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Azerbaïdjan : le gouvernement se lance dans une campagne de répression après les élections

Arrestations à grande échelle, torture et passages à tabac font suite à la tenue d’élections frauduleuses

(New York, 23 janvier 2004) -- Le gouvernement azéri se livre à une répression massive contre l’opposition politique suite à l’élection présidentielle frauduleuse d’octobre, a déclaré Human Rights Watch dans un nouveau rapport publié aujourd'hui, au moment de la visite à l’Élysée du président d’Azerbaïdjan.

« L’Azerbaïdjan connaît actuellement sa plus grave crise des droits humains des dix dernières années. Le gouvernement doit prendre des mesures immédiates pour mettre un terme à cette répression. »
Rachel Denber, directrice par intérim de la Division Europe et Asie centrale à Human Rights Watch
  

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Le rapport de 55 pages intitulé, « Crushing Dissent: Repression, Violence and Azerbaijan’s Elections, » apporte des informations sur des centaines d’arrestations arbitraires, des passages à tabac, des actes de torture généralisés et des renvois de leur emploi, pour motivations politiques, de membres et de partisans de l’opposition suite à l’élection présidentielle du 15 octobre, qualifiée de frauduleuse par une bonne partie de la communauté internationale.  
 
« L’Azerbaïdjan connaît actuellement sa plus grave crise des droits humains des dix dernières années, » a déclaré Rachel Denber, directrice par intérim de la Division Europe et Asie centrale à Human Rights Watch. « Le gouvernement doit prendre des mesures immédiates pour mettre un terme à cette répression. »  
 
Le 22 et 23 janvier, le nouveau président azéri, Ilham Aliev, rendra visite au président français, Jacques Chirac, à Paris. Le 27 janvier, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe débattra du respect par l’Azerbaïdjan des exigences de l’organisation en matière de droits humains. L’Azerbaïdjan est devenu membre du Conseil de l’Europe en 2001, immédiatement après des élections parlementaires fortement critiquées par la communauté internationale.  
 
« Beaucoup espéraient que l’admission de l’Azerbaïdjan au sein du conseil de l’Europe encouragerait finalement le gouvernement à tenir des élections libres et équitables, » a déclaré Denber. « Ces espoirs ont été anéantis. L’Assemblée parlementaire doit adopter une résolution ferme affirmant clairement que les pouvoirs de la délégation parlementaire d’Azerbaïdjan au sein du Conseil de l’Europe seront menacés si le gouvernement ne remédie pas à la situation. »  
 
Le rapport de Human Rights Watch apporte des informations sur les violations des droits humains commises par les autorités azéries avant, pendant et après l’élection présidentielle. Le rapport s’appuie sur des centaines d’entretiens avec des victimes et des témoins conduits dans treize villes et agglomérations d’Azerbaïdjan, en octobre et novembre.  
 
Human Rights Watch a montré que le gouvernement avait empêché les candidats de l’opposition de mener efficacement leur campagne. Des brutalités policières et des arrestations arbitraires ont eu pour but d’intimider les partisans de l’opposition et le grand public. Le jour de l’élection, le gouvernement a mené une campagne très organisée de fraudes à travers tout le pays afin d’assurer la victoire du candidat du parti au pouvoir, Ilham Aliev, à la barbe de la plus vaste équipe internationale d’observateurs du processus électoral jamais déployée dans le pays.  
 
La violence a fait irruption juste après l’élection. Le rapport apporte des informations sur le recours, par la police, à une force brutale et excessive pour réprimer les manifestations. 300 manifestants au moins ont été gravement blessés et une personne au moins a trouvé la mort. A ce jour, les autorités azéries ont refusé d’enquêter ou de punir les forces de sécurité pour usage excessif de la force.  
 
Dans les semaines qui ont suivi l’élection, les autorités azéries ont utilisé la violence post-électorale comme prétexte à une répression massive de l’opposition. La police a arrêté près de 1 000 personnes, dont des responsables nationaux de l’opposition, des membres des partis locaux d’opposition, des activistes d’organisations non-gouvernementales, des journalistes, des responsables des élections et des observateurs qui mettaient en avant les fraudes. Human Rights Watch a recueilli des informations sur de nombreux cas de torture par la police. Cette dernière a eu recours, contre les responsables de l’opposition, à de violents passages à tabac, à des décharges électriques et à des menaces de viols perpétrés par des hommes. L’Unité du crime organisé du Ministère de l’Intérieur a joué ici un rôle particulièrement actif.  
 
Plus de 100 personnes sont encore détenues et pourraient se voir infliger des peines pouvant aller jusqu’à 12 ans de prison. La police continue de convoquer des partisans de l’opposition politique afin de leur faire renoncer, par la pression, à leur appartenance au parti. Human Rights Watch a recueilli des informations sur plus de 100 cas dans lesquels des membres de l’opposition et certains de leurs proches ont été renvoyés de leur emploi en représailles contre leur engagement politique ou celui de leurs proches.  
 
Human Rights Watch a montré que la domination totale exercée par la présidence était l’une des causes des abus commis contre les droits humains en Azerbaïdjan. Nombre des abus étudiés par Human Rights Watch se sont produits sous les ordres directs des autorités exécutives locales nommées par les services du président auxquels elles rendent exclusivement compte de leurs activités.  
 
Compte tenu du soutien visible et considérable apporté par la communauté internationale à la tenue d’élections libres et équitables en Azerbaïdjan, Human Rights Watch a exprimé sa déception quant aux messages souvent timides et contradictoires en provenance des gouvernements étrangers et des missions d’observation des élections, à l’issue de l’élection présidentielle. Par exemple, le gouvernement américain a initialement félicité Ilham Aliev pour sa victoire puis a publié une déclaration faisant part de ses préoccupations quant aux abus pour finalement passer la situation sous silence lors de la visite du Secrétaire américain à la Défense, Donald Rumsfeld, en Azerbaïdjan, en décembre.  
 
« La communauté internationale doit adopter une position ferme et cohérente contre la montée des abus, » a déclaré Denber. « Au vu des récentes déclarations du Président Bush sur la démocratie dans les pays voisins du Moyen-Orient, l’inaction américaine en Azerbaïdjan est particulièrement préoccupante. »  
 
Le rapport de Human Rights Watch contient des recommandations adressées au gouvernement d’Azerbaïdjan et à la communauté internationale, notamment les suivantes :  
  • Etablir une commission indépendante d’enquête avec une participation internationale significative afin d’enquêter sur les fraudes électorales.  
     
  • Enquêter sur les allégations d’abus physiques et de torture, en particulier par l’Unité du crime organisé du Ministère de l’Intérieur. Lancer des actions disciplinaires contre les agents responsables de ces actes ou les traduire en justice. La communauté internationale, en particulier les gouvernements de l’Union européenne et des Etats Unis devraient s’assurer que les unités de police complices d’actes de torture ne bénéficient pas d’une assistance financière étrangère.  
     
  • Revoir immédiatement les cas des personnes encore détenues qui ont été arrêtées sur la base d’une présumée implication dans la violence des 15 et 16 octobre. Enquêter sur les allégations de torture et d’abus contre ces détenus. Libérer sans conditions tous les détenus pour lesquels n’existe aucune preuve spécifique de leur participation à des activités illégales.