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Affaire Hissène Habré : Questions et Réponses

Septembre 2008

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L'affaire Habré

Quel acte ont posé les victimes le 16 septembre 2008 ?  
 
Un certain nombre de survivants des tortures commises sous le régime de Hissène Habré (1982-1990), ainsi que des membres de familles de personnes tuées suite à ces tortures, ont déposé plainte, auprès d’un procureur sénégalais, contre l’ex-président Habré pour crimes contre l’humanité et crimes de torture. Ils ont demandé au procureur d’étudier leur dossier et de poursuivre Habré.  
 
Quelles accusations portées contre Hissène Habré sont contenues dans la plainte?  
 
Les accusations portent sur la création et le contrôle exercé par Hissène Habré sur une police politique de répression - la Direction de la Documentation et la Sécurité (DDS) - qui a systématiquement torturé les opposants politiques et les membres de groupes ethniques perçus comme hostiles au régime. La plainte démontre que Habré utilisait la torture comme méthode de répression et qu’il était constamment informé des actes de torture commis par la DDS. Parfois, il ordonnait lui-même la torture sur un prisonnier. De plus, pour certains interrogatoires, il était physiquement présent pendant les séances de torture ou il suivait leur déroulement par talkie-walkie. La plainte établit le caractère systématique et généralisé du recours à la torture qui constitue un crime contre l’humanité.  
 
Quelles preuves soutiennent ces accusations ?  
 
Il existe d’une part, des documents écrits et, d’autre part, des témoignages de victimes et de personnes qui ont travaillé pour Habré.  
 
En 2001, Human Rights Watch a découvert des archives au siège de la DDS, située à N’Djaména. Parmi les dizaines de milliers de documents retrouvés, se trouvent des listes précises et datées sur les prisonniers et les décès en détention ; des rapports d’interrogatoires ; des rapports de surveillance et des certificats de décès. Les fiches détaillent les rouages de la DDS et révèlent que cette police était sous l’autorité directe de Habré qui a organisé des nettoyages ethniques et qu’il contrôlait étroitement les opérations. Une première analyse des données par le Data Analysis Group du Benetech Initiative a répertorié le nom de 1.208 personnes mortes en détention. Par ailleurs, les noms de plus de 12.321 victimes d'abus de toute sorte y sont mentionnés. Il ressort également de ces archives qu’Habré a reçu quelques communications directes de la DDS concernant le statut de 896 détenus.  
 
D’anciens agents de la DDS ont témoigné auprès de Human Rights Watch et de la Fédération Internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) que Habré était régulièrement informé de toutes activités de la DDS. De plus, les témoignages de centaines de victimes relatent les exactions qu’elles ont subies.  
 
Existe-t-il d’autres charges retenues contre Hissène Habré?  
 
Habré est aussi accusé d'avoir ordonné une série d’attaques contre des groupes ethniques dont il percevait les dirigeants comme des menaces à son régime: les Saras (1984), les Arabes tchadiens, les Hadjeraïs (1989) et les Zaghawas (1989-1990). Ces charges seront détaillées lors d’une seconde plainte que les victimes déposeront à Dakar.  
 
Que va-t-il se passer maintenant?  
 
Le procureur examinera la plainte et les preuves présentées par les victimes. Il décidera de l'opportunité de présenter un réquisitoire introductif contre Hissène Habré devant les juges d'instruction choisis pour instruire cette affaire. Ces magistrats enquêteront ensuite sur les charges retenues et auditionneront Habré. Ils auront vraisemblablement accès au dossier d’instruction belge, résultat de 4 années de travail. Dès lors, ils décideront s’il y a lieu d’inculper M. Habré et, si leur réponse est affirmative, ils demanderont l’ouverture d’un procès aux trois juges de la Chambre d’Accusation. Dans ce cas, et si la Chambre d’Accusation confirme les charges contre Hissène Habré, ce dernier passera en jugement devant la Cour d’Assises.  
 
Pourquoi cette affaire a-t-elle mis autant de temps?  
 
Hissène Habré a d’abord été inculpé au Sénégal, en 2000, avant que la justice sénégalaise ne se déclare incompétente pour le juger. Ses victimes se sont alors tournées vers la Belgique et, après quatre années d’enquête, un juge belge a délivré un mandat d’arrêt international accusant Habré de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre et d’actes de torture perpétrés durant son mandat présidentiel de 1982 à 1990. Conformément à la demande d’extradition formulée par la Belgique, les autorités sénégalaises ont arrêté Habré en novembre 2005. Lorsqu’un tribunal sénégalais a refusé de statuer sur la requête d’extradition, le gouvernement sénégalais a annoncé qu’il demanderait à l’Union africaine d’indiquer « la juridiction compétente » pour juger Hissène Habré. Le 2 juillet 2006, l’Union africaine, s’appuyant sur les recommandations du Comité des Éminents Juristes Africains, a demandé au Sénégal de juger Hissène Habré « au nom de l’Afrique », ce que le Président du Sénégal, Abdoulaye Wade, a accepté. Dans les deux ans qui ont suivi la requête de l’UA, le Sénégal a adapté sa législation permettant de poursuivre les cas de génocide, de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre et de crimes de torture commis hors du territoire sénégalais. En juillet, il a amendé sa constitution pour permettre l’application de cette loi même dans les cas ou les actes en question se seraient produits avant son entrée en vigueur.  
 
Comment Hissène Habré peut-il être poursuivi pour des crimes qui viennent d’être ajoutés dans le droit interne sénégalais?  
 
L’amendement constitutionnel adopté par le Parlement réuni en Congrès précise que le principe de non rétroactivité de la loi pénale « ne s’opposent pas à la poursuite, au jugement et à la condamnation de tout individu en raison d’actes ou omissions qui, au moment ou ils ont été commis, étaient tenus pour criminels d’après les règles du droit international, relatives au faits de génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre». Cet amendement reprend l’article 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ratifié par le Sénégal, qui stipule que le principe de non rétroactivité « ne s’oppose au jugement ou à la condamnation de tout individu en raison d’actes ou omissions qui, au moment où ils ont été commis, étaient tenus pour criminels, d’après les principes généraux de droit reconnus par l’ensemble des nations ».  
 
Pourquoi les victimes ont attendu 8 ans pour déposer une à nouveau plainte?  
 
Les victimes ont attendu les révisions législatives et constitutionnelles exposées plus haut qui ont levé les derniers obstacles juridiques à l’ouverture du procès.  
 
Hissène Habré n’a-t-il pas déjà été jugé pour ces faits ?  
 
Hissène Habré n’a jamais été jugé au Sénégal ni ailleurs pour ces faits et n’a bénéficié d’un non-lieu. Des plaintes ont été déposées contre lui en 2000, une instruction a été ouverte et il a été inculpé. La Chambre d’accusation de la Cour d’appel de Dakar puis la Cour de cassation du Sénégal ont annulé les poursuites au motif que les juridictions sénégalaises n’avaient pas de compétence en droit pour le juger. Le fond de l’affaire n’a pas été abordé.  
 
Comment le procès sera-t-il financé?  
 
Le Sénégal avait annoncé que les coûts liés au procès se monteront à 28 millions d’euros. Ce budget a été largement critiqué car il a été présenté avant que la stratégie de poursuite ne soit développée et que les contours de l’affaire ne soient délimités. Le gouvernement sénégalais a déclaré avoir débloqué un budget de 1.5 million d’euros (1 milliard de francs CFA) pour la première année du procès mais il attend une aide financière internationale. De son côté, le gouvernement tchadien a affirmé qu’il participerait aussi au financement du procès à hauteur de 3 millions d’euros (2 milliards de francs CFA). L’Union européenne, la Suisse ainsi que, qu’à titre individuel, des pays membres de l’UE comme la Belgique, la France et les Pays-Bas, se sont engagés à soutenir le Sénégal dans le déroulement du procès. En janvier 2008, à la demande du Sénégal, des experts de l’UE se sont rendus sur place afin d’évaluer les besoins financiers et techniques pour la conduite d’enquêtes et la tenu d’un procès. Les experts ont demandé au Sénégal de définir la stratégie de poursuite ainsi que de mettre en place un calendrier précis et un budget raisonnable. Rien de tout cela n’a encore été fait.  
 
Est-ce que le mandat d'arrêt international belge est toujours valable?  
 
Oui. Si Hissène Habré voulait quitter le Sénégal, il pourrait être arrêté dans tout autre pays et extradé vers la Belgique.  
 
Habré pourrait-il quitter le Sénégal?  
 
Depuis 2005, le gouvernement sénégalais a déclaré que Habré n’était pas libre de quitter le Sénégal. Les victimes ont également demandé, en s’appuyant sur la Convention des Nations unies contre la torture, que des mesures soient prises pour assurer la présence de Habré au procès.  
 
Les tribunaux sénégalais pourraient-ils utiliser le dossier à charge de la Belgique?  
 
Oui. La Belgique a affirmé être prête à transmettre aux juges sénégalais des copies de son dossier d'enquête, y compris des dépositions des témoins et des copies des documents de la DDS authentifiés par la justice belge. En outre, les enquêteurs belges seraient autorisés à témoigner devant les tribunaux sénégalais.  
 
Pourquoi Hissène Habré n’a-t-il pas été extradé au Tchad?  
 
Le Tchad n’a jamais formellement demandé l’extradition de Habré. Même s’il le faisait, il y aurait des raisons importantes pour ne pas le renvoyer là-bas. En effet, compte tenu de l’état actuel des droits de l’homme au Tchad, il y aurait de sérieux risques que Habré soit maltraité voire tué. Par ailleurs, la justice tchadienne ne serait pas en mesure de garantir un procès équitable. En août 2008, Hissène Habré a été condamné à mort par contumace par une Cour tchadienne pour son rôle présumé de soutien aux mouvements rebelles anti-gouvernementaux qui ont failli s’emparer du pouvoir en février 2008.  
 
La condamnation de Hissène Habré par une Cour tchadienne pour soutien à la rébellion au Tchad n’empêche-t-elle pas le jugement de Habré au Sénégal ?  
 
Non. Il ne s’agit pas des mêmes faits ni des mêmes chefs d’accusation pour lesquels Hissène Habré est poursuivi au Sénégal. Par conséquent, cette condamnation ne saurait avoir une quelconque incidence sur les obligations du Sénégal de poursuivre Habré conformément à ses engagements internationaux et au mandat de l’Union africaine.  
 
Pourquoi Hissène Habré ne peut-il être poursuivi par la Cour Pénale Internationale (CPI)?  
 
La CPI peut seulement traiter des cas apparus après juillet 2002, date à laquelle son statut est entré en vigueur. Mais il peut y avoir encore plus de restrictions pour les pays ayant ratifié après cette date. Le Tchad a attendu septembre 2006 pour ratifier le Statut de la CPI.  
 
Quelle est la position du gouvernement tchadien dans cette affaire?  
 
Le gouvernement tchadien a fourni une assistance dans le travail sur la plainte internationale contre Habré en collaborant avec les juges belges lorsque ces derniers étaient venus au Tchad, en garantissant aux victimes un accès aux archives de la DDS et en permettant de lever l’immunité de juridiction de l’ancien chef d’Etat. Le gouvernement a également déclaré qu’il coopérerait avec la justice sénégalaise et a accepté de participer au financement du procès.  
 
Quel a été le rôle du Président tchadien actuel Idriss Deby Itno sous le régime de Hissène Habré?  
 
Le président Déby était Commandant en chef de l'armée tchadienne dans les premières années du régime Habré avant de devenir son conseiller militaire. Les forces militaires sous ses ordres sont accusées d'avoir commis des atrocités généralisées dans le sud du Tchad en 1984, période qui est devenue connue sous le nom de «Septembre Noir». En avril 1989, Déby et ses alliés ont pris les armes contre Hissène Habré. Ils ont renversé son pouvoir en 1990.  
 
Quelles sont les associations qui appuient les victimes ?  
 
Les victimes sont représentées par l'Association des Victimes des Crimes et des Répressions Politiques au Tchad (AVCRP). L’affaire Hissène Habré est également soutenue par tous les principaux groupes de défense des droits de l'homme au Tchad et au Sénégal, ainsi qu'un certain nombre d'ONG internationales, qui ont formé le Comité international pour le jugement équitable d’Hissène Habré. Le Comité de Pilotage de ce dernier est composé de Me Jacqueline Moudeina, coordonnatrice (présidente de l’association tchadienne pour la promotion et la défense des droits de l’homme), Me Reed Brody (Human Rights Watch), Souleymane Guengueng (président fondateur de l’AVCRP), Alioune Tine (Président de la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’Homme-RADDHO), et Dobian Assingar, (ex-Président de la Ligue tchadienne des droits de l’Homme et représentant de la FIDH). Les autres organisations qui soutiennent les victimes sont la Ligue Tchadienne des Droits de l'Homme (LTDH), l'Organisation Nationale des Droits de l'Homme (Sénégal), et l'organisation française Agir Ensemble pour les Droits de l'Homme.

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