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Le procès de Thomas Lubanga à la Cour Pénale Internationale « suspendu »

Questions et réponses

  1. Qui est Thomas Lubanga ?
  2.  
     
    Thomas Lubanga était le président de l’Union des patriotes congolais (UPC), une milice prétendant servir les intérêts de l’ethnie Hema, dans la région de l’Ituri au nord-est de la République démocratique du Congo (RDC). Ce groupe a été impliqué dans de nombreux crimes graves, dont des massacres ethniques, tortures et viols.  

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  3. Quelles accusations ont été retenues contre Lubanga par le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) ?
  4.  
     
    Lubanga est accusé d’avoir conscrit et enrôlé des enfants de moins de 15 ans comme soldats et de les avoir fait participer activement à des combats en 2002-2003. Il a été arrêté sur la base de ces accusations au Congo et remis à la CPI en mars 2006. En janvier 2007, la Chambre de première instance a confirmé les accusations à son encontre. La Chambre a estimé qu’il existait suffisamment de preuves pour engager un procès contre Lubanga. Après plusieurs reports, le procès devait s’ouvrir le 23 juin.  
     
  5. Pourquoi le procès contre Lubanga ne s’ouvrira-t-il pas le 23 juin ?
  6.  
     
    Les juges de la Chambre de première instance ont unanimement ordonné de « suspendre » la procédure contre Lubanga – signifiant ainsi l’interruption du procès – en raison de l’incapacité de l’accusation de divulguer plus de 200 documents rassemblés au cours de son enquête et contenant des informations à décharge. La Cour définit les informations « à décharge » comme des documents démontrant ou tendant à démontrer l’innocence de l’accusé, atténuant la culpabilité de l’accusé, ou des informations pouvant remettre en cause la crédibilité des preuves de l’accusation. Selon les juges, « le droit à un procès équitable – qui est sans aucun doute un droit fondamental – inclut la communication à l’accusé d’éléments de preuves à décharge ».  
     
  7. Pourquoi l’accusation ne peut-elle pas tout simplement communiquer ces informations à la défense ?
  8.  
     
    Ces informations ont été recueillies sous l’article 54-3-e du Statut de Rome. Cet article permet au procureur de recevoir des renseignements ou des documents, demeurant confidentiels mais qui doivent servir « uniquement à obtenir de nouveaux éléments de preuve ». Ces informations confidentielles sont sensées être un « tremplin » pour l’accusation pour obtenir de nouvelles preuves pouvant être utilisées lors du procès. Si l’accusation veut utiliser ces informations pendant le procès, elle doit obtenir l’autorisation de la source.  
     
    Comme indiqué plus haut, l’accusation a l’obligation de divulguer toute information à décharge qu’elle collecte, même si l’information a été obtenue de manière confidentielle. Dans l’affaire Lubanga, l’accusation a en sa possession plus de 200 documents, protégés par l’article 54-3-e et pouvant être considérés comme étant à décharge, qu’elle ne peut partager avec la défense ou les juges. En effet, pour ces 200 documents confidentiels, ceux qui les ont fournis à l’accusation – parmi lesquels les Nations Unies – ont refusé de les divulguer aux juges et à la défense.  
     
    De manière plus générale, dans sa décision, la Chambre de première instance a critiqué l’ « utilisation excessive » de l’article 54-3-e par le Bureau du procureur dans la récolte d’informations lors de son enquête. L’accusation a également utilisé cet article pour récolter des informations qui incriminent Lubanga – c’est à dire que ces informations peuvent démontrer sa culpabilité – et qu’elle souhaite utiliser pendant le procès. Là encore, l’accusation a besoin de l’autorisation de ses sources, mais beaucoup ont refusé.  
     
    La nécessité d’obtenir le consentement des sources pour utiliser l’information au procès aide à s’assurer, par exemple, que ces sources ne sont pas sans le vouloir ou sans le savoir exposées à des risques pour leur sécurité en raison de leur coopération avec la CPI. Cela est particulièrement nécessaire lorsque la source opère dans des pays où la Cour pénale internationale mène des enquêtes.  
     
  9. Pourquoi ces informations à décharge sont-elles si importantes pour le dossier de la défense ?
  10.  
     
    Pour monter son dossier, la défense est sensée mener ses propres enquêtes. Si un accusé n’a pas les moyens de le faire, le système d’aide judiciaire de la cour prévoit un budget pour le lui permettre. Toutefois, il est important de noter que, selon le Statut de Rome , l’accusation a aussi l’obligation de collecter des informations à décharge lors de son enquête et de les transmettre à la défense.1 L’accusation est dotée de ressources considérables (comparée à la défense) pour remplir ces obligations.  
     
  11. Si l’article 54-3-e compromet les droits de la défense à un procès équitable, pourquoi l’utiliser ?
  12.  
     
    L’article 54-3-e ne remet pas en cause le droit de l’accusé à un procès équitable s’il est utilisé avec parcimonie ; il peut même être une source importante d’information pour la CPI. Même si l’information « tremplin » obtenue en vertu de l’article 54-3-e ne peut pas être utilisée telle quelle au cours d’un procès, elle peut servir à donner des pistes pour les investigations du bureau du procureur. Cette aide est d’autant plus importante que l’accusation doit souvent mener ses enquêtes dans des circonstances difficiles, dans des pays instables ou en conflit.  
     
  13. Alors, si l’accusation obtient la permission de transmettre ces documents à la cour, le procès contre Lubanga peut commencer, non ?
  14.  
     
    Pas nécessairement. La Chambre de première instance a identifié un certain nombre de questions qui doivent être résolues avant que le procès ne débute. Par exemple, la défense a demandé des décisions de la Chambre sur un certain nombre de points, tels que la divulgation immédiate d’autres documents potentiellement incriminants que l’accusation aurait réunis contre Lubanga. De plus, la Chambre d’appel n’a pas encore rendu sa décision concernant les modalités de participation des victimes au procès. On ne sait pas combien de temps il faudra pour que ces questions et d’autres soient résolues, même si la question des documents à décharge était résolue de façon adéquate.  
     
  15. Est-ce que cela signifie que Lubanga a été acquitté ?
  16.  
     
    Non. Lubanga ne peut pas être acquitté sans procès. La procédure ayant été suspendue, les juges ont annoncé qu’ils tiendraient une audience le 24 juin pour décider s’il faut mettre fin ou non à la détention provisoire de Lubanga. Entre-temps, selon le Statut de Rome, dans les 5 jours qui suivent la notification de la décision, soit l’accusation, soit la défense, peuvent interjeter appel dans les 5 jours qui suivent la notification de la décision.2  
     
  17. Qu’est-ce que cela signifie pour les victimes des crimes présumés de Lubanga ?
  18.  
     
    La décision de la Chambre a causé beaucoup de confusion et de déception parmi les communautés de la région de l’Ituri, dans le nord-est du Congo, qui ont été victimes de ces crimes ; ces communautés attendaient avec impatience l’ouverture du procès de Lubanga. Il est absolument essentiel que la cour mène une campagne de sensibilisation ciblée dès que possible, afin d’expliquer les raisons de cette suspension et de répondre aux interrogations quant aux suites de l’affaire.  
     
    Bien sûr, si le procès ne devait pas suivre son cours, les victimes des crimes présumés de Lubanga se verraient refuser l’opportunité de le voir traduit en justice. Ceci comprend les victimes qui avaient été retenues pour participer au procès et les victimes demandant réparation. Cependant, le droit de Thomas Lubanga à un procès équitable ne peut pas être compromis. En effet, la justice perd tout sens si elle n’est pas exercée équitablement.
 
 
 
[1]. Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale (Statut de Rome), U.N. Doc. A/CONF.183/9, 17 juillet 1998, entré en vigueur le 1 juillet 2002, articles 54-1-a et 67-2.  
 
[2]. Règlement de procédure et de preuve, Cour Pénale Internationale, ICC-ASP/1/3, http://www.icc-cpi.int/library/about/officialjournal/  
Rules_of_procedure_and_Evidence_English.pdf (consultée le 19 juin 2008), règles 82-1-d et 155.  
 

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