HUMAN RIGHTS WATCH

R.D Congo : arrêtez Laurent Nkunda pour crimes de guerre

L’armée et les Nations Unies devraient agir pour protéger les civils

(New York, 1 février 2006)—Le gouvernement de transition de la République Démocratique du Congo (RDC) et les forces de maintien de la paix des Nations Unies doivent arrêter immédiatement Laurent Nkunda, ancien officier de l’armée congolaise accusé de crimes de guerre et dont les forces rebelles ont repris les opérations militaires à l’Est de la RDC, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch. Les lieux où se trouve Nkunda sont bien connus des autorités congolaises et des forces de maintien de la paix des Nations Unies, depuis qu’un mandat d’arrêt a été lancé contre lui en septembre 2005.

“Un mandat d’arrêt a été lancé il y a des mois contre Nkunda pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et pour insurrection, mais la police et l’armée n’ont rien fait pour l’arrêter,” a déclaré Alison Des Forges, conseillère pour la Division Afrique de Human Rights Watch. “Aussi longtemps que Nkunda est en liberté, la population civile demeure en grand danger.”  
 
Le 18 janvier, les forces rebelles ont attaqué et occupé plusieurs villes dans le territoire de Rutshuru, dans la province du Nord Kivu, après avoir mis en déroute les soldats du gouvernement congolais stationnés dans la région. Après une brève période de calme, les combats ont repris au cours du week-end dernier. Les rebelles seraient sous les ordres de Nkunda, une allégation confirmée par le gouverneur de province dans un communiqué publié le 26 janvier. Selon des sources locales, les forces rebelles aussi bien que les soldats de l’armée congolaise auraient violé et attaqué des civils et pillé leurs biens. Des dizaines de milliers de Congolais se sont enfuis vers des régions voisines ou ont passé la frontière vers l’Ouganda.  
 
En septembre 2005, le gouvernement a lancé un mandat d’arrêt international contre Nkunda, qui a été impliqué dans de nombreux crimes de guerre et dans d’autres graves atteintes aux droits de l’homme au cours des trois dernières années. Dans des investigations précédentes, Human Rights Watch a documenté des exécutions sommaires, des actes de torture, et des viols commis par des soldats sous le commandement de Nkunda à Bukavu en 2004 et à Kisangani en 2002.  
 
Nkunda était un officier supérieur du Rassemblement Congolaise pour la Démocratie - Goma (RCD-Goma) soutenu par le Rwanda, l’un des principaux groupes rebelles ayant combattu en RDC de 1998 à 2003. En 2004 il a été nommé général dans une nouvelle armée nationale congolaise crée avec des soldats des forces dissidentes à la fin de la guerre. Il a refusé le poste et s’est retiré avec des centaines de ses soldats dans les forêts de Masisi au Nord Kivu. En août 2005, il a annoncé une nouvelle rébellion mais n’a pas lancé d’opérations militaires à ce moment-là.  
 
Nkunda est resté en liberté même si les autorités gouvernementales de la province, l’armée congolaise, et les forces de maintien de la paix des Nations Unies connaissaient les lieux où il se trouvait. Des journalistes locaux et des sources de la société civile ont fait état de ses visites fréquentes à Goma, siège du gouvernement de la province du Nord Kivu et centre d’opérations important pour les soldats congolais et les forces de maintien de la paix des Nations Unies.  
 
Au mois d’octobre, le Général Gabriel Amisi, ancien collègue de Nkunda du RCD-Goma et commandant de la 8ème région militaire du Nord Kivu, a dit aux enquêteurs de Human Rights Watch qu’il savait où se trouvait Nkunda mais n’a donné aucune explication sur le fait qu’il ne l’avait pas arrêté.  
 
Le 21 octobre 2004, le Conseil de Sécurité dans la résolution 1565 a demandé aux soldats des Nations Unies de coopérer avec les autorités congolaises “pour s’assurer que les individus responsables de violations graves des droits de l’homme et du droit humanitaire international soient traduites en justice,” directive qu’il a renouvelée avec plus d’insistance le 21 décembre 2005 (résolution 1649). Interrogé par les enquêteurs de Human Rights Watch pour savoir pourquoi les forces de maintien de la paix des Nations Unies n’avaient pas aidé à arrêter Nkunda, un officier supérieur des Nations Unies a mentionné comme l’une des raisons les possibles répercussions de la part du Rwanda.  
 
“Les Nations Unies et le gouvernement congolais doivent réunir la volonté politique nécessaire pour agir. Chaque civil ayant été victime de crimes de guerre au cours des combats récents a payé le prix de l’impunité qui règne en RDC,” a déclaré Des Forges. “Il est plus que temps d’arrêter Nkunda.”  
 
Antécédents de Laurent Nkunda  
 
Laurent Nkunda (connu aussi sous le nom de Nkundabatware), est né au Nord Kivu, et a rejoint les forces rebelles du RCD-Goma en 1998. Il a reçu une formation militaire au Rwanda, notamment au camp militaire de Gabiro, et il est devenu le commandant de la Septième Brigade des forces du RCD-Goma.  
 
Laurent Nkunda: recherché par le gouvernement congolais pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité © 2004 Reuters
Laurent Nkunda: recherché par le gouvernement congolais
pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité © 2004 Reuters
 
 
En mai 2002, Nkunda, ainsi que le Général Amisi, était au nombre des officiers du RCD-Goma responsables de la brutale répression d’une tentative de mutinerie à Kisangani où plus de 160 personnes ont été sommairement exécutées. Au cours d’un incident, les soldats sous le commandement de Nkunda ont ligoté, bâillonné et exécuté 28 personnes puis ont mis leurs corps dans des sacs lestés avec des pierres et les ont lancés depuis un pont à Kisangani. Après que les Nations Unies aient commencé à enquêter sur ces crimes, Nkunda et plusieurs gardes armés sont entrés dans les locaux des Nations Unies et ils ont enlevé et battu deux gardes.  
 
Au cours d’une réunion du Conseil de Sécurité le 16 juillet 2002, Mary Robinson, Haut Commissaire des Nations Unies pour les droits de l’homme, a demandé aux autorités congolaises d’arrêter ceux qui avaient ordonné le massacre ou qui y étaient impliqués, et a mis en garde contre de nouveaux bains de sang s’ils n’étaient pas traduits en justice.  
 
Malgré la fin supposée de la guerre et l’établissement d’un gouvernement de transition en 2003, des soldats dissidents fidèles au RCD-Goma ont affronté d’autres soldats de l’armée congolaise au Sud Kivu en mai 2004. Nkunda et les soldats qui lui étaient fidèles ont pris le contrôle de la ville de Bukavu au Sud Kivu le 2 juin, prétendant que leur action était nécessaire pour arrêter un génocide contre les Tutsi congolais, connus localement sous le nom de Banyamulenge. Au cours des combats, les soldats de Nkunda ont commis des crimes de guerre, tuant et violant des civils et pillant leurs biens. Dans une occasion le 3 juin 2004, des soldats de Nkunda ont violé en bande une mère devant son mari et ses enfants tandis qu’un autre soldat violait sa fille de trois ans.  
 
Après que les forces de maintien de la paix des Nations Unies aient négocié le retrait de Nkunda hors de Bukavu, avec quelques uns de ses soldats il s’est retiré dans les forêts du Nord Kivu tandis que d’autres, commandés par le Col. Jules Mutebusi, trouvaient refuge au Rwanda. Le gouvernement congolais a lancé un mandat d’arrêt international contre Mutebutsi, accusé comme Nkunda d’insurrection, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Le ministre des Affaires étrangères congolais a également écrit au Rwanda, demandant le retour de Mutebusi au Congo, mais les autorités rwandaises ne l’ont pas livré.  
 
En août 2005, Nkunda a déclaré que le gouvernement actuel était corrompu et incompétent et il a dit qu’il devait être renversé. En septembre 2005, un grand nombre de soldats de langue rwandaise appartenant à l’ancien RCD-Goma ont déserté l’armée nationale au Nord Kivu et certains d’entre eux ont rejoint Nkunda dans les forêts de Masisi.  
 
Le 18 janvier, les forces fidèles à Nkunda ont pris plusieurs villes du Nord Kivu, dont Tongo, Bunagana et Rutshuru. Après une accalmie suivant une démonstration de force par les troupes de l’armée nationale et des Nations Unies, les combats ont repris le 28 janvier dans la ville de Rutshuru, entraînant la fuite des habitants qui restaient.  



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