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Lettre à Thabo Mbeki : La Libye ne devrait pas présider la Commission des droits de l'homme de l'ONU

6 août 2002
Son Excellence Président Thabo Mbeki
Union Buildings
West Wing
Government Avenue
Pretoria
Republic of South Africa
Via fascimile: (012) 323-8246

Monsieur le Président,

Nous souhaitons tout d'abord vous réitérer nos félicitations pour votre influence, ces derniers mois, sur la promotion du Nouveau partenariat de développement pour l'Afrique (NEPAD). Nous saluons les réponses positives que cette initiative a suscitées lors des récents sommets de l'Union africaine et du G8 à Kananaskis. Néanmoins, nous vous écrivons aujourd'hui à propos d'une affaire urgente qui risque d'affecter gravement l'image du NEPAD et de l'Afrique concernant les droits humains.

Comme vous le savez, le NEPAD est fondé sur un engagement à promouvoir et protéger la démocratie et les droits humains et à mettre en place un cadre clair pour la notion de responsabilité, de transparence et de gouvernance participative, tant au plan national que régional. Le NEPAD prévoit que l'Afrique jouera un rôle plus actif et plus positif au sein des divers organismes internationaux et multilatéraux. Ces valeurs sont d'ailleurs évoquées dans l'acte fondateur de l'Union africaine, lancée en juillet à Durban.

Par conséquent, nous avons été perturbés d'apprendre que le groupe régional Afrique aux Nations Unies avait choisi de désigner la Libye pour présider la Commission des droits de l'homme. Nous comprenons à quels défis vous avez été confrontés pour enrôler la Libye de manière constructive dans la création du NEPAD et de l'Union africaine, mais cette décision risque de saper la crédibilité du NEPAD et constitue un recul important pour l'engagement nouveau de l'Afrique en faveur de la promotion des droits humains. Si l'Afrique porte la Libye à la présidence du principal organisme des Nations Unies pour la promotion des droits humains, ceci signifiera que le système de surveillance mutuelle entre les pairs, tel que proposé et très bien accueilli, est moins sérieux que beaucoup ne l'avaient espéré. Les partenaires et partisans internationaux du NEPAD surveillent désormais de près quelle sera la réponse des gouvernements africains à ce premier défi lancé aux principes du NEPAD.

Vous êtes sans aucun doute au courant que la Commission des droits de l'homme de l'ONU est actuellement confrontée à une crise sérieuse. Ses travaux sont de plus en plus dominés par des gouvernements connus pour violer les droits humains et qui s'attachent davantage à bloquer les procédures et la surveillance de la communauté internationale qu'à défendre les droits humains. Dans ce contexte, la Libye est un choix particulièrement inapproprié et dangereux pour occuper cette présidence. Non seulement la Libye a une longue histoire de violation des droits humains, mais elle a régulièrement refusé de coopérer avec la Commission et ses organismes et a cherché à en entraver les travaux. Nous craignons que la présidence de la Libye ne cause de sérieux dommages à la Commission, surtout pendant une session appelée à débattre de propositions de réformes de ses méthodes de travail.

Nous vous appelons à agir pour empêcher la Libye d'assumer la présidence de la Commission et à désigner un autre Etat africain ayant un bilan propre dans le domaine des droits humains. Si ceci s'avérait impossible, nous espérons que vous vous assurerez que le groupe Afrique donnera des limites claires à la Libye dans la conduite de la Commission, notamment qu'il établira des garde-fous empêchant la Libye d'affaiblir ou de nuire aux mécanismes des Nations Unies concernant les droits humains. En outre, la Libye devra démontrer sa bonne foi en tant que présidente en se conformant à ses obligations (beaucoup de ses rapports sont en retard) et en lançant une invitation ouverte et permanente à tous les mécanismes spéciaux des Nations Unies à se rendre en Libye pour y surveiller la situation des droits humains. A ce jour, 39 pays ont émis une telle invitation mais aucun n'est issu de la région Afrique. Nous espérons que vous montrerez l'exemple en prenant ce type d'engagement lors de la prochaine session de la Commission.

J'écris en termes similaires aux Présidents Obasanjo du Nigeria et Wade du Sénégal.

Bien sincèrement,
Kenneth Roth
Directeur exécutif