HUMAN RIGHTS WATCH

RD Congo : Les civils attaqués ont un besoin urgent de protection

L’UE et d’autres Etats membres de l’ONU devraient envoyer davantage de soldats de maintien de la paix

(Goma, le 7 novembre 2008) – Le Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, ainsi que les autres dirigeants africains et internationaux qui vont se réunir ce weekend à Nairobi, Kenya, doivent prendre des mesures immédiates pour protéger les civils qui sont en grand danger dans l’Est du Congo, ont déclaré aujourd’hui 10 organisations humanitaires et de défense des droits humains, dont Human Rights Watch, Oxfam, ENOUGH et le Norwegian Refugee Council, entre autres. Les agences ont également appelé l’Union européenne (UE), dont les ministres des Affaires étrangères doivent se réunir à Bruxelles le 10 novembre, à envoyer des renforts immédiats à la mission de maintien de la paix de l’ONU, la MONUC, qui se trouve en difficulté et dont les forces ont été incapables de mettre un terme aux exactions commises contre les civils.

Un quart de million de personnes ont été forcées de fuir leurs maisons depuis fin août 2008 à cause des violents combats opposant les forces du général rebelle Laurent Nkunda et les soldats de l’armée congolaise appuyés par leurs milices alliées. Les gens ont été dispersés sur une zone vaste et inhospitalière, sans accès à un abri, à l’eau, à la nourriture et aux médicaments. Les combats ont gêné considérablement les possibilités pour les agences humanitaires d’atteindre les personnes dans le besoin. Avec un renforcement des hostilités ces deux derniers jours, bien plus de personnes ont été forcées de prendre à nouveau la fuite pour tenter de se mettre à l’abri.  
 
« Le monde ne peut pas détourner le regard encore une fois alors que des milliers de personnes souffrent dans l’Est du Congo. Le peuple congolais mérite mieux », a déclaré Juliette Prodhan, directrice d’Oxfam en République Démocratique du Congo. « Il y a eu de belles phrases et des réunions importantes mais elles doivent maintenant se traduire par des actes, en fournissant des troupes supplémentaires pour protéger les gens. Il faut plus d’urgence, plus d’action et plus d’engagement. »  
 
Cent civils au moins ont été tués et plus de 200 autres blessés depuis la reprise des combats au mois d’août entre les forces du chef rebelle Laurent Nkunda et les soldats de l’armée congolaise. Nombre des personnes tuées ont été prises au piège dans les zones de combat, dans l’incapacité de s’enfuir, tandis que d’autres étaient délibérément tuées par les combattants. Les agences de la protection de l’enfance ont signalé que la semaine dernière 37 enfants ont été recrutés pour servir dans les rangs par les milices Maï Maï dans la ville de Rutshuru. On évalue à environ 150 le nombre d’enfants qui ont été recrutés par la force depuis que les combats violents ont repris en août.  
 
Avec les troupes de l’ONU étirées et occupées sur de multiples fronts, des forces militaires accrues sont une nécessité urgente pour assurer la sécurité de la population de l’Est du Congo. En plus des derniers combats au Nord Kivu, les éléments de la MONUC sont encore plus dispersés par la nécessité de répondre aux groupes armés qui attaquent des civils en Ituri et dans la région de Dungu, dans la Province Orientale, où le mois dernier l’Armée de résistance du seigneur a attaqué et kidnappé des civils, forçant des dizaines de milliers d’entre eux à fuir.  
 
Les ambassadeurs de l’UE se sont rencontrés le 31 octobre à Bruxelles pour examiner la demande par l’ONU de forces supplémentaires, mais ils n’ont pris aucun engagement d’apporter leur aide. Des diplomates ont indiqué qu’ils préféraient voir la MONUC utiliser ses troupes existantes de façon plus efficace avant de décider si une force de l’UE était nécessaire.  
 
« Les soldats du maintien de la paix de l’ONU doivent faire davantage pour protéger les civils, qui ont désespérément besoin de leur aide », a insisté Anneke Van Woudenberg, chercheuse senior à la Division Afrique de Human Rights Watch. « Il faut de toute urgence davantage de troupes et de ressources pour consolider les casques bleus, et l’UE est bien placée pour agir rapidement. »  
 
Le déploiement de troupes supplémentaires devrait être combiné avec une pression diplomatique soutenue pour aider à mettre fin à la crise humanitaire et politique, garantir la sécurité pour les populations locales, et faire en sorte que les responsables d’exactions contre des civils rendent compte de leurs actes.  
 
Un cessez-le-feu fragile entre les forces de Nkunda et l’armée congolaise, signé en janvier, a été rompu fin août. Les troupes rebelles de Nkunda ont fait mouvement sur Goma le 29 octobre, s’arrêtant juste devant la ville avant de déclarer un cessez-le-feu unilatéral. Le cessez-le-feu a été rompu le 4 novembre quand les combats ont repris à Kiwanja, une ville voisine de Rutshuru, entraînant la mort de plus de 20 civils. Les troupes de la MONUC ont à nouveau été incapables de protéger la population de Kiwanja.  
 
Des milliers de civils essayant de fuir les combats n’ont pas su où aller se mettre à l’abri. Après avoir pris le contrôle de Rutshuru le 28 octobre, les troupes de Nkunda ont exhorté les habitants de la ville à démanteler les camps de déplacés où plus de 26 000 personnes avaient trouvé refuge avec l’aide d’organismes humanitaires.  
 
Certains civils se sont réfugiés à Goma, capitale du Nord Kivu, portant la population à plus de 700 000 personnes, mais là aussi les civils ont été attaqués. Dans la nuit du 29 octobre, 20 civils au moins ont été tués, dont 5 enfants, et plus de 13 personnes ont été blessées quand les soldats ont pillé des magasins, attaqué des domiciles privés, violé des femmes et des filles, et volé des véhicules avant de s’enfuir devant l’avancée des rebelles. Occupées à défendre le périmètre de Goma contre l’avancée des rebelles, les troupes de la MONUC ont été incapables de protéger la population civile de Goma.  
 
Au cours des dernières huit semaines, environ 250 000 civils ont été forcés à quitter leurs maisons. Le nombre total de personnes déplacées dans le Nord et le Sud Kivu est maintenant supérieur à 1,2 million, dont beaucoup n’ont pas accès à une aide humanitaire cruciale.  
 
Les combats en cours et les attaques ciblées contre des travailleurs humanitaires ont rendu particulièrement difficile aux organismes d’aide l’accès aux personnes dans le besoin. Les travailleurs humanitaires au Nord Kivu ont essuyé 35 attaques depuis fin août, à savoir des vols de véhicules, des vols à main armée et des agressions physiques. Un grand nombre de ces attaques ont été menées par des soldats de l’armée congolaise.  
 
« L’action pour la protection des civils doit être la première priorité pour les dirigeants régionaux et internationaux à Nairobi ce weekend, ainsi que pour les ministres des Affaires étrangères européens qui doivent se réunir à Bruxelles lundi », a observé Kubuya Muhangi du CRONGD Nord Kivu. « Ne pas répondre aux demandes du Secrétaire général de l’ONU qui a sollicité des renforts pour la MONUC n’est pas une option. »  
 
Les signataires de cette déclaration incluent: ActionAid, ENOUGH, Human Rights Watch, Mercy Corps, Norwegian Refugee Council (NRC), Oxfam, Conseil Régional des Organisations Non Gouvernementales de Développement (CRONGD) - Nord Kivu, Promotion et Appui aux Initiatives Féminines (PAIF) – Nord Kivu, Institut Congolais pour la Justice et la Paix (ICJP) – Sud Kivu, et Association des Femmes Juristes du Congo (AFEJUCO) – Sud Kivu.