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L'Allemagne et la responsabilité pour les crimes contre l'humanité en Ouzbékistan

Questions et Réponses

Un groupe d’Ouzbeks victimes de tortures et du massacre du 13 mai à Andijan, en Ouzbékistan, assisté par Human Rights Watch, ont demandé au procureur fédéral allemand d’ouvrir une investigation criminelle contre Zokirjon Almatov, le ministre de l’Intérieur en Ouzbékistan.

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Qui est Zokirjon Almatov?  
Zokirjon Almatov est ministre de l’Intérieur de l’Ouzbékistan depuis 1991. Comme officier de très haut rang supervisant des agences de maintien de l’ordre et des prisons en Ouzbékistan, Almatov détient la responsabilité de ce qu'est une pratique systématique, et très bien documentée, de la torture. La torture a lieu dans des centres de détention avant jugement et dans des centres d’après-condamnation, les deux étant dirigés par le ministère des Affaires Intérieures. Quelques uns des pires cas de torture sont survenus dans les propres installations du ministère aux quartiers généraux. En tant que ministre des Affaires Intérieures, Almatov portait également une importante responsabilité quand la plupart des forces de sécurité ont tué et blessé, en mai dernier, des milliers de civils désarmés à Andijan .  
 
De quels crimes est-il accusé?  
Un groupe de victimes a demandé au procureur fédéral allemand d’ouvrir une investigation criminelle et poursuivre Almatov en justice pour trois crimes : crimes individuels de torture, torture en tant que crime contre l’humanité, et le massacre d’Andijan en lui-même en tant que crime contre l’humanité.  
 
Qui sont les plaignants dans cette affaire?  
Il y a huit plaignants, tous ouzbeks. Ils ont été assistés par Human Rights Watch. Quatre des plaignants sont victimes de torture. Les quatre autres plaignants sont victimes du massacre d’Andijan.  
 
Pour quelle raison ces affaires ont été rapportées en Allemagne?  
Zokirjon Almatov est passé par l’Allemagne en novembre pour subir un traitement médical contre le cancer. Almatov a obtenu un visa pour l’Allemagne malgré le fait que les États-Unis aient établi une interdiction de visa pour 12 personnes qu’ils considéraient comme responsables du massacre d’Andijan. Almatov est le numéro un sur la liste d’interdiction de visa établie par les États-Unis. Alors que ce n’est pas une condition necessaire pour cette affaire, la présence d’Almatov en Allemagne facilitait l'investigation et sa possible accusation pour les crimes présumés en Ouzbékistan, envers le principe de la juridiction universelle qui a été ancrée dans la loi allemande. De nouveaux rapports non confirmés indiquent qu'Almatov a quitté l'Allemagne. Pourtant, la législation allemande permet une enquête pour les crimes de juridiction universelle même sans la présence de la personne sur son territoire. L’opportunité de poursuivre Almatov en dehors des terres de l’Ouzbékistan est le fait le plus important, sachant la torture a eu lieu dans la presque totale impunité, laissant ces victimes sans aucun espoir réel de se faire dédommager en Ouzbékistan.  
 
Pourquoi l’affaire contre Almatov est-elle importante ?  
L’Ouzbékistan a de longs antécédents d’impunités dans de graves abus de droits humains commis par des agents du gouvernement. Il est impératif qu’Almatov réponde de son rôle pour l’utilisation systématique de la torture et pour le massacre à Andijan. Les victimes torturées par le personnel sous son commandement et les parents de ceux tués par ses troupes méritent de voir Almatov déférer en justice.  
 
L’Ouzbékistan a annoncé qu’il n’allait pas conduire d'investigation significative ou de poursuites contre les auteurs réels du massacre d’Andijan. L’Ouzbékistan a refusé les appels répétitifs lancés par les Nations Unies, l'Union Européenne, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et d'autres pour une investigation indépendante à Andijan. Au lieu de cela, le pays a organisé une série de procès pour l'exemple des auteurs présumés qui, selon l’opinion de l'Union Européenne, du Haut Commissionnaire des Nations Unies aux droits de l'Homme et d’autres, ne répondaient pas aux normes de base internationales d'un procès équitable.  
 
L’affaire contre Almatov est aussi un test important pour le principe de juridiction universelle et son application par le système judiciaire allemand. L’Allemagne est fière d’être le leader dans la réalisation d’une juridiction universelle, en incorporant ces principes dans sa propre loi et par son soutien pour l’établissement de la Cour Pénale Internationale. Dans sa décision de poursuivre l’affaire contre Almatov, l’Allemagne démontrera si elle est prête à appliquer ces principes, en pratique, dans ses propres tribunaux.  
 
Qu’est-ce que la juridiction universelle et comment l’applique-t-on en Allemagne?  
La juridiction universelle est un principe selon lequel certains crimes offensent tellement l’humanité (comme les crimes contre l’humanité ou la torture) que les tribunaux, partout dans le monde, sont compétents pour les juger, peu importe où ils ont été commis. En droit international, les états peuvent décréter une loi permettant à leurs tribunaux d’enquêter et, s'il y a suffisamment de preuves admissibles, de poursuivre toute personne qui entre sur leur territoire et qui est suspecte d’un certain crime. L’Allemagne a décrété un telle loi sur le fondement du Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale. L’Allemagne est exemplaire à cet égard.  
 
Quels crimes font partie de la juridiction universelle?  
La juridiction universelle s’applique à des crimes qui, en droit international, sont exceptionnellement graves, comme la torture, le génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre.  
 
Qu’est-ce qu’un crime contre l’humanité?  
L’article 7 du Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale définit un crime contre l’humanité comme étant l’un des actes ci-après lorsqu’il est commis dans le cadre d’une attaque généralisée et systématique lancée contre toute population civile, et en connaissance de cette attaque : meurtre,extermination, réduction en esclavage, déportation ou transfert forcé de population, emprisonnement ou autre forme de privation grave de liberté physique, torture, viol, violence sexuelle, persécution de tout groupe identifiable ou de toute collectivité , disparitions forcées de personnes, crimes d’apartheid et autres actes inhumains de caractère analogue causant intentionnellement de grandes souffrances ou de graves atteintes au corps ou à la santé physique ou mentale.  
La définition en droit allemand se rapproche de celle de l’article 7 du Statut de Rome. L’utilisation systématique de la torture en Ouzbékistan ainsi que le massacre de centaines de manifestants non armés à Andijan au mois de mai de cette année rentre dans le cadre de la définition du crime contre l’humanité.  
 
Dans quels autres cas la juridiction universelle a-t-elle été appliquée?  
Les affaires les plus connues, où la juridiction universelle a été appliquée, comprennent l’arrestation, au Royaume-Uni, d’Augusto Pinochet, accusé de torture et de conspiration de torture, et l’arrestation au Sénégal d’ Hissène Habré, accusé de torture et de crime contre l’humanité. Cependant, la juridiction universelle a été appliquée dans de nombreuses affaires dans lesquelles les pays ont entrepris des enquêtes et des poursuites ou, ont arrêté des personnes en vue de les déporter dans un pays qui les poursuivra en justice.  
 
La torture est-elle un problème grave en Ouzbékistan?  
La torture, en Ouzbékistan, est généralisée. Les méthodes de torture utilisées par les centre de détention ouzbeks comprennent les chocs électriques, l’asphyxie avec des sacs en plastique et des masques à gaz, la pendaison par les poignets et les chevilles, des coups avec des matraques, le viol et d’autres formes d’humiliation sexuelle. La police a aussi menacé de blessures physiques les proches du détenu.  
 
Les auteurs de la torture bénéficient d’une impunité presque complète en Ouzbékistan. Le gouvernement manque systématiquement d’enquêter les allégations de torture, de poursuivre les auteurs ou de fournir des compensations pour les victimes.  
 
Human Rights Watch, Amnesty International, le Rapporteur Spécial des Nations Unies sur la torture, et d’autres ont bien décrit l’usage systématique de la torture en Ouzbékistan et l’impunité de ses auteurs.  
 
Que c’est-il passé à Andijan?  
Le 13 mai 2005, à Andijan, les forces du gouvernement ouzbek ont tué des centaines de manifestants non armés pendant qu’ils fuyaient la manifestation, à l’Est de l’Ouzbékistan. Aux heures matinales du 13 mai, des gangsters ont attaqué des bâtiments de l’Etat, tué des forces de sécurité, ils sont rentrés par effraction dans la prison de la ville, se sont emparés du bâtiment du gouvernement local et ont pris des otages. A l’aube, ils ont commencé à se préparer pour une importante manifestation à Bobur Square et, à mobiliser des personnes pour y assister. A mesure que l’information se répandait, la manifestation s’élargissait, des milliers de personnes venaient de leur propre gré pour se décharger de leurs réclamations concernant la pauvreté et la répression du gouvernement. Quand les forces du gouvernement, les troupes du ministère de l’Intérieur inclus, ont barré le square et ont commencé à tirer sans distinction, les manifestants ont fui. Des centaines d’entre eux ont été pris en embuscade par les forces du gouvernement, qui les ont tué sans avertissement. L’utilisation de cette force excessive a été amplement documenté par le Haut Commissaire des Droits de l’Homme aux Nations Unies, l’OSCE et d’autres organisations.  
 
Le gouvernement n’a pas encore pris l’initiative d’enquêter et de responsabiliser les auteurs du massacre. A la place, il nie toute responsabilité et persécute tout ceux qui demandent une enquête indépendante et transparente. Suite au massacre, les autorités ouzbeks poursuivent avec agressivité les défendeurs des droits de l’homme, les journalistes indépendants et les activistes politiques qui tentent de révéler la vérité à propos des événements du 13 mai et des jours qui ont suivi. Ces individus ont été arrêtés sous de fausses accusations, détenus, battus, menacés, et mis sous surveillance ou en maison d’arrêt. Le gouvernement a aussi condamné au moins 73 personnes, qu’il suppose avoir commis les crimes à Andijan, dans des procès pour l’exemple, la plupart d’entre eux étant fermées aux inspections. D’après l’Union Européenne, les Nations Unies et d’autres, même les procès ouverts ne respectaient pas les normes internationales de procès équitable.  
 

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