(New York, 4 juin 2002) Les soldats de l'armée burundaise ont forcé plus
de 30 000 civils à quitter leur maison, dans la province de Ruyigi, à
l'est du Burundi, fin avril et début mai, a déclaré aujourd'hui Human
Rights Watch. Les autorités burundaises ont refusé d'autoriser des
groupes d'aide humanitaire à fournir une assistance à ces personnes
déplacées qui souffrent de malnutrition et de maladies.
Des soldats ont forcé les gens à se rendre vers ces sites de
regroupement en tirant en l'air. Les autorités
appellent ces camps des "sites de protection" et affirment qu'ils ont
été créés à la demande des gens. Les résidents des camps protestent en
disant qu'ils n'ont absolument pas été consultés et veulent simplement
rentrer chez eux.
Alison Des Forges,
conseillère à la Division Afrique de Human Rights Watch
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"Des soldats ont forcé les gens à se rendre vers ces sites de
regroupement en tirant en l'air," a déclaré Alison Des Forges,
conseillère à la Division Afrique de Human Rights Watch. Les autorités
appellent ces camps des "sites de protection" et affirment qu'ils ont
été créés à la demande des gens. "Les résidents des camps protestent en
disant qu'ils n'ont absolument pas été consultés et veulent simplement
rentrer chez eux," a affirmé Des Forges.
Le 27 avril, des soldats ont donné l'ordre aux civils de se rendre
immédiatement vers les sites et ont refusé de permettre à ceux qui se
trouvaient au marché ou sur les routes de rentrer chez eux prendre le
minimum nécessaire. Les autorités n'ont fourni ni abri, ni nourriture,
ni eau, ni sanitaires dans les sites, en violation de l'article 17 du
Protocole additionnel des Conventions de Genève. Après une nuit passée
dehors, sous une pluie froide, ces personnes déplacées ont commencé le
lendemain à construire des abris temporaires.
Les autorités ont exclu les travailleurs de l'aide humanitaire de ces
sites déclarant la zone "peu sûre". Les rebelles des Forces pour la
Défense de la Démocratie (FDD) en lutte contre le gouvernement burundais
depuis sept ans, font de fréquentes incursions dans l'est du Burundi,
depuis leurs bases situées en Tanzanie voisine.
Hier, pour la première fois, des représentants des agences des Nations
Unies ont été autorisés à visiter les camps en compagnie de responsables
du gouvernement. Ils seraient arrivés à un accord sur l'établissement
d'un corridor de sécurité pour permettre l'acheminement de l'aide
humanitaire, à partir de la fin de la semaine.
Les autorités ont également interdit l'accès des camps à la presse et
début mai, ont arrêté deux journalistes d'une chaîne de radio nationale
lorsque ces derniers ont tenté de pénétrer dans l'un des camps. Après la
libération des journalistes, les autorités les ont mis en garde contre
toute tentative pour retourner dans le camp.
Selon des résidents du camp, il est permis de quitter les sites un ou
deux jours au maximum par semaine ce qui n'est pas suffisant pour
permettre aux résidents de s'occuper de leurs champs et d'aller chercher
des biens chez eux.
Les résidents des camps ont accusé l'armée de coups et torture,
d'arrestations arbitraires et de détentions prolongées dans des cellules
communautaires. Ils ont affirmé que des soldats avaient violé et agressé
des femmes dans le camp. Ils ont déclaré que les soldats avaient forcé
des civils à transporter du matériel dans les zones de combat et ont
cité l'exemple d'un jeune homme blessé par balle au cours d'une telle
opération.
Les soldats ont transformé l'hôpital de Nyabitsinda en une caserne
militaire, forçant les patients à partir. Il est maintenant très
improbable que des malades iront chercher de l'aide là-bas. Ils auraient
utilisé des chaises et des bancs pris dans l'école locale comme bois de
feu pour faire cuire des chèvres volées aux habitants du coin.
Depuis 1993, l'armée burundaise combat les FDD et le Front National de
Libération (FNL). Dans un effort pour supprimer tout appui local aux
rebelles, l'armée a, par le passé, regroupé de force la population
civile. Ceci a suscité d'importantes protestations internationales et
n'a apporté que peu de gains stratégiques à l'armée.
Un nouveau gouvernement de transition, installé en novembre 2001, a
permis un partage du pouvoir entre les différents partis politiques mais
n'a pas mis un terme à la guerre civile.
"En déplaçant par la force des civils, les soldats et les responsables
burundais ont violé le droit humanitaire international," a déclaré Des
Forges. "Si le gouvernement de transition veut gagner en crédibilité
auprès des habitants du Burundi, il doit renoncer à de telles pratiques
abusives et laisser les gens chez eux."
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