Rapports de Human Rights Watch

La rébellion dans le nord-ouest

Presque immédiatement après les élections de mai 2005 qui ont conduit l’instigateur du coup d’État, le Général Bozizé, à la présidence, des combats ont éclaté dans le nord-ouest, région à forte densité démographique qui abrite 1 million  des 4 millions d’habitants que compte la RCA, causant le déplacement de plus de 100 000 civils.31 Bien que de multiples groupes rebelles prétendent être actifs dans la région, la rébellion est dominée par l’Armée populaire pour la restauration de la République et la démocratie (APRD) et elle associe des éléments de la Garde présidentielle de l’ex-Président Patassé à des groupes d’autodéfense locaux en quête de sécurité pour leurs communautés. L’armée centrafricaine, en particulier la Garde présidentielle (GP), a mené des attaques à l’encontre de la population civile, mettant le feu à des milliers d’habitations civiles, commettant des exécutions sommaires généralisées et abattant illégalement des civils.

Les origines du conflit

Après avoir d’abord suspendu la Constitution, s’être autoproclamé président et s’être emparé des pouvoirs exécutif et législatif en 2003,32 le Président Bozizé s’est lancé dans une transition démocratique en vue de légitimer son régime. En décembre 2004, une nouvelle Constitution a été adoptée par référendum, préparant le terrain pour des élections présidentielles.33 Douze candidats ont annoncé leur intention de se présenter, dont le Président Bozizé, son Premier Ministre Abel Goumba, les anciens Présidents André Kolingba et Ange-Félix Patassé, et quatre anciens ministres sous la présidence de Patassé.34

Le processus de présentation des candidatures a rapidement été terni par une controverse lorsque le 30 décembre 2004, la Cour constitutionnelle de transition a annoncé que seuls cinq des 12 candidats—Bozizé, Kolingba, Goumba, Henri Pouzère et Auguste Boukanga—seraient autorisés à se présenter, excluant donc du processus électoral l’ex-Président Patassé et ses anciens ministres en se fondant sur des problèmes techniques tels que l’illégitimité du certificat de naissance de l’ex-Président Patassé. Face aux protestations politiques et diplomatiques, le Président Bozizé a annoncé unilatéralement, le 4 janvier 2005, qu’il autoriserait trois des sept candidats exclus— les anciens ministres de Patassé, Ziguélé, Ngoupandé et Massi— à se présenter, excluant encore l’ex-Président Patassé et trois autres candidats. Bozizé justifiait son exclusion du Président Patassé et de son ancien Ministre de la défense, Démafouth, en invoquant le fait qu’ils étaient poursuivis pour « crimes de sang et crimes économiques ».35 Suite à la médiation du Président gabonais Bongo, 11 des 12 candidats à la présidence ont été autorisés à se présenter, seul l’ancien Président Patassé étant exclu.

Après deux tours de scrutin en mars et mai 2005, Bozizé a été élu président avec 65 pour cent des voix contre 35 pour cent à son adversaire du second tour, Martin Ziguélé. Bien que la communauté internationale se soit généralement réjouie du caractère libre et démocratique des élections en tant que telles, l’exclusion de la candidature de Patassé a été considérée comme inacceptable par ses fidèles qui ont rapidement lancé une rébellion dans le nord-ouest de la RCA. Wafio Bertin, conseiller économique et politique de l’APRD et commandant de zone de l’APRD pour l’axe Paoua-Boguila, a expliqué à Human Rights Watch : « J’ai rejoint l’APRD au début, en avril 2005. L’APRD a été formée après l’élection de Bozizé, parce que les élections étaient truquées. Certains d’entre nous qui avons formé l’APRD faisions partie de la Garde présidentielle de Patassé. Tous ceux qui entouraient Patassé ont été persécutés [à ce moment-là]».36 Alors que le Président Bozizé se préparait à prêter serment en juin 2005, des rebelles armés ont commencé à affronter les troupes gouvernementales dans le nord-ouest de la RCA, région natale de Patassé.37

Les zaraguinas et l’insécurité chronique dans le nord-ouest de la RCA

Cependant, la rébellion dans le nord-ouest n’est pas simplement liée à une lutte pour le pouvoir politique entre le Président Bozizé et les partisans de l’ex-Président Patassé. La crise actuelle est également le résultat d’une situation d’insécurité chronique, longue et continue endurée par la population civile en proie aux attaques de groupes de bandits fortement armés, communément appelés les zaraguinas ou coupeurs de route. Ces bandes sont composées de Centrafricains et de ressortissants des pays voisins, en particulier du Tchad.

Les zaraguinas ont longtemps opéré dans les zones frontalières de la RCA, du Cameroun et du Tchad, s’attaquant principalement aux voyageurs de route et faisant, à l’occasion, des incursions dans des villages pour se livrer au pillage. Au cours des dernières années, les groupes de bandits ont tiré parti du vide sécuritaire relatif qui règne dans le nord-ouest pour multiplier leurs attaques contre les civils et les villages. Les zaraguinas enlèvent également de jeunes enfants en vue de réclamer des rançons, ce qui constitue leur activité criminelle la plus lucrative. Ils visent les éleveurs, principalement les communautés nomades peulhs, qui sont riches en bétail qui peut être vendu pour payer la rançon demandé. André Yokandji, chef de Tantalé, a expliqué à Human Rights Watch:

Les zaraguinas attaquent les maisons mais leurs principales cibles sont les enfants. Ils prennent les enfants en otages. Les parents sont forcés de vendre leur bétail pour payer la rançon et libérer leurs enfants… Suite à une attaque menée en octobre 2006, quatre enfants ont encore été portés disparus. Ils appartenaient à la même famille étendue. Les zaraguinas ont réclamé 1 million de francs CFA (2 000 $US) pour les quatre. Ils ont indiqué un lieu de rencontre à la famille et une femme s’y est rendue pour négocier. Ils ont accordé un délai d’une semaine. Nous n’avons pas informé les FACA ni les gendarmes, nous avions peur des représailles. La famille a vendu ses vaches, payé et récupéré les enfants en janvier dernier.38

Les enlèvements répétés sont l’une des raisons majeures du déplacement de la population nomade du nord-ouest de la RCA vers les grandes villes. Ce type de déplacement est différent de celui causé par les représailles des forces de sécurité, qui poussent la population civile à chercher refuge dans la brousse (voir plus loin).

Tant les villageois que les responsables locaux disent que les FACA faillissent à leur mission d’assurer la protection des civils. Le chef du village de Tantalé, attaqué à plusieurs reprises, a expliqué qu’ils sont sans sécurité, n’ont pas la capacité de se défendre et aimeraient avoir une présence permanente des soldats des FACA.39 La multiplication des attaques menées par les zaraguinas a conduit certaines communautés à mettre sur pied des unités d’autodéfense dans leurs villages. Ces unités – et l’intention de protéger les villageois du banditisme – constituent un élément important du mouvement rebelle APRD.

Les autorités locales reconnaissent l’incapacité actuelle des FACA à lutter efficacement contre les zaraguinas et à sécuriser la population. Certains admettent que les zaraguinas ont pratiquement disparu des zones où les rebelles de l’APRD sont présents et que le départ des rebelles de l’APRD conduirait probablement à une recrudescence des attaques de zaraguinas. Léonard Bangué, maire de Bozoum,40 a indiqué à Human Rights Watch qu’il n’avait jamais entendu parler de confrontation entre les FACA et les zaraguinas, expliquant que les FACA arrivaient toujours trop tard après une attaque. Par ailleurs, le Sous-préfet de Kabo a déclaré que si les rebelles de l’APRD devaient se retirer de sa région, les zaraguinas, qui étaient auparavant très actifs dans sa juridiction, risquaient de revenir attaquer la population.41 Par conséquent, pour résoudre le problème de l’insurrection dans le nord-ouest de la RCA, il faudra nécessairement gérer le problème du vide sécuritaire auquel est confrontée la population dans cette région.

La situation sécuritaire sur tout le territoire nord de la RCA est d’autant plus compliquée qu’il existe depuis longtemps des tensions autour des droits de pâturage, des routes de migration et de l’accès aux sources d’eau entre les communautés agricoles locales et les tribus nomades de la RCA, du Tchad et du Soudan, telles que les Peulhs, les Bororos, les Mbararas, les Fulatas et autres tribus nomades tchadiennes et soudanaises. Ces tensions ne sont pas sans rappeler des facteurs similaires qui contribuent au conflit darfourien et sont facilement exploitables par les parties qui cherchent à créer davantage d’instabilité.

En 2002, dans la région de Birao-Boromata (province de Vakaga), des tensions entre agriculteurs locaux et nomades soudanais ont dégénéré en conflit ouvert, causant des centaines de morts et des destructions considérables. Les tensions et attaques persistent à travers la région. Selon une organisation internationale humanitaire et un reportage d’une télévision internationale, jusqu’à 56 villageois auraient été tués par des nomades soudanais dans un village de Massabo, à l’extérieur de Boromata, le 17 février 2007, attaque importante qui est pratiquement passée inaperçue aux yeux de la communauté internationale.42  Human Rights Watch a également recueilli des informations sur des combats survenus dans la région de Kabo-Ouandago (province d’Ouham) entre des communautés locales et des nomades tchadiens identifiés comme étant des Fulatas, ayant provoqué la mort de plusieurs personnes et l’incendie de villages en 2006 et début 2007.

La composition du mouvement rebelle APRD

Presque tous les commandants de l’APRD que Human Rights Watch a rencontrés dans le nord-ouest de la RCA en février 2007 étaient d’anciens membres de la Garde présidentielle de l’ex-Président Patassé, même si certains n’avaient aucun passé militaire et avaient rejoint le mouvement en réaction à des attaques menées par les forces de sécurité contre la population locale. Bien que les responsables de l’APRD nient tout contact direct avec l’ex-Président Patassé, ils reconnaissent qu’ils sont en rapport avec certains de ses proches associés. Les unités locales d’autodéfense incorporées à la force rebelle en constituent également une forte composante. L’APRD opère principalement dans deux zones : la zone de Paoua-Boguila-Markounda dans les provinces d’Ouham et d’Ouham-Pendé et la zone de Batangafo-Kabo-Ouandago-Kaga Bandoro dans les provinces d’Ouham et de Nana-Grébizi.

Selon ses responsables, l’APRD compte environ 1 000 membres. En général, les rebelles de l’APRD sont mal armés et sous-équipés. La plupart des groupes rebelles qu’a rencontrés Human Rights Watch étaient composés de 10 à 15 personnes, seul le commandant de l’unité disposant d’une arme automatique, les autres portants des armes de chasse de fabrication artisanale. Selon Bertin Wafio, conseiller économique et politique de l’APRD, seuls quelque 200 de ses soldats sur 1 000 ont des fusils semi-automatiques AK-47.43 Les rebelles de l’APRD vus par Human Rights Watch étaient habillés en civil ou portaient des vêtements militaires divers, et ils étaient souvent pieds nus. Beaucoup ne disposaient pas de munitions pour leurs fusils. L’APRD ne semble pas posséder de véhicules militaires ni d’armement lourd.44

Les dirigeants de l’APRD ont vigoureusement nié avoir reçu un soutien extérieur pour leur rébellion, qu’il s’agisse d’un appui d’États comme le Soudan ou le Tchad, ou d’aide de personnes privées. Le piètre état de l’armement des rebelles ne semble pas indiquer que l’APRD bénéficie d’une assistance étrangère significative étant donné que la plupart des armes vues par Human Rights Watch étaient de toute évidence fabriquées maison.45

L’APRD ne semble pas avoir de programme politique élaboré—même le conseiller économique et politique, Bertin Wafio, a eu de la peine à expliquer à Human Rights Watch le programme politique de l’APRD. Selon Wafio, l’APRD a vu le jour en réaction à l’exclusion de Patassé des élections présidentielles de 2005, mais le but principal de l’APRD est de rétablir la paix et la sécurité dans le nord. Wafio a démenti que l’APRD cherche à renverser le gouvernement du Président Bozizé, déclarant en revanche qu’il recherchait simplement le dialogue politique en vue de résoudre les problèmes de sécurité et les différends politiques dans le nord-ouest.

Ouandago: Une étude de cas sur les violations des droits humains et le conflit46

La situation actuelle qui règne autour de Ouandago, l’une des plus grandes villes de la région, est un exemple frappant de la complexité que revêt la dynamique du conflit dans le nord-ouest de la RCA.

Ouandago, située dans le « triangle » Batangafo-Kabo-Ouandago, compte, en temps de paix, 12 000 habitants qui vivent dans 17 quartiers différents, chacun ayant son propre chef. A l’image de bon nombre d’autres zones du nord-ouest, Ouandago a commencé à rencontrer des problèmes croissants avec les bandits zaraguinas à la suite du coup d’État de Bozizé en mars 2003, lorsque ces bandes ne se sont plus limitées à prendre pour cible les voyageurs et ont commencé à attaquer les villes et les villages.47 

Le 28 juin 2006, une bande de 20 zaraguinas armés d’AK-47 ont attaqué Ouandago au milieu de la nuit. Les attaquants, qui semblaient être des Tchadiens parlant l’ouda, le foulbé et l’arabe du Tchad, ont pillé le marché et se sont retirés les bras chargés de marchandises. Le même groupe est resté dans la région au cours des mois suivants, effectuant des incursions dans d’autres villages, dont Outa, Bissikebbo et Kia. Selon les habitants de la ville, bien que les villageois se soient adressés aux commandants des FACA pour réclamer protection, les soldats ne sont pas venus débarrasser la région des zaraguinas ni apporter une protection réelle à la population civile.

Les 19 et 20 août, les zaraguinas sont retournés à Ouandago. Neuf villageois ont été enlevés, forcés à montrer où se trouvait le bétail qu’ils gardaient et ensuite, le 20 août, ont été assassinés et leurs corps jetés dans la brousse. Les bandits ont quitté la région avec un grand nombre de vaches et un lourd butin.

Incapables d’obtenir la protection des FACA, les villageois ont alors cherché à se procurer l’aide de l’APRD, qui est arrivé à Ouandago avec des centaines de combattants et a pourchassé les zaraguinas, les affrontant à deux reprises avant de les chasser hors de la région et de récupérer les corps des neuf villageois disparus. A ce jour, l’APRD continue de patrouiller agressivement la région qui se trouve sous son contrôle pour empêcher les zaraguinas d’y opérer – plusieurs patrouilles de l’APRD qu’a rencontrées Human Rights Watch ont déclaré qu’elles étaient en mission de recherche des zaraguinas.

En réaction à la lourde présence des rebelles de l’APRD, une force combinée des FACA et de la gendarmerie a attaqué les positions rebelles à Ouandago le 5 octobre 2006, aux alentours de midi. Après deux heures de combats d’artillerie au cours desquels un officier des FACA a été tué, les rebelles de l’APRD se sont retirés. Les FACA les ont pourchassés, tuant l’un d’entre eux à quelques 15 kilomètres de la ville.

Les FACA ont réclamé le renfort d’une unité de la GP commandée par le Lieutenant Ngaïkossé, unité qui était alors basée à Kabo, à quelques heures de route au nord. Les soldats de la GP sont immédiatement partis en direction de Ouandago, arrêtant en chemin cinq jeunes civils — Idriss Balingao, 29 ans ; Pascal Béadé, 30 ans ; Nestor Mobété, 32 ans ; Gervain Kangbé, 25 ans ; et Benjamin Mbéna, 35 ans — et arrivant le 5 octobre au soir. Les détenus ont été maintenus en garde à vue jusqu’au 7 octobre, date à laquelle des soldats de la GP les ont exécutés de façon extrajudiciaire devant le centre médical alors qu’ils s’apprêtaient à quitter la ville. Les corps ont été retrouvés et enterrés par les villageois à leur retour, le 8 octobre. Un proche de l’une des victimes a décrit la scène retrouvée à Human Rights Watch :

Les mains [du membre de ma famille] étaient menottées derrière le dos. Je ne peux pas dire combien de balles l’avaient touché. Les cinq corps étaient ensemble. Tous portaient des menottes.48

Le 6 octobre, les soldats des FACA et de la GP ont pillé et réduit en cendres de nombreux quartiers de Ouandago. Selon la Croix-Rouge locale, 1 042 habitations, 60 entrepôts, 19 kiosques ainsi que la Gendarmerie locale ont été incendiés. Du 8 au 10 octobre, les soldats ont principalement opéré en dehors de la ville. Le 10 octobre, lorsqu’ils sont retournés à Ouandago, ils ont tué deux agriculteurs qui labouraient leurs champs. Les soldats ont établi une base et sont restés environ une semaine dans la ville, s’emparant d’animaux et les abattant en toute liberté. Bien que les troupes des FACA et de la GP passent à l’occasion par  Ouandago, elles n’ont pas maintenu de présence dans la ville depuis lors. Les rebelles de l’APRD sont presque toujours présents à Ouandago, établissant assez ouvertement leur base dans la principale zone de marché.

Bien que, lorsque Human Rights Watch a visité Ouandago, les habitants de la ville ne se soient pas plaints du comportement des troupes de l’APRD basées au milieu d’euxpeut-être par crainte de représailles – les villageois vivant dans les bourgades situées aux alentours de Ouandago se sont par contre plaints amèrement du fait que les rebelles de l’APRD leur prenaient du bétail et leur extorquaient de l’argent presque chaque semaine. Beaucoup de villages de la région, particulièrement ceux situés sur la route Ouandago-Batangafo qui est fermée au trafic commercial, ont indiqué que presque tout leur bétail avait été volé par les bandes rebelles de l’APRD et que les chefs de village avaient à plusieurs reprises été enlevés par les rebelles en vue de les échanger contre une rançon (voir le chapitre suivant pour de plus amples détails).

Les exactions des forces de sécurité de la RCA

Les recherches de Human Rights Watch révèlent que la vaste majorité des violations graves des droits humains commises dans le nord-ouest de la RCA ont été perpétrées par les forces de sécurité gouvernementales, en particulier l’unité de la Garde présidentielle (GP) basée à Bossangoa.

La GP et les troupes de l’armée régulière font régner la terreur. Depuis le début de la rébellion, des centaines de civils ont été sommairement exécutés et des milliers d’habitations incendiées. Les violations des droits humains commises par les forces de sécurité suivent un schéma prévisible. Après quasiment chaque attaque rebelle, les FACA ou plus fréquemment les unités de la GP arrivent dans la zone affectée, forcent la population civile à fuir en tirant sur elle au hasard, et brûlent ensuite leurs maisons. Les personnes soupçonnées d’être des rebelles sont arrêtées et beaucoup ont été sommairement exécutées. Ces attaques aveugles menées contre la population civile en réaction à des attaques rebelles constituent des actes illégaux de représailles, expressément proscrits aux termes des lois de la guerre, lesquelles interdisent également le recours à des peines collectives, au terrorisme et au pillage en tant que tactiques de guerre.49

Les atrocités perpétrées par les forces de sécurité gouvernementales ont provoqué une grave crise humanitaire dans le nord-ouest de la RCA. Lors des attaques de représailles directes menées contre leurs villages, au moins 102 000 civils ont été forcés de quitter leurs maisons et de chercher refuge au plus profond de la brousse, beaucoup y demeurant pendant plus d’un an après que leurs villages eurent été attaqués.50 Dans le nord-ouest, le sentiment de peur est palpable, les civils fuyant au bruit des voitures qui approchent. En visitant Paoua, le groupe de véhicules dont faisait partie Human Rights Watch a rencontré un autre convoi humanitaire qui parlait à des villageois dans un village reculé.51 En entendant des véhicules approcher, tous les civils du coin jusqu’au dernier ont pris la fuite, ne revenant qu’après que le convoi de Human Rights Watch se fut arrêté et que les villageois se furent rendu compte qu’il ne s’agissait pas d’un convoi militaire.

Exécutions sommaires et morts illégales

Depuis le début du conflit à la mi-2005, les FACA et la GP se sont livrées à des exécutions sommaires et ont abattu des civils illégalement de façon généralisée. Les massacres et meurtres brutaux commis par les forces de sécurité centrafricaines ont souvent causé la mort de dizaines de civils en une seule journée. Par exemple, le 11 février 2006, les forces de la GP ont tué au moins 30 civils dans plusieurs villages situés entre Nana-Barya et Bémal, et le 22 mars, la même unité de la GP a décapité un enseignant dans le village de Bémal, lui coupant la tête avec un couteau alors qu’il était encore en vie.

Au cours de leurs trois semaines de recherches sur le terrain, les chercheurs de Human Rights Watch ont recueilli des informations sur un total de 119 exécutions sommaires et morts illégales de civils imputables aux forces de sécurité centrafricaines depuis décembre 2005. Human Rights Watch estime toutefois que le nombre total de décès de ce type, imputables aux forces de sécurité de la RCA depuis le début du conflit à la mi-2005, est beaucoup plus élevé – probablement des centaines – car les chercheurs n’ont pu recueillir des renseignements que sur une fraction des incidents qui sont survenus.

Outre les morts « connues », où les corps ont été retrouvés, des civils ont également été victimes de « disparitions » forcées. Certains ont été emmenés en garde à vue, leur sort demeurant à ce jour inconnu, ou ils ont été vus vivants pour la dernière fois aux mains des forces de sécurité de la RCA et sont présumés avoir été exécutés, bien que leurs corps n’aient pas été retrouvés. Osée Yinguissa, âgé de 27 ans et père de trois enfants, a été arrêté le 10 décembre 2006 à 9 heures du matin par des soldats des FACA au marché central de Kaga Bandoro et a été emmené à la gendarmerie de la ville. En fin d’après-midi, il a été aperçu dans un véhicule qui l’emmenait hors de la ville en compagnie d’autres détenus non-identifiés. Aucun d’entre eux n’a été vu ou n’a donné signe de vie depuis.52 En juillet 2006, Sylvain Tamkimaj, 28 ans, s’est rendu de Gbaïzera à Batangafo afin d’acheter du savon et d’autres provisions au marché. Il a été arrêté par les FACA et a rapidement disparu, sans plus jamais donner de nouvelles.53

Le grand nombre d’exécutions et de morts illégales décrites dans le présent rapport, dont beaucoup ont eu lieu en public, démontrent que les soldats responsables de ces morts ne craignent pas de devoir répondre de leurs crimes devant leurs supérieurs ou les autorités de la République centrafricaine. Bon nombre de cas décrits ici ont été largement rapportés dans la presse nationale de la RCA qui n’hésite pas à s’exprimer. Il ne fait donc aucun doute que les plus hautes autorités du pays, y compris le Commandant en chef et Président, le Général Bozizé, sont pleinement au courant des atrocités perpétrées par leurs troupes. Les officiers supérieurs ont la responsabilité d’agir pour mettre un terme aux exactions commises par leurs troupes et, en vertu du principe de responsabilité de commandement, peuvent être tenus responsables des actes commis par leurs soldats.54

Un grand nombre des cas de personnes abattues et de villages incendiés documentés par Human Rights Watch sont imputables à une seule et même unité, celle de la GP basée à Bossangoa et qui, jusqu’en janvier 2007, se trouvait sous le commandement du Lieutenant Eugène Ngaïkossé, avant son transfert à un nouveau poste de commandement à Bossentélé. Des 119 exécutions et morts illégales documentées par Human Rights Watch, au moins 51 ont été commises par cette seule unité de la GP. Ni le Lieutenant Ngaïkossé ni aucun de ses soldats n’ont dû répondre de leurs crimes ni même été soumis à une sanction au sein de l’armée. Trois officiers des FACA interrogés par Human Rights Watch ont tous reconnus l’ampleur des atrocités commises par les membres de la GP mais ils les ont qualifiés d’ « intouchables ». L’un d’eux a directement lié cette impunité au Président Bozizé, confiant à Human Rights Watch : « Chacun sait que l’impunité existe, mais c’est le Président qui prend ces décisions ».55 Un officier supérieur a déclaré à Human Rights Watch : « Ce qu’il faut, c’est mettre fin à cette impunité. Le problème est que ces commandants renégats ne sont pas poursuivis en justice ».56

Cependant, il est clair que même si certains hauts responsables de l’armée centrafricaine se montrent écœurés par le grand nombre d’exécutions et d’incendies de villages, cela ne veut pas dire que ces actes sont uniquement le produit d’unités militaires isolées. Le fait que ces exécutions et incendies de villages aient pu se poursuivre au minimum depuis décembre 2005 jusqu’à ce jour semble, tout au moins, indiquer une approbation tacite des dirigeants centrafricains par rapport aux représailles visant la population civile. Le résumé le plus approprié des événements dans le nord de la RCA et du rôle de la GP a été fourni à Human Rights Watch par un responsable religieux : « Ngaïkossé et ses hommes se spécialisent dans le sale travail ».57

La culture de l’impunité pour des exactions graves telles que des exécutions sommaires est omniprésente, y compris dans la capitale, Bangui. L’Office central de répression du banditisme (OCRB), une unité de police paramilitaire mise sur pied pour gérer le problème du « banditisme » dans la capitale, procède à des exécutions sommaires de « rebelles » et de « bandits » présumés avec une régularité inquiétante, souvent en public et sans chercher à brouiller les pistes. Le 13 février 2007, des agents de l’OCRB ont procédé à l’exécution extrajudiciaire de deux  ex-libérateurs tchadiens menottés, à cinq kilomètres seulement du centre de Bangui, après les avoir arrêtés à un poste de contrôle dans un marché.58 Ces morts ont déclenché une grande manifestation de milliers de résidents tchadiens à Bangui mais n’ont conduit à l’inculpation d’aucun des auteurs de ces actes. Elles n’ont même pas provoqué l’arrêt de toute coopération entre la France et l’OCRB. Le 3 mars, deux semaines après ces exécutions, Human Rights Watch a observé deux gendarmes français qui retrouvaient des membres de l’OCRB devant le quartier général de l’OCRB alors que cinq « bandits » en détention, à moitié nus et ayant de toute évidence été battus, étaient transférés entre deux cellules à quelques pas d’eux.  

Exécution de Benjamin Mbaigoto, Martin Yalissey, Bonaventure Danyo et de quatre autres personnes, Bodjomo, 29 décembre 2005

A l’aube du 28 décembre 2005, un groupe d’une centaine de rebelles de l’APRD a lancé une attaque manquée contre le village de Bodjomo, situé à 25 kilomètres au sud-est de Markounda. Le même jour, des renforts des FACA sont arrivés de Markounda à Bodjomo et ont commencé à incendier des villages. Tôt le matin du 29 décembre, les FACA ont été renforcées par l’arrivée de l’unité de la GP du Lieutenant Eugène Ngaïkossé.

Deux civils adultes et un enfant — Benjamin Mbaigoto, 35 ans, Martin Yalissey, 45 ans, et Bonaventure Danyo, 10 ans — ont été arrêtés par l’unité de la GP au village de Bobéré, à cinq kilomètres au sud-ouest de Bodjomo, apparemment au moment où celle-ci se dirigeait vers le village. Lorsque l’unité est arrivée à Bodjomo, elle a exécuté les trois détenus.

Au cours des jours qui ont suivi, l’unité de la GP et les soldats des FACA ont continué à brûler une grande partie des villages avoisinants, abattant au moins quatre autres civils incapables de fuir assez rapidement : Paul Bénandé à Kadjama Kota, Simon Ngotinga à Bélé, Iphonse Mayade à Galé II, et Sébastien Ngaba à Galé I.

Mort d’au moins 33 civils, Paoua, 29-31 janvier 2006

Le 29 janvier 2006 aux alentours de 11 heures du matin, un groupe d’une centaine de rebelles de l’APRD ont attaqué des positions gouvernementales dans la ville de Paoua. Selon des témoins interrogés par Human Rights Watch, les rebelles étaient négligés et mal habillés et la plupart étaient armés d’armes de chasse artisanales, de lances, de couteaux et de pierres, ainsi que de quelques AK-47s.59 Ils ont attaqué et pillé les bureaux de la gendarmerie ; les habitations du commissaire de police, du secrétaire général de la sous-préfecture et du sous-préfet ; le bureau des impôts ; le bureau de gestion des eaux et forêts ; le tribunal ; la prison ; le poste de police ; le bureau du maire ; et l’office de la jeunesse et des sports, à la recherche d’armes et autre butin. Les échoppes du marché et les habitations privées n’ont pas été pillées par les rebelles, qui semblaient se focaliser sur la recherche d’armes.60

Après avoir d’abord battu en retraite, les soldats locaux des FACA remarquant que les rebelles de l’APRD étaient mal armés organisèrent une contre-offensive, mettant rapidement les rebelles en fuite. Mais après que les rebelles eurent fui, les soldats des FACA ont commencé à tirer au hasard sur les jeunes hommes à travers Paoua. Selon un rapport rédigé par une organisation humanitaire locale : « Après le retrait des assaillants par les pistes d'où ils étaient entrés dans la ville, les militaires ont systématiquement procédé à la chasse à tous les jeunes hommes dans les quartiers. C'est surtout pendant cette opération de chasse que plusieurs chefs de familles, prétendus rebelles, ont été tués par les balles tirées à bout portant ».61

Dans la foulée de l’attaque rebelle, les 29 et 30 janvier, les soldats des FACA ont abattu au moins 27 personnes, bien que le nombre réel de morts serait considérablement plus élevé étant donné que de nombreux corps n’ont jamais été retrouvés ni enterrés car la population fuyait vers la brousse. La vaste majorité des personnes ont été tuées alors qu’elles tentaient de fuir. Florentin Djember, 18 ans, vendeur sur le marché, a été abattu par des soldats des FACA devant plusieurs témoins alors qu’il se rendait au marché pour récupérer des marchandises après une accalmie dans les combats.62 Parmi les autres civils abattus le même jour par les soldats figuraient : Vincent Bozoko, père de cinq enfants ; Apollinaire Béro ; Lucien Béréo, 24 ans ; Gbanono Abba ; Joseph Béninga, père de sept enfants ; Basile Béatem ; Bruno Sembai, 24 ans ; et Sorro (prénom non connu).63 Les soldats des FACA ont fait sortir deux blessés de l’hôpital de Paoua le 29 janvier et les ont exécutés devant l’hôpital.64 Au moins sept autres civils ont été blessés par des balles tirées par les FACA.65 

Les soldats des FACA ont également arrêté et sauvagement battu au moins huit détenus suite à l’attaque du 29 janvier, battant à mort six des détenus. Frédéric Ganoni, étudiant au lycée et âgé de 27 ans, a été arrêté par les soldats des FACA le 29 janvier aux alentours de 15 heures, en compagnie de son plus jeune frère, Apollinaire Bissi, un agriculteur de 22 ans.  Après avoir été maintenus ligotés sur le bord de la route pendant toute la nuit, les deux détenus ont été emmenés à la base des FACA le lendemain matin. Ganoni a raconté à Human Rights Watch ce qui est arrivé à la base :

A la base, ils m’ont ligoté les bras derrière le dos et aussi les jambes, dans le style arbatachar.66 Ils m’ont entaillé les bras avec des lames de rasoir. On était huit jeunes au total à être détenus et ils nous ont battus longtemps. Ils nous ont battus avec leurs matraques. Ils nous posaient tout le temps des questions : est-ce qu’on était mariés, est-ce qu’on travaillait, avait-on jamais été à l’armée, est-ce qu’on était avec les rebelles ? Je répondais toujours non. Il y avait beaucoup de soldats, quelques-uns nous battaient et puis d’autres arrivaient. Nous avons passé deux jours comme cela.

Cinq d’entre nous sont morts le premier jour suite aux coups reçus. … L’Abbé de l’église est venu nous voir le deuxième jour et ensuite, ils nous ont laissés partir. Il nous a emmenés à l’hôpital et mon jeune frère est mort des suites de ses blessures le 9 février. Je suis resté longtemps à l’hôpital, et j’ai même dû me rendre à Bangui pour être traité. Ils ont dû retirer des os [brisés et infectés] de mes deux avant-bras. Il me reste encore une grande blessure non guérie au pied. Je ne peux toujours pas utiliser mes mains à cause de l’arbatachar.67

Les soldats des FACA ont brûlé les corps des cinq hommes battus à mort à leur base.68 Lorsque Human Rights Watch a localisé Ganoni, plus d’un an après la terrible épreuve qui lui avait été infligée, il souffrait d’une grave invalidité permanente due aux violents passages à tabac ; il avait perdu des os aux avant-bras et il lui était impossible d’utiliser ses mains.

Mort d’au moins 30 civils, de Nana Barya à Bémal, 11 février 2006

Le 11 février au matin, l’unité de la GP basée à Bossangoa, commandée par le Lieutenant Eugène Ngaïkossé, est arrivée dans la zone de Nana Barya à bord de trois véhicules, prenant la direction nord vers la route Boguila-Bémal. En l’espace d’un seul jour, l’unité a attaqué des dizaines de villages situés tout au long de la route, tirant au hasard et occasionnant la mort d’au moins 28 civils, dans une douzaine de localités au moins. Cette folie meurtrière a eu un impact dévastateur : quelque 120 villages situés le long de la route R1 Boguila-Bémal-Markounda ont été complètement abandonnés pendant des mois suite à l’offensive, leur population ayant fui dans la brousse.69

Le maire de Bémal a retracé pour Human Rights Watch les événements survenus dans son village:

Les gardes présidentiels ont lancé une attaque le 11 février. Ils ont tué deux personnes ici : Luc Mouabé, 48 ans, policier en activité, et Dominique Diyafara, qui travaillait au bureau des douanes. Lorsque la Garde présidentielle est arrivée vers 13 heures, les gens ont commencé à s’enfuir et ils ont simplement tiré sur eux. Mais Mouabé, le policier, s’est dirigé vers eux [en tant qu’officier de police] et ils ont tiré sur lui. Ils ont pillé l’hôpital, pris des bicyclettes et beaucoup d’autres choses ; ils ont également pillé les maisons mais ils ne les ont pas brûlées. Depuis lors, nous restons tous dans la brousse, les 1 800 habitants de Bémal. Ngaïkossé était avec eux, ainsi que son adjoint Abdoulayé.70

Ce jour-là, le même style d’attaques meurtrières s’est répété village après village sur les routes Boguila-Bémal et Bémal-Béboura. A Béogombo III, des membres de la GP ont abattu Bondouboro Kouro et quatre autres civils et en ont blessé deux autres. A Békoro, les soldats ont demandé à Mathias Ndobi de s’approcher de leur véhicule et ensuite, ils l’ont abattu. Huit civils ont été abattus à Bédoro, dont le chef du village Grégoire Djanayang, Joseph Béninga Gawa, Clément Ndokiyai, Jackson Loban, un élève de cinquième année, Wilfred Béré, Lotar (prénom inconnu) et deux personnes non identifiées. Béamadji Nbairam a été tué par les soldats à Béogombo II, et Béré Lamadje a été tué à Béganguero.71

Trois personnes ont été abattues à Bendoulabé : deux mineurs, Eric Guelno et Ndonai Dabtar, tous deux élèves de quatrième année, et Luther Bérayang Bobet (âge non connu). A Bésa, des membres de la GP ont tué trois civils : Gaston Col, un non-voyant, Joseph Marboua, un soldat démobilisé, et Benjamin Rogaguem. A Kébbé, ils ont abattu Alfred Nadji et grièvement blessé son fils de sept ans, Blaise, qui a survécu. Sévérin Djasrabé, étudiant, Richard Ndouba et Théophile (nom de famille non connu) ont été abattus à Bongaro I. A Boya, deux hommes non identifiés ont été tués.72 Il est probable qu’il y ait eu d’autres morts non signalées par les sources identifiées par Human Rights Watch.

Mort de quatre civils et décapitation de Léon Roman, Bémal, 15-22 mars 2006

Suite à une attaque menée par des hommes armés non identifiés le 15 mars contre un camion commercial près de la frontière tchadienne, l’unité de la GP basée à Bossangoa et dirigée par le Lieutenant Eugène Ngaïkossé est revenue dans la zoneBoguila-Bémal. Comme lors de ses attaques du 11 février, l’unité a de nouveau tué un certain nombre de civils lors de son passage dans des villages, tirant au hasard sur les civils qui fuyaient. Serge Feidangai Mahamat, un menuisier, a été abattu à Bétoko le 15 mars ; Doumbé (nom de famille non connu) a été abattu à Béboy I le 16 mars ; et Sabin Diadiam et Salomon Ndobi ont été abattus à Kébbé le 22 mars.73

Le soir du 22 mars vers 19 heures, quelque 75 soldats de la GP dirigés par le Lieutenant Ngaïkossé sont arrivés à Bémal à bord de trois pick-up. Pratiquement toute la population du village vivait déjà dans la brousse, mais la plupart de ceux qui étaient restés au village prirent la fuite. Les soldats ont passé la nuit au village. Le lendemain matin vers 6 heures, l’instituteur du village, Léon Roman, s’est rendu au marché pour acheter du tabac et sur le chemin du retour, il a été arrêté. Après l’avoir attaché, les soldats de la GP lui ont coupé la tête au moyen d’un couteau : « Nous l’entendions crier », a raconté l’un de ses proches à Human Rights Watch. Les soldats ont mis sa tête coupée dans un sac, apparemment dans l’intention de l’emmener avec eux, mais ils l’ont ensuite abandonnée à 100 mètres du corps lorsqu’ils sont partis pour Bétoko. Peu après le départ des troupes, les villageois ont trouvé le corps sans tête de Roman ainsi que le sac contenant sa tête.74

Exécution de Christophe Doroma, Marc Kabo et Didier Zaura, Gbaïzera, fin mai 2006

En début mai 2006, les rebelles de l’APRD ont pris le contrôle d’une série de villages sur la route Batangafo-Kabo, concentrant plusieurs centaines de rebelles dans un plus grand village, Gbaïzera. Le 5 mai, les forces des FACA ont arrêté huit personnes du village de Bamara Kase, situé à quelques kilomètres de Gbaïzera, notamment le chef du village et son fils, une femme de 25 ans et Christophe Doroma, un visiteur de Gbaïzera âgé de 22 ans. Les détenus ont été emmenés à la prison de la gendarmerie à Batangafo, où ils ont été gardés en détention pendant trois semaines et battus presque quotidiennement. L’un des ex-détenus a décrit les passages à tabac et a confié que la prisonnière avait été violée par les soldats :

On nous battait chaque jour, pendant les trois semaines où on nous a gardés. Ils ne nous ont rien demandé à propos des rebelles. … Ils ont aussi battu la femme, ils ont abusé d’elle. Elle a été violée : ils l’ont emmenée, l’ont battue, et puis ils ont dormi avec elle, plusieurs d’entre eux.75

Selon les proches de Christophe Doroma, les autres familles des détenus sont parvenues à obtenir leur libération après trois semaines en versant aux FACA un pot-de-vin de 10 000 francs CFA (20$) par détenu. La famille de Doroma n’a pas pu rassembler l’argent à temps et a également eu plus de difficultés pour se rendre à Batangafo depuis Gbaïzera qui était sous contrôle rebelle.76

Le 22 ou 29 mai 2006,77 des soldats des FACA sont arrivés devant l’église de Gbaïzera vers 15 heures. Ils ont fait sortir de leur véhicule Christophe Doroma et deux autres jeunes gens, les ont exécutés devant l’église et sont partis.78 Human Rights Watch a établi par la suite que les deux autres jeunes exécutés ce jour-là étaient Marc Kabo et Didier Zaura du village de Zoumanga, situé sur la route Kabo-Ouandago. Ils avaient été arrêtés plus tôt par les FACA alors qu’ils se rendaient à Kabo à bicyclette pour vendre des chèvres et du miel. Kabo et Zaura avaient également été détenus à Batangafo avant d’être exécutés à Gbaïzera.79

Exécution de Placide Bamandia, Nganaoui Voudakpa, Elias Yambassa et Georges Bamandia, Kpokpo, 11 septembre 2006

Placide Bamandia, 32 ans (père d’un enfant), Nganaoui Voudakpa, 23 ans (père d’un enfant), Elias Yambassa, 27 ans (père de quatre enfants), et Georges Bamandia, 37 ans (père de trois enfants) étaient tous chasseurs et pêcheurs. Lorsqu’ils sont rentrés à Kaga Bandoro le 10 septembre, ils venaient de passer trois mois loin de chez eux dans la région de Kaga Bandoro, chassant et pêchant dans la province de Bamingui-Bangoran.80 Ces hommes ignoraient que des soldats des FACA avaient été déployés dans la région pendant leur absence.

Le 10 décembre 2006 aux alentours de 20 heures, les quatre hommes ont été arrêtés par des soldats des FACA au pont Sérébanda et emmenés dans les bureaux de la gendarmerie à Kaga Bandoro (où étaient basés les soldats des FACA). Le 11 décembre à 1 heure du matin, les soldats ont emmené les quatre hommes à KpoKpo, situé à 10 kilomètres de Kaga Bandoro, et ont tiré sur eux. Georges Bamandia, laissé pour mort, a survécu à l’exécution avec de graves blessures.

Vers 8 heures du matin, avec l’aide d’un passant, Bamandia, blessé, est parvenu à se rendre jusqu’à la maison de ses parents à Ndomété et il les a emmenés là où se trouvaient les corps de ses compagnons de chasse. Alors qu’ils étaient sur le lieu de l’exécution, un camion militaire est arrivé, apparemment pour se débarrasser des cadavres. Après avoir discuté avec les civils, les soldats ont tué le blessé, Bamandia, et ont jeté son corps dans une fosse d’aisance avant d’enterrer les trois autres hommes dans une fosse commune.81

Exécution de Bonaventura Sam, Kaga Bandoro, 5 décembre 2006

Bonaventura Sam, 25 ans, également connu sous le nom de « Dassa », était un ex-combattant qui avait été démobilisé dans le cadre du programme de démobilisation du PNUD. Sam avait reçu un kit de réinstallation en agriculture et se consacrait à sa nouvelle vie d’agriculteur. Le 5 décembre à 10 heures du matin, une patrouille des FACA a trouvé Sam dans son champ, en train de moissonner. Il a montré à la patrouille des FACA son certificat de démobilisation et, malgré tout, a été exécuté sur place par les soldats.

Après l’exécution, ses parents et autres proches sont allés voir le préfet, l’informant de l’exécution d’un civil et lui demandant la permission de récupérer et d’enterrer le corps, ce qui leur a été accordé. Alors que la famille organisait une veillée funèbre, un véhicule militaire des FACA est arrivé et les soldats ont commencé à tirer en l’air, dispersant ceux qui participaient à la cérémonie et arrêtant six proches qui ont été emmenés à la base des FACA à Kaga Bandoro et battus durant toute la nuit. Ils ont finalement été libérés à 4 heures du matin par un soldat des FACA qui semble avoir eu pitié d’eux.82

Exécution de Jean Yellé et Mohammed Younis, Gbaïzera, 9 décembre 2006

Selon des fonctionnaires locaux, le Lieutenant Eugène Ngaïkossé et son unité de la GP de Bossangoa sont arrivés à Kabo le 8 décembre 2006 et ont opéré dans la zone Batangafo-Kabo-Kaga Bandoro jusqu’au 18 décembre environ.83 Les soldats ont arrêté Jean Yellé, 25 ans, fils du chef du village de Zoumanga, alors qu’ils se rendaient à Kabo, le gardant cette nuit-là à la base militaire de Kabo.

Le lendemain 9 décembre, l’unité voyagea de Kabo à Batangafo, emmenant Jean Yellé avec elle. A leur arrivée à Gbaïzera, les soldats ont trouvé Mohammed Younis, âgé de 30 ans et père d’un enfant, debout sur le bord de la route et l’ont immédiatement abattu. Un témoin de Gbaïzera a décrit ce qui est arrivé ensuite :

 Alors ils se sont arrêtés et ont exécuté le prisonnier [Jean Yellé] qu’ils avaient avec eux, puis ils sont repartis. Cela s’est passé le samedi 9 décembre.84

Les villageois ont montré à Human Rights Watch les tombes des deux hommes exécutés.

Exécution de Dumnara, Kabo, décembre 2006

Le 12 décembre 2006, des responsables de la Croix-Rouge locale de Kabo ont été informés d’une odeur de corps en décomposition près de la base des FACA à Kabo. Au cours de leurs recherches, ils ont découvert le cadavre en décomposition et partiellement brûlé d’un jeune homme, qui était encore ligoté selon la méthode de l’arbatachar et présentait des signes de torture sur  ses parties génitales. Il a été identifié comme étant Dumnara, le plus jeune frère du chef du village de Petite Sido, une bourgade située à une trentaine de kilomètres au nord de Kabo. Il avait été vu vivant pour la dernière fois lors de son arrestation par des soldats à Petite Sido, quelques jours auparavant.85 Bien que l’unité de la GP du Lieutenant Eugène Ngaïkossé fût présente à Kabo lors de la découverte du corps, il n’est pas clair si l’unité a joué un rôle dans cette exécution.

Exécution de Ngario Nangassoum, Béhili II, 16 décembre 2006

Le 16 décembre 2006, alors qu’elle était encore basée à Kabo, l’unité de la GP du Lieutenant Eugène Ngaïkossé a arrêté Ngario Nangassoum, un agriculteur de 26 ans, dans le village de Béhili II, situé au sud-ouest de Kabo sur l’axe Kabo-Batangafo. Les soldats ont accusé Nangassoum d’être un rebelle et l’ont exécuté dans le village de Béhili II. Ils ont ensuite attaché son corps, bras et jambes écartés, sur le capot de leur véhicule, et sont retournés à Kabo, où ils ont paradé à travers le marché de la ville pour montrer le « rebelle » qu’ils avaient tué. Le corps partiellement calciné de Nangassoum a plus tard été jeté derrière la base militaire de Kabo, où il a été récupéré par la Croix-Rouge locale et enterré.86

Exécution de Salvador Dami et Rodrigue Wandé, Kaga Bandoro, 5 janvier 2007

Le 5 janvier 2007, Salvador Dami, un agriculteur de 27 ans, conversait avec sa sœur dans son champ lorsqu’un véhicule des FACA est arrivé. Des soldats ont forcé Dami à monter à bord du véhicule, ignorant les protestations de sa sœur. Les soldats des FACA l’ont forcé à se couvrir le visage avec son t-shirt et l’ont emmené à la gendarmerie de Kaga Bandoro. Un second jeune homme, Rodrigue Wandé, 22 ans, a été arrêté de la même façon.

Vers 10 heures du matin, les deux hommes ont été emmenés par des soldats des FACA à la gare routière se trouvant devant le marché central et ont été exécutés en public. L’exécution a eu lieu en présence d’un grand nombre de civils et sous les yeux du Lieutenant-colonel Alain Verdier, chef de la cellule administration et finances de la FOMUC, qui se trouvait par hasard dans ce quartier avec deux pilotes. Après avoir tué les deux hommes, les soldats des FACA ont posé près des corps – l’une des photos est en possession de Human Rights Watch. Les corps sont restés à la gare routière toute la journée, les soldats des FACA refusant de laisser des membres de leurs familles s’en approcher.

Selon un responsable religieux local, le Lieutenant-colonel Verdier était furieux de ce dont il avait été témoin et plus tard dans la journée, il est allé trouver le commandant des FACA pour la zone, le Capitaine Grémoboutou, à l’aéroport. Selon le responsable religieux, qui accompagnait le Lieutenant-colonel Verdier, et d’autres sources indépendantes, les deux hommes ont eu une conversation tendue qui a dura 20 minutes. Le lendemain, le responsable religieux a pris la tête d’une délégation de représentants religieux inquiets en vue d’un entretien avec le Capitaine Grémoboutou, lequel ne s’est guère montré désolé de l’incident. Selon les notes prises lors de la rencontre et partagées avec Human Rights Watch, le Capitaine Grémoboutou a déclaré à la délégation qu’il avait reçu des « instructions strictes » du chef d’état-major des FACA de « gérer ces problèmes sur le terrain », ce que les responsables religieux ont compris comme voulant dire qu’il avait le pouvoir d’ordonner l’exécution des rebelles présumés. Lorsqu’il a été demandé s’il pouvait rendre les biens des deux personnes à leurs familles (soit environ 84 000 francs CFA (168$) et une bicyclette), le capitaine a refusé, disant que ces effets personnels constituaient un « butin de guerre ».87

Mort de Dieudonné Bouté et exécution d’Amadou Garba et d’un marchand nigérian non identifié, Paoua, 16 janvier 2007

Le matin du 15 janvier 2007, un groupe d’une centaine de rebelles de l’APRD a lancé une importante attaque sur la ville de Paoua, échangeant des tirs avec les soldats des FACA pendant plusieurs heures avant de se retirer, à court de munitions.88 Lors de l’attaque, les rebelles de l’APRD sont parvenus à prendre brièvement le contrôle du bâtiment de la gendarmerie de Paoua et du commissariat de police, volant des armes et des biens.89

Alors que les soldats des FACA poursuivaient les rebelles de l’APRD en fuite, ils ont abattu Dieudonné Bouté, un agriculteur de 22 ans. Selon la mère de Bouté, qui était en sa compagnie lorsqu’il a été tué :

Les FACA sont arrivés dans notre quartier environ une heure après le départ des rebelles, vers 10 heures du matin. Lorsque les FACA sont arrivées, nous avons entendu de fortes explosions et alors, tout le quartier a commencé à s’enfuir. … Ils sont simplement arrivés dans le quartier et ont commencé à tirer. Chaque fois qu’ils voyaient un jeune homme, ils tiraient simplement sur lui.90

Le lendemain matin vers 8 heures, trois véhicules militaires transportant des soldats de la GP de Bossangoa, sous les ordres de leur nouveau commandant, le Lieutenant Abdoulayé Alias, sont arrivés chez un tailleur de Paoua, Amadou Garba, âgé de 55 ans. Selon sa sœur qui vivait à côté de chez lui, les soldats de la GP, portant leurs uniformes caractéristiques avec des bérets verts, sont arrivés chez lui et ont ordonné à Amadou Garba de venir avec eux. Garba a imploré les soldats, disant qu’il souffrait de problèmes d’estomac et qu’il ne pouvait pas quitter la maison. Mais les soldats ont commencé à le battre dans la rue et l’ont forcé à monter dans le véhicule.91

Un second détenu, qui allait survivre à cet incident, a raconté plus tard à la famille qu’ils avaient été conduits à Béyokara, à sept kilomètres en dehors de la ville. A Béyokara, Amadou Garba a reçu l’ordre de sortir du véhicule et a immédiatement été abattu par quatre balles. Les soldats ont alors libéré le second détenu et sont partis en abandonnant le corps derrière eux.92

Egalement le 16 janvier, des soldats gouvernementaux ont exécuté un marchand nigérian de 35 ans d’une balle dans la nuque dans le village abandonné de Nzangara, à quelques kilomètres de Paoua, sur la route de Bozoum. Le marchand, dont le nom n’est pas connu, ne parlait ni le français ni le sango et ne s’exprimait qu’en anglais-pidgin, dialecte du Nigéria. Parce qu’il était incapable de parler les langues locales, les soldats des FACA à Paoua l’avaient arrêté quelques jours avant l’attaque de Paoua menée par l’APRD le 15 janvier, le soupçonnant d’être un sympathisant des rebelles de l’APRD.93

Exécution de Roger Masamra, Batangafo, 27 janvier 2007

Le 27 janvier 2007, les soldats des FACA ont arrêté, puis exécuté Roger Masamra, fils du catéchiste du village (et prêtre catholique en formation), à Zoumanga, sur la route Kabo-Ouandago. Ils ont accusé Masamra d’être un rebelle à cause du grigri traditionnel qu’il portait sur lui, et l’ont emmené dans leur base temporaire avant de l’abattre devant le bâtiment de la gendarmerie locale de Batangafo.94

Exécution d’un marchand tchadien non identifié, Kabo, 30 janvier 2007

Le 30 janvier 2007 au matin, les forces des FACA ont arrêté un marchand tchadien chrétien non identifié au marché de Kabo, le soupçonnant d’être un rebelle. Apparemment, leur suspicion était basée sur le fait que le marchand en visite ne parlait ni le français ni le sango, portait sur le corps des grigris protecteurs et présentait des cicatrices aux mains qui, d’après les soldats des FACA, étaient des traces d’anciennes blessures causées par des balles. Un responsable d’une organisation internationale humanitaire, effectuant une visite de routine au bureau des FACA, a vu le prisonnier par terre en dehors du bureau, pieds et mains liés derrière le dos, et s’est brièvement informé sur sa situation.95

Peu de temps après, le prisonnier ligoté a été emmené par quatre soldats des FACA devant le commissariat de police, situé à côté des bâtiments scolaires de Kabo, et a été exécuté sous les yeux de nombreux élèves et d’autres civils. Selon un responsable d’une organisation humanitaire locale qui a assisté aux funérailles, les yeux de la victime avaient été arrachés. La victime n’a jamais été identifiée.96

Incendies de villages

Les incendies d’habitations auxquels se livrent massivement les forces de sécurité gouvernementales sont une exaction qui constitue presque la marque distinctive du conflit. Le premier incendie de village documenté par Human Rights Watch a eu lieu suite à l’attaque menée par les rebelles de l’APRD le 28 décembre 2005 contre le village de Bodjomo, situé en dehors de Markounda, dans la province d’Ouham. Suite à l’attaque rebelle infructueuse, les FACA basées à Markounda, œuvrant aux côtés des soldats de la GP de Bossangoa placés sous les ordres du Lieutenant Eugène Ngaïkossé ont, selon les estimations, réduit en cendres de 500 à 900 habitations dans une douzaine de villages des environs. Dans presque tous les villages affectés, toutes les habitations ont été détruites par le feu, notamment plus de 280 maisons dans la grosse bourgade de Kadjoma Kota.97

Un relevé général des villages incendiés sur tout le territoire nord-ouest n’a pas encore été effectué, mais Human Rights Watch a par contre procédé à une estimation approfondie du nombre de villages incendiés dans une zone principale d’activité rebelle, la zone de Batangafo-Kabo-Ouandago-Kaga Bandoro. Allant de village en village le long de toutes les routes principales de la région, les chercheurs de Human Rights Watch ont dénombré un total de 2 923 habitations incendiées par les forces de sécurité gouvernementales (et 96 autres brûlées par les zaraguinas ou groupes nomades), destructions qui ont touché au moins 32 villages et villes sur des centaines de kilomètres de routes.

Le long de la route menant de Batangafo à Ouandago, aucune habitation civile n’a été incendiée. La raison en est que les rebelles de l’APRD ont détruit au moins trois ponts sur cette route et que les forces de sécurité gouvernementales n’ont pas opéré activement dans la région. Le fait que l’absence d’incendies de villages dans cette zone coïncide avec une absence des forces de sécurité gouvernementales (et une présence active de l’APRD) démontre clairement que ce sont les forces de sécurité gouvernementales, et non les rebelles de l’APRD, qui sont responsables des incendies de villages. (Dans quelques cas, des différends entre nomades et villageois ont également abouti à l’incendie d’habitations.)

Les incendies de villages documentés par Human Rights Watch et d’autres associations constituent une politique délibérée ou de facto de déplacement forcé de la population civile du nord-ouest de la RCA et ne peuvent être simplement qualifiés d’actions imputables à quelques rogues soldats ou commandants. Les FACA et la GP ont invariablement mis le feu aux villages civils dès le début du conflit à la mi-2005, et cette pratique demeure virtuellement inchangée à ce jour. Des villages situés à des centaines de kilomètres les uns des autres ont été affectés ; selon les estimations, 10 000 maisons ont été incendiées par les FACA et la GP jusqu’à présent. En raison du degré extrême et de la nature aléatoire de la violence qui a accompagné les incendies de villages, les habitants sont toujours déplacés, vivant dans la brousse, même plus d’un an après l’incendie de leurs habitations, trop effrayés de rentrer et de reconstruire. Face aux preuves accablantes d’exactions, les autorités centrafricaines ont totalement failli à leur obligation d’agir pour mettre un terme aux incendies de villages ou pour traduire en justice les responsables de ces actes. Le mutisme et l’inaction des autorités ne peuvent être considérés que comme un assentiment par rapport aux exactions.

La route Batangafo-Kabo

Le long de la route menant de Batangafo à Kabo, les villages incendiés commencent avec celui de Gbaïzera, situé à environ 28 kilomètres de Batangafo, mentionné à de nombreuses reprises plus haut dans le présent rapport. Human Rights Watch a dénombré un total de 662 maisons brûlées dans 12 villages de la région. A compter de juin 2006, les forces des FACA et de la GP ont incendié des habitations dans la région à chacun de leurs passages, brûlant à ce jour un total de 96 maisons à Gbaïzera.98 De Gbaïzera à Kabo, les chercheurs de Human Rights Watch ont constaté que tous les villages longeant la route avaient été désertés. Beaucoup ont été détruits entre juin 2006 et aujourd’hui, les incendies atteignant un niveau record en novembre 2006. Les 29 habitations ont toutes été détruites par le feu à Dimba I ; 47 maisons sur 102 ont été brûlées par les troupes des FACA à Kakobo en novembre 2006 ; 1 maison sur 58 à Rubéringa ; 67 sur 144 ont été incendiées par les FACA à Kava I le 15 novembre ; 161 sur 323 à Ngonikira ; 14 sur 44 à Mudiélé ; 2 sur  7 ont été détruites à Samba ; 1 sur 96 à Vafio II ; 66 sur 71 à Béhili II ; 94 sur 104 à Kemngvoyéyé ; et les 84 habitations de Ndabala ont toutes été détruites.99

La route Kabo-Ouandago

Le long de la route menant de Kabo à Ouandago, Human Rights Watch a relevé une situation plus complexe, un certain nombre des villages les plus proches de Kabo ayant été attaqués par des nomades tchadiens ou soudanais qualifiés de « Fulatas » par la population locale. Ces attaques, au cours desquelles des personnes ont été abattues, étaient la conséquence de différends relatifs aux droits de pâturages et à l’accès aux sources d’eau.100 Human Rights Watch a dénombré 96 maisons incendiées dans quatre villages différents de la région. Les nomades ont mis le feu à trois habitations à Konga Litos en début février 2007, quelques jours avant la visite de Human Rights Watch, et à trois autres habitations à  Beltonou II en janvier 2007. Un important affrontement a également eu lieu en juillet ou août 2006 entre les nomades « fulatas » et le village de Beltonou I, se soldant par la mort du chef du village, Alfonse Totamani, 25 ans, et l’incendie de 90 maisons dans le village.101

Cependant, les villages situés plus loin sur la route menant à Ouandago ont été incendiés par les forces de sécurité gouvernementales selon le schéma habituel suivi dans d’autres zones. Entre Kabo et Ouandago, Human Rights Watch a dénombré 270 maisons et magasins brûlés dans quatre villages différents.

Le 8 décembre 2006, des unités de la GP placées sous les ordres du Lieutenant Eugène Ngaïkossé, alors en route vers Kabo, se sont arrêtées au village de Farazala. Elles ont incendié trois habitations et appréhendé le maire du village, Damasco Mallo, ainsi qu’une femme, Denise Mokossa, exigeant qu’ils leur montrent où l’APRD était basée. Les deux détenus ont été emmenés à Kouvougou où ils ont à nouveau été interrogés et ont vu les unités de la GP mettre le feu au village, détruisant au moins 220 maisons et magasins et brûlant tout le quartier du marché. Les deux détenus ont ensuite été libérés.102

Le village de Dissi comptait 33 habitations incendiées, détruites par les FACA en octobre 2006.103 Le 29 janvier 2007 au milieu de la matinée, les soldats de la GP de Bossangoa ont incendié 14 habitations à Bilalo, où déjà en septembre, deux villageois avaient été tués de façon aléatoire par des soldats des FACA.104

La route Ouandago-Kaga Bandoro

Les incendies de maisons les plus nombreux documentés par Human Rights Watch ont eu lieu sur la route menant de Ouandago à Kaga Bandoro, où le nombre d’habitations détruites s’élève à des milliers. Human Rights Watch a dénombré un total de 1 991 maisons brûlées dans 16 villages et villes de cette zone. La partie la plus affectée est la principale zone de marché de Ouandago même.

La route qui sépare Ouandago de Kaga Bandoro est jalonnée d’un grand nombre de maisons de civils incendiées, les destructions devenant de plus en plus fréquentes à mesure que l’on approche de Kaga Bandoro. Kia I a eu deux maisons incendiées par les FACA le 5 octobre 2006. En novembre 2006, des soldats des FACA ont mis le feu à 14 maisons à Boskoubé et à 75 autres à Boskoubé Moderne, le village attenant. Cent cinquante et un logements ont été incendiés par les FACA dans la ville principale de Nana Outa le 19 août 2006. Treize habitations ont été brûlées à Futa, et 84 à Ngoumourou (quartiers I, II et III) par des unités de la GP entre octobre et décembre 2006. Un responsable du village de Ngoumourou I a décrit à Human Rights Watch les attaques des FACA et de la GP, qui ont commencé presque immédiatement après les attaques de Ouandago décrites plus haut :

Les attaques ont débuté le 12 octobre 2006. Ils sont arrivés tout à coup, en tirant des coups de feu avec leurs fusils, dans quatre véhicules, par la route venant de Ouandago. Il était environ 10 heures du matin, nous étions tous effrayés et nous nous sommes réfugiés dans la brousse. Alors, ils ont commencé à mettre le feu aux maisons. Ils sont revenus le 21 octobre pour brûler d’autres maisons. Nous nous sommes enfuis de chez nous, en laissant tout derrière nous. Ils ont pris toutes nos chèvres et nos animaux – cette fois-là, ils ont emmené avec eux plus de 100 chèvres.

Nous avons vécu quatre mois dans la brousse. Il y a eu beaucoup de cas de malaria et des feux de brousse où des enfants ont été brûlés. Cinq hommes, six femmes et huit enfants ont péri dans la brousse.

Une personne a été tuée lors des attaques sur notre village. Isa Manu, âgé d’une trentaine d’années, il essayait de fuir lorsque l’armée est arrivée aux alentours de 18 heures, en août, avant de mettre le feu aux maisons. Il a été abattu alors qu’il essayait de fuir.105

Le nombre de villages incendiés s’accroît à mesure que l’on se rapproche de Kaga Bandoro. Sur une distance de 20 kilomètres, presque chaque maison a été détruite. Patcho a eu 40 maisons incendiées par les forces de la GP et des FACA en décembre 2006 ; chacune des 54 habitations de Yamuvé ont toutes été brûlées en janvier 2007 ; les 176 maisons de Yamissi et de Ngoulekpa ont toutes été incendiées, ne laissant debout que l’église du village ; les 52 maisons d’Inguissa ont été brûlées ; chacune des 106 habitations de Pougaza et de Béré ont été incendiées, ne laissant que l’église du village ;  et les 44 maisons de Kpokpo ont toutes été détruites par le feu.

D’autres villages de la région ont également été incendiés : 10 maisons ont été brûlées par les troupes de la GP et les FACA à Gazao à la mi-décembre, sur la route séparant Kaga Bandoro de Ndélé, et près de 300 habitations ont été incendiées dans les villages de Mbiti, Bamala, Ousmane et Bayiri sur la route menant de Kago Bandoro à Bangui.106

Autour de Paoua

Des incendies d’habitations civiles d’une ampleur comparable peuvent être constatés presque tout autour de la ville de Paoua, où des unités de la GP et des FACA ont mis le feu à quasi tous les villages sur plusieurs axes principaux, notamment la route Paoua-Bozoum, la route Paoua-Bétoko-Bémal et la route Paoua-Borguila-Nana Barya. Comme dans d’autres zones, l’ampleur des destructions est colossale, des milliers d’habitations ayant été brûlées, dont des centaines dans certains des villages visités par Human Rights Watch. Comme dans d’autres zones, les incendies autour de Paoua remontent à la fin 2005 et se poursuivent à ce jour : de nombreux villages ont été brûlés par les troupes de la GP autour de Paoua suite à l’attaque du 15 janvier 2007.

Les incendies de villages se poursuivent dans la région de Paoua. Selon Refugees International, le 11 mars 2007, des soldats des FACA qui se rendaient de Paoua à Bangui se sont heurtés à des rebelles de l’APRD à Lia, à une trentaine de kilomètres au sud de Paoua. Deux civils ont été tués lors des échanges de tirs. Suite à cet affrontement, les soldats des FACA sont descendus de leurs véhicules et ont mis le feu à deux maisons, et ont ensuite continué à incendier d’autres habitations dans quatre autres villages, où ils ont tiré au hasard sur la population civile. Un bébé a été tué par une balle perdue des FACA à Léourou, et 10 autres maisons ont été incendiées à Voh. Au moins 20 maisons au total ont été brûlées par les soldats des FACA.107

L’impact

Il n’existe pas de statistiques détaillées sur le nombre total d’habitations civiles incendiées par les troupes des FACA ou de la GP pendant le conflit actuel, mais les chiffres s’élèvent certainement à des milliers et des milliers,  probablement 10 000 au moins, et ces incendies ont eu lieu dans des centaines de villages sur tout le territoire de la région.108 Mais cette vaste campagne d’incendies de villages, de morts illégales et d’exécutions sommaires, ainsi que les coups de feu tirés au hasard et presque systématiquement par les soldats des FACA et de la GP sur les villages lors de leur passage ont un effet qui va bien au-delà des maisons détruites. Presque tous les habitants des zones affectées ont fui leurs maisons dans la terreur et l’épouvante, et des centaines de villages sont aujourd’hui complètement abandonnés dans le nord. Dans les cas où les villageois sont revenus, ils prennent la fuite dès qu’ils entendent des véhicules approcher.

Le déplacement dans la brousse de quelques 102 000 civils dans les districts d’Ouham, d’Ouham-Pendé et de Nana-Grébizi depuis décembre 2005 est le résultat direct de la campagne de représailles, de terreur et d’exactions à laquelle se livrent les forces de sécurité centrafricaines et il a des conséquences désastreuses pour la situation humanitaire de cette population. Dans leurs abris de fortune fortement dispersés dans la brousse, beaucoup de personnes déplacées se trouvent hors de portée de la communauté humanitaire. Les déplacés ont un accès limité ou inexistant à l’eau propre et potable et sont souvent désespérément à court de denrées alimentaires. Dans la plupart des villages, les bâtiments scolaires sont fermés car leurs élèves se cachent dans la brousse et un nombre impressionnant d’enfants ne sont plus scolarisés depuis plus d’un an. Hormis des cliniques mobiles gérées par quelques organisations internationales humanitaires telles que Médecins Sans Frontières (MSF), les services médicaux sont inexistants pour une grande partie de la population.

Lors d’entretiens avec Human Rights Watch, des responsables civils et militaires des FACA ont ouvertement reconnu l’ampleur des exactions commises par les forces de sécurité. Le gouverneur de la province d’Ouham, lui-même brigadier général des FACA, s’est spontanément lancé dans une longue diatribe au sujet du comportement des troupes gouvernementales dans sa province :

Je suis contre ces incendies de maisons. Je ne comprends pas pourquoi ils font cela et cela ne fait pas partie des ordres des soldats. Ce sont les commandants de ces unités qui donnent ces ordres mais cela ne fait pas partie des ordres officiels. Nous devons mettre fin à l’impunité, le problème est que ces commandants renégats ne sont pas poursuivis. … Ce sont les gardes présidentiels qui sont le plus craints, regardez ce qu’ils ont fait à Bémal. Ils pensent qu’ils sont intouchables. J’ai dû intervenir pour essayer d’empêcher les gardes présidentiels de mettre le feu aux villages mais nous n’avons pas le droit de nous mêler des affaires des gardes présidentiels. … Lorsqu’ils viennent ici, ils ne viennent même pas se présenter à moi. Ils ont mené des opérations à cinq kilomètres de notre ville sans en informer les autorités. La Garde présidentielle pille aussi les villages : ils volent même dans les voitures sur la route.109

Le Lieutenant-colonel André Kada, commandant des FACA dans l’Ouham et l’Ouham-Pendé (la 1ère région militaire), a également été franc dans son évaluation : « Ce sont les Gardes présidentiels qui ont commis les exactions dans le nord, ils ont brûlé les maisons… Ils n’ont même pas un niveau d’instruction élémentaire… Ils sont autorisés à faire n’importe quoi.  Ils ne savent que tirer des coups de feu… Les soldats de la Garde présidentielle n’ont pas reçu d’instructions directes leur ordonnant de mettre le feu aux villages, ils ont commis ces crimes de leur propre initiative. Tout le monde se plaint de l’impunité, mais c’est le Président qui prend ces décisions ».110

Un commandant de zone locale des FACA a également résumé en termes éloquents le problème de l’impunité en RCA :

Nous avons une directive que nous avons reçue du Chef de l’Armée nous demandant de respecter les droits humains et les lois de la guerre [il tire un papier de son attaché-case et commence à en lire des extraits choisis]. Les prisonniers devraient être amenés devant les officiers supérieurs ; les interrogatoires devraient être effectués dans le respect des droits humains ; respecter la population ; il est interdit de piller ou de brûler des villages ; sensibiliser la population.

Donc, les incendies de villages ne se font pas sur ordre ; ce sont les ordres qui sont mal suivis. La Garde présidentielle fait partie de l’armée mais elle est autorisée à faire n’importe quoi. Elle peut faire tout ce qu’elle veut, mais pas nous. ...

Tous ceux qui entourent le Président ignorent les lois – c’est la tradition en Afrique. Si la loi m’ordonne quelque chose, j’agirai en ce sens car je respecte la loi. Mais c’est là le problème – tout le monde n’est pas soumis à la loi.111

Le 1er avril 2007, le Président Bozizé a déclaré à John Holmes, le coordinateur de l’assistance humanitaire de l’ONU (émissaire principal de l’ONU pour les affaires humanitaires) que « les exactions de l’armée feraient l’objet d’une enquête et seraient traitées sans délai et comme il convient » mais à ce jour, aucun responsable des incendies de villages ou des exécutions sommaires et autres morts illégales n’a vu son cas « traité ». Officiellement, les responsables de la RCA continuent de rejeter la responsabilité de la plupart des exactions sur les rebelles, à l’image du gouverneur de Gribingui, le Colonel Jean-Christophe Bureau, qui en décembre 2006, prétendait que « tous les villages avaient été incendiés par les rebelles ».112

Les exactions des rebelles de l’APRD

Les recherches de Human Rights Watch sur la conduite des rebelles de l’APRD n’ont pas mis au jour des éléments semblant indiquer que ces rebelles sont responsables de morts sur une grande échelle, d’incendies de villages ou autres crimes tout aussi graves depuis le début de la rébellion à la mi-2005. Les entretiens de Human Rights Watch avec des représentants du gouvernement centrafricain, des officiers de l’armée, des responsables d’organisations locales et internationales humanitaires et des responsables des droits humains n’ont pas davantage révélé d’allégations selon lesquelles le groupe aurait commis ce type d’exactions. La plupart des attaques de l’APRD rapportées dans la presse ou par des organisations locales et internationales humanitaires et des droits humains étaient dirigées contre des cibles militaires telles que des postes de police, des bases militaires et des patrouilles militaires, plutôt que contre la population civile. Néanmoins, l’APRD a recruté et utilisé des enfants dans ses forces de combat, et ses soldats se sont rendus responsables d’enlèvements, de passages à tabac, d’extorsion et de vol de bétail sur une grande échelle.

Morts

Les chercheurs de Human Rights Watch ont identifié deux cas dans lesquels les troupes de l’APRD ont illégalement tué un civil. Le premier a eu lieu à Gbaïzera en juin 2006, après que l’APRD eut réoccupé le village. Mohammed Haroon, âgé de 50 ans et fils du chef du village, a été arrêté et ensuite tué pour avoir informé le commandant des FACA à Batangafo que les rebelles avaient occupé le village une première fois en avril. Les forces des FACA avaient réagi à l’occupation de l’APRD en attaquant les rebelles en mai et juin, en réduisant en cendres près de 100 maisons, et en exécutant illégalement trois civils fin mai. Lorsque les rebelles de l’APRD sont revenus au village plus tard en juin, ils ont arrêté Mohammed Haroon et l’ont battu à mort en public avec des bâtons, devant l’église du village. Après l’exécution, les rebelles ont ordonné aux villageois de laisser son corps pourrir au soleil et ils ont menacé de tuer quiconque tenterait de l’enterrer.113

Il s’agit d’un crime grave. C’est néanmoins la seule exécution de ce type identifiée par Human Rights Watch comme étant imputable aux troupes de l’APRD depuis le début du conflit à la mi-2005. Bien que Human Rights Watch ne puisse exclure la possibilité que d’autres incidents similaires aient eu lieu, aucun autre cas n’a été rapporté lors des entretiens avec les représentants du gouvernement, les responsables de l’armée ou les organisations locales et internationales humanitaires et des droits humains.

Les rebelles de l’APRD sont également responsables du décès, le 11 juin 2007, d’Elsa Serfass, une infirmière de 27 ans travaillant pour Médecins Sans Frontières (MSF). Les rebelles de l’APRD ont fait feu sur un véhicule de MSF, tuant la travailleuse humanitaire. Bien que l’APRD ait immédiatement qualifié la fusillade d’ «erreur» 114 et ait présenté ses excuses pour l’incident, les personnes de l’APRD responsables d’avoir tiré sur un véhicule humanitaire clairement signalé, provoquant illégalement la mort d’une civile, devraient répondre de leurs actes.

Utilisation d’enfants soldats par l’APRD

Une pratique que les dirigeants rebelles de l’APRD ont volontiers reconnue lors d’entretiens avec Human Rights Watch est l’utilisation d’enfants soldats, une violation grave du droit international. Les commandants des rebelles de l’APRD ont déclaré qu’ils comptaient beaucoup d’enfants dans leurs rangs, dont certains n’avaient pas plus de 12 ans, et que beaucoup étaient armés et participaient au combat.115 Presque chaque unité de l’APRD rencontrée par Human Rights Watch avait dans ses rangs quelques enfants combattants. Un haut commandant de l’APRD a expliqué à Human Rights Watch que bon nombre des enfants avaient rejoint l’APRD pour se mettre à l’abri des attaques menées par les forces gouvernementales : « Notre recrutement est volontaire, et nous avons quelques enfants soldats avec nous. Depuis que la Garde présidentielle s’est installée ici [autour de Paoua], les enfants ne se sentaient pas en sûreté. Alors ils sont venus nous retrouver parce qu’ils voulaient la sécurité, c’est pour leur propre sécurité ».116 

Même si ce que dit le commandant de l’APRD est exact, l’utilisation d’enfants combattants par l’APRD n’en demeure pas moins une violation grave du droit international humanitaire et peut équivaloir à un crime de guerre.117 Human Rights Watch a expliqué cela aux commandants de l’APRD, qui semblaient ignorer que leur conduite violait les lois de la guerre. Informé des normes internationales applicables et des poursuites engagées actuellement par la CPI à l’encontre d’un chef de guerre congolais pour utilisation d’enfants soldats,118 un haut commandant de l’APRD a immédiatement proposé de démobiliser les enfants soldats, à condition que leur sécurité puisse être garantie, et il a demandé à Human Rights Watch de contacter l’UNICEF pour une aide à la démobilisation.119

Enlèvements, passages à tabac et extorsion

Le quatre juillet [2006], les rebelles sont venus ici pour la première fois. Depuis lors, ils viennent tout le temps, dès que leurs provisions alimentaires sont épuisées. Ils ont emmené toutes nos chèvres du village, plus de 100 chèvres. Ils m’ont enlevé deux fois, et les habitants ont dû à chaque fois verser 10 000 francs CFA [20$] pour obtenir ma libération,

Chef de village, village de Ngaipellé120

Les témoignages ne manquent pas pour indiquer que l’APRD a commis d’autres exactions graves à l’encontre de la population civile, notamment des enlèvements en vue d’une rançon, des passages à tabac, des actes d’extorsion et des pillages sur une grande échelle. Le nombre de dénonciations de ces actes varie grandement selon les différentes régions où l’APRD est présente. Apparemment, autour de Paoua, les rebelles de l’APRD se limitent principalement à exiger une « taxe routière » aux véhicules et passagers qui transitent par la zone qu’ils contrôlent. Cependant, dans certaines zones du triangle Batangafo-Kabo-Ouandago, l’APRD s’est emparée de presque toutes les chèvres et poulets des villageois et, à diverses reprises, elle a enlevé et battu des chefs de village pour extorquer de l’argent.

Les pires cas d’enlèvements, de passages à tabac et d’extorsion imputables aux rebelles de l’APRD ont eu lieu sur l’axe Ouandago-Batangafo. Là, les rebelles de l’APRD ont détruit plusieurs ponts et ne peuvent donc pas obtenir de l’argent au moyen d’une « taxe routière » puisque que le trafic commercial est réduit. Human Rights Watch a trouvé de nombreux villages totalement désertés, sans aucun bétail visible. La population civile que Human Rights Watch a réussi à localiser souffrait souvent de malnutrition. Il s’agit de la seule région visitée par Human Rights Watch où un degré sévère de malnutrition était visible. Un chef de village de Botéré I a expliqué :

Ici, nous avons beaucoup de problèmes avec les rebelles, mais pas avec l’armée, depuis que la rébellion a commencé. Le 15 août [2006], ils sont venus et ont pris toutes nos chèvres et notre argent. Ils ont même battu le chef de notre village parce qu’il essayait de les en empêcher. Ils sont venus à neuf de Ouandago. Nous ne sommes jamais allés nous plaindre à leurs commandants, à qui pouvons-nous nous plaindre ? Il y a lundi huit jours, les rebelles [sont arrivés dans notre village] et nous ont battus ; ils réclamaient de l’argent. Ils nous ont pris 6000 francs CFA [12$], un poulet et une chèvre. Ils sont venus au village six fois, et chaque fois prennent nos biens, même notre manioc. Ils nous ont pris toutes nos chèvres.121

Un responsable religieux du village de Sébongono, sur la même route, a décrit les exactions rebelles en termes similaires :

Les FACA ne sont pas venues ici depuis le début de la guerre mais par contre, nous avons des problèmes avec les rebelles. Ils prennent nos chèvres et notre argent, et ils enlèvent nos hommes et ensuite, ils nous font payer une rançon – ils demandent 15 000 ou 10 000 francs CFA [30$-20$]. Ils nous battent aussi si nous refusons de leur donner nos biens. … Ils viennent parfois deux ou trois fois par semaine, très souvent, depuis juin 2006. Ils viennent par groupes de 9 ou 10, différents groupes de rebelles. Il y a beaucoup de groupes de rebelles dans les environs.122

De même dans le village de Sébongono, un responsable d’école a raconté à Human Rights Watch que le 8 août 2006, il avait été détenu pendant plusieurs heures par des rebelles de l’APRD qui réclamaient de l’argent. Au départ, ses ravisseurs réclamaient 40 000 francs CFA [80$] pour sa libération, mais en fin de compte, ils ont accepté 12 000 francs CFA [24$]. Parce qu’il avait également été nommé responsable de village par le gouvernement (conseilleur), il a été battu si violemment qu’il a dû être hospitalisé.123 Des récits semblables ont été recueillis par Human Rights Watch dans les villages sur tout le territoire du triangle Batangafo-Kabo-Ouandago.

Les exactions des forces tchadiennes

Les exactions dont souffre la population civile dans le nord-ouest de la RCA ne se limitent pas à celles commises par les rebelles de l’APRD, les forces centrafricaines et les zaraguinas. Les troupes tchadiennes mènent aussi régulièrement des incursions transfrontalières, pillant les villages et commettant des viols.

Le rôle du Tchad en RCA est complexe. On peut trouver des éléments tchadiens dans tous les camps participant aux différents conflits : le détachement chargé de la sécurité personnelle de Bozizé est tchadien, tout comme beaucoup de ses soldats de la GP qui l’ont aidé à accéder au pouvoir (les ex-libérateurs). Bon nombre d’ex-libérateurs tchadiens sont présents dans les rangs de l’UFDR qui se bat dans le nord-est ; des bandits tchadiens sont impliqués dans les groupes criminels zaraguinas qui attaquent les civils dans le nord ; des soldats tchadiens font partie de la mission régionale de maintien de la paix de la FOMUC ; des groupes rebelles tchadiens anti-Déby ont installé leurs bases en RCA ; et des soldats de l’armée tchadienne ont mené des raids indépendants contre les groupes rebelles de la RCA en territoire centrafricain et ont également effectué des incursions à l’intérieur du territoire de la RCA pour se livrer à de violents pillages, dans certains cas accompagnés de viols de civils.

Le 10 juillet 2006, des soldats de l’armée tchadienne se trouvant à bord de camions de l’armée ont mené un raid dans le village de Bétoko, situé à 20 kilomètres au sud de la ville frontalière tchadienne de Goré, tirant au hasard sur la population et pillant le village après que la population eut pris la fuite. Lors de ce raid, les soldats tchadiens ont violé cinq femmes à Bétoko.124 En décembre 2006, des soldats tchadiens circulant à bord de trois camions de l’armée ont attaqué Bémal, situé à proximité de Bétoko, tirant au hasard sur la population et emportant 32 vaches du village, ainsi que du matériel agricole et des sacs d’arachides.125 Les villageois ont confié à Human Rights Watch que ces incursions de l’armée tchadienne étaient courantes, et qu’elles avaient lieu tous les deux ou trois mois.

Les soldats de l’armée tchadienne ont effectué régulièrement des incursions directes contre des bases de l’APRD. Des attaques ont notamment été menées les 5 et 18 novembre par une colonne de 10 véhicules de l’armée tchadienne contre des positions de l’APRD autour de Boguila, et une attaque importante a eu lieu en août 2006, détruisant la base principale de l’APRD à Vami, à l’extérieur de Ouandago, base qui abritait alors quelques 600 rebelles de l’APRD. Les représentants du gouvernement centrafricain ont fourni des informations contradictoires à Human Rights Watch lorsque l’organisation leur a demandé si ces opérations de l’armée tchadienne avaient été coordonnées avec les autorités de la RCA.




31 Selon l’UNFPA, la population de la RCA est estimée en 2007 à 4 216 666 habitants. UNFPA, « Population Projection for CAR, 2007 ». Les estimations relatives aux populations des provinces affectées sont les suivantes : 390 641 pour l’Ouham, 445 483 pour l’Ouham-Pendé et 124 651 pour la Nana-Grébizi, soit un total de 960 775 personnes. UN OCHA, « Central African Republic Factsheet », février 2007, http://ocha.unog.ch/humanitarianreform/Portals/1/cluster%20approach%20page/training/CSLT%20March%2007/best%20practices/CAR%20Fact%20Sheet.pdf (consulté le 11 juillet 2007). On estime à 102 000 le nombre de personnes déplacées par le conflit dans le nord-ouest : 30 000 de l’Ouham, 37 000 de l’Ouham-Pendé et 35 000 de la Nana-Grébizi. UN OCHA, « Central African Republic Fact Sheet », juin 2007, http://ochadms.unog.ch/quickplace/cap/main.nsf/h_Index/MYR_2007_CAR/$FILE/MYR_2007_CAR.doc?OpenElement (consulté le 11 juillet 2007).

32 Acte constitutionnel No. 1, daté du 15 mars 2003.

33 La nouvelle Constitution, la sixième de l’histoire de la RCA depuis l’indépendance, a été promulguée par le Président Bozizé le 27 décembre 2004, suite à un référendum qui a approuvé ladite constitution avec 87 pour cent de votes  « oui ».

34  Les quatre anciens ministres sous la présidence de Patassé étaient : Jean-Jacques Démafouth, ancien ministre de la défense ; Jean-Paul Ngoupandé et Martin Ziguélé, tous deux anciens premiers ministres, et Charles Massi.

35 FIDH, « Oubliées, stigmatisées », p. 44.

36 Entretien de Human Rights Watch avec Wafio Bertin, Boja, 15 février 2007.

37 « 8,000 Central Africans flee to southern Chad in fresh exodus from fighting », IRIN, 15 juin 2005.

38 Entretien de Human Rights Watch avec AndréYokandji, chef du village de Tantalé, Bozoum, 12 février 2007.

39 Entretien de Human Rights Watch avec AndréYokandji, chef du village de Tantalé, Bozoum, 12 février 2007.

40 Entretien de Human Rights Watch avec Léonard Bangué, maire de Bozoum, 12 février 2007.

41 Entretien de Human Rights Watch avec Jean-Marie Ngouakouzou, Sous-préfet de Kabo, 20 février 2007.

42 Entretien de Human Rights Watch (nom et lieu tenus secrets), 1er mars 2007.  Nick Paton Walsh, « France’s African War? », Channel 4 news (Royaume-Uni), 25 juin 2007, http://www.channel4.com/news/articles/politics/international_politics/frances+african+war/575987

(consulté le 11 juillet 2007).

43 Entretien de Human Rights Watch avec Bertin Wafio, Boja, 15 février 2007.

44 Les fonctionnaires internationaux interrogés par Human Rights Watch ne croient pas que l’APRD possède des véhicules militaires ou des armes lourdes.

45 Celles qui n’étaient pas fabriquées maison provenaient probablement du pillage des stocks du gouvernement. Bon nombre des attaques initiales de l’APRD visaient de petits avant-postes de l’armée ou de la gendarmerie qui étaient pillés de leurs armes, puis détruits. Etant donné que le commandement de l’APRD consiste principalement de soldats de l’ancienne garde présidentielle de Patassé, les soldats pro-Patassé ont très vraisemblablement emporté leurs armes personnelles lorsqu’ils ont déserté après l’arrivée au pouvoir de Bozizé.

46 Cette étude de cas est basée sur de nombreux entretiens effectués dans la zone de Ouandago avec des habitants, des responsables d’organisations humanitaires locales et internationales ainsi que des responsables rebelles de l’APRD.

47 Voir Paul Melly, « Central African Republic: Insecurity in the Regions Bordering Cameroon », Rapport de Writenet pour le HCR, juin 2005, http://www.unhcr.org/publ/RSDCOI/440573a04.pdf (consulté le 11 juillet 2007)

48 Entretien de Human Rights Watch (anonymat préservé), Ouandago, 19 février 2007.

49 Ces interdictions constituent une règle du droit international humanitaire coutumier applicable tant aux conflits armés internationaux que non internationaux et explicitement formulée dans le Protocole additionnel II aux Conventions de Genève applicable aux conflits armés non internationaux, Article 4 (2), ainsi que dans la Convention de Genève IV, Article 33 et le Protocole additionnel I aux Conventions de Genève, Article 51.

50 UN OCHA, « Central African Republic Fact Sheet », février 2007, http://ocha.unog.ch/humanitarianreform/Portals/1/cluster%20approach%20page/training/CSLT%20March%2007/best%20practices/CAR%20Fact%20Sheet.pdf (consulté le 11 juillet 2007). Selon l’OCHA, 30 000 personnes ont été déplacées d’Ouham, 37 000 d’Ouham-Pendé et 35 000 de Nana-Grébizi. Le pourcentage de déplacement oscille entre 7,6 pour cent (Ouham) et 28 pour cent (Nana-Grébizi).

51 Dans ce second convoi se trouvaient Mia Farrow, ambassadrice itinérante de l’UNICEF, et du personnel accompagnant.

52 Commission diocésaine Justice et Paix, « Exactions commises par les FACA dans la région de Kaga Bandoro, Octobre-10 décembre 2006 », non daté.

53 Entretien de Human Rights Watch (anonymat préservé), Gbaïzera, 20 février 2007.

54 La responsabilité pénale des commandants est une vieille règle du droit international coutumier et elle est formulée dans l’Article 86 (2) du Protocole additionnel I aux Conventions de Genève.

55 Entretien de Human Rights Watch avec un officier des FACA (nom et lieu tenus secrets), 16 février 2007.

56 Entretien de Human Rights Watch avec un officier des FACA (nom, lieu et date tenus secrets).

57 Entretien de Human Rights Watch avec un responsable religieux (nom, date et lieu tenus secrets).

58 « Centrafrique: Manifestation de Tchadiens à Bangui », Reuters, 14 février 2007.

59 Entretien de Human Rights Watch avec un responsable d’une organisation humanitaire locale (anonymat préservé), Paoua, 13 février 2006; Comité sous-préfectoral de la Croix-Rouge de Paoua, « Rapport et synthèse des événements survenus le dimanche 29 janvier 2006 », non daté.

60 Ibid.

61 Comité sous-préfectoral de la Croix-Rouge de Paoua, « Rapport et synthèse des événements survenus le dimanche 29 janvier 2006 », non daté.

62 Entretien de Human Rights Watch avec un responsable d’une organisation humanitaire locale (anonymat préservé), Paoua, 13 février 2006.

63 Comité sous-préfectoral de la Croix-Rouge de Paoua, « Rapport et synthèse des événements survenus le dimanche 29 janvier 2006 », non daté.

64 Informations confidentielles en possession de Human Rights Watch.

65 Avant de se rendre dans le pays, Human Rights Watch était au courant des rapports signalant que 17 élèves avaient été exécutés sommairement par des soldats des FACA au Lycée de Paoua en janvier 2006 (voir FIDH, « Oubliées, stigmatisées », p. 50, et Amnesty International, « République centrafricaine : Le gouvernement doit prendre des mesures contre les soldats qui ont tué, blessé et déplacé des civils non armés dans le nord-ouest du pays », 5 avril 2006). En dépit de recherches approfondies et d’une visite au lycée, Human Rights Watch n’a pas été en mesure de corroborer ces faits. Selon des responsables du lycée, aucun étudiant n’est mort au lycée lors de l’attaque du 29 janvier ou directement suite à l’attaque. Ils ont néanmoins signalé que deux étudiants de 15 ans avaient été tués par les soldats de la Garde présidentielle à Béogombo le 11 février 2006.

66 L’arbatachar est une forme de torture fréquente dans la région. Elle consiste à attacher fermement les avant-bras et les jambes d’un détenu derrière son dos en tirant très fort sur les membres. Les cordes serrées provoquent un arrêt de la circulation qui peut entraîner une invalidité permanente.

67 Entretien de Human Rights Watch avec Frédéric Ganoni, Paoua, 14 février 2007.

68 Ibid. Le fait que les corps aient été brûlés a également été confirmé par d’autres sources.

69 FIDH, « Oubliées, stigmatisées », p. 50; Informations confidentielles en possession de Human Rights Watch.

70 Entretien de Human Rights Watch, Bémal, 14 février 2007. Selon le maire, un an après l’attaque, des  1 800 habitants de Bémal, seuls 300 à 400 dormaient chez eux la nuit, les autres restant dans la brousse ou s’étant réfugiés au Tchad. Human Rights Watch n’a trouvé aucune information étayant l’affirmation de la FIDH et d’autres selon laquelle 13 élèves auraient été tués ce jour-là par les soldats de la Garde présidentielle à  Bémal : le maire du village n’a pas mentionné ces décès et ils ne figurent pas dans le rapport de la Croix-Rouge parmi les victimes des tueries survenues à cette date.

71 Comité sous-préfectoral de la Croix-Rouge de Paoua, « Rapport et synthèse des événements survenus le dimanche 29 janvier 2006 », non daté ; Informations confidentielles en possession de Human Rights Watch.

72 Comité sous-préfectoral de la Croix-Rouge de Paoua, « Rapport et synthèse des événements survenus le dimanche 29 janvier 2006 », non daté ; Informations confidentielles en possession de Human Rights Watch.

73 Comité sous-préfectoral de la Croix-Rouge de Paoua, « Rapport et synthèse des événements survenus le dimanche 29 janvier 2006 », non daté ; IFRC, « Chad: Central African Refugees Information Bulletin », vol. 1 2006, 2 mars 2006 ; Informations confidentielles en possession de Human Rights Watch.

74 Entretien de Human Rights Watch avec un proche d’une victime, (anonymat préservé), Bémal, 14 février 2007 ; Sources confidentielles en possession de Human Rights Watch.

75 Entretien de Human Rights Watch, ancien détenu (anonymat préservé), Bamara Kase, 20 février 2007.

76 Entretien de Human Rights Watch avec un proche de Christophe Doroma, (anonymat préservé), Gbaïzera, 20 février 2007.

77 La famille était certaine que Doroma avait été tué un jeudi à la fin mai mais elle n’était pas sûre de la date exacte.

78 Entretien de Human Rights Watch avec Michel Djatobaye, Gbaïzera, 20 février 2007 ; Entretien de Human Rights Watch avec un proche de Doroma, (anonymat préservé), Gbaïzera, 20 février 2007.

79 Entretien de Human Rights Watch avec Dieudonné Lomangda, Zoumanga, 21 février 2007.

80 Dans le nord de la RCA, il est courant de partir à la chasse et à la pêche pendant de longues périodes. La viande et les poissons attrapés sont fumés et séchés et ils sont ensuite vendus en ville au retour.

81 Commission diocésaine Justice et Paix, « Exactions commises par les FACA dans la région de Kaga Bandoro, Octobre-10 décembre 2006 », non daté.

82 Ibid.

83 Informations confidentielles en possession de Human Rights Watch.

84 Entretien de Human Rights Watch (anonymat préservé), Gbaïzera, 20 février 2007.

85 Entretien de Human Rights Watch (anonymat préservé), Kabo, 21 février 2007.

86 Entretien de Human Rights Watch (anonymat préservé), Kabo, 21 février 2007; Informations confidentielles en possession de Human Rights Watch. Une autre source indiquait que l’incident datait du 17 décembre.

87 Commission Justice et Paix, « Evénements du vendredi 05 janvier 2007 à Kaga Bandoro », non daté; Informations confidentielles en possession de Human Rights Watch; OCHA, « Inter-Agency Mission to Birao (CAR), 12 to 23 January 2007 » (en possession de Human Rights Watch).

88 Entretien de Human Rights Watch avec Wafio Bertin, commandant de l’APRD, 15 février 2007.

89 Comité sous-préfectoral de la Croix-Rouge de Paoua, « Rapport des événements survenus à Paoua le 15/01/2007 », 16 janvier 2007.

90 Entretien de Human Rights Watch avec Elizabeth Denadji, Paoua, 14 février 2007.

91 Entretien de Human Rights Watch (anonymat préservé), Paoua, 14 février 2007.

92 Entretien de Human Rights Watch (anonymat préservé), Paoua, 14 février 2007.

93 Entretien de Human Rights Watch (anonymat préservé), Paoua, 14 février 2007; Comité sous-préfectoral de la Croix-Rouge de Paoua, « Rapport des événements survenus à Paoua le 15/01/2007 », 16 janvier 2007.

94 Entretien de Human Rights Watch (anonymat préservé), Batangafo, 19 février 2007; Entretien de Human Rights Watch (anonymat préservé), Kabo, 21 février 2007.

95 Entretien de Human Rights Watch (anonymat préservé), Batangafo, 19 février 2007.

96 Entretien de Human Rights Watch (anonymat préservé), Kabo, 21 février 2007; Entretien de Human Rights Watch avec le Sous-préfet Jean-Marie Ngouakouzou, Kabo, 20 février 2007.

97 UN OCHA, « Procédure d’Appel Global (CAP) — Examen semestriel de l’appel humanitaire 2006 pour la République centrafricaine », 18 juillet 2006; Sources confidentielles en possession de Human Rights Watch. Les villages incendiés étaient : Bobéré, Kakambia, Kadjoma Kota, Mandunga, Maiban, Galé II, Galé I et Koukou.

98 Entretien de Human Rights Watch (anonymat préservé), Gbaïzera, 20 février 2007.

99 Chiffres calculés par Human Rights Watch, 20 février 2007.

100 Par exemple, le 10 juillet 2006, un groupe de six Fulatas armés est arrivé au village de Bouaki I à 5 heures du matin. Ils ont demandé à voir Bernard Ndikisi, le chef du village âgé de 80 ans, qu’ils ont ensuite abattu. Deux autres villageois ont été tués alors qu’ils cherchaient à échapper aux hommes armés : Jérémie Ndounama, 18 ans, et Didier Zoranga, 22 ans. Les Fulatas n’ont incendié aucune habitation à cette occasion. Entretien de Human Rights Watch (anonymat préservé), Bouaki I, 21 février 2007).

101 Entretiens et relevés de Human Rights Watch, 21 février 2007.

102 Entretien de Human Rights Watch (anonymat préservé), Farazala, 21 février 2007.

103 Entretien de Human Rights Watch (anonymat préservé), Dissi, 21 février 2007.

104 Entretien de Human Rights Watch (anonymat préservé), Bilalo, 21 février 2007.

105 Entretien de Human Rights Watch (anonymat préservé), 22 février 2007.

106 Rapport humanitaire confidentiel en possession de Human Rights Watch.

107 Refugees International, « Central African Republic: Army House Burnings Continue in Tense Northwest », 15 mars 2007.

108 Human Rights Watch a dénombré un total de 2 923 habitations incendiées rien que dans la zone de Batangafo-Kabo-Ouandago-Kaga Bandoro, mais il existe des zones beaucoup plus vastes de villages incendiés qui n’ont pas fait l’objet d’estimations à ce jour, notamment des zones avoisinant directement celle étudiée par Human Rights Watch (certaines maisons au nord de Kabo ont également été brûlées mais les conditions de sécurité ont empêché Human Rights Watch de se rendre dans cette zone). La zone affectée autour de Paoua, notamment l’axe Paoua-Bozoum, l’axe Paoua-Bétoko-Bémal et l’axe Paoua-Borguila-Nana Barya, est considérablement plus étendue que celle recensée par Human Rights Watch, et l’ampleur des destructions y est équivalente ou supérieure. Par voie de conséquence, le chiffre de 10 000 constitue une estimation modérée du nombre total d’habitations incendiées sur toute la région.

109 Entretien de Human Rights Watch avec le Brigadier général Raymond Ndougou, Bozoum, 12 février 2007.

110 Entretien de Human Rights Watch avec le Lt.-Col. André Kada, Bossangoa, 16 février 2007.

111 Entretien de Human Rights Watch [nom, date et lieu tenus secrets].

112 « CAR: Blame game as villages burn », IRIN, 19 décembre 2006.

113 Entretien de Human Rights Watch avec le chef du village (anonymat préservé), Gbaïzera, 20 février 2007.

114 « Précisions sur les circonstances de la mort de notre collègue Elsa Serfass en République centrafricaine », Communiqué de presse de MSF, 13 juin 2007, http://www.msf.fr/cp/cpR%C3%89P130607626 (consulté le 11 juillet 2007) ; « République centrafricaine – Une volontaire de MSF tuée », Communiqué de presse de MSF, 11 juin 2007, http://msf.ch/Actualites.29.0.html?&L=p%3BL%3DL%3D&tx_ttnews[pointer]=1&tx_ttnews[tt_news]=3178&tx_ttnews[backPid]=5&cHash=275fcfefaa (consulté le 11 juillet 2007).

115 Entretien de Human Rights Watch avec Wafio Bertin, Boja, 15 février 2007; Entretien de Human Rights Watch avec un soldat de l’APRD (anonymat préservé), Boja, 15 février 2007.

116 Entretien de Human Rights Watch avec Wafio Bertin, Boja, 15 février 2007.

117 Par exemple, aux termes des Articles 8(2)(b)(xxvi) et 8(2)(e)(vii) du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, le fait de procéder à la conscription ou à l'enrôlement d'enfants de moins de 15 ans dans les forces ou groupes armés, ou de les faire participer à des hostilités, constitue un crime de guerre. L’ Article 77 du Protocole additionnel I et l’Article 4(c) du Protocole additionnel II aux Conventions de Genève interdisent le recrutement et la participation d’enfants de moins de 15 ans. L’Article 38 de la Convention de l’ONU relative aux droits de l’enfant stipule que : Les États parties prennent toutes les mesures possibles dans la pratique pour veiller à ce que les personnes n'ayant pas atteint l'âge de quinze ans ne participent pas directement aux hostilités (Paragraphe 2). Les États parties s'abstiennent d'enrôler dans leurs forces armées toute personne n'ayant pas atteint l'âge de quinze ans (Paragraphe 3). Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant et concernant la participation des enfants aux conflits armés (adopté par l’Assemblée générale de l’ONU le 25 mai 2000 et entré en vigueur le 12 février 2002) fixe à 18 ans l’âge minimum pour une participation directe à des hostilités et pour le recrutement dans des groupes armés.

118 Thomas Lubanga Dyilo, ex-dirigeant de l’Union des patriotes congolais (UPC), un groupe armé responsable de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité dans la région de l’Ituri, en République démocratique du Congo (RDC), a été la toute première personne traduite en justice devant la CPI pour avoir procédé à l’enrôlement et à la conscription d’enfants soldats et les avoir fait participer activement au conflit en Ituri.

119 Entretien de Human Rights Watch avec Wafio Bertin, Boja, 15 février 2007.

120 Entretien de Human Rights Watch avec un chef de village (nom et lieu tenus secrets), 19 février 2007.

121 Entretien de Human Rights Watch (anonymat préservé), village de Botéré I, 19 février 2007.

122 Entretien de Human Rights Watch (anonymat préservé), village de Sébongono, 19 février 2007.

123 Entretien de Human Rights Watch (anonymat préservé), village de Sébongono, 19 février 2007.

124 Entretien de Human Rights Watch avec Eric Djiji, Bétoko, 14 février 2007; Entretien de Human Rights Watch avec Florent Dolomboto, Bétoko, 13 février 2007 ; « CAR: Living with rape, harassment in the northwest », IRIN, 22 février 2007.

125 Entretien de Human Rights Watch avec Benoît Bédomnolé, Bémal, 14 février 2007.