HUMAN RIGHTS
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République Démocratique du Congo

Handicapé par des conflits continus entre les quatre principaux partis qui le composent, le gouvernement transitoire de la République Démocratique du Congo (RDC) vient de terminer sa deuxième année au pouvoir mais une grande partie de l'est du pays échappe toujours à son contrôle. Confronté à d'énormes problèmes logistiques, le gouvernement a reporté les élections prévues le 30 juin 2005 et devrait probablement les organiser au cours du premier semestre de 2006. Tout au long de l'année 2005, les services de sécurité ont commis des exactions en lien avec les élections; ils ont notamment tiré sur des dizaines de manifestants qui protestaient contre le report des élections en janvier à Kinshasa et ont par la suite maintenu en détention, des mois durant et sans aucune inculpation, des militants politiques ailleurs dans le pays. Assurer l'organisation des élections retenait l'attention de tout un chacun et par conséquent, peu de Congolais ou de personnes de l'extérieur ont œuvré pour endiguer la violence permanente qui frappe les civils ou pour relever les défis cruciaux apparus après le conflit, par exemple rendre la justice dans les nombreux cas de graves violations du droit international humanitaire perpétrées au Congo au cours de la dernière décennie.

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N'étant pas convaincus que les élections leur apporteraient les résultats escomptés, certains belligérants impliqués dans la guerre qui a officiellement pris fin en 2002 ont empêché que leurs troupes ne soient intégrées au sein de la nouvelle armée nationale comme le stipulaient pourtant les accords de paix finaux. A la fin de l'année 2004 et en 2005, les soldats de l'ancien Rassemblement Congolais pour la Démocratie-Goma (RCD-Goma) ont refusé l'intégration et se sont à plusieurs reprises engagés dans des combats contre l'armée nationale dans l'est de la RDC. Des groupes armés, restés en marge du processus de paix, se sont affrontés entre eux ou ont combattu l'armée nationale et la force de maintien de la paix de l'ONU connue sous le nom de MONUC. Les représentants de l'un de ces groupes, des opposants au gouvernement rwandais appartenant à la Force Démocratique de Libération du Rwanda (FDLR), ont annoncé qu'ils déposeraient les armes et retourneraient au Rwanda mais seule une centaine l'a effectivement fait en 2005.  
 
En 2005, des combattants de groupes armés et des soldats gouvernementaux ont délibérément tué, violé et enlevé des civils et détruit ou pillé leurs biens lors d'attaques répétées menées dans l'est du Congo. Le pouvoir judiciaire fragile n'a pas poursuivi les auteurs de ces crimes récents et n'a rien fait pour mettre un terme à l'impunité pour les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité commis pendant les deux guerres précédentes. La découverte, en septembre 2005 dans la région orientale de Rutshuru, de charniers datant de 1996 a contribué à rappeler que les massacres perpétrés contre les civils au Congo au cours des dix dernières années restaient impunis.  
 
Les soldats gouvernementaux et les groupes armés prennent les civils pour cible  
L'incapacité du gouvernement à incorporer les soldats des anciens groupes belligérants au sein de l'armée nationale et à former et payer correctement ses soldats est à la base de certaines exactions militaires. Les abus commis par les militaires comme ceux survenus en décembre 2004 dans le Nord Kivu où les soldats gouvernementaux et les combattants refusant l'intégration se sont affrontés et ont tué au moins cent civils, dont beaucoup pour des motifs ethniques, se sont répétés ailleurs en 2005. A Walungu, dans le Sud Kivu, les soldats gouvernementaux ont violé des civils et ont pillé des biens lors d'opérations menées contre la FDLR à la fin 2004 et au début 2005. En Equateur, en juillet 2005, des soldats mal payés et indisciplinés se sont déchaînés, tuant, violant et dévalisant les civils.  
 
A la fin de l'année 2004 et en 2005, alors que les soldats gouvernementaux tentaient de prendre le contrôle de l'Ituri et de certaines parties du Nord et Sud Kivu, du Maniema et du Katanga, ces soldats et les combattants qu'ils affrontaient ont commis de graves violations du droit international humanitaire et des droits de l'homme. En Ituri, qui a été le théâtre de violences généralisées à l'égard des civils au cours des dernières années, plus de quinze mille membres des groupes armés ont accepté de déposer les armes mais d'autres qui avaient refusé de le faire ont intensifié leurs attaques contre les soldats de la paix de la MONUC et les soldats gouvernementaux. En février 2005, neuf casques bleus ont été tués dans une embuscade au nord de Bunia, la ville principale. En août et septembre 2005, des combattants refusant de désarmer ont pris le contrôle de certaines zones à proximité des villes de Boga et Kilo, forçant des milliers de civils à s'enfuir de chez eux.  
 
Au Nord Kivu, où les autorités ont distribué illégalement des centaines d'armes à feu aux civils à la fin de l'année 2004, la récupération des armes a peu progressé en 2005; certaines ont été utilisées par des civils pour en blesser, voler ou intimider d'autres.  
 
Les groupes armés étrangers  
La présence continue de combattants rebelles ougandais et rwandais dans l'est du Congo menace la stabilité de la région en offrant un prétexte aux gouvernements rwandais et ougandais pour intervenir. Au milieu de l'année 2005, le gouvernement ougandais a facilité une rencontre de combattants d'Ituri, leur permettant de forger une nouvelle alliance pour combattre le gouvernement congolais et la MONUC. Face aux pressions de la communauté internationale, Kampala a par la suite expulsé d'Ouganda ces 'seigneurs de la guerre' sans toutefois prendre de mesures pour les arrêter. En septembre 2005, l'Ouganda a menacé d'envahir le Congo après que certains soldats rebelles de l'Armée de Résistance du Seigneur (ARS), opposés au gouvernement ougandais, eurent brièvement séjourné de l'autre côté de la frontière, sur le territoire congolais.  
 
En mars 2005, face aux pressions exercées par leurs anciens partisans au sein du gouvernement transitoire congolais, les rebelles FDLR ont déclaré qu'ils allaient renoncer à la lutte militaire et rentrer au Rwanda. La plupart des combattants FDLR sont restés au Congo mais se sont divisés en plusieurs factions. L'un de ces groupes, qui s'est baptisé les "Rastas," a tué, enlevé (en vue de réclamer des rançons) et violé des civils dans les environs de Walungu, au Sud Kivu. L'Union africaine a proposé d'envoyer une force afin de désarmer la FDLR mais elle n'avait pas encore déployé de troupes dans la région à la fin 2005.  
 
Les droits civils et politiques  
En janvier et juin 2005, les forces de sécurité ont tué des dizaines d'hommes, de femmes et d'enfants qui manifestaient à Kinshasa, Mbuyi Mayi, Goma et d'autres villes pour protester contre le report des élections. En mai 2005, le service de sécurité nationale a arrêté plus de cent personnes, surtout originaires du Sud Katanga, apparemment soupçonnées de planifier une tentative de sécession au Katanga. Certaines ont été détenues pendant des mois sans inculpation. Partout dans le pays, la police et d'autres agents des services de sécurité ont détenu arbitrairement et torturé des centaines de citoyens dans l'intention de leur extorquer de l'argent. Les autorités ont arrêté et mis fin aux activités de journalistes qui critiquaient les personnes au pouvoir; elles ont notamment suspendu les programmes d'une chaîne de télévision du Vice-Président Jean-Pierre Bemba, qui sera probablement l'un des principaux adversaires du Président Kabila aux prochaines élections. Par ailleurs, en janvier 2005, le Ministère de l'information a ordonné à certaines chaînes et stations de supprimer les émissions politiques et les programmes où les auditeurs et les téléspectateurs pouvaient téléphoner en direct pour donner leur avis. En juillet, les autorités ont arrêté un rédacteur en chef de Kinshasa suite à un article paru dans son journal informant qu'un ministre du gouvernement avait détourné 300.000 $US.  
 
Exploitation illégale des ressources  
Comme dans le passé, les groupes armés ont profité de l'exploitation illégale des ressources et se sont battus pour le contrôle des riches zones minières et des postes-frontières lucratifs. Par exemple en septembre 2005 en Ituri, une région riche en or, des groupes armés se sont affrontés pour s'emparer du contrôle des mines de Kilo et de Bambu. Les organisations locales ainsi que les observateurs internationaux dénoncent la corruption et la fraude croissantes dont se rendent coupables les fonctionnaires liés à l'exploitation des ressources. Les entreprises multinationales ont cherché à signer de nouveaux contrats miniers ou à réactiver d'anciens contrats, compliquant davantage encore les efforts réalisés pour garantir un contrôle national effectif des ressources. Une commission parlementaire congolaise enquêtant sur les contrats signés pendant les années de guerre pour l'exploitation des minerais et autres ressources a relevé de nombreuses irrégularités et a recommandé la résiliation ou la renégociation des contrats, mesure qui est dans l'attente d'une décision du parlement.  
 
Menaces à l'encontre d'associations de défense des droits humains  
Les militants congolais des droits humains sont en butte à de nombreuses intimidations et violences, actes qui sont rarement punis. Après l'assassinat, à Bukavu en juillet 2005, de Pascal Kabungulu, un militant très en vue, deux soldats ont été arrêtés en lien avec le meurtre mais leur commandant a forcé les autorités à les libérer. En juin 2005, le service de sécurité nationale a arrêté un militant bien connu à Lubumbashi, annonçant qu'il était lié à la tentative de sécession de mai au Katanga. Lorsque d'autres militants ont protesté contre son arrestation, six d'entre eux ont à leur tour été appréhendés et ont subi des mauvais traitements pendant leur détention. Au Nord Kivu, des militants et membres de la société civile ont reçu des menaces anonymes et des hommes armés leur ont rendu visite à domicile en janvier 2005, après qu'ils eurent dénoncé les crimes de guerre commis par les troupes locales ainsi que la distribution d'armes aux civils par les autorités provinciales. Quatre d'entre eux se sont sentis à ce point menacés qu'ils ont fui le pays.  
 
L'exercice de la justice  
En dépit des discours nationaux et internationaux proclamant combien il est important que les responsables des crimes du passé répondent de leurs actes, nombreuses sont les personnes soupçonnées de violations du droit international humanitaire et des droits de l'homme qui continuent à occuper des postes à responsabilité au niveau national ou local, notamment au sein de la nouvelle armée intégrée. Dans certains cas exceptionnels, les autorités ont réagi face aux pressions de la communauté internationale, arrêtant plusieurs dirigeants de groupes armés d'Ituri au début de l'année 2005 et délivrant des mandats d'arrêt à l'encontre de personnalités militaires qui résistent au contrôle gouvernemental. Le Procureur de la Cour Pénale Internationale (CPI) mène une enquête à propos des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité perpétrés au Congo. Cette initiative pourrait un jour permettre de traduire en justice certains des principaux auteurs de ces violations.  
 
Les acteurs clés au niveau international  
Les casques bleus de la MONUC ont été postés en dehors des zones urbaines au début de l'année 2005, contribuant à dissuader les atteintes aux droits humains dans certains endroits. Mais les troupes de la MONUC sont trop peu nombreuses pour protéger les civils sur tout le territoire. En septembre 2005, le Conseil de Sécurité a autorisé le déploiement d'un renfort de 841 policiers de la MONUC pendant les élections et a fourni trois cents soldats de la paix supplémentaires.  
 
Les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l'Afrique du Sud s'efforcent d'empêcher le processus de paix de s'effondrer, contribuant à résoudre les désaccords entre partenaires au sein du gouvernement national et recherchant une solution pour désarmer la FDLR. Focalisés sur la tenue effective des élections, les bailleurs de fonds ne se sont pas encore penchés sur les moyens à mettre en œuvre pour garantir un espace d'expression politique et l'exercice de la justice après les élections.  

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