déployé 175 gardes frontières en novembre à la frontière entre la Grèce et la Turquie.

Les migrants et les demandeurs d'asile ont continué d'être détenus dans des conditions non conformes aux normes. Il existe peu ou pas d'assistance pour les enfants migrants non accompagnés et autres groupes vulnérables, dont beaucoup vivent dans la misère ou dans les rues, exposés au risque d'être victimes d'exploitation et de trafic. Suite à une visite au mois d'octobre, le rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture a qualifié les conditions dans de nombreux centres de rétention d'immigrants d'inhumaines et de dégradantes.

Les violences de groupes d'opposition armés, ainsi que les grèves et manifestations, ont marqué une année synonyme d'accentuation de la crise économique et de mesures d'austérité en Grèce. Plusieurs attaques à la bombe meurtrières contre des bâtiments publics ont eu lieu, tuant un badaud en mars et l'assistant du ministre chargé de la protection des citoyens en juin. D'autres attaques ont causé des dégâts matériels. Au mois de novembre, la police, en Grèce et ailleurs, a intercepté plus d'une douzaine de courriers piégés adressés à des ambassades étrangères à Athènes, au parlement grec, à des chefs d'État et des institutions en Europe.

Un policier a été condamné en octobre à une peine de prison à vie pour avoir tué intentionnellement par balle un garçon de quinze ans pendant une manifestation à Athènes en décembre 2008, provoquant des émeutes dans tout le pays. Un autre agent a été condamné à une peine de dix ans de prison pour complicité.

Au mois de mai, le Comité européen des Droits sociaux du Conseil de l'Europe a rendu publiques ses conclusions de décembre 2009 condamnant la Grèce pour discrimination généralisée à l'encontre des Roms en matière d'accès au logement. Ce même comité avait déjà condamné la Grèce en 2004.

Italie

Les violences racistes et xénophobes ainsi que le discours politique hostile continuent de représenter un problème pressant. Au mois de janvier, onze travailleurs migrants saisonniers originaires d'Afrique ont été gravement blessés lors de fusillades depuis des voitures et d'agressions visant la foule sur une période de trois jours à Rosarno, en Calabre. Au moins dix autres migrants, dix agents de la force publique et quatorze résidents locaux ont dû bénéficier d'un traitement médical. Plus de mille migrants ont quitté la ville à la suite de ces violences, la majorité d'entre eux ayant été évacués par des membres de la force publique. De nombreux pays ont exprimé leur préoccupation face au racisme et à la xénophobie en Italie pendant son Examen Périodique Universel qui s'est tenu lors du Conseil des droits de l'homme (CDH) des Nations Unies en février.

Les Roms et les Sintis ont continué de subir des niveaux élevés de discrimination et de souffrir de pauvreté et de conditions de vie déplorables tant dans les camps autorisés que ceux non autorisés. Les Roms d'Europe de l'Est, originaires principalement de Roumanie et vivant dans des campements sauvages, ont été confrontés à des expulsions forcées et des incitations financières pour rentrer dans leurs pays d'origine. En octobre, le Comité européen des Droits sociaux du Conseil de l'Europe a publié des conclusions du mois de juin condamnant l'Italie pour discrimination à l'encontre des Roms en matière de logement, d'accès à la justice et d'aide économique et sociale.

L'Italie a continué d'expulser des terroristes présumés vers la Tunisie, dont Mohamed Mannai en mai, en dépit du risque de mauvais traitement, des interventions incessantes de la CEDH et de sa condamnation par le Conseil de l'Europe. Une résolution adoptée en juin par son Comité des Ministres a réitéré l'obligation de l'Italie de se conformer aux décisions de la CEDH.

Le Comité européen pour la prévention de la torture a affirmé dans un rapport du mois d'avril que l'Italie violait le principe de non-refoulement lorsqu'elle interceptait les migrants tentant d'atteindre l'Italie par bateau et les renvoyait en Libye sans vérifier si des personnes nécessitaient une protection internationale. Deux responsables italiens ont été poursuivis devant un tribunal en Sicile pour leur rôle dans le renvoi de 75 personnes en Libye sur un bateau de la Police Financière Italienne en août 2009.

L'Italie avait refusé l'asile à une douzaine d'Érythréens qu'elle avait renvoyés en Libye en 2009 où, aux côtés de centaines d'autres Érythréens, ils ont été victimes de mauvais traitements, de détention abusive et de menaces d'expulsion vers l'Érythrée.

Au mois de mai, une cour d'appel de Gênes a déclaré coupables 25 agents de police sur 29 pour des violences contre des manifestants lors du sommet du G8de 2001, annulant les acquittements prononcés par un tribunal inférieur. Le ministre de l'Intérieur a annoncé qu'il ne suspendrait pas les agents. Des appels contre la décision du mois de mai sont en cours au moment où nous rédigeons cet article.

Pays-Bas

Les élections générales de juin se sont soldées par une troisième place pour le parti anti-immigration, le Parti de la Liberté, avec 24 sièges au parlement. Fin septembre, après des mois de négociations, le Parti Libéral et les Démocrates Chrétiens ont annoncé une coalition de centre droit reposant sur le soutien du Parti de la Liberté.

En octobre, le leader du Parti de la Liberté, Geert Wilders, a comparu devant un tribunal pour incitation à la discrimination et à la haine contre les Musulmans, les immigrants non occidentaux, et plus particulièrement les Marocains, ainsi que pour diffamation collective contre les adeptes de l'Islam. Quelques semaines plus tard, de nouveaux juges ont été désignés suite à une contestation soulevée par Geert Wilders pour partialité présumée ; l'affaire est toujours en cours au moment où nous rédigeons cet article.

De nouvelles règles fixées au mois de juillet ont prolongé la durée de la procédure d'asile accélérée qui est passée de 48 heures à huit jours tout en en faisant la procédure par défaut, malgré des critiques tant au niveau national qu'international invoquant le fait que huit jours ne sont pas suffisants pour une évaluation en bonne et due forme, en particulier dans les cas complexes et ceux concernant des groupes vulnérables. En février, le Comité des Nations Unies pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a critiqué les procédures accélérées néerlandaises comme étant inadaptées pour les femmes victimes de violences et les enfants non accompagnés et a vivement insisté pour que le gouvernement reconnaisse officiellement les violences domestiques et les persécutions basées sur le sexe comme constituant des motifs d'asile.

La CEDH a jugé en juillet que l'expulsion vers la Libye d'un Libyen, acquitté en 2003 par un tribunal néerlandais des accusations de terrorisme pesant contre lui, serait une violation de l'interdiction des renvois en cas de risque de torture.

En septembre, en application d'une nouvelle politique annoncée en juillet, le gouvernement a expulsé à Mogadiscio un Somalien auquel l'asile avait été refusé, en dépit des directives de l'UNHCR déconseillant tous renvois vers la région du centre-sud de la Somalie.

Pologne

Des dossiers de vol officiels obtenus en février par deux organisations polonaises de défense des droits humains ont confirmé qu'au moins six vols d'extradition de la CIA avaient atterri en Pologne en 2003. Une enquête criminelle engagée en 2008 pour complicité dans l'implantation d'une prison secrète de la CIA s'est poursuivie, avec des rapports suggérant que le procureur envisageait des accusations de crime de guerre contre l'ancien président, Aleksander Kwasniewski, et d'autres anciens hauts fonctionnaires. En septembre, le procureur en charge de l'affaire a indiqué que son enquête porterait également sur des accusations de détention et de torture à l'encontre d'un Saoudien pendant qu'il était placé en garde en vue par la CIA en Pologne.

Les discriminations fondées sur la race, le sexe et l'identité sexuelle demeurent de graves problèmes. En juin, la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance du Conseil de l'Europe a exprimé ses préoccupations quant à l'échec de la Pologne pour lutter de manière adéquate contre les discriminations à l'encontre des Roms et des non ressortissants en matière d'éducation, de logement, d'emploi et de santé. La Commission Européenne a déféré la Pologne devant la Cour de justice de l'Union européenne en mai pour non application de la directive de l'Union européenne sur l'égalité des races. A l'heure où nous écrivons ces lignes, un projet de loi contre les discriminations prôné par le gouvernement doit encore recevoir l'approbation définitive du parlement et devrait entrer en vigueur en janvier 2011. Une coalition réunissant quarante associations de défense des droits humains a critiqué le projet de loi au motif qu'il ne protège pas contre les discriminations fondées sur l'orientation sexuelle, le handicap, l'âge ou la religion, dans divers domaines ou contre les discriminations liées au sexe dans l'éducation.

Varsovie a accueilli au mois de juillet un rassemblement pour les droits des gays qui fera date. La première parade EuroPride organisée dans un pays de l'ancien Bloc de l'Est a été pacifique en dépit d'une forte opposition. En décembre 2009, le Comité des Droits Économiques, Sociaux et Culturels des Nations Unies avait exprimé des inquiétudes au sujet des discriminations à l'encontre des personnes gays, lesbiennes, bisexuelles et transgenres en Pologne. La CEDH a jugé en mars que la Pologne commettait des actes illégaux de discrimination à l'encontre des couples homosexuels en leur refusant la même protection en matière de logement et de droits de succession que celle fournie aux couples hétérosexuels non mariés.

Dans un rapport du mois de mai, le rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à la santé a critiqué la Pologne en raison de l'absence de droit à l'avortement, à la contraception et au dépistage prénatal.

Espagne

L'ETA, violent groupe séparatiste basque, a annoncé un cessez-le-feu unilatéral au début du mois de septembre après un an de relative inactivité et des arrestations importantes dans le cadre de la coopération entre la France et l'Espagne. Un gendarme français a été tué en mars près de Paris lors d'une fusillade avec des membres présumés de l'ETA. En janvier, la Cour Suprême Espagnole a jugé que les négociations de 2006 entre les représentants basques élus et Batasuna, le parti nationaliste basque déclaré illégal en 2003 pour ses liens présumés avec l'ETA, ne constituaient pas un crime. Trois membres de l'ETA ont été condamnés pour l'attentat à la bombe de décembre 2006 dans un aéroport de Madrid. Ils purgeront au maximum une peine de quarante ans de prison chacun, malgré les sentences symboliques de mille ans qui ont été prononcées.

L'Espagne a rejeté les recommandations des autres gouvernements pendant son Examen Périodique Universel qui s'est tenu lors du CDH en mai. Parmi les recommandations rejetées figuraient l'amélioration des protections pour les détenus pour terrorisme enfermés sans accès à des moyens de communication ainsi que les recommandations sur la mise en œuvre de la réforme de la justice de 2008 dans les affaires de terrorisme faites par le rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits humains dans la lutte contre le terrorisme. Le gouvernement espagnol a de la même manière rejeté les recommandations visant la création d'un système indépendant de plaintes auprès de la police.

En juin, le Parlement a approuvé une révision du code pénal espagnol entrant en vigueur en décembre 2010, augmentant les peines pour plus de trente crimes, créant un nouveau système de « liberté surveillée » après une peine purgée pour terrorisme et délits sexuels et créant un nouveau crime : la diffusion d'informations visant à « provoquer, fomenter ou favoriser » la perpétration d'un crime terroriste.

Le juge Baltasar Garzón, connu dans le monde entier pour ses efforts pour faire traduire en justice l'ex-dictateur chilien Augusto Pinochet, a été suspendu en mai et a fait l'objet d'un procès pour avoir enquêté sur des cas présumés de détention illégale et de disparitions forcées de plus de 100 000 personnes pendant la guerre civile espagnole et sous le régime franquiste qui a suivi, malgré une loi d'amnistie de 1977. Le Groupe de Travail des Nations Unies sur les Disparitions Forcées ou Involontaires a exprimé son inquiétude en mai vis-à-vis de la suspension du juge Garzón et de la critiquée loi d'amnistie espagnole.

Environ 200 enfants migrants non accompagnés, principalement originaires d'Afrique sub-saharienne et du Maroc, sont encore retenus dans des centres d'« urgence » installés en 2006 aux Canaries en dépit des promesses répétées du gouvernement local de les fermer. Environ la moitié d'entre eux vivent à La Esperanza, un ancien centre de détention isolé, vaste et non conforme aux normes. Le Comité des Droits de l'Enfant des Nations Unies a manifesté sa préoccupation en septembre quant aux conditions d'accueil inadaptées et à la négligence envers les enfants retenus aux Canaries. Il a recommandé que l'Espagne crée des centres conviviaux pour les enfants et introduise des mécanismes de plainte efficaces pour que les enfants retenus rendent compte des éventuels mauvais traitements qu'ils auraient subis.

Une nouvelle loi est entrée en vigueur en juillet supprimant les restrictions relatives à l'avortement pour le rendre légal sur demande jusqu'à la quatorzième semaine de grossesse. Elle a également amélioré l'accès aux droits liés à la procréation et à la planification familiale ainsi que l'information concernant ces derniers. Avant la réforme, l'avortement n'était légal qu'en cas de risques graves pour la santé de la mère, de malformations fœtales ou de viol.

Royaume-Uni

Les élections générales de mai se sont soldées par l'accession au pouvoir d'une coalition entre le parti conservateur et le parti des libéraux démocrates, le premier gouvernement de coalition en Grande-Bretagne depuis 1945.

En juillet, le nouveau gouvernement a annoncé une enquête dirigée par un juge portant sur des accusations de complicité de torture de la part des services des renseignements du Royaume-Uni et a, pour la première fois, publié des directives, destinées aux agents des renseignements, sur les interrogatoires de détenus à l'étranger. L'enquête, dont le cadre de référence détaillé n'a pas encore été publié à l'heure où nous rédigeons cet article, ne devrait pas débuter tant que toutes les enquêtes criminelles en cours sur la complicité présumée d'agents britanniques dans des actes de torture à l'étranger ne seront pas closes. En novembre, le procureur général britannique a annoncé qu'il n'existait pas de preuves suffisantes pour poursuivre en justice un agent des Services de Sécurité (MI5) pour les abus perpétrés contre Binyam Mohamed. Le gouvernement a également annoncé qu'il verserait aux anciens détenus de Guantanamo une indemnité pour régler les frais des procédures civiles et éviter la divulgation de documents confidentiels, sans que les autorités britanniques ne reconnaissent leur culpabilité.

Parmi les autres faits qui demeurent préoccupants figurent le fait que les directives en vigueur en matière d'interrogatoires à l'étranger laissent trop de latitude aux agents de renseignement ; qu'elles semblent d'établir une discrétion ministérielle pour autoriser l'utilisation de techniques abusives ; et qu'elles voient les garanties diplomatiques comme un moyen d'atténuer les risques de torture ou de mauvais traitement, en dépit de leur manque de fiabilité inhérent.

La Equality and Human Rights Commission (Commission sur l'égalité et les droits humains) a averti le gouvernement au mois de septembre qu'elle demanderait un examen judiciaire par les tribunaux si les directives n'étaient pas amendées. Les avocats représentant les civils détenus et qui auraient été victimes de torture par les forces britanniques en Irak ont également menacé d'intenter une action au motif que les directives n'interdisaient pas catégoriquement le hooding (fait de mettre de force une cagoule sur la tête d'une personne), question au cœur de l'enquête publique sur le décès en 2003 du réceptionniste irakien d'un hôtel, Baha Mousa, alors qu'il était détenu par les militaires britanniques à Bassorah. Les audiences dans le cadre de l'enquête ont pris fin en octobre et le rapport final est encore attendu au moment où nous écrivons cet article.

Des documents extrêmement détaillés ont été publiés aux mois de juillet et septembre à la suite d'une ordonnance prononcée par la Haute Cour de Justice dans une affaire civile intentée contre le gouvernement britannique par six anciens détenus de Guantanamo. Les documents ont apporté des preuves montrant que le gouvernement était au courant dès janvier 2002 d'allégations selon lesquelles des citoyens et résidents britanniques étaient torturés pendant qu'ils étaient détenus par les Américains mais qu'il ne s'était pas opposé au transfert de ressortissants britanniques vers Guantanamo. Les documents comportaient également des directives de 2002 destinées aux agents du renseignement britanniques stipulant que s'ils constataient le « mauvais traitement » de prisonniers détenus par un pays étranger « la loi n'impose pas que vous interveniez pour l'empêcher. »

En juillet, le Home Office (Ministère de l'intérieur britannique) a entamé un examen portant sur des mesures anti-terroristes des plus critiquées, comprenant des ordres de contrôle, une détention provisoire prolongée, des arrestations et contrôles d'identité en l'absence de soupçon légitime et des expulsions sans garanties. A l'heure où nous rédigeons ces lignes, le gouvernement doit encore présenter ses propositions de réforme au parlement. Le gouvernement a suspendu le pouvoir d'arrestation et de contrôle d'identité en matière de terrorisme en juillet, suite à la confirmation par la CJDH du fait que ce pouvoir violait les droits à la vie privée, était trop étendu et omettait toutes garanties.

Malgré l'examen réalisé par le Home Office, l'accord du gouvernement de coalition a approuvé l'utilisation des garanties diplomatiques pour expulser des terroristes présumés.

En mai, la Special Immigration Appeals Commission (SIAC - Commission Spéciale des Recours en matière d'Immigration) a bloqué l'expulsion vers le Pakistan, en s'appuyant sur des garanties diplomatiques, de deux Pakistanais soupçonnés de terrorisme. Au mois de juillet, le gouvernement américain a entamé une procédure d'extradition contre l'un de ces suspects. L'affaire est en cours à l'heure où nous écrivons. La SIAC a jugé en septembre qu'un Éthiopien soupçonné de terrorisme pouvait être expulsé en toute sécurité vers l'Éthiopie malgré le risque de torture, première affaire impliquant un accord de 2008 entre les deux pays. Un appel est en instance à l'heure où nous rédigeons ce chapitre.

En juin, la Haute Cour du Royaume-Uni a confirmé un moratoire sur les transferts de terroristes présumés vers le siège de la National Directorate of Security (NDS - Direction Nationale de la Sécurité) à Kaboul suite à des allégations de torture. En mars, la CJDH a jugé que le Royaume-Uni violait les droits de deux Irakiens en les transférant depuis un centre de détention militaire britannique à Bassorah pour les remettre aux autorités irakiennes en décembre 2008. La cour a rejeté l'appel déposé par le gouvernement britannique en octobre.

Le premier ministre a présenté des excuses publiques au mois de juin pour le meurtre « injustifié et injustifiable » en 1972 de 14 manifestants non armés en Irlande du Nord commis par des soldats britanniques, suite au rapport attendu de longue date de l'Enquête sur le « Bloody Sunday » (Dimanche sanglant) publié au cours du même mois. L'enquête qui a duré 12 ans a conclu que les soldats n'avaient été confrontés à aucune menace et n'avaient donné aucun avertissement avant de faire feu.

Le décès en octobre d'un Angolais en train d'être expulsé par des gardes de sécurité privés travaillant pour le Home Office a provoqué une enquête du Parliamentary Home Affairs Committee (Comité parlementaire chargé des affaires intérieures) sur les techniques de contention employées pendant ces renvois. Une enquête criminelle sur ce décès était en cours lors de la rédaction de cet article.

Des enfants ont continué d'être retenus dans des centres d'immigration en dépit de l'engagement pris en mai par le gouvernement de cesser cette pratique. Des femmes, y compris des femmes ayant survécu à des violences sexuelles au Pakistan, en Sierra Leone et en Ouganda, ont continué à être placées sous le coup de la procédure d'asile accélérée en rétention (« detained fast-track ») qui n'est pas adaptée pour prendre en compte la complexité de ce type de demandes.

La Cour Suprême a jugé au mois de juillet que deux demandeurs d'asile gays venant respectivement d'Iran et du Cameroun ne pouvaient se voir refuser la protection au motif qu'ils pouvaient dissimuler leur sexualité dans leur pays d'origine. Le Home Office a annoncé de nouvelles règles visant à empêcher les renvois vers des pays dans lesquels les personnes étaient exposées à des persécutions en raison de leur orientation ou de leur identification sexuelle.