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Erythrée : panorama des droits humains

Janvier 2004

 
En proie à une famine périodique et à des tensions intenses avec l’Ethiopie au sujet de leur frontière commune, l’Erythrée reste un Etat policier où la différence d’opinion est impitoyablement réprimée et où il est généralement interdit aux institutions politiques, civiques, sociales non-gouvernementales de fonctionner.

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Répression de la divergence d’opinion  
L’Erythrée est un Etat monopartiste. Aucun autre parti, à part le Front du Peuple pour la Démocratie et la Justice (Peoples Front for Democracy and Justice, PFDJ), n’a le droit d’exister. Aucun groupe de plus de sept personnes n’a le droit de se rassembler sans l’approbation du gouvernement. Aucune élection nationale n’a été tenue depuis que l’Erythrée a conquis son indépendance en se libérant de l’Ethiopie en 1993. Les élections ont été annulées en 1997 suite à une guerre de frontière avec l’Ethiopie. Elles l’ont été encore en 2001, deux ans après la fin de la guerre. Pas de calendrier électoral jusqu’à présent. Le gouvernement a récemment annoncé qu’il tiendra des élections au niveau des régions mais aucune date n’a été fixée.  
 
Le gouvernement a refusé de mettre en vigueur la constitution de 1997 rédigée par une assemblée constitutionnelle et ratifiée par référendum. La constitution contient des restrictions sur l’usage arbitraire du pouvoir. Elle prévoit l’ordre d’habeas corpus, les droits des prisonniers de plaider leur cause devant une cour et des procès justes et publics. La constitution protège la liberté de presse, de parole, et le rassemblement pacifique. Elle autorise le droit de former des organisations politiques. Elle permet à tout Erythréen de pratiquer la religion de son choix.  
 
Le 18 septembre 2001, le gouvernement a arrêté onze leaders du PFDJ après la sortie d’une lettre qu’ils ont envoyée au président Issayas Aferwerki critiquant son leadership et demandant la réforme démocratique, incluant la mise en application de la constitution de 1997. A ce même moment, le gouvernement a arrêté des éditeurs, des rédacteurs en chef et des reporters et a fermé tous les journaux et revues non-gouvernementaux. Dans les deux ans qui ont suivi, le gouvernement a arrêté nombre d’Erythréens à cause de leurs liens avec les dissidents, leur vision politique ou leur déviation du dogme du gouvernement.  
 
Ceux arrêtés en 2001 et beaucoup de ceux arrêtés depuis lors sont gardés au secret dans des lieux de détention également secrets. Même si le président Issayas a traité les détenus de traîtres et d’espions, le gouvernement a refusé de les traduire en justice ou de leur accorder au moins un semblant de procédure convenable. Suivant le code pénal érythréen, les détenus ne devraient pas rester en prison plus de trente jours sans inculpation.  
 
Les arrestations arbitraires et l’emprisonnment prolongé sans procès n’ont pas été limités aux seuls leaders politiques et journalistes. Le gouvernement a mis en détention 250 réfugiés qui avaient fui l’Erythrée mais ont été rapatriés de Malte et contre leur gré vers fin 2002. Ils étaient toujours détenus au secret à la fin de l’année 2003.  
 
Depuis la fermeture de la presse privée en 2001, le gouvernement a gardé le monopole de l’accès à l’information. En 2003, le gouvernement a déployé des gardes pour empêcher l’accès à deux centres d’information dirigés par la Mission des Nations Unies en Ethiopie et Erythrée (UNMEE). Il a ensuite demandé à la Mission de fermer les deux centres parce qu’il ne les trouvait pas nécessaires et que certains de leurs matériaux ne convenaient pas pour la jeunesse.  
 
Suppression des religions minoritaires  
Les membres des églises Chrétiennes Pentecôtistes ont été arrêtés pour possession des bibles ou pour prière en commun. Le gouvernement a fermé toutes les institutions religieuses en mai 2002 à l’exception de celles affiliées aux églises Orthodoxe, Catholique Romaine, et Evangélique (Luthérienne) Erythréennes, et les Mosquées musulmanes. A la fin de 2003, des ressources fiables faisaient état de plus de 300 membres d’églises non reconnues sous les verroux.  
 
Service militaire forcé  
Tous les Erythréens entre 18 et 45 ans doivent accomplir deux ans de service militaire obligatoire. En pratique cependant, la durée du service est très souvent prolongée. Des nettoyages pour raffler ceux qui se dérobent sont fréquents. Depuis 2003, les écoliers doivent passer la dernière année de leur cycle dans le camp militaire de Sawa à l’ouest de l’Erythrée. Le commandant du camp a affirmé que les étudiants sont considérés comme des membres des Forces de Défense Erythréennes. Le gouvernement utilise des fois le service militaire comme une récompense pour critique à l’endroit de la politique du gouvernement. Un reporter érythréen de la Voix d’Amérique (Voice Of America, VOA) s’est vu confisquer sa lettre d’accréditation le 8 juillet 2003. Il a été envoyé à Sawa pour le service militaire pour avoir émis des doutes sur les rapports du gouvernement selon lesquels les membres de famille avaient « célébré » quand le gouvernement avait finalement annoncé les noms des combattants tombés sur le champ de bataille presque trois ans après la fin des hostilités. La VOA a revendiqué que le reporter avait déjà complété son service militaire et était exempt d’un autre appel sous les drapeaux pour des raisons médicales.  
 
Conditions carcérales et torture  
Suite au volume des arrestations, les prisonniers sont souvent détenus dans des conteneurs de chargement improvisés. A Aderser, près de Sawa, les prisonniers sont gardés dans des cellules souterraines. Au moins six étudiants du lycée, est-il rapporté, étaient détenus en régime cellulaire dans des cachots souterrains à Sawa. En plus de l’abus psychologique, les évadés rapportent l’usage de la torture physique dans certaines prisons. Les prisonniers ont été suspendus aux arbres, les bras liés sur le dos, technique connue sous le nom de almaz (diamant). Les prisonniers ont été également placés face contre terre, les bras liés aux pieds, torture connue sous le nom de « helicopter. » Les visites des prisons par les organisations internationales des droits humains sont prohibées.  
 
Famine  
Suite à une sévère sécheresse, jusqu’à un tiers des enfants érythréens ont souffert de la malnutrition en 2003 même si on n’a pas rapporté de cas de morts de faim. Les précipitations plus abondantes de 2003 devraient quelque peu amélirorer le besoin de l’assistance extérieure en nourriture pour 2004, mais la récolte est toujours qualifiée de decevante.  
 
Relations avec l’Ethiopie  
La guerre de 1998-2000 avec l’Ethiopie a pris fin avec l’accord d’un armistice par lequel les deux pays s’engageaient à respecter leurs frontières. En 2003, l’Ethiopie a annoncé qu’elle rejetait la décision de la commission indépendante sur le problème des frontières, en grande partie parce qu’elle accordait à l’Erythrée le village de Badme, point déclencheur de la guerre. (voir Ethiopie). Le gouvernement érythréen s’est servi de la possibilité du renouvellement du conflit comme justification du report des élections et du prolongement du service militaire.  
 
Principaux acteurs internationaux  
En 2003, l’aide de la communauté internationale consistait principalement dans la nourriture et autre aide humanitaire. Suite au très triste record de l’Eritrée en matière des droits de humains, elle a reçu peu quant aux autres types d’assistance.  
 
L’Union Européenne a annoncé en 2003 qu’elle donnerait à l’Erythrée – sous l’Initiative Européenne pour la Démocratie et les Droits de l’Homme – une somme dont le montant n’a pas été précisé s’ajoutant à l’aide pour cinq ans (jusqu’en 2007) d’une enveloppe de 96 millions d’euros pour le développement social et économique. L’Union Européenne a dit que l’assistance dépendrait de la volonté du gouvernement d’améliorer les libertés civiques.  
 
En 2003, les Etats-Unis ont refusé l’assistance non-humanitaire, dans une large mesure parce que l’Erythrée a refusé de libérer deux employés locaux de l’Ambassade américaine arrêtés en 2001. (Après deux ans, aucune charge n’a été retenue contre eux). Alors que la position officielle des Etats-Unis reste de refuser son assistance, les agents du département américain de la défense, dont le secrétaire à la défense, ne cessent de louer le gouvernement Erythréen pour son soutien dans la lutte contre le terrorisme.