HUMAN RIGHTS WATCH

Les mesures prises par les Etats-Unis et Cuba séparent de force des familles

Les deux gouvernements imposent des restrictions inhumaines aux déplacements

(Miami, 19 octobre 2005) — Cuba ainsi que les Etats-Unis ont imposé des restrictions strictes aux déplacements qui provoquent la séparation forcée de familles cubaines, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd’hui.

Basé sur des entretiens avec des douzaines de Cubains et de Cubano-américains, le rapport détaille le terrible coût humain de ces restrictions, qui ont arraché de jeunes enfants à leurs parents, et ont empêché des adultes de prendre soin de membres malades de leurs familles—dont dans certain cas des parents mourants.  
 
"Les restrictions aux déplacements imposées par les Etats-Unis et Cuba reflètent une complète indifférence au bien-être des familles," a déclaré José Miguel Vivanco, Directeur de la division "Amériques" de Human Rights Watch. "Les deux pays sacrifient la liberté de mouvement de leurs peuples afin de promouvoir des politiques sans issue."  
 
Le rapport de 69 pages, intitulé "Des familles déchirées: Le coût élevé des restrictions aux déplacements imposées par les Etats-Unis et Cuba" ("Families Torn Apart: The High Cost of U.S. and Cuban Travel Restrictions"), montre comment les mesures relatives aux voyages imposées par les deux pays enfreignent le droit à la liberté de mouvement, reconnu à l'échelle internationale et comprenant le droit de quitter son propre pays ainsi que d'y retourner. Dans le cas de parents et d’enfants forcés à résider dans des pays différents, ces mesures violent également l’interdiction internationale relative à la séparation involontaire des familles.  
 
Comme le démontre le rapport de Human Rights Watch, Cuba refuse régulièrement d’accorder à ses citoyens la permission de quitter leur pays et refuse souvent à ceux qui sont partis sans permission le droit de revenir. Cuba refuse par ailleurs fréquemment aux citoyens voyageant de manière autorisée le droit d’amener leurs enfants avec eux à l'étranger, cette mesure étant un moyen de garantir le retour des parents. Compte tenu de la crainte répandue de séparations forcées de familles, les restrictions aux déplacements fournissent au gouvernement cubain un outil puissant pour punir les personnes cherchant à s'exiler, et pour réduire les opposants au silence.  
 
Le tribut émotionnel payé par les membres de familles en conséquence des mesures relatives aux voyages imposées par Cuba est incalculable. Par exemple, un physicien cubain qui vit actuellement au Brésil n’a jamais pu rencontrer son fils âgé de six ans. Son ex-femme et son fils sont à Cuba, mais parce qu’il a enfreint les restrictions cubaines aux déplacements en refusant de revenir d’un voyage autorisé à l’étranger durant l’année 2000, le gouvernement cubain lui a interdit de visiter l'île afin de voir son enfant.  
 
Une mère cubaine vivant au Mexique, qui fut séparée de ses fils durant trois années dans des circonstances similaires, a déclaré à Human Rights Watch qu’elle avait l'impression que le gouvernement cubain lui avait "arraché une partie de ma vie."  
 
Le rapport décrit également l’impact des restrictions de voyages relatifs aux familles, promulguées par l’administration Bush en juin 2004. Selon les nouvelles lois, les personnes ont le droit de visiter des membres de leurs familles à Cuba seulement une fois tous les trois ans, et uniquement si ces membres correspondent à la définition étroite de "famille" par l'administration Bush, définition qui exclut les oncles, les tantes, les neveux, les nièces et les cousin(e)s.  
 
Une femme cubano-américaine à Miami a été forcée de mettre fin aux voyages fréquents qu'elle entreprenait pour prendre soin de son père malade, un veuf souffrant d'une phase avancée de la maladie d’Alzheimer et n'ayant plus de parents proches à Cuba. Elle a été incapable de l’aider ou de le réconforter quand il a succombé à la dépression, a arrêté de manger, et est finalement décédé.  
 
Un sergent de l’Armée américaine en service actif en Irak, n'ayant pas été autorisé à visiter ses deux fils à Cuba lors d'une permission de deux semaines, a été forcé de retourner au front avec le sentiment d'avoir été incapable de "remplir [son] devoir en tant que père."  
 
"Durant des décennies, le gouvernement cubain a systématiquement privé ses citoyens de leurs droits fondamentaux," a déclaré Vivanco. "Mais au lieu de promouvoir la liberté à Cuba, l’interdiction de voyages imposée par l’administration Bush a affaibli une liberté fondamentale de centaines de milliers de Cubains et de Cubano-américains vivant ici."  
 
Human Rights Watch a appelé le gouvernement cubain à abolir les restrictions aux déplacements qui violent le droit à la liberté de mouvement. En particulier, le gouvernement doit réformer son code pénal afin d'éliminer les crimes de sortie illégale et d'entrée illégale (articles 215, 216 et 217). Il doit également mettre fin à toutes les pratiques et réglementations qui servent à séparer les familles, incluant la restriction interdisant à toute personne ayant quitté le pays sans permission, ou ayant dépassé la durée autorisée pour le voyage, de retourner à Cuba pendant cinq ans.  
 
De même, Human Rights Watch a appelé le gouvernement américain à éliminer les restrictions aux déplacements qui limitent la capacité des Cubains et des Cubano-américains à visiter l'île. Au minimum, au moins jusqu'à l'élimination des restrictions aux déplacements, le gouvernement américain doit établir des exceptions humanitaires qui permettraient à des personnes d’obtenir l'autorisation de se rendre à Cuba pour visiter des membres de leurs familles confrontées à de graves conditions médicales ou à d'autres situations d’urgence.  



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