HUMAN RIGHTS
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Maroc/Sahara occidental

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Le Maroc continue de présenter un bilan mitigé en matière de droits humains. Il a opéré de grands progrès dans le traitement des exactions commises par le passé, a accordé un espace considérable à la dissidence et à la contestation publiques et a réduit les inégalités entre hommes et femmes dans le code de la famille. Mais les autorités, aidées par des tribunaux complaisants, continuent de faire usage d’une législation répressive pour punir les opposants pacifiques, en particulier ceux qui violent les tabous interdisant de critiquer le roi ou la monarchie, de remettre en question la « marocanité » du Sahara occidental ou de « porter atteinte » à l’islam. La police continue de faire un usage excessif de la force pour disperser les manifestations, surtout dans les zones reculées.  
 
Les contrôles sont particulièrement stricts dans la région contestée du Sahara occidental, foyer de tensions que le Maroc administre comme s’il faisait partie de son territoire national. Un mouvement indépendantiste connu sous le nom de Front Polisario (Front populaire pour la libération de la Saguia el-Hamra et du Rio de Oro) conteste la souveraineté marocaine et réclame un référendum dans lequel le peuple sahraoui s’exprimerait sur son avenir politique. Le Front Polisario a rejeté une proposition marocaine présentée en avril 2007 et prévoyant une autonomie accrue pour la région, principalement parce que ladite proposition ne mentionne nulle part un référendum dans le cadre duquel l’indépendance serait une option.  
 
Les observateurs internationaux ont déclaré que les élections législatives multipartites organisées au Maroc en septembre 2007 s’étaient généralement déroulées sans irrégularités mais beaucoup ont attribué le taux d’abstention de 63 pour cent au sentiment dominant que le parlement exerce peu de pouvoir par rapport au roi et à la branche exécutive.  
 
Terrorisme et contre-terrorisme  
 
Des centaines de personnes soupçonnées d’être des extrémistes islamistes et arrêtées depuis les attentats de Casablanca de mai 2003 continuent de purger des peines de prison, en dépit d’une série de mesures de grâce royale qui ont permis la libération de quelques centaines d’entre elles. Les prisonniers restants ont mené des grèves de la faim au cours de l’année 2007 pour réclamer la liberté ou une révision de leur peine, ainsi qu’une amélioration des conditions carcérales. Au moins 20 des personnes soupçonnées d’extrémisme comptaient parmi les plus de cent prisonniers sous le coup d’une condamnation à mort. Beaucoup de suspects appréhendés en 2003 ont été maintenus cette année-là en détention secrète pendant des jours ou des semaines, soumis à des mauvais traitements et parfois à la torture pendant leur interrogatoire, et condamnés dans le cadre de procès inéquitables.  
 
Depuis août 2006, la police a arrêté au moins 500 autres personnes soupçonnées d’être des activistes islamistes. Selon de nombreux témoignages de détenus et de leurs avocats, les agences de renseignement continuent d’utiliser un centre de détention non reconnu à Temara pour interroger certaines personnes soupçonnées de délits graves. Des suspects continuent d’alléguer qu’ils ont été torturés lors de leurs interrogatoires, bien que le nombre de plaintes pour torture et pour des périodes de garde à vue dépassant la durée prévue par la loi ait diminué en 2007, par rapport à la période ayant immédiatement suivi les attentats de Casablanca de 2003.  
 
Le Maroc était sur le qui-vive après trois incidents survenus en mars et avril 2007 à Casablanca au cours desquels des kamikazes en puissance avaient failli infliger de lourdes pertes.  
 
Le système judiciaire et les réformes juridiques  
Les policiers sont rarement amenés à répondre de violations des droits humains. Néanmoins, en juin 2007, un tribunal d’El Ayoun a condamné deux policiers à dix ans d’emprisonnement pour leur rôle dans le décès de Hamdi Lembarki, un Sahraoui battu à mort lors des troubles politiques survenus à El Ayoun en octobre 2005.  
 
Dans les affaires à connotation politique, les tribunaux refusent régulièrement aux accusés un procès équitable, ignorant les demandes d’examens médicaux déposées par les accusés qui affirment avoir été torturés, refusant de citer à comparaître des témoins à décharge, et condamnant des accusés sur la seule base d’aveux apparemment arrachés sous la contrainte. Des tribunaux des villes d’Agadir et de Ksar El Kébir ont reconnu coupables et emprisonné sept membres de l’Association Marocaine des Droits Humains (AMDH) pour « atteinte aux valeurs sacrées » car ils auraient prétendument scandé des slogans hostiles au roi lors du défilé du Premier Mai. Les accusés d’Agadir, Abderrahim Kerrad et Mehdi Berbouchi, ont tenté en vain de contester les dépositions compromettantes qu’ils avaient faites, argumentant que la police les avait battus et menacés pour les forcer à signer. Le tribunal leur a également refusé une confrontation avec le policier dont le témoignage a contribué au verdict de culpabilité. La cour d’appel a confirmé leur condamnation à deux ans de prison. Le tribunal de Ksar El Kébir a condamné cinq autres membres de l’AMDH à trois ans de prison pour les mêmes chefs d’accusation, peine qui est passée à quatre ans en appel.  
 
Liberté d’association, de réunion et de mouvement  
 
En général, les autorités tolèrent le travail des nombreuses organisations des droits humains actives à Rabat et Casablanca. Elles n’empêchent pas non plus les organisations étrangères de défense des droits humains de se rendre au Maroc et répondent souvent aux lettres dans lesquelles ces dernières soulèvent leurs préoccupations. Toutefois, au Sahara occidental, la surveillance se fait plus stricte et le harcèlement des défenseurs des droits humains est plus courant.  
 
La plupart des réunions publiques requièrent l’autorisation du ministère de l’intérieur, lequel peut refuser d’octroyer sa permission s’il estime qu’elles sont susceptibles de « troubler l’ordre public ». Ce pouvoir discrétionnaire s’exerce plus fréquemment lorsque les manifestants ont des intentions critiques à l’égard des politiques gouvernementales. Bien que bon nombre des fréquentes manifestations publiques organisées à Rabat se déroulent paisiblement, il arrive que certaines soient dispersées brutalement par la police à coups de matraque. Par exemple, le 15 juin 2007, la police a recouru à la force pour disperser une petite manifestation convoquée devant le parlement à Rabat en vue d’exiger la libération des membres de l’AMDH emprisonnés (voir plus haut). Elle a dispersé violemment des manifestations organisées dans plusieurs villes par des étudiants indépendantistes sahraouis au mois de mai, et des tribunaux ont ensuite condamné certains de ces étudiants à des peines d’emprisonnement pour s’être livrés à la violence, chef d’accusation fabriqué de toutes pièces dans certains cas.  
 
La répression de la contestation publique a été plus féroce au Sahara occidental qu’ailleurs. La police a régulièrement recouru à la force pour disperser des sit-in pacifiques en faveur de l’autodétermination et elle a souvent réagi en faisant un usage excessif de la force lors d’incidents au cours desquels les manifestants ont bloqué les rues avec des blocs de pierre ou ont jeté des pierres, ou très rarement, des cocktails Molotov.  
 
Les autorités continuent de limiter les déplacements à l’étranger de certains militants sahraouis, bien que ce type de mesures ait diminué au cours des dernières années. Elles ont refusé d’accorder une reconnaissance légale à toute organisation sahraouie de défense des droits humains qui se consacre à mettre en lumière les exactions marocaines, et elles ont empêché l’une de ces associations, le Collectif des défenseurs sahraouis des droits de l’homme, de tenir son assemblée constitutive à El Ayoun le 7 octobre.  
 
 
Liberté de la presse  
Les critiques exprimées dans les médias à l’égard des autorités sont souvent assez directes même si elles sont pourtant limitées par une loi sur la presse qui prévoit des peines de prison pour diffamation et propos considérés critiques envers « l’islam, l’institution monarchique ou l’intégrité territoriale [du Maroc] ».  
 
Depuis la mi-2005, une série de poursuites intentées à l’encontre d’hebdomadaires indépendants, le secteur le plus ouvertement critique des organes de presse marocains, a montré que la liberté de la presse ne peut toujours pas franchir certaines limites. Au cours de l’année 2007, les autorités ont renforcé ces restrictions. En janvier, un tribunal a reconnu coupables Driss Ksikes et Sanaa al-Aji, respectivement directeur de publication et journaliste à l’hebdomadaire populaire arabophone Nichane, pour un article paru en décembre 2006 sur la façon dont les blagues populaires reflétaient le comportement des Marocains par rapport au sexe, à la politique et à la religion. Le tribunal les a condamnés à trois ans de prison avec sursis pour « atteinte à la religion islamique ». Le premier ministre a provisoirement interdit l’hebdomadaire après la parution de ce numéro, invoquant les pouvoirs qui lui sont conférés en vertu du code de 2002 sur la presse. En août, le ministère public a inculpé Ahmed Benchemsi, directeur de Nichane et de son hebdomadaire jumeau francophone TelQuel, pour manquement au respect dû à la personne du roi, apparemment en raison d’un éditorial rédigé avant les élections et mettant en question l’engagement du roi envers la démocratie. Le ministre de l’intérieur a ordonné à la police de confisquer les exemplaires des deux publications se trouvant chez les imprimeurs et les vendeurs de journaux. Le procès de Benchemsi était toujours en cours au moment où a été rédigé le présent chapitre.  
 
Le 17 juillet, la police a arrêté le journaliste Moustapha Hormatallah d’El Watan al-An, et ce peu de temps après que cet hebdomadaire eut publié un article sur des documents gouvernementaux confidentiels relatifs à des menaces terroristes au Maroc, reproduisant l’un des documents soi-disant secrets. Le 15 août, un tribunal de Casablanca a prononcé une peine de huit mois de prison à l’encontre d’Hormatallah et une peine de six mois de prison avec sursis à l’encontre du rédacteur en chef du magazine, Abderrahim Ariri, pour « dissimulation d’articles provenant d’un délit ».  
 
Le droit de la famille  
La réforme du code de la famille promulguée en 2004 a fait reculer l’âge minimum du mariage pour les femmes de quinze à dix-huit ans, placé la famille sous la responsabilité conjointe des deux époux, abrogé le devoir d’obéissance de l’épouse à son mari, élargi l’accès des femmes au divorce, et soumis la pratique de la polygamie à un contrôle judiciaire strict. En janvier 2007, le Maroc a modifié son code de la nationalité pour donner aux femmes le droit de transmettre leur nationalité à leurs enfants. Des inquiétudes subsistent face au fait que ces réformes sont appliquées avec lenteur.  
 
Le droit des enfants  
Le travail des enfants est très répandu, en dépit de l’interdiction du travail des mineurs de moins de 15 ans prévue par le Code du travail. Les jeunes filles travaillant à demeure chez des particuliers comme employées de maison sont particulièrement exposées aux mauvais traitements, dont les abus sexuels, et elles doivent fréquemment travailler jusqu’à 100 heures par semaine sans avoir accès à l’éducation ni à une alimentation suffisante et à des soins médicaux. Les autorités punissent rarement les employeurs coupables d’abus sur des enfants domestiques et les inspecteurs du travail ne sont pas autorisés à pénétrer dans des domiciles privés. Au moment où ont été écrites ces lignes, le projet de loi visant à réglementer les conditions d’emploi des employés de maison restait en souffrance.  
 
Un grand nombre d’enfants marocains non accompagnés continuent d’entreprendre des voyages dangereux et illégaux en vue de gagner l’Europe. Le 6 mars 2007, le Maroc et l’Espagne ont conclu un accord de réadmission qui permettrait à l’Espagne de rapatrier quelque 3 000 mineurs marocains non accompagnés (voir le chapitre sur l’Espagne). L’accord ne prévoit pas de protections explicites contre les mauvais traitements, ni aucun contrôle indépendant sur sa mise en œuvre, alors que les retours forcés opérés antérieurement ont montré de manière répétée que les enfants étaient exposés aux violences policières et que souvent, la réunion avec leurs parents ou tuteurs n’aboutissait pas.  
 
La reconnaissance des exactions du passé  
En 2005, l’Instance Équité et Réconciliation (IER) du Maroc a publié son rapport sur les violations graves des droits humains commises dans le passé, encourageant les discussions qui brisaient les tabous. L’IER a permis une reconnaissance officielle de la répression passée, donné la parole aux victimes qui attendaient cette occasion depuis longtemps, et élucidé de nombreux cas individuels. Cependant, la non coopération des fonctionnaires de l’Etat l’a empêchée de résoudre d’autres cas. En dépit des recommandations de l’IER, les autorités n’ont pris aucune mesure pour traduire en justice les individus impliqués dans des exactions passées, notamment certains qui occupent toujours des postes élevés au sein du gouvernement. Ce dernier n’a pas non plus mis en œuvre la recommandation émise par l’IER de ratifier le statut de la Cour pénale internationale et d’abolir la peine de mort. Par contre au cours de l’année 2007, l’Etat a versé des dédommagements à des victimes d’exactions passées, conformément aux lignes directrices établies par l’IER.  
 
Les acteurs clés sur le plan international  
En juin 2004, les Etats-Unis ont classé le Maroc parmi leurs « principaux alliés non membres de l’OTAN », levant les restrictions sur les ventes d’armes. Le 31 août 2007, la Millennium Challenge Corporation (MCC) soutenue par le gouvernement américain a approuvé un programme d’aide économique au Maroc sur cinq années à hauteur de 697,5 millions de $US—la plus grande subvention jamais octroyée par la MCC depuis sa création en janvier 2004—afin de réduire la pauvreté et promouvoir la croissance économique.  
 
En 2007, lors de commentaires publics, des responsables américains ont loué l’engagement pris par le Maroc d’opérer une réforme politique et économique et de coopérer dans le cadre de la répression contre le terrorisme. Dans son discours prononcé le 25 septembre devant l’Assemblée générale de l’ONU, le Président George W. Bush a salué le Maroc ainsi que six autres pays qui « ont récemment opéré de grands progrès dans le sens de la liberté ». Les responsables américains se sont rarement exprimés à propos des problèmes de droits humains au Maroc mais l’ambassade des Etats-Unis a plaidé publiquement à diverses reprises en faveur de la liberté de la presse et d’une réforme des lois qui criminalisent la diffamation.  
 
Le Maroc a cherché à établir une relation privilégiée avec l’UE, qui pour sa part souhaite ardemment une coopération du Maroc dans la lutte contre le terrorisme et l’immigration illégale, entre autres choses. Selon son « Document de stratégie » sur le Maroc pour la période 2007-2013, l’UE considère que le processus de démocratisation et de consolidation de l’Etat de droit au Maroc est « le plus avancé dans la zone ». Rares ont été les critiques publiques émises par les responsables européens au sujet des pratiques du Maroc en matière de droits humains. En juillet, l’UE et le Maroc ont signé un accord de 654 millions d’euros en aide financière européenne pour la période 2007-2010. L’accord désigne « les droits humains et la gouvernance » comme l’un de ses domaines prioritaires.  
 
La France est le premier partenaire commercial du Maroc et sa principale source d’aide publique au développement et d’investissements privés. Le Président Nicolas Sarkozy a effectué une visite de trois jours au Maroc en octobre 2007. S’adressant au parlement le 23 octobre, il a évoqué « ce Maroc démocratique » et le « pluralisme et l’ouverture que le Maroc connaît aujourd’hui ». Il s’est déclaré favorable au plan d’autonomie marocain pour le Sahara occidental mais n’a fait aucune déclaration publique pendant sa visite à propos des problèmes persistants de droits humains au Maroc ou dans la région contestée du Sahara occidental.  

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