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Congo Advocacy Coalition

Point sur la Protection des Civils dans le Processus de Paix à l’Est du Congo

Le 23 janvier 2008, le gouvernement congolais a signé l’accord de cessez-le-feu avec 22 groupes armés à Goma dans la province du Nord-Kivu, avec l’aide de l’Union européenne, des Etats-Unis, de l’Union Africaine et des Nations Unies. Cet Accord faisait suite au communiqué de Nairobi de novembre 2007 entre le gouvernement congolais et le gouvernement du Rwanda. Il avait pour objet d’aborder le problème des Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR), un groupe armé Rwandais dont les combattants avaient aussi attaqué des civils congolais.

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Ces deux accords s’ajoutent aux recommandations de la Conférence sur la Paix, la Sécurité et le Développement au Nord et au Sud Kivu qui avait été organisée par le gouvernement au début de l’année 2008. Tous deux forment les bases du programme de paix du gouvernement congolais pour l’Est du pays, mieux connu sous le nom de Programme Amani, et dirigé par le coordinateur national, l’Abbé Apollinaire Malu Malu. Ces accords ont apporté un important fondement pour la paix. Les signataires se sont engagés au cessez-le-feu et ont accepté de protéger les civils, de respecter les droits de l’Homme ainsi que le droit international humanitaire.  
 
En juillet 2008, une coalition d’ONG locales et internationales a constitué le Congo Advocacy Coalition1 afin de contrôler l’avancement de ces engagements particulièrement dans les zones les plus en difficulté. Cette coalition a décidé de porter spécifiquement son attention sur six engagements clés liés à la protection des civils qui ont été formés par les différentes parties. Ceux-ci incluent :  
  •  
  • Mettre fin aux attaques contre les civils et leurs biens  
  • Mettre fin à tout nouveau déplacement des populations et aider au retour des déplacés et des réfugiés  
  • Le désarmement, la fin de l’enrôlement et la démobilisation des enfants soldats  
  • Le retrait des barrages routiers et la liberté de circulation  
  • Faciliter l’accès du personnel humanitaire  
  • La responsabilité des accusés des violations graves des droits de l’Homme
 
 
1. Mettre fin aux attaques contre les civils et leurs biens  
Les attaques ciblées contre les civils et leurs biens se sont multipliées à une vitesse alarmante durant les six mois qui ont suivi la signature des différents accords de paix. Les estimations des différentes organisations alors établies à l’Est du Congo indiquaient que la population civile subissait encore des attaques ciblées, des violences sexuelles, des pillages et des travaux forcés.  
 
Plus de 200 civils ont été tués lors de tirs indiscriminés par des groupes armés ou lors d’exécutions sommaires dans le Nord-Kivu, et plus particulièrement à Masisi et à l’Ouest du territoire de Rutshuru.  
 
Les violences sexuelles sur les femmes et les filles restent une préoccupation majeure et aucune amélioration de la situation n’a été notée depuis la signature de l’accord de paix. Femmes et filles ont été violées autant par des combattants de groupes armés que par l’armée congolaise, ou même des civils. De janvier a juin 2008 plus de 2.200 cas de viols ont été enregistrés dans la province du Nord-Kivu. Une communauté située à Rutshuru a rapporté plus de 150 cas de viol pour le seul mois d’avril.  
 
2. Mettre fin à tout nouveau déplacement des populations et aider au retour des déplacés et des réfugiés  
Les combats et les attaques ciblées contre les civils on conduit au déplacement de près de 100.000 civils pour le Nord-Kivu depuis le mois de janvier 2008 ainsi que de 50.000 autres pour le Sud-Kivu. L’ONU estime à 1,1 million le nombre de personnes actuellement déplacées pour les deux provinces réunies, incluant ceux qui ont fui les conflits précédents. Au Nord-Kivu, près de la moitié des personnes déplacées récemment ont fui le Bukombo groupement dans le territoire de Rutshuru. De nouveaux déplacements ont été enregistrés à Masisi et au Sud du territoire de Lubero, c’est à dire toutes les zones dans lesquelles ont éclaté des combats.  
 
Beaucoup de déplacés ont exprimé leur désir de retourner dans leurs villages à condition d’y être en sécurité, mais très peu ont pu le faire. Ceux qui sont rentrés ont souvent passé la nuit dans les forêts proches de leurs villages en guise de protection. Certains d’entre eux ne sont rentrés que temporairement, fuyant à nouveau quelques jours ou semaines plus tard.  
 
On a constaté peu de retour des réfugiés du Rwanda, de l’Ouganda ou du Burundi au Nord et au Sud-Kivu. Le gouvernement congolais et le bureau du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR) n’ont pas encore signé d’accord tripartite avec le Rwanda, l’Ouganda ou le Burundi pour faciliter le retour des congolais réfugiés de ces pays. En juillet dernier, un groupe de travail a été constitué pour mettre en place cet accord tripartite avec le Rwanda et planifier ces retours dès que la situation le permettra.  
 
3. Le désarmement, la fin de l’enrôlement et la démobilisation des enfants soldats  
Le recrutement de combattants dans les rangs des groupes armés au Nord et au Sud Kivu, qu’ils soient volontaires ou non, n’ont pas cessé malgré le cessez-le-feu et se sont même intensifiés durant ces trois derniers mois. Certains de ces groupes étaient inactifs avant les pourparlers de paix. D’anciens soldats et combattants démobilisés ont été à nouveau enrôlés, remettant ainsi en question l’efficacité et la durabilité des précédents programmes de démobilisation.  
 
Alors qu’il n’existe aucun signalement d’enrôlement massif d’enfants depuis la signature de l’Accord de Goma, certains groupes ont néanmoins continué de recruter de façon sporadique. On n’observe de minces progrès en termes de désarmement pour les quelques 2.500-3.000 enfants qui restaient dans les rangs des groupes armés et de certaines unités de l’armée Congolaise. Les organisations de protection de l’enfant ont commencé un travail de recherche d’enfants soldats parmi les troupes à la mi-avril, mais leurs activités ont été bloquées à cause des problèmes de coordination entre les agences onusiennes, et ces activités n’ont repris que début juillet. Après deux missions conjointes, 47 enfants ont été séparés des groupes armés. Au delà de ces missions, au moins 507 enfants ont été démobilisés depuis janvier. En juin, le gouvernement a lancé un programme national de « tolérance zéro » pour le recrutement et l’utilisation des enfants par les groupes armés et s’est engagé à agir davantage en faveur de la démobilisation des enfants soldats.  
 
Bien que le recrutement continue, 1.200 combattants au Nord Kivu ont répondu à l’appel pour déposer les armes. Selon les officiels à Goma, du mois de janvier au mois de mai 2008, 282 combattants du CNDP, 800 Maï Maï et PARECO combattants, ainsi que 156 combattants du FDLR se sont rendus. Certains ont été envoyés dans les centres de réintégration de l’armée (connu comme le « brassage »), mais d’autres, tels que 334 combattants Maï Maï Mongols de la ville de Bambu, ont été laissés sans aucune assistance pendant des mois. Les programmes d’aide aux combattants démobilisés ne sont pas entièrement opérationnels, conduisant ainsi à de sérieux retards dans la démobilisation des combattants. Certains de ceux qui s’étaient rendus ont été envoyés dans la prison militaire de renseignements de Goma, au lieu d’être dirigés vers les programmes de démobilisation. Beaucoup on été détenus pendants des mois sans chef d’accusation et ont subi des traitements cruels et dégradants ; certains ont été torturés.  
 
Des efforts ont continué à encourager les 6.000 combattants FDLR de l’Est du Congo à abandonner les armes et à retourner au Rwanda. Depuis le mois de janvier, 301 combattants FDLR ont été démobilisés. Après des négociations avec le gouvernement congolais à Kisangani à la fin du mois de juin, un groupe dissident des FDLR, Ralliement pour l'unité et la démocratie (RUD), a accepté de démobiliser 400 hommes et de les rapatrier au Rwanda, avec l’option de les installer temporairement au Congo.  
 
4. Le retrait des barrages routiers et la liberté de circulation  
Les civils ne sont pas autorisés à circuler librement et rencontrent souvent sur leur route des barrages improvisés par les groupes armés ou l’armée congolaise et se font alors voler leur argent. Les civils sont forcés de donner de l’argent ou bien un pourcentage de leurs produits au barrage, lorsqu’ils vont au marché ou qu’ils retournent à leurs champs, en guise de « taxe ». Les soldats de l’armée et les groupes armés leur extorquent également de l’argent en leur confisquant les cartes électorales (qui font aussi office de pièce d’identité au Congo) qu’ils ne peuvent récupérer qu’en payant une somme d’argent.  
 
5. Faciliter l’accès du personnel humanitaire  
Au moins de 36 attaques sur le personnel humanitaire ont été enregistrées dans la Province du Nord-Kivu depuis la signature des accords de Goma. La plupart prenaient la forme d’embuscades armées sur les routes principales et secondaires. Quinze humanitaires au total ont été blessés dans ces attaques et deux d’entre eux ont été blessés dans des échanges de balles lors de l’attaque d’un groupe armé sur le camp de déplacés de Kinyandoni dans le territoire de Rutshuru. L’activité humanitaire est temporairement suspendue dans certaines zones suite à ces attaques.  
 
Malgré la persistance de ces affrontements, certaines zones précédemment bloquées ont désormais accès à l’aide d’urgence. Malgré tout, d’autres zones restent inaccessibles particulièrement sur les fronts et dans les zones tampons. Le paysage n’est pas statique et le degré d’accessibilité change généralement selon le niveau d’activité militaire ou criminelle qui éclate sur les axes clés.  
 
Depuis mi-juin, l’accès à Masisi depuis Goma est sérieusement entravé suite à plusieurs attaques à main armée contre des humanitaires sur la route principale. On estime que 186.000 personnes vivant au long de cet axe ne reçoivent aucune assistance. Parmi eux il y a 33.000 personnes déplacées qui habitent dans des camps, et des milliers d’autres qui se sont refugié dans des familles d’accueil.  
 
Dans le territoire de Rutshuru, plusieurs milieux enclavés à l’intérieur de la zone de Bwito, à l’Ouest de Nyanzale, sont des accès particulièrement dangereux et problématiques. La population civile de ces zones est souvent trop effrayée et au lieu de passer la nuit dans les villages, elles préfèrent se cacher dans les forêts avoisinantes pour la nuit.  
 
6. La responsabilité des accusés des violations graves des droits de l’Homme  
L’impunité face aux violations des droits de l’Homme est très répandue à l’Est du Congo. Depuis le mois de janvier, seul un petit nombre des auteurs de crimes ont été arrêtés pour violences sexuelles et très peu de soldats et policiers congolais ont été jugés et poursuivis pour leurs crimes. Beaucoup de femmes ne demandent pas justice pour les crimes dont elles ont été victimes car elles ont peur que leurs bourreaux ne les visent à nouveau s’ils s’évadent de prison. Celles qui vivent dans des zones reculées n’ont souvent pas accès aux structures judiciaires.  
 
Aucun officiel haut gradé n’a été poursuivi pour les crimes graves que lui-même ou les troupes sous ses ordres auraient commis.  
 
Recommandations  
Le Congo Advocacy Coalition formule les recommandations suivantes aux signataires des Accords de paix, aux facilitateurs internationaux, aux coordinateurs du processus de paix et aux bailleurs de fonds internationaux :  
  1. Les facilitateurs internationaux doivent pousser, tant publiquement qu’en privé, les parties aux différents Accords de paix à respecter scrupuleusement leurs obligations de protection des civils et à respecter le droit international humanitaire ainsi que les droits de l’Homme. Déclarer publiquement que les coupables de violations des droits humains seront passibles de sanctions.  
  2. Les facilitateurs internationaux, en accord avec le coordinateur du programme Amani, l’Abbé Appolinaire Malu Malu, doivent nommer un conseiller spécial indépendant de haut niveau sur les droits humains pour l’Est du Congo pour que le sujet ne soit pas oublié et s’assurer que des mesures sont prises pour garantir la protection des civils, en particulier les femmes et filles menacées de violences sexuelles. Les bailleurs de fonds internationaux doivent soutenir cette initiative politiquement et financièrement.  
  3. Les bailleurs de fonds internationaux doivent appuyer les efforts de méditation en finançant les programmes visant à construire une paix durable, à travers le désarmement, la démobilisation et les programmes de réintégration permettant aux combattants de trouver afin des alternatives durables à la violence.  
  4. S’assurer de la participation des femmes et des déplacés au Programme Amani afin qu’ils contribuent et influencent les décisions qui les concernent.  
  5. Le gouvernement congolais et les bailleurs de fonds internationaux doivent fournir une assistance technique et financière à l’Observatoire de la bonne Gouvernance et à l’Observatoire National de Réconciliation, établis par le Programme Amani, pour les aider à s’attaquer aux causes du conflit à travers les initiatives de paix, la réconciliation et la résolution des conflits fonciers.  
  6. Les coordinateurs du programme Amani doivent mieux communiquer sur le processus de paix et le programme Amani pour toucher les communautés, et s’assurer que cette communication est transparente et objective.  
  7. La communauté internationale doit encourager la MONUC à déployer ses troupes sur les zones à haut risque pour les civils et de fournir un environnement sécurisé permettant l’apport d’aide humanitaire.  
  8. La MONUC et l’armée congolaise doivent considérer la protection des civils comme la priorité et faire en sorte que les déplacements de population soient limités lors d’éventuelles opérations militaires à venir.
 
 
 
1  
La Congo Advocacy Coalition, composée d’organisations non gouvernementales locales et internationales a été créée pour s’assurer de la protection des civils et du respect des droits de l’homme dans le processus de paix à l’Est du Congo. La Coalition appelle les signataires de l’Accord de Goma, du Communiqué de Nairobi et du Programme national du gouvernement congolais Amani à tenir leurs engagements quant au respect du droit international humanitaire et à la protection des civils. La coalition publiera régulièrement des mises à jour sur le respect de ces engagements. Les membres du comité de pilotage de la Coalition incluent : ActionAid, ENOUGH, Human Rights Watch, International Rescue Committee (IRC), Mercy Corps, Norwegian Refugee Council (NRC), Oxfam, Conseil Régional des Organisations Non Gouvernementales de Développement (CRONGD) - Nord Kivu, Promotion et Appui aux Initiatives Féminines (PAIF) – Nord Kivu, Institut Congolaise pour la Justice et la Paix (ICJP) – Sud Kivu, et Association des Femmes Juristes du Congo (AFEJUCO) – Sud Kivu.  
 
Autres signataires :  
 
Des ONG internationals : Agency for Technical Cooperation and Development (ACTED), Amnesty International, Beati I Costruttori di Pace (Blessed are the Peacemakers), Global Witness, International Alert, La Benevolencija, Premier Urgence, Refugees International, Save the Children – UK, Scottish Catholic International Aid Fund (SCIAF), Trocaire, War Child Holland, World Vision  
 
Des ONG congolaises : Action de Promotion et d'Assistance pour l'Amélioration du Niveau des Vies des Populations (APANIVIP), Action Paysanne pour la Reconstruction et le Développement Communautaire (APREDECI), Action pour la Promotion et la Protection de l'Enfant et de la Femme (APPEF)/Nord Kivu, Action pour les Personnes Déshérites et victimes des exactions (APDEV), Action Sociale et Conseil pour le Développement et la Paix (ASCODEPA), Action Sociale pour la Paix et le Développement (ASPD), Alfa Ujuvi, Association Africaine de Défense des Droits de l'Homme (ASADHO)/Sud-Kivu, Association des Jeunes pour la Défense des Droits de l'Enfant et la Lutte contre la Racisme et la Haine (AJERH), Association des Volontaires du Congo (ASVOCO), Association pour le Développement des Initiatives Paysannes (ASSODIP), Blessed Aid, Campagne Pour la Paix (CPP)/RDCongo, Centre d’Appui pour le Développement Rural Communautaire (CADERCO), Centre de Recherche sur l'Environnement, la Démocratie et les Droits de l'Homme (CREDDHO), Centre d'Etudes et de Recherche en Education de Base pour le Développement Intégré (CEREBA), Centre pour la Paix et les Droits de l'Homme - Peace and Human Rights Center (CPDH-PHRC), Change Agents Peace Program (CAPP), Children's Voice, Coalition to Stop the Use of Child Soldiers (Coalition Pour Mettre Fin a L’utilisation d’Enfants Soldats)/RDC, Collectif des Associations des Femmes Pour le Développement (CAFED)/Nord-Kivu, Comité d’Appui au Développement Rural Endogène (CADRE), Construisons la Paix et le Développement (COPADI), Dynamique des Femmes Juristes, Encadrement des Femmes Indigènes et des Ménages Vulnérables (EFIM), Groupement Féminin Nyamulisa, Groupes des voix de sans voix (GSV)/ Uvira, Heritiers de la Justice, Ministère de l'Eglise du Christ au Congo pour le Réfugies et les Urgences (ECC MERU)/ Sud Kivu, Promotion de la Démocratie et Protection des Droits Humains (PDH), Reseau des Associations Intègres dans les Droits Humains (Reseau AI/DH), Reseau d'Initiatives Locales pour le Développement Durable (REID), Réseau Femme et Développement (REFED)/Nord-Kivu, Réseau Provincial des ONGs de Droits de l'Homme (REPRODHOC)/Nord-Kivu, Solidarité Féminine pour la Paix et le Développement Intégral (SOFEPADI)/Nord-Kivu, Solidarité pour la Promotion sociale et la Paix (SOPROP), SOS Grands Lacs, Synergie des Femmes pour les Victimes des Violences Sexuelles, Union des Eglises Indépendantes du Congo au Sud-Kivu (UEIC), Villages Cobaye (VICO)

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