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Darfour: de nouvelles atrocités contredisent les affirmations de Khartoum

Le soutien international est indispensable pour assurer la protection des civils

(Londres, le 11 août 2004) – Les promesses faites par le gouvernement soudanais d'une amélioration au Darfour se révèlent peu crédibles au moment précis où les civils sont confrontés à de nouvelles atrocités et où la région connaît une insécurité croissante, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd'hui. Au lieu de désarmer les milices appuyées par le gouvernement et connues sous le nom de Janjawids, Khartoum a commencé à les incorporer au sein des forces de police et autres services de sécurité qui pourraient être amenés à quadriller les “zones de sécurité” proposées pour les civils déplacés.

« Le gouvernement soudanais répète qu'il prend des mesures importantes mais les atrocités ininterrompues au Darfour prouvent que les affirmations de Khartoum ne sont tout simplement pas crédibles. Si le gouvernement voulait sérieusement protéger les civils, il accueillerait favorablement un renforcement de la présence internationale. »
Peter Takirambudde  
Directeur Exécutif, Division Afrique de Human Rights Watch
  

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Le rapport de 35 pages intitulé «Empty Promises: Continuing Abuses in Darfur, Sudan», décrit comment les forces armées soudanaises et les milices janjawids soutenues par le gouvernement continuent de s'attaquer aux civils et à leur bétail dans les villages situés en milieu rural ainsi que dans les villes et les camps sous contrôle gouvernemental. Le rapport analyse par ailleurs les promesses des autorités soudanaises de contenir les milices, de mettre fin à l'impunité et de restaurer la sécurité au Darfour.  
 
«Le gouvernement soudanais répète qu'il prend des mesures importantes mais les atrocités ininterrompues au Darfour prouvent que les affirmations de Khartoum ne sont tout simplement pas crédibles», a déclaré Peter Takirambudde, directeur exécutif à la Division Afrique de Human Rights Watch. «Si le gouvernement voulait sérieusement protéger les civils, il accueillerait favorablement un renforcement de la présence internationale».  
 
Il faut de toute urgence accroître la présence internationale sur le terrain afin d'améliorer la protection des civils, évaluer sérieusement les actions gouvernementales et stabiliser la région. L'Union africaine, qui dispose d'une force réduite d'observation du cessez-le-feu au Darfour, a annoncé qu'elle envisageait de renforcer la mission, la faisant passer de 300 à plus de 2000 soldats, et de lui octroyer le mandat de protéger les civils et d'assurer la sauvegarde des observateurs du cessez-le-feu. Le gouvernement soudanais a toutefois rejeté cette proposition dimanche dernier.  
 
En dépit de l'accord de cessez-le-feu conclu au mois d'avril, les combats se poursuivent entre les forces gouvernementales soutenues par leurs milices alliées janjawids et les deux groupes rebelles du Darfour—le Mouvement/Armée de libération du peuple du Soudan (M/ALS) et le Mouvement pour la justice et l'égalité (MJE).  
 
Dans bon nombre de zones rurales et de petites villes du Darfour, les forces gouvernementales et les milices janjawids continuent à violer et agresser régulièrement les femmes et les filles lorsque celles-ci quittent la périphérie des camps et des villes. Lors d'une de ces attaques décrite par Human Rights Watch en juillet, un groupe de femmes et de filles avait dû s'arrêter à un poste de contrôle des milices janjawids au Darfour occidental. Des membres des milices leur avaient dit que «le pays appartenait maintenant aux Arabes et puisqu'elles se trouvaient là sans permission, elles seraient punies». Toutes les femmes avaient ensuite été battues et six filles âgées de 13 à 16 ans avaient été violées.  
 
«Malgré l'attention croissante qu'accorde le monde à la crise du Darfour, ni la communauté internationale ni le gouvernement soudanais n'ont pris les mesures qui s'imposent pour assurer la protection des civils sur le terrain», a ajouté Takirambudde. «Viols, agressions et pillages ont encore lieu quotidiennement et la population continue à être chassée de chez elle».  
 
Le 30 juillet, une résolution du Conseil de Sécurité de l'ONU exigeait que le gouvernement soudanais prenne les mesures nécessaires pour que des améliorations voient le jour au Darfour sur le plan de la sécurité, des droits humains et de l'aide humanitaire et pour s'acheminer vers une résolution politique du conflit. La résolution de l'ONU fixait également la date-buttoir du 30 août pour désarmer les milices janjawids. Néanmoins, un nouveau «Plan d'action» sur lequel se sont mis d'accord les Nations Unies et le gouvernement soudanais la semaine dernière semble revenir sur ce délai et à la place, il propose des «zones de sécurité» pour protéger les civils, qui seraient quadrillées par les forces gouvernementales soudanaises.  
 
Les troupes gouvernementales et les milices janjawids soutenues par le gouvernement au Darfour poursuivent leurs exactions à l'encontre des civils en toute impunité. Le gouvernement prétend avoir progressé dans la lutte contre l'impunité en jugeant des membres des milices janjawids mais ses affirmations sont démenties par les témoignages de plus en plus nombreux selon lesquels la plupart des personnes reconnues coupables sont en fait des petits malfaiteurs ou des individus condamnés précédemment pour d'autres motifs et non des dirigeants et membres des milices responsables de meurtres, de viols ou autres exactions.  
 
En réponse à la demande du Conseil de Sécurité de désarmer les milices janjawids, le gouvernement soudanais a plutôt commencé à les incorporer au sein d'unités officielles de sécurité de l'Etat telles que la police ou dans des forces semi-régulières comme les Forces populaires de défense.  
 
«Incorporer les milices janjawids au sein des services de sécurité et les déployer ensuite pour protéger les ‘zones de sécurité’ civiles est le comble de l'absurdité» a déclaré Takirambudde. «Il faut que le gouvernement soudanais traduise en justice les criminels de guerre au lieu de les recruter pour des postes à responsabilité».  
 
Human Rights Watch a réclamé d'une part la mise sur pied d'une commission d'enquête internationale chargée d'examiner les exactions commises au Darfour, notamment les accusations de génocide, et d'autre part la présence d'observateurs internationaux lors de tout procès ayant lieu au Darfour.  
 
La situation au Darfour est par ailleurs inquiétante car elle risque de provoquer une instabilité dans la région. La zone frontalière entre le Darfour et le Tchad est de plus en plus militarisée des deux côtés. De nombreux groupes armés ont fait leur apparition le long de la frontière; ils combattent parfois aux côtés de l'une des parties au conflit et à l'occasion, ils en profitent pour mener des raids et opérer des pillages afin de s'enrichir. La présence de réfugiés et de nombreuses têtes de bétail à la frontière a inéluctablement attiré les raids.  
 
Human Rights Watch a appelé l'Union africaine à veiller à ce que les observateurs militaires et les troupes soient déployés en nombre suffisant non seulement dans les principales villes du Darfour mais également dans les zones rurales. Le Conseil de Sécurité de l'ONU, les Etats membres de l'ONU et les pays de l'Union européenne devraient fournir un soutien logistique et financier afin de consolider la force de l'Union africaine.  
 
«Les principaux pays et groupes régionaux, tels que l'Union africaine et la Ligue arabe, devraient persuader Khartoum d'accepter le soutien international pour protéger les civils et stabiliser la région», a ajouté Takirambudde.