Juin 2000
Volume 12, Numero 4 (A)
Au Gouvernement et aux Forces Armées du Burundi:
Aux Forces Nationales pour la Libération et autres groupes rebelles:
Au Haut Commissaire aux Droits de l’Homme des Nations Unies:
Au Médiateur Nelson Mandela et à la Communauté Internationale:
IV.
REGROUPEMENT DE LA POPULATION AUTOUR DE BUJUMBURA
VI. LES
EXACTIONS COMMISES PAR LES MILITAIRES.
Représailles contre les civils après les
attaques des rebelles
Massacres et coups infligés aux personnes soupçonnées d’être rebelles
et supporteurs des rebelles
Le cas de Jean-Marie Bigirimana
Viols et harcèlement sexuel des femmes
Le pillage des biens appartenant aux civils
VII. LES
ENFANTS ET LES DORIYA
VIII. LES
AUTORITÉS: CELLES QUI FONT DU TORT ET CELLES QUI AIDENT
IX. LES
EXACTIONS COMMISES PAR LES REBELLES
XII. LA
RÉACTION INTERNATIONALE
Le déplacement forcé des civils
Autres violations du Droit Humanitaire International
XV.
VIOLATIONS DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE PAR LES FNL ET LEURS COMBATTANTS
Le gouvernement du Burundi dominé par la minorité Tutsi, dans sa lutte contre les rébellions issues de la majorité Hutu, a commencé à forcer les civils de la région aux alentours de la capitale dans les soi-disant “zones de protection” ou “camps de regroupement ” à partir de fin septembre 1999. Les autorités burundaises prétendaient que la mesure visait à protéger les civils, la plupart d’entre eux Hutu, contre les attaques des rebelles des Forces Nationales pour la Libération (FNL) qui s’implantaient de plus en plus dans la région. En réalité, elles voulaient plutôt priver les FNL du soutien de la population locale qui les aidaient, quelquefois volontairement, d’autres fois sous la contrainte. En éliminant le soutien de la population civile, les autorités espéraient isoler les FNL et ainsi réduire leurs attaques sur la capitale. Elles espéraient aussi calmer les extrémistes Tutsi qui les taxaient de faibles face à la menace des rebelles.
Les militaires ont utilisé la force ou ont menacé d’utiliser la force pour obliger les civils, pratiquement tous des Hutu, à se rendre dans les zones, où aucun préparatif n’avait été fait pour les accueillir. Par le fait de ne pas fournir les besoins de base à ces déplacés--abri, nourriture, eau et installations sanitaires--le gouvernement burundais a violé les normes et principes du droit international humanitaire. Dés le début, la population dans les camps a vécu dans des conditions inhumaines et a été souvent soumise à des restrictions arbitraires, au travail forcé, et aux punitions arbitraires par les militaires. Comme l’a fait remarquer un habitant d’un camp, ”nous vivons dans la misère pour que les gens de la capitale vivent en sécurité ”.1
Après le début des regroupements, les rebelles ont réduit leurs attaques sur Bujumbura, même s’ils ont continué d’attaquer les militaires et les civils dans la campagne. Dans les premiers mois de 2000, et les rebelles et l’armée ont intensifié les activités militaires parallèlement aux nouveaux efforts de régler le conflit par les négociations. Les militaires étaient de plus en plus inquiétés par les activités des rebelles dans les camps. Ils ont sélectionné les présumés rebelles parmi les habitants des camps et les ont battus pour leur tirer des informations et les forcer à rejoindre le côté gouvernemental. Dans plusieurs cas, des militaires ont battu les gens à mort.
Les militaires ont aussi violé et harcelé les femmes qui vivaient dans les camps. Ils ont recruté des enfants en temps qu’espions pour eux dans les camps, pour les aider à piller les biens des populations dansles camps, et pour servir de guetteurs, éclaireurs, et porteurs quand ils font des patrouilles.
Vers la fin de 1999, les autorités avaient forcé environ 80 pourcent de la population de la province de Bujumbura-rurale--à peu prés 350.000 personnes--à vivre dans cinquante-trois camps.2 Quand bien même le regroupement a contribué à réduire les attaques sur la capitale, les rebelles sont restés solidement implantés dans les milieux ruraux. Ils se déplaçaient tout simplement d’un endroit à un autre quand ils étaient attaqués par l’armée, qui n’avait pas un nombre suffisant de troupes pour contrôler toute la région en même temps. Les rebelles ont continué à vivre des récoltes de la population locale et même à habiter les maisons de ceux qui sont forcés à vivre dans les camps.
La communauté internationale a sévèrement critiqué cette politique de regroupement. En janvier 2000, le gouvernement burundais a promis de commencer à fermer les camps mais a réalisé peu de progrès dans ce sens jusque début juin. C’est à ce moment que les chefs des rebelles ont fait de la fermeture des camps une condition requise pour se joindre aux négociations de paix. L’ancien Président de l’Afrique du Sud Nelson Mandela, le médiateur pour les négociations, a condamné les zones de regroupement comme “camps de concentration ”. Sous cette pression, le Président Pierre Buyoya a consenti à ce que tout le monde dans les camps puisse retourner chez soi avant fin juillet.
Au moment de la rédaction de ce rapport, à peu près trois quarts des personnes qui ont été forcées à quitter leurs maisons en septembre 1999 vivaient toujours misérablement dans les camps. Ce rapport documente les atteintes aux droits de l’homme infligées à ces personnes ainsi qu’aux personnes qui ont pu retourner chez elles. Il montre l’importance de fermer les camps immédiatement et complètement et d’amener les coupables à rendre compte des violations qu’ils ont commises.
Ce rapport présente les informations recueillies dans vingt des cinquante-neuf camps. Il est basé sur les visites aux camps ainsi que sur des interviews avec les habitanlts des camps, des représentants nationaux et internationaux des organisations non-gouvernementales qui connaissent bien les conditions des camps, et les autorités militaires et civiles du gouvernement burundais.
· Permettre à tous les habitants des camps qui le désirent de rentrer chez eux immédiatement. Fournir des moyens adéquats à ceux qui croient qu’ils doivent rester dans les camps pour leur sécurité, en accord avec les Principes Directeurs Relatifs au Déplacement de Personnes à l’Intérieur de Leur Propre Pays.
· Ordonner immédiatement aux membres des Forces Armées Burundaises de mettre fin aux pratiques d’exécution sommaire, de viol et de torture, y compris la pratique de ligoter et battre les détenus et prisonniers (imvuto), ainsi que la pratique de forcer les civils à travailler pour eux.
· Faire des enquêtes sur les allégations d’exécutions sommaires, viol, coups, torture, et autres exactions commises par les forces armées, et punir les responsables de ces abus suivant les procédures acceptées internationalement. Ces enquêtes devraient inclure les cas de Nicodème Sibomana et Jean-Marie Bigirimana tout comme le comportement des troupes au camp de Kavumu le 7 mai.
· Respecter la loi humanitaire internationale qui interdit de viser les civils et les biens des civils dans les opérations militaires, les attaques sans discrimination (entre civils et combattants), le pillage et la destruction inutile des biens des civils.
· Mettre fin au recrutement et à l’utilisation des personnes âgées de moins de dix-huit ans comme membres des forces armées ou comme aides (doriya) des militaires. Fournir les moyens nécessaires pour la réhabilitation et l’éducation de tels enfants, y compris les enfants combattant pour les forces de l’opposition qui tomberaient dans les mains des autorités gouvernementales.
· Demander aux autorités administratives de préparer des inventaires des propriétés confisquées ou pillées qui appartenaient aux habitants des camps et chercher à restituer ces biens ou au moins à fournir une forme de remplacement de ces biens.
· Faciliter l’accès à la province de Bujumbura-rurale aux observateurs des droits de l’homme, tant de l’Office du Haut Commissaire aux Droits de l’Homme de l’ONU que des associations locales ou internationales des droits de l’homme.
· Ordonner immédiatement à tous vos combattants de respecter la loi humanitaire internationale qui interdit des attaques aveugles sur les civils, le viol, et la destruction ou le pillage des biens des civils.
· Mettre fin au recrutement et à l’utilisation des personnes de moins de dix-huit ans comme membres de vos forces ou comme aides (doriya) des combattants.
· Faire des enquêtes sur les allégations relatives aux violations du droit international humanitaire commises par vos combattants et insister que les malfaiteurs répondent de leurs actes.
· S’assurer que l’Office du Haut Commissaire aux Droits de l’Homme au Burundi contrôle la fermeture des camps, y compris ceux qui étaient précédemment considérés inaccessibles, pour s’assurer que les gens retournent réellement chez eux. Si nécessaire, ce contrôle pourrait se faire par hélicoptère.
· Demander aux autorités chargées de la protection au Burundi de faire immédiatement des enquêtes sur la situation des enfants utilisés comme soldats et assurer l’assistance dans la préparation des plans pour leur réhabilitation et leur éducation.
· Suivre de près la mise en application de la décision de fermer les camps de regroupements pour s’assurer que tous les civils qui désirent rentrer chez eux sont autorisés à le faire.
· Continuer à fournir l’aide et l’assistance aux personnes qui rentrent des camps de regroupements et des camps des déplacés.
· Fournir les ressources nécessaires à l’Office du Haut Commissaire aux Droits de l’Homme au Burundi et chercher à s’assurer qu’il fonctionne efficacement dans le contrôle de la fermeture des camps et d’autres violations des droits de l’homme.
Dans la lutte pour le pouvoir au Burundi, les différents concurrents se sont rangés dans des groupes changeant selon des intérêts divers--régionaux, économiques, personnels--et surtout ethniques. La plupart de Burundais se définissent comme Hutu, de loin la grande majorité de la population, ou comme Tutsi, une minorité de 10 à 15 pourcent qui a généralement exercé un pouvoir politique, militaire, et économique disproportionnel à leur nombre.3 Le gouvernement actuel est dirigé par le Major Pierre Buyoya, un officier Tutsi qui a pris le pouvoir après un coup d’Etat militaire en 1996. Même si ce gouvernement comprend quelques Hutu, il est dominé par les Tutsi comme le sont d’ailleurs les forces armées burundaises. Buyoya avait déjà dirigé le gouvernement après un autre coup d’Etat auparavant, mais il avait dû céder le pouvoir en 1993 à un Président Hutu démocratiquement élu, Melchior Ndadaye. Ndadaye avait gouverné pendant seulement quelques mois lorsqu’il fut assassiné par des officiers militaires Tutsi qui tuèrent aussi en même temps d’autres cadres de son parti politique, le Front pour la Démocratie au Burundi, FRODEBU. Les Hutu, dans beaucoup de cas organisés par les autorités ou les dirigeants politiques, ont alors massacré des milliers de civils Tutsi. Les militaires et les gendarmes Tutsi ont massacré par la suite des milliers de Hutu, quelquefois dans des communautés où il n’y avait pas eu de massacres de Tutsi.4
Depuis l’assassinat de Ndadaye jusqu’à la reprise du pouvoir par Buyoya en 1996, les deux partis politiques les plus importants, le FRODEBU et l’Union Nationale pour le Progrès (UPRONA), ainsi que d’autres partis politiques moins importants, ont essayé de gouverner au sein d’une coalition plutôt difficile. Ils cédaient quelquefois aux pressions des partis extrémistes Tutsi dont les milices organisaient des opérations “ville morte” qui forçaient les affaires et les bureaux à fermer et ainsi bloquaient la vie à Bujumbura. D’autrepart, des Hutu de plus en plus militants ont pris les armes et ont formé des mouvements rebelles, dont trois constituent actuellement une menace majeure au gouvernement. Les FNL, importantes plus par leur capacité militaire que par le nombre de leurs adhérents, sont les plus menaçantes autour de la capitale; les Forces pour la Défense de la Démocratie (FDD), le plus important des mouvements rebelles, défient le gouvernement principalement dans le sud et l’est; le Front pour la Libération Nationale (le FROLINA), moins important opère surtout à l’est. Plusieurs partis politiques et mouvements d’opposition armés se sont scindés, y compris le FRODEBU et le FDD, compliquant ainsi les négociations visant à mettre fin à la guerre.
Quand Buyoya revient au pouvoir, son coup d’Etat fut sévèrement critiqué par la plupart des acteurs internationaux et les gouvernements des pays voisins imposèrent des sanctions à l’encontre du Burundi. En 1998 Buyoya accepta de partager le pouvoir avec l’Assemblée Nationale et entama des négociations de paix avec les partis politiques d’opposition et quelques-uns des groupes d’opposition armés. Les négociations s’enlisèrent pendant une année et demie avec peu de progrès mais au début de l’an 2000 elles ont connu un nouvel élan avec l’arrivée de Nelson Mandela comme médiateur. Il insista à ce que les négociateurs confrontent les vrais problèmes, à savoir le contrôle politique pendant la période de transition, la composition ethnique de l’armée, et la nécessité de justice pour les exactions commises dans le passé. Il associa aussi dans le processus les deux groupes armés les plus importants, précédemment absents des négociations. Alors que Mandela faisait pression pour un aboutissement rapide des négociations, les activités militaires s’intensifiaient à l’est et au sud ainsi qu’aux alentours de la capitale, l’armée d’un côté et les groupes rebelles de l’autre, cherchant à s’assurer une base de négociation la plus solide possible.
La province de Bujumbura-rurale, qui entoure la ville de Bujumbura sur trois flancs, est un terrain irrégulier et montagneux favorable à la guérilla. Vers la fin de 1997 et en 1998 les combattants des Forces Nationales pour la Libération s’implantèrent dans la région depuis les régions plus au nord, et s’attirèrent le soutien de la population à majorité faite de cultivateurs Hutu pauvres. Quand la population locale n’aidait pas volontairement les combattants des FNL, ceux-ci prenaient la nourriture et d’autres biens par la force. Quelquefois ils forçaient les gens de la région à les accompagner pour transporter les biens pillés et même à passer quelques mois à travailler pour eux. Quelques-uns violaient les femmes même si le code de conduite des FNL interdit les relations sexuelles ainsi que fumer et consommer de boissons alcooliques. Dans une série d’embuscades, les rebelles ont attaqué des véhicules et tué des civils. Quand les rebelles et les soldats gouvernementaux étaient engagés dans des combats, des civils étaient parfois pris entre deux feux ou étaient plus tard attaqués par les soldats gouvernementaux en représailles contre les attaques des rebelles dans la région.5
En juillet et en août 1999, les rebelles ont lancé des incursions de plus en plus fréquents et causant de plus en plus de dommages dans Bujumbura et ses environs, tuant des dizaines de civils et quelques soldats. L’armée riposta par des attaques qui tuèrent plus de cent civils ainsi que des combattants, et le gouvernement intensifia le couvre-feu déjà en place. Ces mesures n’ont pas pu satisfaire les extrémistes Tutsi à Bujumbura qui demandaient des mesures plus draconiennes pour protéger la ville et contenir la rébellion.6
Sur le fond de rumeurs de la possibilité d’un coup d’Etat militaire et de violence fomentée par les extrémistes, le gouvernement décida d’imposer la politique de regroupement dans presque toute Bujumbura-rurale, particulièrement dans les endroits principalement habités par des Hutu et proches de la ville. Dans l’effort de justifier la décision, Buyoya déclara plus tard qu’il avait fait “ un choix entre deux maux”. Il continua en ces termes:
Bujumbura était menacée par la violence, les habitants de Bujumbura-rurale étaient sérieusement menacés par la rébellion, la capitale était menacée par des massacres à grande échelle, ainsi donc nous devions prendre le taureau par les cornes et prendre des mesures appropriées pour stabiliser la situation.7
Quelques autorités supérieures ainsi que des observateurs étrangers bien informés sont convaincus que la décision était plutôt motivée autant par la pression politique des extrémistes que par des considérations militaires.8
En 1996, le gouvernement avait commencé à utiliser la méthode de regroupement pour essayer de prévenir la prolifération des rébellions et de priver les rebelles du soutien des populations locales.9 Dans plusieurs régions, cette politique réussit à faire réduire les attaques des rebelles sur les cibles militaires et civiles, mais seulement au prix d’imposer une souffrance énorme aux personnes forcées de vivre dans les camps. Après la diminution des opérations des insurgés et confronté aux critiques internationales, le gouvernement avait évacué la plupart des camps vers la fin de 1998. Au milieu de 1999, il avait repris la politique de regroupement dans certaines parties du sud-est du Burundi et il décida de l’étendre à la région autour de la capitale en septembre.
D’une communauté à une autre vers fin septembre et début octobre 1999, les militaires forcèrent les gens à quitter leurs maisons après un préavis très court ou sans du tout les prévenir. Ils arrivaient dans les milieux ruraux où la plupart des gens vivent dans des maisons éparpillées sur les collines et tiraient tout simplement en l’air avant d’ordonner à la population terrifiée de se rassembler à des endroits désignés. Souvent ils les forçaient à partir sans leur permettre de prendre des effets personnels ou même de la nourriture avec eux.
Dans quelques cas, les militaires tiraient et tuaient ceux qui ne répondaient pas assez rapidement ou complètement à leurs ordres. Un homme a affirmé que son frère aîné avait été tué à Buhonga parce qu’il refusait de se rendre à l’emplacement du camp.10
Un autre homme qui avait été contraint de se rendre au camp de Buhonga a raconté que lui-même, sa femme et ses sept enfants avaient été chassés de leur maison vers 2 heures de l’après-midi le 21 septembre. Il a affirmé que trois femmes furent tuées par des soldats qui tiraient avec insouciance ce jour-là.1[1]
Un homme qui vivait dans le camp de Kamutwe a déclaré:
Le matin du regroupement, les militaires sont venus et ont tiré en l’air. Cela a effrayé beaucoup de gens qui ont fui leurs maisons pour se rendre où ils se croyaient en sécurité. Les militaires ont alors dirigé tout le monde vers Buhonga et seulement par la suite vers d’autres camps à Mboza, Kamutwe, Raro et Nyamaboko.
Il ajouta que deux de ses cousins qui se cachèrent au lieu de quitter leurs maisons furent découverts par les militaires et tués.1[2]
Un habitant du camp de Muberure a déclaré:
Le jour du regroupement il y avait de la panique. Il n’y avait pas eu de réunions pour préparer les gens. Très tôt le matin, les militaires ont tiré en l’air. Ils avaient une stratégie bien planifiée de faire sortir les gens de leurs maisons et de les pousser vers la zone. Les gens fuyaient un groupe de militaires pour se heurter à un autre jusqu’à ce qu’ils soient acheminés dans un corridor qui était le seul sentier qu’ils pouvaient suivre. Les militaires ordonnaient aux gens de se diriger vers la zone. Ils disaient, “ si vous ne partez pas, vous serez considérés comme des complices [des rebelles] ”.
Ce témoin a affirmé que les militaires avaient tiré et tué quatre personnes ce jour-là.13 Un autre témoin du camp de Muberure déclara que les militaires ont tiré sur six personnes qu’ils avaient trouvées dans une église des Pentecôtistes. Un autre homme du camp de Muberure raconta qu’il avait vu les militaires tirer sur treize de ses voisins le jour du regroupement, dont une jeune fille de treize ans et un garçon de dix ans.14
Deux témoins du
camp de Nyamaboko ont affirmé qu’ils avaient vu des soldats tirer sur des
civils pendant le processus de regroupement. Un de ces témoins était une femme
qui a dit qu’elle avait vu des militaires tuer son oncle, son beau-frère et un
voisin. Elle et ses enfants avaient ensuite fui avec seulement les vêtements
qu’ils portaient.15
Un habitant du camp de Nyambuye déclara que lui et ses voisins avaient été complètement surpris par la décision du gouvernement de les forcer à quitter leurs collines. Ils prirent connaissance de la nouvelle politique quand les militaires sont arrivés dans la communauté et ont commencé à tirer en l’air. Il a affirmé que les soldats avaient tué quatre hommes dans sa communauté ce même jour, y compris le mari de sa sœur.16 Une femme du même camp raconta que quatre hommes, l’un d’eux étant un père de trente ans qui avait deux enfants, furent tués le matin du dimanche, le jour où les rafles ont commencé. Une deuxième femme déclara que son mari avait été tué par des militaires ce jour-là parce qu’il avait refusé de quitter sa maison.17 Un autre homme du camp de Nyambuye était à la messe lorsque des soldats ont encerclé l’église et ont informé les membres de la congrégation qu’ils ne pouvaient plus retourner chez eux et devaient dorénavant vivre dans une zone de regroupement proche.18 Deux femmes du camp de Nyambuye ont raconté qu’elles avaient fui au son des coups de fusils. L’une d’elles a affirmé que l’administrateur local avait dit aux personnes rassemblées à l’endroit désigné que quiconque resterait à la maison serait considéré comme rebelle et tué.19
Un habitant du camp de Ruyaga a affirmé que six personnes ont été tuées dans sa communauté le jour du regroupement. Les militaires ont commencé à tirer vers 6 heures du matin et les gens ont fui vers le camp de Ruyaga “parce qu’il y avait un peu de sécurité. Ils tiraient à partir de deux coins différents, forçant ainsi les gens vers cette zone de sécurité”. Il affirma aussi que l’administrateur local avait dit que ‘ceux qui resteraient chez eux seraient traités comme des rebelles”.20
Dans la commune de Kabezi, qui se trouve au sud de Bujumbura, les soldats gouvernementaux ont sillonné la commune le 26 septembre, informant la population que le lendemain ceux qui vivaient au sud de la rivière Mugere devaient se rendre au bureau communal à Kabezi tandis que ceux vivaient au Nord de cette rivière devaient se rassembler au poste militaire de Ruziba. Le lendemain, très tôt le matin, des militaires commencèrent à tirer en l’air et vers les collines, terrifiant les gens et les forçant à fuir de leurs maisons vers la direction du bureau communal. Alors que des milliers de personnes commençaient à se rassembler, les autorités locales donnèrent des ordres aux gens de se diriger vers la colline avoisinante et de commencer à construire des abris. Quatre témoins du camp de Kabezi ont ensemble nommé douze personnes qui furent blessés ou tués par les tirs de fusils ce jour-là, dont au moins deux femmes et deux enfants. Ils croyaient que les victimes avaient été tuées par des balles perdues et non pas pour avoir été délibérément visées.21
Les personnes qui ont été dirigées vers les camps de Mubone et Maramvya avaient aussi été notifiées en avance qu’elles devaient quitter leurs maisons. Contrairement aux autres cas, ils partirent sans problèmes et sans être exposés aux tirs de fusils. On leur permit de rassembler les provisions nécessaires avant de regagner le camp.22
La plupart des habitants des camps étaient d’accord avec l’avis d’un témoin qui a dit que “les premiers jours dans le camp étaient les pires”.23 Ils étaient dirigés vers des endroits dont la plupart étaient des sommets de collines arides, loin de toute source d’eau. Il leur était ordonné de construire des abris avec n’importe quelles branches et feuilles qu’ils pouvaient trouver. Les autorités ne leur fournirent ni nourriture, ni eau ni matériels de construction et ne leur dirent rien concernant combien de temps ils allaient vivre là-bas. Une mère de sept enfants, le plus jeune étant âgé de deux ans, a raconté que quand elle est arrivée au site de regroupement, il n’y avait rien que des champs et des soldats armés de fusils.24 Les gens dormaient en plein air jusqu’à ce qu’ils aient fini de construire leurs abris. Pendant la première semaine, des vents très forts et la pluie ralentirent le processus, quelquefois emportant ces structures peu solides dont on venait juste de finir la construction.
Les autorités locales elles-mêmes étaient apparemment indécises quant aux endroits où toutes ces personnes allaient être finalement placées.25 Les militaires envoyèrent une femme au camp de Nyambuye où elle commença à construire son abri, comme on le lui avait demandé. Le lendemain, cependant, les militaires l’amenèrent avec les autres à Nyakibande, leur lieu d’origine, où ils devaient ériger un camp près de l’église. Cinq jours plus tard, des militaires sont encore arrivés pour ordonner aux gens de démanteler les abris qu’ils avaient construits et retourner à Nyambuye pour encore recommencer à construire là-bas. Quand les gens ont refusé, les militaires ont tiré en l’air, ce qui les obligea à regagner Nyambuye. Comme les autorités n’avaient fourni ni nourriture, ni eau ni matériels de construction, cette femme était faible à cause de la faim et de l’épuisement au moment où elle retourna à Nyambuye.26
Une fois rassemblées, les gens n’avaient point de permission de retourner chez eux pour chercher de la nourriture ou d’autres provisions pour des périodes allant jusqu’à deux semaines.27 Pendant cette période, les militaires faisaient des ratissages dans les endroits évacués en vue de déloger des rebelles qui s’y cacheraient. Comme on ne leur fournissait pas de la nourriture, beaucoup de habitants des camps prenaient le risque de quitter les camps pendant la nuit pour chercher des provisions à la maison pour leurs familles.
Le camp de Kabezi, qui se trouvait à peu près à 29 kilomètres au sud de Bujumbura, était le plus large des camps dans Bujumbura-rurale et comptait une population d’environ 40.000 personnes.28 Situé sur une petite colline sans arbres ni autre forme d’abri, le camp connaissait une chaleur extrême pendant la saison sèche et était balayé par des tempêtes pendant la saison des pluies. Pendant plus de neuf mois, les gens vivaient dans des abris de fortune faits de feuilles de bananiers, des branches d’eucalyptus et d’autres matériels ramassés sur les lieux. Les plus chanceux ont reçu des sheetings en plastique des agences humanitaires internationales qu’ils ont utilisé pour couvrir des toits peu solides. Les abris, la plupart étant de 2 m sur 3 m, étaient très proches les uns des autres, avec des passages étroits entre les rangées. Les ordures jonchaient les allées et de petits ruisseaux emportaient l’eau des déchets et autres détritus vers le bas de la colline. Chaque demeure abritait jusqu’à dix membres d’une famille, tous vivant ensemble dans un espace simple non-découpé. Les latrines publiques ont été creusé en hâte aussitôt que le camp était établi. En mai 2000, beaucoup de ces latrines étaient pleines à déborder et on n’en avait pas creusé de nouvelles.
Selon les habitants du camp, leur vie avait été différente lorsqu’ils étaient dans leurs propres maisons, libres d’aller et de venir à leur gré. Même s’il y avait eu des opérations militaires dans Bujumbura-rurale pendant plusieurs années, les familles avaient pu continuer à cultiver les champs et à faire d’autres travaux pour pourvoir à leurs besoins. La plupart vivaient dans des maisons petites mais solides ayant trois ou quatre chambres, construites en briques de terre avec des toits à tôles galvanisées. Les familles jouissaient d’un sens de vie privée dans des maisons entourées de champs et dispersées sur les flancs des collines, une réalité qui contraste violemment avec l’indignité des camps encombrés et crasseux.
Après les premières semaines, les habitants des camps étaient généralement autorisés à retourner dans leurs maisons et leurs champs pour quelques heures une ou deux fois la semaine. Ils essayaient de cultiver leurs champs, mais le temps à la maison était trop court pour fournir une production agricole suffisante. Les habitants des camps situés près des routes étaient les plus chanceux parce qu’ils commençaient bientôt à recevoir de la nourriture en plus de leur production agricole, ainsi que de l’eau propre et l’aide médicale des agences humanitaires internationales. Mais chaque fois qu’il y avait des combats dans la région, la route était fermée et la livraison des provisions de base était interrompue. Les autorités suspendaient les livraisons d’aide pour d’autres raisons également. Dans le camp de Kavumu, où des milliers de personnes dépendaient de la nourriture fournie par une organisation internationale, les autorités locales étaient lentes à remplir les papiers nécessaires en janvier et début février 2000, alors les autorités provinciales n’ont pas autorisé les livraisons. Les habitants des camps, qui avaient reçu les dernières provisions à la fin de décembre 1999, avaient désespérément besoin de nourriture au moment où elle a été de nouveau distribuée à la mi-février 2000.29
Les habitants de dix-sept camps situés loin des routes recevaient peu ou pas du tout d’assistance internationale. Le camp de Nyambuye, situé au sommet d’une colline dominant la ville de Bujumbura, est à peu près à une heure de montée à pied à partir de la route la plus proche. Les habitants de ce camp devaient transporter eux-mêmes la nourriture délivrée à la route. Ils devaient aussi chercher de l’eau à la source la plus proche, qui se trouvait aussi à une heure de marche à pied. Une veuve qui essayait de pourvoir à ses quatre enfants au camp de Nyambuye a tiré cette conclusion, “ si vous deviez vous rendre là-bas, vous ne pourriez pas croire ce que vous verriez. Il y a beaucoup de maladies, de faim, et de désespoir parmi la population des camps”.30 Une mère de sept enfants montra son bébé malade âgé de deux ans et elle dit que les enfants de son âge au camp de Nyambuye étaient tous atteints de l’une ou l’autre maladie. Cette paysanne de trente-cinq ans déplora le manque d’aide médicale pour les enfants et son incapacité de nourrir convenablement sa famille.31
Comme les semaines devenaient des mois dans les camps, un nombre de plus en plus croissant de personnes --particulièrement les enfants, les personnes âgées et les jeunes mères-- manifestaient des signes de malnutrition. Les travailleurs médicaux rapportent beaucoup plus d’enfants avec des cheveux rougeâtres, des visages enflés et des estomacs ballonnés, qui sont des signes d’une grave malnutrition. Avec une nutrition insuffisante et des mauvaises conditions de camps de plus en plus insalubres et surpeuplées, les maladies contagieuses se propagent, incluant diverses maladies intestinales et respiratoires. Plusieurs débuts de choléra ont été contenus, mais il y a toujours risque d’épidémie.
Comme elles sont les principales responsables du bien-être de leurs enfants, certaines femmes ont apparemment souffert un stress émotionnel et mental très grave à les voir souffrir. Un aide médical qui travaille pour une agence humanitaire internationale qui donne de l’assistance aux malnourris dans Bujumbura-rurale a remarqué des symptômes d’une dépression grave chez les femmes qu’il traite ou dont il traite les enfants. Ces femmes semblent avoir cessé de s’occuper de leur santé ou celle de leurs enfants et s’assoient pendant des heures le regard perdu dans le vide.32
Des statistiques fiables sur la malnutrition, les maladies, et la mortalité dans les camps sont limitées, mais un travailleur médical bien informé a estimé que les cas de malnutrition et de maladies ont augmenté de cinq fois depuis le début du regroupement en septembre. Une étude sur la mortalité dans les camps de regroupement ailleurs dans le pays a conclu qu’il y avait deux fois autant de morts causées par les maladies et la guerre dans les camps qu’il y en aurait si les gens étaient restés dans leurs propres maisons. Quand une agence internationale essaya de mesurer la mortalité en comptant les tombes dans un camp près de Bujumbura, les autorités gouvernementales leur interdirent de continuer ce travail.33
Les militaires qui assurent la sécurité dans les camps contrôlent les mouvements des habitants qui entrent et sortent des zones tout comme ils déterminent les allées et venues des travailleurs des agences humanitaires qui distribuent les provisions ou rendent d’autres services. Les habitants qui sont irrités par ces restrictions comparent leur résidence forcée aux camps à une vie en prison.34
Quelques personnes qui vivent dans des camps près de Bujumbura travaillent en ville et sont généralement autorisées à se rendre à leur travail. Mais la grande majorité est constituée de cultivateurs qui ont besoin de continuer à travailler dans leurs champs pour se nourrir. Ce sont eux qui souffrent le plus des règlements militaires conçus pour contrôler le mouvement des personnes sur les collines. On leur permet seulement de travailler sur les collines qu’on désigne suivant un horaire rotatif, généralement seulement une ou deux fois par semaine. On leur demande généralement d’aller et revenir en suivant certains sentiers sur la colline indiqués par les militaires et il ne leur est permis d’être absents des camps que pour un nombre limité d’heures par jour. Quand on soustrait le temps d’aller et de revenir des champs, il ne leur reste que peu de temps pour faire le travail nécessaire. Une femme a déclaré qu’il ne lui était pas permis de quitter le camp avant 9 heures du matin et elle devait être de retour avant 4 heures de l’après-midi. Elle a besoin de deux heures pour arriver dans son champ et deux heures pour retourner. Elle n’a donc que trois heures seulement pour cultiver son champ, un temps insuffisant pour produire la nourriture dont elle a besoin pour nourrir sa famille. Ses quatre enfants souffrent de malnutrition et de maladies qui y sont liées. Elle est convaincue que c’est une conséquence directe des restrictions à l’accès de ses champs. Une autre femme, une veuve qui a deux enfants, ne peut pas cultiver suffisamment pour les nourrir comme il faut ; pour leur réserver plus, elle se limite à un repas par jour qui consiste généralement en un morceau de manioc et quelques bananes.35
Dans la plupart
des camps, les abashingantahe,36 ou
représentants du peuple, se rendent auprès des militaires le matin et demandent
la permission pour que les cultivateurs puissent quitter le camp pour aller
cultiver leurs champs. S’il y a eu des combats dans la région, les militaires
refusent généralement de donner la permission ou bien retardent le départ des
cultivateurs. Ils peuvent aussi leur refuser la permission simplement parce que
les habitants du camp n’ont pas rendu les services demandés, comme cela est
décrit plus bas.37
Les habitants du camp qui retournent tard de leurs champs ou de leur travail en ville risquent des réprimandes, l’humiliation et souvent des coups administrés par des militaires avec de gros bâtons. La grande majorité des témoins interviewés pour ce rapport se sont plaints de l’humiliation et des mauvais traitements physiques infligés aux femmes et aux hommes par des soldats qui étaient quelquefois beaucoup plus jeunes qu’eux-mêmes.38
Quelquefois les
militaires exigeaient aux habitants de payer le droit de quitter le lieu. Dans
un des cas les plus notoires signalés à Human Rights Watch, on refusa à une
mère l’autorisation de quitter le camp pour amener à l’hôpital en ville son
enfant dont la main avait été gravement brûlée. Il a fallu plusieurs jours à la
femme pour trouver l’argent nécessaire pour soudoyer le soldat pour qu’il la
laisse partir. Au moment où elle a pu finalement voir un médecin, la main de la
petite fille était si gravement infectée que le médecin était d’avis que la
main devait être amputée.39
Avant l’établissement des camps, les civils habitant Bujumbura-rurale risquaient souvent d’être tués ou blessés et de perdre leurs propriétés suite au conflit militaire en cours. Comme un témoin l’a fait remarquer, “Avant nous étions comme des otages entre les rebelles et les soldats ”.40 Relativement peu de gens étaient pris entre les échanges de feu entre les Forces Nationales de la Libération et les forces burundaises parce que les civils fuyaient ou se cachaient rapidement au premier bruit de tirs de fusil. Quelques civils étaient tués par les rebelles dans des embuscades tendues aux véhicules ou bien parce qu’ils refusaient de donner la nourriture ou les autres biens que les rebelles demandaient. Mais beaucoup plus étaient tués par les militaires qui tiraient sur les civils parce qu’ils les prenaient pour des rebelles ou les soupçonnaient d’aider les rebelles. Les femmes ont déclaré qu’elles risquaient d’être violées, soit par les rebelles soit par les soldats gouvernementaux, particulièrement lorsqu’elles allaient puiser de l’eau ou chercher du bois de chauffage. Selon des témoins, les rebelles venaient souvent pendant la nuit pour demander de la nourriture ou quelquefois pour prendre des chèvres ou autres petit bétail tandis que les soldats pillaient et brûlaient leurs maisons, souvent pour les punir pour leur soutien présumé aux rebelles.
La plupart des habitants des camps qui avaient subi des pertes à cause de ces conditions “ d’insécurité ”, comme ils aimaient généralement l’appeler, ont affirmé qu’ils étaient relativement contents de cette “ sécurité ” relative dans les camps, voulant dire par là qu’ils ne devaient pas courir pour sauver leur vie à l’approche des militaires et qu’ils ne devaient pas donner aux rebelles leurs produits agricoles qu’ils avaient tant peiné à cultiver. Mais les habitants d’au moins sept camps se disaient avoir été exposés à un plus grand danger des tirs de fusil suite à la résidence forcée dans les camps situés près des postes militaires. Dans les neuf mois d’octobre 1999 à juin 2000, les rebelles ont attaqué les postes militaires proches des camps de Nyambuye, Kabezi, Kibuye, Kinyankonge, Maramvya, Mubone, et Mukonko. Dans plusieurs cas, ils attaquaient un poste plus d’une fois et quelquefois ils lançaient l’attaque à partir de l’intérieur du camp. Les soldats gouvernementaux ripostaient, quelquefois en tirant directement dans le camp. Les civils ne pouvaient fuir du camp pendant ces échanges de feu et pouvaient à peine compter sur la protection des murs peu solides ou des toits des abris temporaires. Dans deux de ces cas, des civils furent tués ou blessés dans l’échange de feu ou des salves tirées sur le camp par les soldats une fois que les rebelles avaient fui.41
Jeudi le 11 novembre, par exemple, les combattants des Forces Nationales pour la Libération ont lancé une attaque contre le poste militaire proche du camp de Nyambuye. Ils arrivèrent vers 3 heures du matin, en chantant des chansons religieuses comme quoi ils étaient les “ ingabo z’umwami ”, c’est-à-dire “ armée du Roi ” ou “ ingabo za Yesu ”, c’est-à-dire “ armée de Jésus ”. Une femme jeta un regard en dehors de son abri et vit des hommes armés en uniforme tirer sur le post militaire à partir du camp et aussi à partir d’une colline avoisinante. L’attaque se termina juste après l’aube. Une grand-mère et un enfant furent blessés par des balles perdues.42
Les combattants
des Forces Nationales pour la Libération attaquèrent un poste militaire à
partir de l’intérieur du camp de Mukonko en décembre, frappant aussi dans les
petites heures du matin. Un témoin qui vit un rebelle tirer à partir d’une
position à côté de sa maison, dit que ces combattants chantaient aussi des
chansons comme quoi ils étaient “réellement envoyés par Jésus”.43
Début février,
les Forces Nationales pour la Libération lancèrent une attaque très tôt le
matin sur le poste militaire proche du camp de Kavumu, et la riposte des
soldats gouvernementaux tua un enfant de huit ans et blessa une adolescente dans
le camp. Quelques 10 jours plus tard, le 18 février, les Forces Nationales pour
la Libération attaquèrent un poste militaire à côté à partir de l’intérieur du
camp de Kabezi. Les soldats ripostèrent , et deux civils furent tués,
apparemment chaque côté en tuant un. Un civil qui était au bureau communal où
les soldats étaient stationnés, fut aussi tué par les tirs des rebelles.44
Dans un cas récent, les Forces Nationales pour la Libération attaquèrent un poste militaire tout près du camp de Kinyankonge très tôt le matin du 15 mai. Dans l’échange de tirs avec les soldats gouvernementaux, deux civils furent tués. Onze furent si gravement blessés qu’ils ont eu besoin de soins médicaux à un hôpital à la capitale. Parmi eux se trouvait Léonie Nzeyimana qui dormait avec ses cinq enfants dans leur abri de feuilles et branches lorsqu’elle fut touchée d’une balle au jambe. Sa fille Nadine âgée de quatre ans fut touchée au bras. Une fille de treize ans dans un autre abri fut touchée au dos.45
Même dans les camps où il n’y a pas eu de tels échanges de feu et où les habitants étaient moins vulnérables aux attaques directes qu’il n’aurait été s’ils étaient chez eux, plus il y avait de “sécurité” plus il y avait de risques de malnutrition et de maladies, particulièrement graves et souvent fatales pour les personnes âgées et les jeunes enfants.
Après le regroupement, beaucoup de gens ont rapporté ne plus recevoir des visites nocturnes des rebelles leur demandant--ou exigeant--du soutien, mais les habitants d’environ la moitié des camps où l’on a mené des enquêtes ont affirmé que les combattants des Forces Nationales pour la Libération avaient continué à leur demander des contributions, même à l’intérieur des camps adjacents aux postes militaires et supposés être protégés par les soldats gouvernementaux.46 Deux témoins ont commenté en disant que les soldats ne font généralement pas de patrouille dans les camps après la tombée de la nuit. L’un d’eux a dit, “les militaires ont peur de venir ici la nuit. Ils ont peur des rebelles, alors ils viennent seulement le jour”.47
Quand les habitants des camps vivaient dans leurs maisons, les militaires les attaquaient quelquefois en représailles contre les opérations des Forces Nationales pour la Libération dans la région, en supposant qu’ils avaient fourni le logement, la nourriture, l’information or autre soutien aux combattants. Dans un nombre de cas, des témoins se sont plaints de ce qu’après avoir fui les combats qui se déroulaient près de chez eux, ils retournaient pour trouver leurs maisons brûlées par les militaires.48 Lorsque la population locale est allée vivre dans les camps, les soldats cessèrent les représailles; ceci constitue l’une des raisons pour lesquelles les habitants trouvaient qu’il y avait plus de “sécurité” dans les camps. Mais dans plusieurs cas, les militaires continuaient à punir les civils pour leur soutien supposé pour les Forces Nationales pour la Libération.
Après une attaque des Forces Nationales de la Libération sur les soldats positionnés près du camp de Nyambuye en décembre 1999, des soldats sont venus dans le camp le lendemain et ont ordonné aux habitants d’évacuer le camp et de se rassembler au bureau administratif de la zone qui était proche. Là ils frappèrent les hommes, les femmes, et les enfants, en les accusant d’avoir logé les rebelles. Une femme déclara que les soldats “continuaient de demander où sont les rebelles, d’où viennent-ils ? Ils disaient, “Ils [les rebelles] sont vos enfants’. Ils frappèrent beaucoup de gens, essayant de leur soutirer des informations, même les vieilles femmes et les enfants”.49 Selon une autre femme, des soldats battaient les jeunes hommes particulièrement sévèrement. Elle les vit battre un homme, qui avait à peu près vingt-cinq ans, si violemment qu’il mourut tout de suite. “Après quelque temps,” dit-elle, “il cessa de bouger”.50 Plusieurs autres avaient des bras fracturés et restent invalides suite aux blessures six mois après.51
Vers 9 heures du
matin le jeudi 9 mars 2000, les Forces Nationales Libération ont lancé une
escarmouche au poste militaire de Cinkona, adjacent au camp de Kavumu. Le
combat était sporadique et s’est terminé vers 11 heures du matin quand les
combattants des FNL se replièrent dans les collines. Plus tard cet après-midi,
les militaires arrêtèrent les habitants des camps qui étaient en train de
cultiver sur les collines avoisinantes. Ils les ont accusés de soutenir les
rebelles et ils les ont amenés au poste militaire de Cinkona. Ils frappèrent
plusieurs personnes, dont un homme de trente-trois ans qu’ils battirent de
coups de point, de bâtons et d’une ceinture. Il reçut des blessures sur sa tête
et ses pieds et il a fallu des points de suture pour fermer une des blessures
sur la tête.52
Le samedi 9 avril, les combattants des FNL attaquèrent des militaires qui accompagnaient des civils du camp de Nyambuye qui se rendaient au marché. A l’endroit appelé Remba, ils dressèrent une embuscade aux 12 soldats, on rapporte qu’ils en ont tué dix, dont un capitaine. Trois personnes, qui seraient des civils du camp de Nyambuye, se mirent à l’abri dans des maisons abandonnées pendant l’échange de tirs. Quand les renforcements militaires arrivèrent de Mutanga Nord, ils trouvèrent les trois personnes et les tuèrent. Selon un témoin, pendant toute une semaine les militaires refusèrent aux habitants du camp la permission d’enterrer les morts.53
Après l’attaque du 15 mai près de Kinyankonge mentionnée ci-haut, les militaires ont évacué tous les civils du camp pour le fouiller à la recherche des rebelles. Ils battirent plusieurs habitants du camp à l’aide de bâtons. Un homme, blessé en haut de la tête et en dessous de l’œil, a du se faire soigner à un hôpital en ville.54
Dès le début du regroupement, les autorités militaires avaient précisé que quiconque serait vu en dehors des camps dans des circonstances douteuses serait considéré comme étant rebelle. Début mai, des militaires tirèrent et tuèrent quatre personnes qu’ils trouvèrent en dehors de l’emplacement du camp de Nyambuye.55
Le 17 mars, une
femme de 42 ans, mère six enfants, avait la permission d’aller s’occuper de ses
champs à plusieurs kilomètres du camp de Kabezi. Elle était en train de
cultiver avec un petit groupe d’hommes et de femmes vers 11 heures du matin
lorsque dix soldats sont arrivés par surprise en courant directement vers eux.
Jetant sa houe par terre, la femme effrayée s’enfuit et les balles ont commencé
à siffler autour d’elle. Elle fut touchée au pied d’une distance d’environ 20
mètres. Les soldats l’approchèrent pour l’interroger après l’avoir blessée. Ils
lui demandèrent pourquoi elle avait fui. Elle leur dit qu’elle avait juste eu
peur. Il est difficile de croire que ces soldats l’aient prise pour une
combattante à une si petite distance.56
Le samedi 6 mai, il y avait une escarmouche dans la matinée entre les rebelles des FNL et les soldats gouvernementaux près du camp de Ruyaga. Plus tard cet après-midi des militaires sous le commandement d’un lieutenant trouvèrent deux jeunes gens, Albert Simbakwira (aussi connu sous le nom de Bucumi) et Audifax Nduwayezu, tous deux habitants du camp de Ruyaga, entre ce camp et le camp de Kavumu proche du premier. Même si les deux montrèrent leurs cartes d’identité et affirmèrent avoir été autorisés à quitter le camp, ces militaires les conduisirent au poste militaire de Cinkona, en les battant tout le long du trajet.
Un témoin qui se trouvait au poste a fourni le récit suivant concernant le traitement qu’on avait fait subir aux deux jeunes gens. Il déclara que les militaires avaient donné des houes aux deux hommes et leur avaient dit de creuser des tombes à la mesure exacte de leurs corps.
Les militaires ont alors ligoté Audifax, poursuit le témoin, et l’ont suspendu sur une corde entre deux poteaux. Ils le frappèrent avec de gros bâtons sur le dos et la tête en lui ordonnant en même temps d’avouer qu’il était un rebelle. Il refusa d’avouer.
Le témoin dit que les soldats ont alors ligoté ensemble les bras et les pieds d’Albert derrière son dos et l’ont suspendu sur une corde et battu pour lui faire avouer qu’il était un rebelle. Après quelque temps, Albert déclara qu’il avait été un caporal dans le FDD. Un des soldats tira en l’air pour célébrer cet aveu. Selon le témoin, Albert dit aux soldats qu’il avait quelques fusils Kalachnikov cachés dans sa maison dans le camp. Quand on lui demanda de nommer les autres rebelles, Albert répondit que la plupart de ceux qui avaient combattu avec lui étaient morts, mais plus tard il dit aux soldats qu’Audifax faisait aussi partie de la rébellion et qu’il avait trois grenades au camp. Audifax fut alors encore battu mais il continua d’affirmer qu’il était innocent. Les deux passèrent la nuit ligotés au poteau.
Vers 2 heures de l’après-midi le lendemain, c’était un dimanche, les militaires amenèrent Albert au camp de Ruyaga, habillé en tenue militaire. Les témoins qui l’ont vu là-bas ont affirmé qu’il avait visiblement l’air d’avoir été battu. Deux personnes ont remarqué que des marques de brûlure étaient visibles sur ses bras. Une a même spéculé que les marques avaient été laissées par l’huile chaude, mais il est possible qu’elles étaient des brûlures graves laissées par la corde étant donné la façon dont il avait été ligoté et suspendu en l’air pendant qu’on le battait. Les soldats fouillèrent sa demeure en cherchant des fusils mais n’en trouvèrent pas un. Ils le retournèrent au poste militaire et maintenant on ne sait pas où il se trouve.
Audifax fut
relâché le dimanche après-midi. Deux semaines plus tard les marques sur ses
bras où il avait été ligoté étaient toujours clairement visibles.57
Les militaires ont aussi sévèrement battu et tué des personnes soupçonnées d’être des rebelles qu’ils avaient prises des camps. Le dimanche14 mai Nicodème Sibomana, âgé de trente-quatre ans, termina son travail comme d’habitude à son petit restaurant à l’intérieur du camp de Ruyaga et se dirigea vers sa maison vers 6 heures du soir. Il n’y arriva jamais. Selon des témoins, sa vieille mère, pour qui il était la seule source de soutien, alla le chercher et apprit que des soldats venant du poste militaire qui se ne trouvait pas loin du camp l’avaient amené. Comme Nicodème n’était pas retourné le lundi, elle alla demander des informations au poste militaire et on lui dit de revenir le lendemain. Mardi très tôt le matin, la mère et une autre femme se rendirent encore une fois au poste militaire. A peu près cent mètres avant le poste, elles trouvèrent Nicodème qui était sur le point de mourir à côté d’une route. Son corps était contusionné et enflé à plusieurs endroits, sa bouche était pleine de sables mélangés de sang, et le sang coulait aussi de ses oreilles et de son nez. On amena Nicodème à la clinique locale, à une dizaine de mètres à partir d’où on l’avait trouvé étendu, et on appela l’assistante médicale responsable de la clinique. Elle ne put rien faire et Nicodème mourut presque immédiatement après l’arrivée de l’assistante.
Selon un voisin qui était présent, un des soldats du poste militaire arriva au moment où la famille était en train de laver le corps pour le préparer à l’enterrement. Il dit qu’il regrettait la mort de Nicodème. La famille refusa d’enterrer Nicodème jusqu’à ce que l’administrateur communal, qui vivait au camp, ait porté le cas à l’attention du commandant militaire du lieu. L’administrateur aurait demandé aux soldats pourquoi ils avaient battu Nicodème à mort et ils répondirent qu’ils avaient cru que c’était un rebelle.58
La famille
demanda à l’administrateur communal un cercueil parce que c’était des soldats
qui avaient tué Nicodème. L’administrateur leur donna plutôt une couverture.
Antoine Nduwayezu, officier de la police judiciaire de Bujumbura rurale, vint
conduire une enquête sur la mort de Nicodème et la famille l’enterra.59
A la mi-avril des soldats arrêtèrent trois jeunes pêcheurs accusés d’être des rebelles et les amenèrent au poste militaire de Kiyange. Arrivés là-bas ils furent battus avant d’être amenés à une agence connue sous le nom de Bureau Spécial de Recherche (BSR) et au camp militaire de Kamenge, connu comme camp d’intervention. Selon des témoins, deux furent battus à mort et on disposa de leurs corps dans un dépôt d’ordures, où on les trouva le 26 avril. Le troisième fut libéré fin avril, si sévèrement battu que quelques semaines plus tard il lui était toujours difficile de marcher.60
Dans d’autres cas, des soldats ont battu des personnes soupçonnées d’être des rebelles si sévèrement qu’elles restaient invalides pendant des mois, sinon de façon permanente. Un homme, amené par des soldats à la fin de janvier alors qu’il rentrait au camp de Nyambuye en revenant du travail, était sévèrement battu au dos et aux pieds. Quatre mois plus tard, il éprouvait toujours des difficultés à marcher.61
Des militaires
dans différents postes ligotaient leurs victimes de façon serrée--en utilisant
une technique dite imvuto--et les
suspendaient en l’air avant de les battre. Un homme du camp de Nyambuye était
soumis à ce mauvais traitement le 9 février, apparemment sous la supervision du
Capitaine Michel Ngarambe, aussi connu sous le nom de “Commandant Gisanganya”,
et fut battu sur les pieds, le dos et les mains. Les marques de brûlure
profonde infligée par la corde sur ses bras ainsi que des signes que ces doigts
avaient été brisés étaient clairement visibles quatre mois plus tard.62
Les combattants des Forces Nationales pour la Libération venaient dans les camps pour recruter et sensibiliser les adhérents ainsi que pour collecter les contributions. Les autorités militaires, inquiétées par le fait que les rebelles élargissaient leur soutien dans les camps, décidèrent début mai de fouiller le camp de Kavumu. Ils s’attendaient à trouver dix rebelles ainsi que des armes. Comme le Colonel Samuel Gahiro l’a expliqué aux chercheurs de Human Rights Watch,
Nous avions des informations comme quoi les rebelles venaient des collines jusqu’au camp de Kavumu où ils pouvaient se faire soigner [s’ils étaient blessés] et recevaient de la nourriture et de l’argent. Les gens vivant dans le camp même nous l’ont dit. Ils ont même dit qu’il y avait des armes dans le camp.63
L’opération était de grande envergure et était bien organisée. La nuit du samedi 6 mai, les soldats du poste militaire de Cinkona et d’autres postes ont encerclé le camp pour empêcher quiconque de s’échapper. Le lendemain très tôt le matin, c’est-à-dire le dimanche 7 mai, les autorités civiles et militaires, depuis le niveau du gouverneur de province et le commandant militaire régional jusqu’aux échelons inférieurs, sont venues superviser la fouille. Ils arrivèrent en plusieurs jeeps, accompagnés de 180 gendarmes, quelques dix anciens rebelles en uniforme militaire, et autres jeunes appelés doriya (voir plus bas), dont certains étaient arrivés en camionnettes. Selon le Colonel Gahiro, seuls les gendarmes sont entrés dans le camp; les soldats ont seulement maintenu un périmètre de sécurité autour du camp.
Les autorités demandèrent à tous les habitants du camp de se rassembler, soit sur un haut plateau dominant le camp ou dans un espace ouvert plus bas sur la colline tout près d’un petit marché. Les gendarmes, accompagnés des doriya et des abashingantahe, ont alors commencé à fouiller les abris, apparemment en cherchant des armes ainsi que toute personne qui n’aurait pas répondu à l’ordre de rassemblement. Une femme qui se préparait à enterrer son mari récemment décédé était restée tout près de son corps. Quand les soldats ou les gendarmes l’ont trouvée dans son abri, ils l’ont battue et lui ont ordonné de se rendre au point de rassemblement. Dans un autre cas, un homme de trente ans était resté dans sa demeure pour prendre soin de son frère qui était si malade qu’on ne pouvait pas le déplacer. Deux soldats sont entrés dans l’abri tandis que deux gendarmes attendaient dehors. Les soldats demandèrent à l’homme ce qu’il faisait et où il avait caché les armes. Il leur répondit qu’il n’avait pas d’armes et qu’il prenait soin de son frère malade. Ils commencèrent à le frapper de coups de bâtons et il s’enfuit dehors. Les gendarmes lui dirent qu’il devait amener son frère et se rendre au point de rassemblement, mais les soldats qui étaient à l’intérieur lui ordonnèrent de partir tout de suite. Ainsi il laissa son frère derrière et se rendit au rassemblement. Quand il est retourné plus tard dans la matinée, il a trouvé son abri saccagé et son frère mort étendu par terre; ce n’était pas clair s’il avait succombé aux causes naturelles ou suite aux mauvais traitements des soldats.
Alors que les gendarmes commençaient à circuler dans le camp, les autorités étaient en train d’ordonner aux habitants sur le haut plateau de s’aligner, en lignes séparées pour les hommes et les femmes, et de présenter leurs papiers d’identité aux autorités. Plusieurs habitants racontent qu’ils ont reconnu des anciens rebelles qui accompagnaient les soldats et réalisèrent qu’ils avaient l’intention de dénoncer les autres supposés soutenir la rébellion. Les habitants étaient aussi convaincus que les militaires circulant dans le camp étaient en train de piller des biens.
Quelques personnes se sont alors détachées du groupe sur le plateau et ont commencé à descendre en courant vers les abris. Les gens crièrent que les soldats étaient venus pour piller leurs biens et certains d’entre eux commencèrent à leur lancer des pierres. Selon les habitants du camp, ils ont agi ainsi pour arrêter le pillage; selon le Colonel Gahiro, ils ont agi de la sorte pour saboter l’identification et l’arrestation des rebelles qui se trouvaient dans cette foule.
Les militaires ou les gendarmes arrêtèrent six jeunes gens et une jeune femme, apparemment pour leur avoir lancé des pierres. Au moins un des sept fut identifié comme rebelle par un des anciens rebelles qui participaient à l’opération.
Les sept furent transportés en ville, et là au moins plusieurs d’entre eux furent battus au cours de leur interrogatoire. Cinq étaient libérés par la suite, un d’eux après que ses parents aient payé une amende.
Se rendant compte de la possibilité d’un grand désordre et peut-être aussi de perte de vies, les autorités ont soudainement mis fin à l’opération et ont donné aux militaires et aux gendarmes l’ordre de se retirer du camp, ce qu’ils firent un peu avant midi. Selon le Colonel Gahiro, ils n’arrêtèrent aucun rebelle et ne trouvèrent pas d’armes au camp. Il affirme aussi que les militaires et les gendarmes n’étaient pas impliqués dans le pillage; il admet tout de même que les anciens rebelles qui étaient avec eux auraient volé certaines choses.
Les habitants du camp disent que les gendarmes et les militaires ainsi que les jeunes avec eux ont pris des radios, des vêtements, des chèvres, de la bière et autres biens. Les autorités administratives ont confirmé cette information.64
Plusieurs personnes ont affirmé que les biens pillés avaient été transportés dans des camionnettes.
Un témoin sans association avec le camp a vu beaucoup de ces militaires ou gendarmes descendre la colline à pied et s’arrêter à l’université juste de l’autre côté de la route qui mène au camp. Selon lui, ils étaient dans un état agité, ce qui ne suggérait pas une opération ratée, mais plutôt une opération qui leur avait apporté au moins une quantité de bière qu’ils avaient apparemment déjà consommée.
Les habitants du camp de Kavumu ont rapidement diffusé ces événements et attiré l’attention internationale sur ce cas, qui s’était déroulé seulement à quelques kilomètres du centre de la ville de Bujumbura. Le mardi 9 mai le gouverneur et d’autres autorités militaires et civiles sont allés au camp pour parler avec les abashingantahe et la population à propos du pillage. Ils auraient demandé un inventaire des biens qui manquaient et promis une enquête.65
Jean-Marie Bigirimana, un homme de vingt-cinq ans, fut arrêté au camp de Kavumu le 7 mai, soi-disant parce qu’il avait jeté des pierres à un des colonels qui dirigeaient l’opération. Plutôt qu’être amené avec les autres sept jeunes gens mentionnés plus haut, il fut conduit directement au poste militaire de Cinkona. Quelqu’un qui était là ce matin a confirmé que Bigirimana était arrivé là. Ce témoin déclara aussi que les soldats ont ligoté Bigirimana, l’ont fouetté, et l’ont frappé à la poitrine à l’aide d’un objet pointu. Bigirimana saigna gravemenmt. Selon ce témoin, un colonel et un administrateur communal se trouvaient aussi au poste plus tard ce jour-là et ont vu Bigirimana, blessé et sa chemise baignée de sang, mais ils n’ont rien fait à propos de cette situation.
Les parents de Bigirimana demandèrent aux autorités administratives où il se trouvait mais ne reçurent pas de réponse. Le 19 mai, le premier jour où les habitants du camp de Kavumu ont reçu la permission d’aller cultiver leurs champs depuis l’incident, plusieurs ont vu un corps sans tête, éventré et suspendu entre deux arbres près du poste militaire de Cinkona. On a cru que c’était le corps de Bigirimana.66
Les habitants
des camps dans les communes de Mutimbuzi, Isale, Kanyosha, Mutambu et Kabezi
ont rapporté des cas de viol et de harcèlement sexuel des femmes par les
militaires depuis l’établissement des camps. Dans un nombre de cas, des soldats
ont violé des femmes, souvent après les avoir rencontrées dans un endroit isolé
à l’extérieur du camp ou après les avoir amenées au poste militaire sous un
quelconque prétexte. Dans beaucoup de cas, les militaires ont usé de leur
autorité pour forcer les femmes à avoir des relations sexuelles contre leur
gré, quelquefois en échange de promesses implicites ou explicites de protection
ou moyennant de petits paiements.67
Le 18 avril, quatre soldats ont violé et brutalement maltraité trois jeunes femmes, âgées respectivement de vingt-cinq, dix-neuf et seize ans, qui étaient venues du camp de Nyambuye pour puiser de l’eau à l’endroit appelé Gasanga. Ils trouvèrent les jeunes femmes au point d’eau vers 6:30 du soir, juste quand il commençait à faire sombre, et les forcèrent d’aller à une petite distance où ils commencèrent à les violer. Les autres habitants qui se rendirent compte du crime sont allés alerter un des abashingantahe qui est ensuite venu avec d’autres personnes pour secourir les victimes. Mais comme le point d’eau était loin du camp, les sauveteurs arrivèrent seulement après que les femmes aient été violées pendant plus d’une heure. Deux des trois femmes ont pu retourner à pied au camp de Nyambuye avec le soutien des autres, mais une d’elles était si gravement blessée qu’on a dû la transporter sur un brancard. Elle fut ensuite amenée à l’hôpital du Prince Régent Charles, où elle resta sous traitement pendant onze jours. La nouvelle de ce crime avait tellement circulé et les blessures de la femme tellement graves que sa famille osa se plaindre auprès de l’administrateur local de la commune d’Isale et du Commandant Gisanganya au poste militaire de Gitezi, l’officier en chef des soldats concernés, qui se trouvaient eux-mêmes au poste militaire à la colline de Shesheka. Le commandant aurait répondu qu’il faisait si sombre au moment du viol que les victimes n’auraient pas pu clairement voir les assaillants et donc qu’elles se trompaient en pensant que c’était des soldats gouvernementaux; les auteurs du viol, aurait-il dit, étaient plutôt des rebelles. Les soldats soupçonnés d’avoir commis ce crime ont apparemment été depuis transférés à un autre poste militaire.68
Dans d’autres cas rapportés par les femmes du camp de Nyambuye, une jeune fille de quinze ans fut violée par un soldat sur le chemin alors qu’elle rentrait après avoir vendu ses maniocs au marché de Gahabwa. En ce qui concerne ce cas, la famille a mobilisé d’autres habitants du camp pour la soutenir, et partirent se plaindre auprès du commandant du poste militaire. Apparemment il n’a rien fait pour punir le violeur présumé, celui-ci était plutôt transféré à un autre poste militaire un peu de temps après cet incident.69
Une autre femme du camp de Nyambuye, âgée de vingt-deux ans, fut attaquée par un soldat alors qu’elle allait puiser de l’eau. Mais d’autres personnes qui n’étaient pas loin de là sont accourues et le soldat lui-même a fui.70
Les femmes du camp de Nyambuye étaient tellement préoccupées par l’harcèlement des filles et des jeunes femmes par les soldats du poste militaire avoisinant qu’elles décidèrent d’envoyer des jeunes hommes ou des femmes plus âgées (généralement respectés pour leur âge) quand les militaires demandaient qu’on aille leur chercher de l’eau ou d’autres services au poste militaire (voir plus bas).71
Une famille vivant dans un camp des déplacés 72 a été trois fois victimes dans les six derniers mois, deux fois par des hommes armés en uniforme qui sont entrés de force dans leur maison et qui ont pris leurs biens. La troisième fois, un samedi soir à la mi-mai, quatre hommes--trois d’entre eux en uniforme--sont entrés de force dans leur maison, où les parents dormaient avec leurs huit enfants. Ils ont demandé de l’argent mais, pas contents de la somme reçue, deux d’entre eux ont violé deux filles de la famille, une âgée de treize ans, l’autre de quatorze ans. Ensuite ils ont brutalisé les filles, un d’eux en donnant un coup de pied aux organes génitaux d’une des filles, l’autre en fonçant une louche en bois dans le vagin de l’autre fille. Le père de famille sortit en courant de la maison pour chercher du secours. L’un des hommes en uniforme lui tira sur le dos, et il mourut sur le coup. Les membres de la famille des victimes affirment que ce sont des soldats qui ont commis ces crimes mais la famille n’a pas déposé de plainte contre eux. Quand on leur a demandé pourquoi, un membre de la famille a répondu, “Se plaindre ? A qui?” Dans des cas précédents dont ils avaient connaissance, les victimes ne reçurent pas de suivi ni de la part des autorités locales civiles ni de la part des autorités militaires, qui prenaient toujours la position comme quoi les crimes avaient été commises par des rebelles. L’attaque s’est déroulée dans une zone où il y a beaucoup de postes militaires et a provoqué assez d’agitement que les autres habitants dans la zone ont clairement entendu les bruits. Mais aucun soldat n’est venu au secours de la famille pendant l’attaque et ni les autorités civiles ni les autorités militaires ne sont venues plus tard pour enquêter sur les circonstances du crime.73
Dans un autre
incident qui s’est passé à la mi-janvier de cette année, des militaires ont
envoyé plusieurs filles du camp de Nyamaboko, une d’elle âgée de dix-sept ans,
pour leur acheter de la bière à Buhonga. Au retour, la jeune fille âgée de
dix-sept ans fut arrêtée par un soldat au pied de la colline Gisovu. Les
autres ont pu continuer leur chemin, en la laissant seule avec le soldat. Il
lui ordonna de mettre la bière par terre et d’enlever ses vêtements. Quand elle
refusa, il la menace d’un couteau et la viola. Elle n’a pas déposé plainte
nulle part et elle est juste soulagée que le soldat en question ait été
transféré quelque part ailleurs. Elle vit dans la peur qu’elle aurait contracté
le SIDA au moment du viol.74
Une autre femme du camp de Nyamaboko, âgée de vingt-sept ans et mère de deux enfants, a failli être violée par deux soldats qui se sont introduit à l’endroit où elle vivait en octobre 1999. Quand ils ont essayé d’avoir des relations sexuelles avec elle, elle a poussé de grands cris qui ont attiré l’attention des voisins qui sont intervenus et ont pu chasser les deux assaillants. Même si elle ne fut pas physiquement blessée, l’incident a causé des problèmes entre elle et son mari qui a peur qu’elle aurait attrapé le virus du SIDA et il ne veut plus vivre avec elle.75
La peur des
soldats est si grande que quelquefois les gens refusent d’intervenir même quand
c’est clair qu’une femme est en train d’être violée. Trois jeunes femmes, deux
d’entre elles âgées de vingt ans et l’autre âgée de dix-huit ans, furent
attaquées par des soldats alors qu’elles allaient livrer de l’eau au camp de
Nyamaboko. Un habitant du camp a rapporté que ceux qui les ont entendues
pousser des cris et appelé au secours n’ont pas osé aller les sécourir.76
Dans un autre cas, une jeune femme du camp de Nyambuye apportait de l’eau au poste militaire accompagnée d’autres jeunes femmes. A leur arrivée, un soldat demanda à l’une d’elles, une adolescente, d’avoir des relations sexuelles avec lui. Elle refusa et le soldat commença à la frapper d’un bâton. Les autres n’osèrent pas défendre leur amie et prirent la fuite.77
Les habitants du
camp de Muberure ont connu deux cas de viol, le premier d’une femme qui amenait
de l’eau au poste militaire, le second d’une femme qu’on a surprise alors
qu’elle rentrait des champs dans l’après-midi. Un témoin du camp de Muberure a souligné
que les soldats violaient souvent après avoir bu, une observation faite aussi
par les femmes du camp de Kabezi qui ont particulièrement déploré le
comportement d’un groupe connu sous le nom de groupe mobile. Ces soldats, identifiables à leurs bérets rouges,
maltraitaient les habitants des camps à leur retour de plusieurs semaines de
combat dans les régions intérieures. Pendant les premières semaines du
regroupement, un poste militaire fut établi à l’intérieur du camp de Kabezi. On
rapporte que des soldats de ce poste ont violé des jeunes filles à plusieurs
occasions, généralement après les avoir amenées au poste militaire.78
Beaucoup de témoins ont aussi souligné le fait que les jeunes filles et les femmes ont souvent des rapports sexuels avec des soldats contre leur gré mais sans l’usage de la contrainte physique. Parmi elles figurent les femmes qui ont aussi peur de résister aux demandes d’un soldat; celles qui espèrent l’aide ou la protection--peut-être d’autres soldats--en échange de faveurs sexuelles; et celles qui offrent les services sexuels en échange de petits cadeaux ou de paiement. Une femme, elle-même une veuve qui s’efforce de pourvoir à ses quatre enfants, a expliqué que quelques femmes responsables de ménage peuvent être particulièrement vulnérables à de telles demandes à cause de la nécessité de protéger et nourrir leurs enfants.79
Pendant la période qui a directement suivi le regroupement, les militaires ont forcé des groupes d’hommes à les accompagner à la recherche des rebelles dans le voisinage des camps fraîchement établis. Plus récemment, ils ont demandé à des groupes d’hommes de les rejoindre dans les patrouilles à la recherche des rebelles, d’aller couper les broussailles avec eux (une opération qui avait pour objectif de refuser la couverture aux rebelles), ou de les aider à transporter des biens et équipements d’un poste militaire à un autre. Des hommes des camps de Nyamaboko, Kiyenzi, Muberure, Kabezi, Mubone et Nyambuye ont tous rapporté avoir été forcés d’accompagner les militaires pour travailler en dehors du camp. Dans ces opérations, les militaires plaçaient généralement les civils devant eux pour qu’ils servent de bouclier en cas d’embuscades des rebelles. On exigeait aux habitants des camps de faire ce travail seulement occasionnellement mais ceux-ci détestaient particulièrement ce service parce qu’ils étaient exposés à un risque grave.80
Selon le commentaire d’un témoin,
Les militaires prennent les gens par surprise quand ils ont besoin d’hommes pour les patrouilles. Ils viennent et prennent des hommes forts, quiconque dans les environs, et les forcent à faire la patrouille en dehors du camp. Certains partent mais ne reviennent pas. Les gens ne veulent pas faire ce travail.81
Des groupes de civils qui accompagnaient les militaires couper les broussailles et dégager les bananeraies furent tirés dessus par des rebelles à deux occasions à Chewe et Kinyovu. Au cours d’une sortie à la mi-mai, un soldat fut tué par le feu des rebelles, mais les civils s’échappèrent sans blessures.82
Les soldats demandent généralement aux habitants du camp de leur fournir du bois de chauffage et, quand il n’y a pas d’eau au post militaire--ce qui est quelquefois le cas--de l’eau à boire et pour se laver aussi. Beaucoup ont affirmé qu’ils devaient fournir du bois de chauffage aux militaires une ou deux fois par semaine. Dans certains cas, les familles devaient désigner une personne pour aller chercher de l’eau tous les jours. Au camp de Nyambuye, la source d’eau était à une heure de marche à pied à partir du camp en descendant une colline escarpée et le travail était souvent fait par les femmes. Deux personnes qui étaient particulièrement taxées par ce service se sont plaintes du long temps que cela leur prenait. Elles ont affirmé que les militaires ne pouvaient pas laisser les cultivateurs partir à leurs champs avant que la quantité journalière d’eau n’ait été fournie.83
Ceux qui refusaient de travailler ou qui faisaient un travail jugé insuffisant étaient battus ou on leur refusait la permission de se rendre dans leurs champs la fois suivante qu’ils le désiraient.84
Selon un témoin qui a fourni du bois de chauffage aux militaires à Muberure une fois par semaine, “Les gens cherchent du bois et de l’eau pour les soldats. On les force et ceux qui refusent sont battus, alors personne ne refuse”.85
Un homme qui
refusa fut battu si sévèrement d’un bâton que son bras s’est cassé.86
Malgré les menaces et les punitions, des gens quelquefois refusaient de faire le travail demandé par les militaires. Dans un cas à Nyambuye en mai, le représentant local de la population fut battu aux pieds et au dos parce qu’il n’avait pas pu trouver un nombre suffisant de travailleurs pour amener l’eau.87
A la mi-mai, les habitants du camp de Nyabibondo refusèrent aussi de travailler pour les militaires et leur lancèrent même des pierres. Ils écrirent au ministre responsable de Bujumbura-rurale pour l’informer que les militaires au poste de Mbare
“nous forcent à porter leur nourriture, le riz, au poste militaire, à couper le bois et à puiser de l’eau pour eux. Ceux qui ne peuvent pas ou ne le font pas sont battus. Ils nous forcent à transporter des caisses de bière qu’ils vendent ensuite [pour un bénéfice]. Si on ose dire un mot contre eux, on est jeté en prison et on doit payer une amende de 5.000 francs burundais [équivalents à quatre dollars américains] pour en sortir. Et même quand on paie, on n’est pas toujours libéré.”88
Les militaires sont venus dans le camp et ont battu un certain nombre de personnes, après quoi les habitants du camp ont consenti à reprendre le travail, à condition que les soldats arrêtent de battre les gens.89
On demandait
occasionnellement aux habitants des camps d’aider les soldats à faire d’autres
travaux, tel la construction d’un bâtiment à l’intérieur d’un poste militaire
ou aider à transporter la bière que les soldats allaient ensuite vendre aux
autres. Ceux qui avaient de l’argent pouvaient quelquefois payer pour éviter
ces services, généralement pour 1000 francs burundais, une somme qui pouvait
payer les frais scolaires annuels pour un enfant à l’école primaire.90
Dans un cas
exceptionnel, des femmes du camp de Kavumu furent requises de cultiver les
champs pour les soldats du poste de Cinkona. Une femme âgée de cinquante ans
déclara aux chercheurs de Human Rights Watch qu’elle travaillait la plupart des
jeudis avec un groupe d’environ quarante femmes qui plantaient des mais, des
maniocs et des haricots pour les soldats. Elle dit que les femmes de chacun des
treize secteurs du camp travaillaient dans les champs tour à tour.91
Lors d’une réunion avec les chercheurs de Human Rights Watch, le Ministre de la Défense a reconnu que les civils fournissaient des services aux soldats dans les postes militaires qui se trouvent près des camps, mais il a décrit la situation comme une question de pratique, avec des différences selon les camps, plutôt qu’une politique. Il a dit que dans certaines situations les civils s’étaient portés volontaires pour rendre des services en appréciation pour la protection donnée par les militaires, mais il a admis que cela n’était certainement pas le cas dans la plupart des camps. Il a reconnu qu’exiger ces services était un abus qui devait cesser.92
Quand le gouvernement a forcé les gens à quitter leurs maisons pour les camps, la plupart ont pris peu ou rien de leurs avoirs avec eux. Alors que le processus commençait, les autorités gouvernementales ont visité le camp de Kabezi le 29 septembre et ont promis que quand les gens pourraient retourner chez eux, ils allaient trouver leurs maisons dans les conditions dans lesquelles ils les avaient laissées.
Cependant dans
quelques jours seulement les pilleurs ont commencé à arracher les tôles
galvanisées des toits et à prendre les biens de valeur de l’intérieur des
maisons. La population du camp de Kabezi fut autorisée à se rentrer pour
chercher du bois de chauffage et d’autres provisions après une semaine de
séjour dans le camp. Ils se rendirent compte que la promesse de sécurité de
leurs propriétés n’avait pas été honorée et que les toits et autres possessions
avaient disparu de leurs maisons. Alors qu’on pilla rapidement à certains
endroits, à d’autres endroits le pillage a commencé après des mois. Les
habitants des camps de Maramvya et Muherure ont rapporté que leurs toits furent
volés seulement en janvier 2000. Dans certains cas, les soldats brûlaient aussi
ou même détruisaient les maisons pour que les combattants des FNL ne les
utilisent pas comme abris.93
Comme ces régions avaient été vidées de leur population, il y avait peu de gens qui ont vu les vols, mais les habitants des camps accusent les militaires et leurs aides de ce pillage. Ils disent que seuls les militaires peuvent piller à grande échelle: ils sont les seuls à avoir un accès total à la région et aux marchés dans la ville, ainsi que les seuls à avoir accès à de nombreux véhicules pour transporter leur butin.94
La population vivant dans les camps situés dans les communes de Kanyosha, Mutimbuzi, Isale et Kabezi ont vu des militaires conduisant des véhicules vers la ville et ceux-ci étaient remplis de marchandises volées à la campagne. Selon un témoin de Kabezi, “Nous avons vu des camionnettes pleines de tôles galvanisées, des meubles – pleines de biens volés – des pots et des casseroles, des matelas, des tables et des chaises”.95
Selon les
habitants des camps, les tôles galvanisées sont souvent utilisées pour
construire des étables pour le bétail des riches et les articles ménagers sont
vendus au marché noir à Bujumbura.96
Dans un cas exceptionnel, des habitants du camp de Kiyenzi-Kamutwe ont affirmé qu’ils avaient vu de leurs yeux des soldats piller les maisons sur les collines voisines. Un témoin a expliqué que la colline de Kamutwe domine les collines voisines et donne une vue excellente de la campagne et que les gens n’avaient rien d’autre à faire que de regarder les militaires piller leurs maisons.97
Des représentants des organisations humanitaires internationales œuvrant dans Bujumbura-rurale ont rapporté aux chercheurs de Human Rights Watch le pillage répandu dans la province. Les chercheurs de l’organisation burundaise des droits de l’homme Iteka ont aussi documenté le pillage par les soldats dans cette région.98
Les habitants du camp ont déclaré que certains civils, particulièrement les doriya--de jeunes aides des soldats—aidaient les militaires à piller. Un témoin a expliqué qu’il était autorisé à ces aides de quitter le camp les soirs pour enlever les toits de tôles galvanisées et pour prendre les biens de valeur de l’intérieur des maisons. Ensuite ils amenaient les biens à des endroits désignés à côté des routes et de là ils seraient enlevés le lendemain par les militaires. Ce témoin affirme que sa propre maison fut pillée. Après qu’on ait enfoncé la porte, on prit sa radio, on détruisit les casseroles et on emporta deux matelas.99
Certaines victimes perdirent non seulement les biens qui se trouvaient à l’intérieur des maisons mais aussi leurs outillages agricoles ou les outillages pour leurs métiers. Un charpentier s’est plaint de ce que ses outils avaient été volés ainsi des meubles achevés qui attendaient d’être livrés aux clients.100
Plusieurs hommes
du camp de Nyambuye ont déclaré que des soldats savent qui parmi les habitants
travaille en ville et ainsi amene un
salaire à la maison à la fin du mois. Ils ont dit que les militaires “exigent”
un partage du salaire lorsque ces hommes retournent au camp. Les autres se sont
plaints du fait que quelquefois les soldats s’appropriaient tout simplement des
objets ou des vêtements qu’ils admiraient.101
Les enfants ont souffert peut-être plus que les adultes de la politique de regroupement. Les familles qui n’avaient pas assez de nourriture parce qu’elles ne pouvaient pas exploiter leurs champs nourrissaient souvent leurs enfants en dernier lieu et leur donnaient peu de nourriture. Les cliniques médicales œuvrant dans et autour de Bujumbura sont pleines à leur capacité d’enfants mal nourris particulièrement vulnérables aux maladies. Même si les écoles ont continué de fonctionner dans Bujumbura-rurale et que les enfants avaient l’autorisation de quitter les camps pour aller à l’école, beaucoup de familles ne pouvaient plus payer les frais de scolarité. Pour un enfant à l’école primaire, les frais par trimestre s’élèvent à 500 francs burundais, à peu près $ 0,40; et pour un étudiant du secondaire, les frais sont de 5.000 francs burundais, ou après près $4,25. En plus, les familles doivent acheter l’uniforme et le matériel scolaire. Comme une mère du camp de Kibuye l’a expliqué, avant le regroupement elle pouvait travailler dans les champs des fermiers riches dans une commune voisine pour gagner l’argent nécessaire pour envoyer ses enfants à l’école. Avec les restrictions de mouvement imposées par le regroupement, elle n’avait pas la possibilité de travailler dans les autres régions.102
D’autres familles pauvres avaient pu dans le passé vendre quelques-uns de leurs produits agricoles pour rassembler l’argent nécessaire, mais à cause de l’accès limité à leurs champs, elles ne pouvaient même pas produire assez de nourriture pour pourvoir à leurs besoins, et très peu de gens avaient des surplus à vendre.103
Beaucoup d’enfants n’allaient pas à l’école et avaient pas d’autres activités organisées pour les distraire. Menacés de façon permanente par la faim, ces enfants--surtout les orphelins--rôdaient autour des centres de distribution de nourriture pour essayer de ramasser quelque chose à manger. En se bousculant pour ramasser tout ce qui tombait par terre, ils risquaient d’être battus par des soldats et d’autres personnes chargés de la distribution de nourriture. Ces enfants acharnés s’accroupissaient sous les camionnettes dans la boue qui atteignait les chevilles et ramassaient des petits pois et des épis de maïs tombés des sacs déchirés. Certains couraient d’un endroit à un autre où les sacs de cinquante kilogrammes de nourriture avaient été distribués, esperant trouver ce qui était tombé dans l’ herbe et au même temps éviter les longs bâtons que les autorités balançaient dans leur direction. Au lieu d’apprendre des leçons plus constructives à l’école, ces enfants apprenaient plutôt les leçons de brutalité en se bousculant pour se maintenir en vie.104
Les enfants plus âgés travaillaient pour les soldats, spécialement s’il n’y avait pas d’adultes pour assurer les services requis de leurs familles. Les garçons cherchaient du bois et transportaient les provisions et les filles allaient chercher de l’eau des sources ou des rivières pour satisfaire les besoins journaliers des militaires. Dans certains cas, on demandait aux garçons de quitter le camp avec les militaires, souvent pour transporter les provisions vers un autre poste militaire. Vendredi le 3 mars, par exemple, les militaires ont demandé à trente garçons, âgés de dix à quinze ans, de transporter des provisions du camp de Kabezi au poste militaire qui se trouvait à la colline de Sabwire, une distance d’environ 13 kilomètres. Transportant de la nourriture, de l’eau et des médicaments, ils se sont dirigés vers Sabwire avec quelques soldats qui les suivaient. Quand ils sont arrivés à un terrain de football à la colline de Mpankuhe, avant même d’avoir fait trois kilomètres, un groupe de rebelles tira sur eux de derrière un kiosque et d’une colline lointaine. Trois garçons furent blessés, dont un de quatorze ans qui avait besoin de soins médicaux pour une balle reçue à la jambe. Les soldats savaient bien que cette région autour des collines de Mpankuhe et Masana abritait beaucoup de rebelles qui avaient tendu des embuscades aux militaires dans le passé. Certains habitants des camps croient que cela explique pourquoi les militaires mettent les civils--dans ce cas des enfants civils--devant eux quand ils doivent traverser cette région.105
Certains
enfants, appelés doriya,106 travaillent directement pour les militaires et
passent la plupart du temps en leur compagnie. Un grand nombre de ces enfants
n’ont pas de famille ou se sont rendus compte que leurs familles ne peuvent pas
subvenir à leurs besoins. Ils sont souvent habillés de vieux vêtements ou
pantalons des soldats et sont fiers du prestige qu’ils tirent de l’uniforme
militaire même partiel. En janvier, un chercheur de Human Rights Watch a vu six
jeunes garçons habillés partiellement en uniforme militaire qui suivaient les
militaires et vivaient au poste militaire. Ces garçons ont eux-mêmes déclaré
qu’ils étaient contents de travailler avec les militaires. Un garçon de douze
ans dit que les militaires le nourrissent bien. Un autre, âgé de quatorze ans,
a dit qu’il aimait les fusils.107
Les habitants de
plusieurs camps, y compris les camps de Muberure, Kabezi, Kavumu, Ruyaga,
Nyamaboko et Nyambuye, ont dit que les doriya espionnent dans les camps pour
les soldats, les aident à piller les biens, et servent de guetteurs,
éclaireurs, et porteurs quand les militaires font les patrouilles.108
En plus de la nourriture et des vêtements qu’ils reçoivent des militaires, les enfants reçoivent quelquefois une petite partie des biens pillés en récompense pour leur aide dans le pillage de la propriété d’autrui. Un homme du camp de Muberure a pu savoir qu’une partie de son toit à tôles galvanisées avait été volée en janvier et la plupart des biens de valeur qui se trouvaient dans sa maison avaient aussi disparu. Plus tard il trouva une de ses chemises, volée à cette période, portée par un doriya de son camp et la lui enleva.109
La majorité des Burundais étant âgés de moins de vingt ans, tout espoir de paix dans l’avenir proche dépend évidemment en partie de ce que les enfants et les jeunes gens sont en train d’apprendre maintenant. Elevés dans une culture de fusils et de violence, étant témoins d’actes de brutalité chaque jour, ces jeunes victimes seront les combattants de demain.
[croquis de soldats en train de tuer, fait
par un enfant de 6 ans]
La plupart des
habitants des camps interviewés pour ce rapport ont raconté au moins un cas
d’exactions commises par les membres des forces armées burundaises, mais
beaucoup ont aussi indiqué que ce ne sont pas tous les militaires qui se
comportent de façon abusive. Des témoins du camp de Kabezi qui ont
particulièrement critiqué les membres de la force mobile pour leurs abus ont
aussi noté qu’ils n’avaient pas eu de problèmes avec les gendarmes. Les
habitants du camp de Mubone ont aussi rapporté les exactions de la force mobile
en octobre mais ont ajouté que les soldats stationnés au poste militaire proche
de leur camp désapprouvaient ce comportement. Un homme du camp de Nyambuye dit
que les maisons de sa région avaient été pillées par les soldats venus du poste
militaire de Kanyosha, et non par les soldats stationnés près de son camp.
D’autres racontèrent que des militaires avec qui ils entretenaient de bonnes
relations les avaient fait libérer après une détention arbitraire ou étaient
intervenus quand ils étaient en train d’être battus. D’autres encore ont
raconté comment certains soldats les avaient aidés à s’opposer aux abus commis
par d’autres soldats. Plusieurs ont remarquer que certains soldats se
comportaient mal seulement quand ils ont bu et que d’autres étaient simplement
jeunes et indisciplinés.110
Le “Commandant Gisanganya” Ngarambe, généralement appelé Gisanganya, était un des hauts officiers que beaucoup de témoins ont dit abusif. Un témoin a raconté qu’il avait été ligoté dans la position imvuto et battu par cet officier et ses gardes de corps.111
Un autre témoin a raconté que le “Commandant Gisanganya” était connu pour être particulièrement dur et abusif même avant le regroupement si bien que quelques habitants de la colline de Kwigeze sont allés vivre au camp de Nyambuye au lieu de Muberure qui était sous la responsabilité du “Commandant Gisanganya”. Mais en janvier le “Commandant” fut transféré à Nyambuye, le mettant ainsi en charge des personnes qui avaient espérer pouvoir l’éviter.112
Dans certains cas les autorités administratives coopéraient avec les militaires dans leurs exactions ou au moins en ne faisant rien pour les en dissuader. Dans un cas, une autorité administrative essaya d’extorquer des produits agricoles de trois familles qui refusèrent de se soumettre à sa demande. Selon des témoins qui connaissent bien le cas, l’autorité accusa les jeunes hommes de ces familles d’être des rebelles et ils étaient immédiatement arrêtés et soumis à des tortures. Plus tard deux d’entre eux furent trouvés morts.113
Dans d’autres cas, les autorités administratives ont essayé de limiter les abus des militaires. Des témoins ont raconté que le chef de zone, par exemple, essaya de mettre fin au pillage dans le camp de Kavumu le 7 mai.114
Lorsque des femmes du camp de Nyambuye furent violées, l’administrateur de la commune d’Isale aurait porté le crime à l’attention du “Commandant Gisanganya”.115
En lançant des
attaques sur les postes militaires se trouvant près des camps de regroupement
et quelquefois de l’intérieur de ces camps, comme décrit plus haut, les FNL
augmentaient la probabilité que des civils soient blessés ou meurent à cause
des combats. Les combattants tiraient aussi sur des groupes comprenant les
civils et les soldats gouvernementaux, comme par exemple dans les attaques au
terrain de football de Mpankuhe le 3 mai dans lesquelles trois enfants furent
blessés et dans l’attaque à Remba le 9 avril, aussi décrite plus haut. Les
combattants des FNL ont tendu des embuscades aux véhicules sur les routes
principales qui mènent à Bujumbura, quelquefois pour prendre les biens des
passagers sans les blesser, comme par exemple dans l’attaque sur le bus à la
colline de Kamesa le 25 avril, mais dans d’autres cas ils tuaient et blessaient
les civils, comme par exemple dans l’embuscade qu’ils ont tendue à un bus et
une voiture tout près de Mageyo, où au moins quinze personnes furent
tuées--dont trois enfants--et douze blessées.116
Les rebelles volaient aussi les produits agricoles et d’autres biens trouvés dans les maisons évacuées après que la campagne fut vidée de sa population ordinaire. Beaucoup de habitants des camps ont affirmé que quand ils sont retournés travailler dans leurs champs, ils trouvèrent que d’autres personnes--probablement des rebelles--vivaient dans leurs maisons à leur absence et mangeaient leurs produits agricoles.117
Par ailleurs,
les combattants des FNL venaient dans les camps pour demander ou exiger de
l’argent et autres contributions des habitants. Généralement ils le faisaient
sans leur faire du mal, mais le 23 avril, le dimanche de Pâques, des
combattants des FNL sont arrivés au camp de Ruziba et ont demandé ou forcé les
habitants à leur donner du riz, des haricots, des chèvres, des poules, et des
vêtements, généralement des jeans. Quand un homme de cinquante ans essaya de
les empêcher de prendre ses biens et poussa des cris pour attirer l’attention
des autres, les rebelles l’ont tué. Un témoin a déclaré que le combattant qui
tua cet homme était ivre.118
Dits très disciplinés--surtout en comparaison avec les combattants du FDD qui se battaient dans la région dans le passé--les combattants des FNL ne seraient pas autorisés à boire d’alcool, à jouer les jeux de hasard, à posséder un quelconque symbole de la religion traditionnelle, ou à avoir des relations sexuelles avec les femmes. Ils chantent des hymnes quand ils vont au combat et disent se battre au nom de Dieu.
Certains
combattants ne suivent pas ces règles. Un chef rebelle aurait violé une femme
qui avait été enlevée dans la région de Rukoko, au Nord-Ouest de la ville de
Bujumbura. Il garda cette femme comme sa propre femme contre la volonté de
celle-ci pour un certain temps, et elle devint enceinte.119
Selon un habitant du camp de Nyamaboko, une jeune femme appelée Mélanie fut exécutée par un chef rebelle des FNL parce qu’elle aurait eu des rapports sexuels avec un de ses soldats.120
Les FNL, tout comme l’armée régulière, recrutent et utilisent les doriya, enfants qui servent comme combattants et aides. Un habitant du camp de Kibuye a déclaré avoir vu des doriya, habillés en chemise ou pantalons militaires, certains portant des armes, marcher sur les collines avec les combattants des FNL.121
Des enquêteurs de Human Rights Watch ont interviewé deux doriya, dont un faisait partie des FNL depuis l’âge de seize ans, l’autre depuis l’âge de quinze ans. Les deux ont débuté comme cuisiniers et aides, mais le plus âgé progressa pour devenir un combattant régulier avant la fin d’une année à partir du moment qu’il avait rejoint le groupe.122
Selon des
habitants d’un certain nombre de camps, les combattants des FNL circulent librement
à l’intérieur des camps. Certains ont dit qu’ils voyaient des hommes qu’ils
savent être des rebelles pendant la journée habillés en tenue civile. Selon
eux, les rebelles mettent leur uniforme seulement quand ils vont engager un
combat. Un témoin a raconté que quand les rebelles avaient l’intention
d’attaquer près du camp ou de l’intérieur du camp, ils avisaient les civils de
se mettre à l’abri. Plusieurs témoins ont dit ces les combattants des FNL
venaient dans les camps pendant la nuit pour visiter leurs familles ou amis et
recruter de nouveaux supporteurs. L’on dit que les rebelles disaient à la
population qu’ils veulent seulement “protéger vos maisons et vos champs des
soldats gouvernementaux qui veulent les détruire”. Ils ont aussi distribué des
tracts expliquant leur cause aux habitants des camps dans les communes d’Isale
et Kabezi. Dans le camp de Kabezi, ils se sentirent tellement en sécurité pour
organiser une réunion populaire dans la nuit du 24 avril pour donner des
instructions à la population quant à la façon de réagir aux propositions du
gouvernement pour fermer les camps. Ils leur instruisirent de refuser de
retourner chez eux en petits nombres et de quitter le camp seulement si tout le
monde était autorisé à partir ensemble.123
Un nombre considérable de habitants des camps semblaient connaître beaucoup sur le nombre, l’emplacement, et les mouvements des combattants des FNL. Les habitants des camps de Nyambuye, Kibuye et Muberure dans la commune d’Isale, par exemple, ont tous affirmé que les FNL opèrent partout dans la région et il est connu qu’ils occupent les collines de Singamano, Kirombwe et Nyamukanga sur la frontière entre les communes Isale et Kanyosha.124
Même quand ils
parlaient des cas de confiscation des biens ou même de vols tout court commis
par les combattants des FNL, certains habitants ajoutaient que les rebelles
prenaient seulement ce dont ils avaient besoin pour pourvoir à leurs besoins,
ce qui suggère apparemment une tolérance pour ces abus.125
Le 19 janvier 2000, le gouvernement du Burundi a semblé se plier aux critiques internationales de la politique de regroupement et a annoncé au Conseil de Sécurité des Nations Unies qu’il commencerait le démantèlement de dix camps dans un futur immédiat. Tout comme la décision initiale de forcer les civils à se déplacer semble avoir été motivée par la pression politique, ainsi aussi fut la décision de leur permettre de retourner chez eux, la différence étant que la première était une pression interne et la seconde externe. Dans les deux cas les autorités burundaises n’agissaient principalement pas dans l’intérêt de la population locale.
Le gouvernement burundais n’a pas tenu sa promesse faite en janvier, apparemment parce que des forces importantes au sein du gouvernement voyaient toujours un intérêt à garder la population dans les camps. Il se mit plutôt à offrir un simulacre de démantèlement des camps.
Le 25 février, le Gouverneur de Bujumbura-rurale a identifié onze camps--soi-disant “zones de protection”--qui avaient été démantelés ou devaient être démantelés dans la Phase I du programme. Mais la liste ne comprenait pas seulement les camps de regroupement pour les personnes déplacées de force après septembre 1999 mais aussi les camps abritant les personnes déplacées spontannément, c.a.d., ceux qui avaient fui leurs maisons à différents moments depuis le début de la crise en 1993. La plupart des déplacés spontannés--Hutu et Tutsi--venaient dans ces camps volontairement et restaient là non pas constraints et forcés mais parce qu’ils n’avaient plus aucun endroit où aller. Même s’ils vivaient dans des conditions difficiles, ils ne souffraient pas le niveau de misère de ceux qui étaient forcés dans les camps de regroupement.
Dans quelques
cas, la distinction entre les deux types de camps n’était pas claire. Certains
camps de personnes déplacées sans ordre gouvernmental abritaient aussi les gens
déplacés de force à la suite du regroupement de 1999. Dans un communiqué
concernant la Phase I, le gouvernement semble avoir exploité cette confusion en
évitant de distinguer entre les deux sortes de camps. En réalité, seulement
deux des onze étaient réellement des camps de regroupement qui furent
complètement fermés: le camp de Maramvya dans la commune de Mutimbuzi (pop.
4000), créé le 23 octobre 1999 et démantelé la semaine du 7 février, et le camp
de Kinonko dans la commune de Mutambu (pop. 1500) , établi en novembre
1999 et démantelé la première semaine
de mars. Un troisième camp de regroupement, celui de Muberure, fut
partiellement démantelé à cette même période.126
[photo--le camp de Kinonko démantelé]
Un
des “sites de protection” qui devait être fermé était celui de Gatumba dans la
commune de Mutimbuzi qui abritait des déplacés Hutu qui avaient fui Bujumbura pendant
le conflit de 1995 et 1996. Ce petit site de moins de 500 habitants abritait
des habitants urbains pauvres qui préféraient rester à Gatumba parce qu’ils
n’avaient pas de maisons nulle part ailleurs. Cependant, les autorités ont
insisté pour qu’ils quittent le site au plus tard le 3 mars. Ne sachant où
aller, ces anciens habitants des camps squattent maintenant dans les maisons
évacuées souvent très endommagées dans certains coins de Kamenge, Kinama, et
Buterere dans la ville de Bujumbura. Si les propriétaires de ces maisons
revenaient, ces déplacés seraient encore une fois sans abri.127
Matara dans la commune de Mukike est un autre camp IDP qui devait être fermé en Phase I. Ses habitants sont pour la plupart des Tutsi qui ont fui les combats dans les collines de Bujumbura-rurale. Tout comme les habitants du camp de Gatumba, ils préfèrent rester au camp et ont été autorisés à rester à cause des opérations militaires qui continuent dans leur région d’origine.128
Dans une lettre
datée 5 mars 2000 au Ministre de l’Intérieur, le Gouverneur de Bujumbura-rurale
a décrit les plans de la Phase II de démantèlement des camps. Ces plans étaient
aussi confus que ceux de la Phase I. Neuf sites furent identifiés, dont
certains décrits dans ce rapport comme ayant les plus mauvaises conditions,
tels les camps de Kabezi et Kavumu.129
Mais les plans
prévoyaient de démanteler complètement seulement un des neufs camps. Trois
allaient continuer de fonctionner avec au moins la même population de regroupés
et cinq--qui comptaient une population cumulée de 100.000--devaient être tout
simplement réduits en taille en déplaçant une partie de la population vers de
nouveaux camps qui devaient être créés. La confusion dans ce plan allait
bientôt être sans importance puisqu’en début avril, le gouvernement a
suspendu la Phase II en disant que la situation de sécurité n’était pas bonne
pour permettre sa mise en application.130
En effet,
presque au moment où la Phase II fut annoncée, les autorités burundaises ont
regroupé quelques 6.200 personnes dans un nouveau camp à Muchungwe sans aucune
déclaration. C’est seulement quelques semaines plus tard que l’existence de ce
nouveau camp fut connue.131
Début avril, trois mois après le début initial du démantèlement des camps, seulement quelques 18.000 personnes, à peu près cinq pourcent du total de 352.000 personnes dans les camps, avaient été autorisées à retourner chez elles. Des vingt-trois sites identifiés à ce point pour le démantèlement, seulement neuf étaient réellement des camps de regroupement. Les occupants des quatorze camps des déplacés spontannés, quelques 16.900 personnes, ne voulaient pas en réalité quitter les sites.132
Le gouvernement du Burundi fut finalement forcé de faire de vrais progrès dans le démantèlement des camps après que les chefs des rebelles en aient fait une condition sine qua non pour rejoindre les négociations des paix. Mandela dans sa qualité de médiateur prit le problème au sérieux, allant jusqu’à appeler les camps de regroupement “des camps de concentration”. Le 7 juin 2000, Mandela annonça que Buyoya avait accepté que toutes les personnes dans les camps de regroupement pourraient être libres de rentrer chez eux avant le 31 juillet. Poussé par la perspective d’une visite de Mandela à la mi-juin, le gouvernement se hâta de fermer sept camps d’une population de 111.700 personnes, presque quarante pourcent de ceux qui sont regroupés dans la province.133
Le même jour où la promesse de fermer les camps fut annoncée, des autorités militaires et civiles sont allées dans plusieurs camps pour dire aux habitants qu’ils pouvaient retourner chez eux immédiatement. Lors d’une telle visite un matin au camp de Muyaga, des officiers militaires, le gouverneur de Bujumbura-rurale, l’administrateur de la commune et le chef de zone ont dit que tous les habitants devaient avoir quitté avant Vendredi le 9 juin. Les habitants interprétèrent cela comme une promesse, non comme une menace, et commencèrent à emballer leurs biens immédiatement. Quelques-uns quittèrent le mercredi après-midi, d’autres le lendemain matin. De la même manière des gens du camp de Buhonga commencèrent à rentrer le 7 juin, aussitôt qu’il leur était autorisé de partir. Des officiers militaires sont allés au camp de Nyambuye le 10 juin pour dire aux habitants qu’ils devaient partir immédiatement. Après un applaudissement général, les habitants se mirent rapidement à rassembler leurs biens et quittèrent le camp. Plusieurs étaient fiers de la rapidité de leur départ et les autorités administratives elles-mêmes ont déclaré avoir été surprises par cette rapidité.134
Un nombre de
habitants des camps qui se réjouissaient de la chance de retourner chez eux
croyaient que la décision était motivée par la visite de Mandela plutôt que par
le souci de leur bien-être. Plusieurs ont commenté en disant qu’ils
souhaiteraient que Mandela vienne plus souvent, étant donné qu’il amenait de
tels changements salutaires, alors que les autres exprimaient la peur qu’ils
pourraient être renvoyés dans les camps une fois que Mandela serait parti.135
Certains habitants du camp de Ruyaga originellement de la colline de Kamasa ne sont pas allés à la maison directement mais sont plutôt aller vivre chez des members de famille ou chez des amis sur d’autres collines, comme par ailleurs le firent les habitants du camp de Buhonga. Ils ont dit qu’ils préféraient retourner chez eux seulement quand les voisins des collines adjacentes seraient aussi autorisés à quitter les autres camps.136
Deux des camps
dans lesquels les opérations des rebelles ont été les plus importantes, Kavumu
et Kabezi, ne furent pas complètement démantelés même s’ils étaient parmi ceux
qui avaient été identifiés pour la fermeture le 7 juin. Le matin du 8 juin, les
autorités annoncèrent que tout le monde au camp de Kavumu devait rentrer chez
lui, mais au début de l’après-midi les autorités militaires et civiles
déclarèrent que les habitants de sept des treize collines représentées au camp
de Kavumu ne pouvaient pas rentrer chez eux à cause de l’insécurité qui
continuait de régner sur leurs collines. Les autorités conseillèrent aux
personnes originelles de ces collines de chercher un logement dans des familles
ou chez des amis vivant dans les environs et beaucoup suivirent ce conseil.
Mais d’autres, particulièrement les personnes vulnérables comme les femmes et
les enfants, restèrent dans le camp. Le 9 juin, les représentants des habitants
des sept collines demandèrent à l’administrateur de la commune le moment où ils
seront autorisés de rentrer chez eux. Il n’avait pas de réponse à leur donner
mais il leur donna des assurances comme quoi ceux qui le désiraient pouvaient
rester dans le camp. Cependant en moins d’une semaine le camp s’était vidé. Les
gens de la plupart des collines étaient retournés dans leurs propres maisons et
à peu près 900 familles vivaient chez des membres de famille et chez des amis.137
Les autorités administratives ont permis à environ la moitié des habitants du camp de Kabezi à rentrer chez eux entre le 7 et 9 juin, mais ils dirent à ceux qui vivaient à Masama, Gitega, Mwaza, et Kiremba que les conditions de sécurité restaient trop précaires sur leurs collines et qu’on ne pouvait pas leur permettre de rentrer. Même si la plupart de ceux qui rentrèrent chez eux ne connurent pas de problèmes, certains habitants de la colline de Kabezi étaient effrayés par les combats dans leur voisinage et demandèrent l’autorisation au chef de zone pour retourner dans le camp. Il refusa et ils restèrent chez eux.138
A la fin de
juin, à peu près 100.000 personnes avaient quitté les camps, en quelque sorte
un peu moins du tiers du nombre total des personnes qui avaient été forcées de
quitter leurs maisons dès septembre 1999. 139
Les statistiques sur le nombre des déplacés peuvent être incomplètes. Le camp de Muchungwe, établi en avril, n’est pas généralement inclus sur la liste des “zones de protection”, comme ne l’est pas un camp dans Mugere central (population 3.200) qui a pourtant fonctionné depuis septembre 1999.140
On connaît peu de camps dans la partie sud de Bujumbura-rurale parce qu’ils sont situés loin des routes et dans des régions où il y a souvent des combats. Ni la fermeture de ces camps ni les conditions de vie de ceux qui y habitent toujours n’ont pu être vérifiées.
Même s’ils sont
heureux d’être chez eux encore une fois, ceux qui ont souffert du regroupement
rencontrent beaucoup de difficultés à rétablir leur vie. Beaucoup n’avaient pas
pu cultiver les champs suffisamment pour avoir une production suffisante pour
les besoins en alimentation de leurs familles jusqu’à la prochaine moisson.
Pratiquement personne n’avait de bétail. Les agences internationales
humanitaires, conscientes de l’insuffisance de nourriture, continuent de
distribuer les provisions dans les campagnes. Dans plusieurs régions, comme par
exemple Buhonga et Nyabibondo, les habitants ont un accès facile à l’eau des
ruisseaux locaux. Mais dans les régions au sud de Muyaga et Kavumu, le
système d’approvisionnement en eau a été détruit et les personnes qui en
dépendaient doivent parcourir une grande distance à pied pour chercher de l’eau
à Mutanga ou ailleurs. Des efforts sont en cours pour remédier à cette
situation. Dans d’autres régions, les agences internationales livrent de l’eau.
Les agences qui avaient fourni des services médicaux dans le passé continuent à
le faire.141
Dans certaines régions, presque un cinquième des maisons manquent une partie du toit ou tout le toit et la moitié manifestaient des signes de pillage, tels des portes enfoncées ou des fenêtres cassées. Dans beaucoup de maisons, tous les meubles, les objets de ménage, et les provisions ont été pillées. Un homme qui vit sur la colline de Kwigere a une petite maison qui mesure cinq mètres sur sept, ce qui demande trente-cinq pièces de tôles galvanisées pour un toit. Chaque pièce, achetée neuve, coûte à peu près 5.000 francs burundais, faisant le coût total d’un nouveau toit 175.000 francs burundais ou $ 214, ce qui représenterait plus de huit mois de salaire pour lui.142
Selon un commentaire d’un autre homme,
Avant il y avait trop d’insécurité, ainsi le regroupement devrait être une bonne idée. Mais parce que les conditions dans les camps étaient si mauvaises, en réalité, ce n’était pas une bonne idée. Maintenant ma maison est sans toit et elle est en ruine. Que vais-je donc faire?143
Ceux qui sont retournés chez eux continuent de souffrir de la guerre. Même plus que les soucis de la vie quotidienne, beaucoup d’anciens habitants des camps s’inquiètent de ce que les opérations militaires pourront s’intensifier et qu’ils seront forcés de retourner dans les camps. Plusieurs qui ont exprimé leur inquiétude à propos des combats dans leur région ont précisé qu’ils avaient peur des militaires burundais, pas des rebelles. Un a dit, “Les rebelles passent pendant la nuit et tout le monde sur la colline le sait. Nous n’avons pas peur de leur passage, nous avons peur des soldats pendant le jour.”144
A peu près 150
familles de la colline de Sorezo ont souffert de l’exercice, apparemment
arbitraire, de l’autorité militaire immédiatement après leur rentrée du camp de
Muyaga. Ils avaient été dans leurs maisons pour seulement quelques heures le 8
juin lorsque des soldats sont venus et sans donner d’explication leur donnèrent
l’ordre de quitter l’endroit. Certains de ceux qui étaient affectées par cet
ordre croient que les soldats voulaient évacuer l’endroit parce qu’il est
proche de la résidence du Président Buyoya, mais ils n’ont pas pu obtenir une
explication officielle ni de l’aide pour trouver un autre logement. Des
représentants du groupe sont allés voir le gouverneur de Bujumbura-rurale qui
les a envoyés chez le maire de la ville de Bujumbura. Le maire leur dit qu’il
ne pouvait pas les aider parce que la décision avait été prise par les
militaires. Dans l’entretemps, ils vivent chez des amis et des voisins dans les
régions proches de chez eux.145
Des jeunes gens et des hommes sont toujours requis pour transporter les provisions pour les militaires dans leur mouvement dans la province. Le 14 juin, environ trente soldats sont entrés dans des maisons dans la section Nord de Mutanga dans la ville de Bujumbura et ont demandé à quelques vingt jeunes hommes et garçons hutu, âgés de dix à vingt-cinq ans, de transporter des charges de nourriture et autres provisions sur un trajet de deux heures vers le poste militaire de Nyambuye. Les militaires ont menacé de leur donner des coups de bâtons s’ils n’obéissaient pas à l’ordre. Ces Hutu furent autorisés à quitter le poste pour le trajet de retour seulement juste avant le crépuscule. Ils se dépêchèrent car ils avaient peur d’être pris pour des rebelles par d’autres soldats et tirés dessus avant d’arriver en ville.
Un chercheur de Human Rights Watch a aussi vu des garçons âgés de douze ans, servant comme doriya et transportant les provisions pour les militaires près de la commune de Mutambu en mi-juin.146
Beaucoup plus que n’importe quelle autre force internationale, la condamnation morale de Nelson Mandela a amené le gouvernement burundais à fermer les camps, comme on l’a décrit plus haut. Son efficacité vient en partie de la grande estime dont il jouit et en partie de sa volonté de contester l’idée répandue que Buyoya et la stabilité précaire qu’il semblait représenter ne devraient pas être mis en question de façon trop vigoureuse.
Dès le début,
peu d’observateurs étrangers croyaient que le regroupement serait une solution
efficace à la menace militaire posée par les FNL à la capitale. La plupart
croyaient que Buyoya agissait pour se protéger contre les extrémistes Tutsi, y
compris peut-être d’autres officiers militaires, qui seraient tentés d’essayer
de le renverser s’il ne prenait pas des mesures draconiennes pour mettre fin
aux incursions des rebelles dans la ville.147
En public et en privé, les différents gouvernements étrangers critiquaient la création des camps, en déploraient les conditions inhumaines, et conseillaient au gouvernement burundais de fermer les camps. Le 17 décembre 1999, par exemple, le Département d’Etat américain a sorti une déclaration appelant le gouvernement du Burundi à mettre fin aux camps qui “créaient un ressentiment à long-terme” contre les autorités burundaises et propageaient les maladies et occasionnaient la mort.148
Mais personne n’osait aller aussi loin que Mandela de peur de saper l’autorité de Buyoya.
En essayant de justifier les camps, Buyoya a rejeté les critiques internationales en faisant référence au comportement de la communauté internationale au moment du génocide rwandais. Il aurait déclaré:
Si nous ne gérons pas cette situation de sécurité, il y aura du chaos et
nous disparaîtrons alors que la communauté internationale tournera son dos et
observera. Cette même communauté internationale viendra plus tard nous blâmer
pour les massacres et le génocide, nous devions donc prendre nos
responsabilités.149
Les pays donateurs étaient bien sûr mal placés pour menacer de couper les aides afin de pousser un changement de politique. Après l’embargo imposé en 1996, la plupart des donateurs ont mis fin à l’aide au développement au gouvernement burundais et ne pouvaient donc pas faire de la fermeture des camps une condition pour la continuation de l’assistance.150
En 1998, cependant, la France et la Belgique ont encore promis l’aide au développement pour les secteurs tels que la santé et l’éducation et en avril 2000, la Banque Mondiale a octroyé un crédit de 35 million de dollars américains pour aider à stabiliser l’économie et à restaurer les services sociaux. Lors d’une visite au Burundi en avril, le ministre belge des affaires étrangères Louis Michel a déclaré qu’il était difficile aux Européens d’accepter la politique de regroupement, mais alors plutôt que de pousser pour la fermeture des camps, il souligna la nécessité d’une meilleure aide humanitaire pour améliorer les conditions des habitants des camps.151
Les diplomates étrangers sont quand même intervenus une fois après le pillage du camp de Kavumu le 7 mai. Suite à leur protestations, le Ministre de la Défense demanda à une commission interministérielle de faire des enquêtes sur les rapports faisant état de mauvais comportement des militaires.152
Le Conseil de Sécurité de l’ONU a plusieurs fois exprimé son désaccord avec la politique de regroupement et a demandé que ceux qui étaient concernés soient autorisés à rentrer chez eux.153
D’importants porte-parole des Nations-Unies ont tous condamné les conditions inhumaines des camps de regroupement. En janvier, le Secrétaire-Général Kofi Annan a critiqué cette politique et lancé un avertissement contre la possibilité d’une “catastrophe humaine” dans les camps. Son Représentant Spécial pour les Personnes Déplacées à l’Intérieur de leur proper pays a exprimé son inquiétude face aux conditions dans les camps et la Directrice de l’UNICEF Carol Bellamy a recommandé qu’ils soient rapidement fermés.154
Le Rapporteur Spécial pour le Burundi de la Commission des Droits de l’Homme des Nations Unies, Marie-Thérèse Keita-Bocoum, a recommandé que le gouvernement se penche immédiatement sur le problème de déplacement forcé de la population.155
Mary Robinson, le Haut Commissaire aux Droits de l’Homme des Nations Unies, a déclaré que le regroupement “viole les droits civils et politiques ainsi que économiques, sociaux et culturels de la population affectée”.156
L’Office du Haut Commissaire aux Droits de l’Homme au Burundi n’a pas enquêté sur les les camps et n’a joué aucun rôle dans la diffusion des conditions inhumaines dans lesquelles les habitants des camps vivaient. Pendant presque toute cette période, le personnel de l’ONU était limité par des restrictions de sécurité imposées à la suite de l’assassinat des employés de l’ONU en octobre 1999. Toutefois, les observateurs des droits de l’homme auraient pu documenter les exactions en interviewant les habitants des camps qui venaient en ville. En diffusant des rapports de telles violations, ils auraient pu intensifier la pression sur le gouvernement burundais afin qu’il mette fin à ces abus.
Les civils--personnes qui ne participent pas directement aux hostilités--sont protégés par l’article 3 commun aux Conventions de Genève qui, avec la coutume internationale, régissent la conduite des forces impliquées dans un conflit armé interne. Toutes les parties prenantes à un tel conflit, comme celui du Burundi, sont liées par les dispositions de cet article.
De plus, le gouvernement du Burundi a adhéré en 1977 au Protocole Additionnel II des Conventions de Genève qui donne des détails supplémentaires sur la protection des civils pris dans un conflit armé interne. Ces dispositions s’appliquent aux insurgés ainsi qu’au gouvernement du Burundi et à ses forces armées.
Le principe de la coutume internationale sur l’immunité civile et le principe complémentaire qui demande aux parties en conflit de faire la distinction entre les civils et les combattants à tous moments ont été reconnus par l’Assemblée Générale de l’ONU dans sa Résolution 2444, adoptée à l’unanimité le 19 décembre 1968. Entre autres principes, cette résolution affirme la prohibition d’attaquer les populations civiles et demande à toutes les parties prenantes aux hostilités d’épargner les populations civiles autant que possible.
Le gouvernement burundais a très sérieusement violé le droit international humanitaire en forçant quelques 350.000 personnes à quitter leurs maisons et en les gardant dans des camps où elles souffraient à cause des conditions misérables de vie, certains parmi eux pendant dix mois. L’article 17 (1) du Protocole II interdit un tel déplacement délibéré des civils sauf pour leur sécurité ou si des raisons militaires l’exigent.157
Les combats dans Bujumbura-rurale s’étaient intensifiés pendant les mois qui ont précédé la décision de regroupement, mais la population Hutu courait plus de risque des forces armées burundaises que des insurgés. Le risque de danger n’était pas assez significatif pour exiger la détention des habitants dans des camps et pouvait être minimisé si le gouvernement burundais avait insisté à ce que les membres des forces armées burundaises s’abstiennent d’attaquer la population civile. La résidence forcée dans les camps a exposé les personnes déplacées à un certain nombre d’autres exactions par les forces armées burundaises ainsi qu’à une probabilité de mourir de maladie et de malnutrition plus élevée que si elles étaient restées chez elles. Dans ce sens, le regroupement a en réalité réduit la sécurité des habitants des camps.
Pour déterminer si le regroupement est justifié par “l’exigence des raisons militaires”, la source la plus autorisée dans l’interprétation du Protocole est son commentaire qui stipule:
Les raisons
impératives militaires ne peuvent naturellement pas se justifier par des motifs
politiques. Il serait, par exemple, interdit de déplacer une population aux
fins d'exercer un contrôle plus effectif sur un groupe ethnique dissident.158
Les Hutu de Bujumbura-rurale constituaient une base sociale pour les FNL, et les autorités burundaises les a en effet déplacés pour exercer un contrôle plus étroit sur eux, une raison politique spécifiquement exclue par le Commentaire. Certains habitants de cette province avaient fourni nourriture et logement aux combattants des FNL--volontairement ou sous la contrainte--et avaient ainsi soutenu leurs activités militaires. Mais cette assistance n’était pas essentielle à leur combat pour l’utiliser à justifier son interruption comme une raison militaire “impérative”.
L’article 17 stipule aussi que toutes les mesures possibles doivent être prises pour que la population civile soit accueillie dans “des conditions satisfaisantes de logement, hygiène, santé, sécurité et alimentation” aux endroits où elles ont été dirigées. Comme il est clair à partir des informations présentées plus haut, les autorités burundaises n’ont pas pris de dispositions pour assurer des conditions satisfaisantes, même pour les personnes déplacées longtemps après la décision initiale de regroupement.
Les militaires et les gendarmes et les autres agissant sous leur ordre, tels les doriya, qui ont tué, violé, ou torturé les civils ou qui les ont traités d’une manière humiliante et dégradante, comme détaillé plus haut, ont violé les dispositions de l’article 3 et de l’article 4 du Protocole II et ils n’ont pas respecté les principes reconnus par la Résolution 2444 de l’Assemblée Générale de l’ONU.
Les membres des forces armées burundaises qui ont tiré sans discrimination quand ils menaient les civils vers les camps de regroupement et qui ont tiré directement dans les camps comme par exemple à Kavumu et Kabezi, ont aussi violé ces dispositions du droit international ainsi que l’interdiction d’attaquer les civils.
L’article 4 du Protocole II interdit les punitions collectives. Les membres des forces armées burundaises qui ont battu et autrement maltraité les habitants des camps de Nyambuye, Kavumu, et Kinyankonge après les attaques de leurs postes par les insurgés ont aussi violé cette disposition du droit international humanitaire.
L’article 4(3)(e) du Protocole II et la Convention sur les Droits de l’Enfant, à laquelle le Burundi est aussi une partie prenante, accorde une protection spéciale aux enfants en temps de guerre. En tuant les enfants, en les exposant au feu sans discrimination, en les battant, en leur exigeant de fournir des services, et en les recrutant comme aides, les membres des forces armées burundaises ont violé les droits des enfants spécifiés dans ce Protocole et dans la Convention.
La coutume internationale et le droit conventionnel interdit d’orienter le mouvement des civils pour tenter de protéger les objectifs militaires légitimes des attaques ou de favoriser les opérations militaires. Les militaires et gendarmes burundais qui ont envoyé des hommes et des jeunes gens en tête de leurs patrouilles ou convois, comme par exemple au terrain de football de Mpankuhe où trois enfants furent touchés par les balles des rebelles, ont violé ces dispositions du droit international.
Les militaires, les gendarmes, et les doriya qui ont pillé les propriétés des civils, comme ils ont apparemment fait dans beaucoup d’endroits dans Bujumbura-rurale et au camp de Kavumu le 7 mai, ont violé la coutume internationale et le droit international humanitaire.
Quelques-unes des violations sus-mentionnées auraient été commises par des membres des forces armées burundaises à leur initiative sans ordres directs de leurs supérieurs. Mais ces exactions étaient suffisamment répandues et fréquentes que les officiers qui commandaient les forces armées et les autorités supérieures étaient au courant ou devaient en être au courant. Par le fait de ne pas mettre fin à ces violations commises par les hommes sous leur commandement et par le fait de ne traduire les coupables en justice qu’exceptionnellement, les commandants militaires des forces armées burundaises ont toléré et se sont rendus complices des crimes contre le droit international humanitaire. Dans certains cas, les commandants militaires auraient eux-mêmes ordonné les violations du droit international humanitaire, comme c’est allégué pour le “Commandant Gisanganya” Ngarambe.
Les principes Directeurs Relatifs au Déplacement de Personnes a l’ intérieur de Leur Propre Pays, adoptés en septembre 1998 par l’Assemblée Générale de l’ONU reflètent les aspects du droit international humanitaire décrit en détail plus haut ainsi que la loi des droits de l’homme, et prévoient un code bien établi de normes internationales qui régissent le traitement des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (IDPs). Même s’ils ne constituent pas un instrument obligatoire, les Principes Directeurs sont basés sur des lois internationales qui engagent les Etats et les groupes d’insurgés, et ils ont acquis l’autorité et la force dans la communauté internationale. Par le fait d’avoir violé le droit international humanitaire sur un nombre de chefs d’accusation, le gouvernement burundais s’est nécessairement aussi rendu coupable de ne pas respecter les Principes Directeurs de ces mêmes questions.
Par le fait de forcer la population à se déplacer, le gouvernement du Burundi a contrevenu au principe 6, qui répercute l’article 17 discuté ci-dessus. Par le fait de donner un bref avertissement ou de ne pas du tout donner d’avertissement sur leur déplacement forcé, par le fait de ne fournir aucune explication sur la nécessité de se déplacer, par le fait de ne pas obtenir le consentement de ceux qui devaient être déplacés, et par le fait de ne pas fournir des conditions satisfaisantes pour leur installation dans les camps, le gouvernement a contrevenu au principe 7. Les autorités ont effectué le déplacement de la population dans un mépris total des droits à la sécurité et à la dignité de ceux qui étaient affectés, ce qui constitue une contravention du principe 8, et ont imposé ce déplacement sur des personnes qui étaient à majorité cultivateurs, donc dépendant spécialement de leurs champs, ce qui constitue une contravention du principe 9.
Le principe 10 spécifie que les personnes déplacées doivent être protégées contre la perte de la vie par le meurtre, les exécutions sommaires ou arbitraires, et les disparitions coercitives qui peuvent mener à la mort. Il interdit spécifiquement les attaques directes ou sans discrimination, l’utilisation des personnes déplacées comme bouclier humain, et les attaques sur les camps. Des membres des forces armées burundaises ont contrevenu au principe 10 en se rendant coupables des crimes et attaques décrits ci-dessus.
Des membres des forces armées burundaises ont contrevenu au principe 11 en violant, en torturant , et en commettant d’autres atrocités à l’encontre de l’intégrité physique, mentale et morale des personnes déplacées.
Des membres des forces armées burundaises ont contrevenu au principe 11 en exigeant des services forcés des enfants et au principe 12 en recrutant, en demandant aux enfants ou en leur permettant de participer aux hostilités.
Le principe 14 spécifie que les personnes déplacées ont le droit de se déplacer librement dans les camps et en dehors des camps. Ce principe a été ignoré par les autorités burundaises, tant militaires que civiles, qui ont limité le mouvement des civils pour leurs propres objectifs.
Selon le principe 18, les autorités ont l’obligation de fournir aux personnes déplacées de la nourriture, de l’eau, des abris, des vêtements et des services médicaux ou de s’assurer de l’accessibilité de ces nécessités. Les autorités burundaises ont généralement permis aux agences humanitaires de livrer ces services nécessaires, mais dans certains cas, comme celui de Kavumu dans les premières semaines de l’an 2000, les autorités locales ont contrevenu à ce principe. L’interruption de ces services a aussi contrevenu au principe 25 qui demande de garantir le libre passage du personnel des agences humanitaires.
Le principe 21 prohibe le pillage de la propriété des personnes déplacées et en plus demande la protection des biens laissés derrière au moment de leur déplacement. Des membres des forces armées burundaises ont contrevenu à ce principe et ont pillé et saccagé les biens des personnes déplacées. De plus, les autorités burundaises n’ont pas protégé les propriétés des personnes déplacées contre le vol par leurs propres soldats et gendarmes ou par les insurgés.
Le principe 22 stipule que les personnes déplacées pourront être capables de chercher l’emploi et de participer aux activités économiques. Par le fait que leurs mouvements étaient limités, beaucoup de habitants des camps ont été empêchés de produire des récoltes suffisantes pour leur subsistance ou pour la vente. D’autres ont été empêchés de chercher l’emploi, particulièrement ceux qui auraient pu autrement cultiver les champs des autres ou ceux qui faisaient du commerce ambulant.
Le principe 28 demande aux autorités d’établir des conditions et de fournir les moyens aux personnes déplacées pour qu’elles puissent retourner volontairement chez elles ou de se réinstaller volontairement ailleurs, “en sécurité et dans la dignité”. Le gouvernement du Burundi semble avoir envoyé les gens chez eux avec le même peu de souci pour leur bien-être qu’il a montré en les déplacant en premier lieu.
Selon le principe 29, les autorités ont la responsabilité d’aider les personnes déplacées à récupérer leurs biens pillés. Dans le cas de la fouille du camp de Kavumu le 7 mai, les autorités avaient apparemment commencé à dresser une liste des biens pillés dans le but de rendre le plus de biens possibles aux habitants des camps, mais elles n’ont pas montré d’une autre manière leur volonté d’aider à la récupération des biens pillés ou tout simplement à les remplacer.
Des combattants des FNL qui ont tué, violé, ou autrement blessé les civils, comme ils l’ont fait en tuant les passagers des véhicules tombés dans une embuscade à Mageyo, ont violé la disposition de l’article 3 commun et de l’article 4 commun au Protocole II et n’ont donc pas respecté les principes énoncés dans la Résolution 2444.
Par le fait de tuer des enfants, de les exposer au feu sans discrimination, de les battre, de les exiger à travailler, et de les recruter comme auxiliaires, des combattants des FNL ont violé les droits des enfants spécifiés dans l’article 4 (3)(e) du Protocole II.
La coutume internationale et le droit international interdit d’utiliser la présence des civils pour protéger des endroits des opérations militaires ou pour favoriser or entraver de telles opérations. Les combattants des FNL qui ont utilisé les camps de regroupement pour lancer des attaques sur les postes militaires, comme aux camps de Kabezi et Kinyankonge, ont violé ces provisions du droit international.
Les combattants des FNL qui ont pillé les récoltes et autres propriétés des civils ou ont forcé les civils à leur donner des “contributions”, comme par exemple au camp de Ruziba le 23 avril, ont violé le droit international coutumier et conventionnel qui interdit un tel pillage.
Les combattants des FNL auraient commis quelques-unes de ces violations à leur propre initiative et sans ordres directs de leurs supérieurs. Mais les dirigeants supérieurs des FNL savaient ou devaient savoir que des violations si répandues et fréquentes du droit international humanitaire étaient en train d’être commises par des hommes sous leur commandement direct. Ces autorités ont manqué à faire respecter les dispositions du droit international humanitaire par des combattants sous leur commandement direct. De par l’incapacité de mettre fin à ces violations commises par leurs subordonnés, les dirigeants des FNL ont toléré et se sont rendus coupables de complicité dans les crimes contre le droit international humanitaire. Dans certains cas ils auraient ordonné aux hommes sous leur commandement de commettre ces exactions.
1 Human Rights Watch, interview, Bujumbura, le 12 décembre 1999.
2 Ligue Burundaise des Droits de l’Homme Iteka, Le
Burundi à la croisée des chemins, Rapport Annuel Sur Les Droits de l’Homme,
1999 (Bujumbura, avril 2000), p.53.
3 Les autres groupes ethniques comprennent les Twa, descendants d’un groupe qui vivait de chasse et de cueillette, et les Ganwa, descendants d’anciens rois du Burundi.
4 Voir
Human Rights Watch, International Federation of Human Rights, Ligue des
Droits de la Personne dans la Région des Grands Lacs, Organisation Mondiale
Contre la Torture, Centre National pour la Cooperation au Développement,
National
Centrum Voor Ontwikkelingssame, Novib, Rapport Final de la Commission Internationale d’Enquête sur les Violations des Droits de l’Homme au Burundi depuis le 21 octobre 1993, le 5 juillet, 1994.
5 Human Rights Watch, interviews, Mubone, le 6
mars; Maramvya, le 10 février; Bujumbura, les 15, 16, et 20 mars, et les 25 et
26 avril 2000.
6 Ligue Burundaise des Droits de l’Homme, Iteka, Le Burundi à la croisée des chemins, Rapport Annuel sur les Droits de l’Homme, avril 2000, pp. 9-10.
7 Réseau d’Information Intégré des Nations Unies (IRIN) rapport numéro 901, 11 avril 2000.
8 Human Rights Watch, interviews, Bujumbura, les 12 et 16 décembre 1999.
9 Pour les cas précédents de regroupement au Burundi, voir Proxy Targets Civilians in the War in Burundi, Human Rights Watch, 19987. Disponible au site www.hrw.org
10 Human Rights Watch, interview, Bujumbura, le 18 janvier 2000.
13 Human Rights Watch, interview, Bujumbura, le 24 février 2000.
14 Human Rights Watch, interview, Bujumbura, le 24 février 2000.
15 Human Rights Watch, interviews, Bujumbura, le 1er mars 2000.
16 Human Rights Watch, interview, Bujumbura, le 3 mars 2000.
17 Human Rights Watch, interview, Bujumbura, le 7 mars 2000.
18 Human Rights Watch, interview, Bujumbura, le 3 mars 2000.
19 Human Rights Watch, interviews, Bujumbura, les 15 et 20 mars 2000.
20 Human Rights Watch, interview, Bujumbura, le 22 février 2000.
21 Human Rights Watch, interviews, Bujumbura, les 12 et 16 mars 2000.
22 Human Rights Watch, interview, Mubone, le 6 mars 2000.
23 Human Rights Watch, interview, Bujumbura, le 18 janvier 2000.
24 Human Rights Watch, interview, Bujumbura, le 7 mars 2000.
25 Human Rights Watch, interview, Bujumbura, le 18 janvier 2000.
26 Human Rights Watch, interview, Bujumbura, le 30 mars 2000.
27 Human Rights Watch, interviews, Bujumbura, le 24 février et le 7 mars 2000.
28 Chiffres provenant du Bureau des Nations Unies pour la Coordination des Affaires Humanitaires (OCHA) le 11 février 2000.
29 Notes de terrain prises par Human Rights Watch,
camp de Kavumu, le 12 février 2000.
30 Human Rights Watch, interview, Bujumbura, le 7 mars 2000.
31 Human Rights Watch, interview, Bujumbura, le 7 mars 2000.
32 Human Rights Watch, notes de terrain, Bujumbura, le 14 janvier 2000.
33 Human Rights Watch, interviews, Bujumbura, le 7 janvier et le 3 juin 2000.
34 Human Rights Watch, interviews, Maramvya, le 10
février; Bujumbura, les 3 et 13 mars 2000.
35 Human Rights Watch, interviews, Bujumbura, les 3, 16, et 20 mars 2000.
36 Abashingantahe est un terme en Kirundi pour designer un groupe d’hommes respectés dans la communauté. Ils servent souvent de médiateurs dans les disputes familiales ou dans les disputes de propriété et représentent la population locale auprès des autorités.
37 Human Rights Watch, interviews, Bujumbura, les 1er et 15 mars et le 2 juin 2000.
38 Human Rights Watch, interviews, le 18 janvier, le 24 février et les 1er, 7, 13, et 17 mars 2000.
39 Human Rights Watch, interview, Bujumbura, le 7 janvier, le 20 mai, et le 5 juin 2000.
40 Human Rights Watch, interview, Bujumbura, le 22 février 2000.
41 Human Rights Watch, interviews, Maramvya, le 10 février 2000; Kavumu, le 14 février 2000; Mubone, le 6 mars 2000; Bujumbura, le 22 février, les 3, 7, 10, 12, 15, 16 et 20 mars 2000.
42 Human Rights Watch, interviews, Bujumbura, les 3, 7, 15, et 20 mars 2000.
43 Human Rights Watch, interview, Bujumbura, le 10 mars 2000.
44 Human Rights Watch, rapport sur le Burundi, Neglecting Justice in Making Peace, mars 2000, pp. 3-4.
45 Human Rights Watch, interview, Hôpital Prince Régent Charles, Bujumbura, le 16 mai 2000.
46 Human Rights Watch, interviews, Kavumu, le 16 décembre 1999; Kabezi, le 25 avril; Mubone, le 6 mars; Bujumbura, le 24 février, le 8, 10, et 12 mars, le 9 et 18 mai 2000.
47 Human Rights Watch, interview, Bujumbura, le 12 mars 2000.
48 Human Rights Watch, interviews, Bujumbura, le 24 février; Mukonko, le 10 mars 2000.
49 Human Rights Watch, interview, Bujumbura, le 20 mars 2000.
50 Human Rights Watch, interview, Bujumbura, le 7 mars 2000.
51 Human Rights Watch, interviews, Bujumbura, les 3, 7, et 20 mars 2000.
52 Human Rights Watch, interview, Bujumbura, le 17 mars 2000.
53 Human Rights Watch, interview, Bujumbura, le24 avril 2000.
54 Human Rights Watch, interview, Bujumbura, le 16 mai 2000.
55 Human Rights Watch, interviews, Bujumbura, les 2 et 5 juin 2000.
56 Human Rights Watch, le 25 mars 2000.
57 Human Rights Watch, interviews, Bujumbura et Bujumbura-rurale, les 11, 12, 13, 16, 18 et 19 mai 2000.
58 Human Rights Watch, interview, Bujumbura, le 24 mai 2000.
59 Human Rights Watch, interviews, Bujumbura et Bujumbura-rurale, les 19 et 24 mai 2000.
60 Human Rights Watch, interview, le 20 mai 2000.
61 Human Rights Watch, interview, Bujumbura, le 2 juin 2000.
62 Human Rights Watch, interviews, Bujumbura, les 2 et 5 juin 2000.
63 Human Rights Watch, Bujumbura, le 18 mai 2000.
64 Human Rights Watch, interview, Bujumbura, le 12 mai; Bujumbura-rurale, le 14 juin 2000.
65 Human Rights Watch, interviews, Bujumbura, les 8, 10, 12, 13, 16, 18, et 20 mai 2000; Kavumu, le 18 mai 2000.
66Human Rights Watch, interviews, Kavumu, le 18 mai; Ruyaga, le 19 mai; Bujumbura, les 16, 18, et 20 mai 2000.
67 Human Rights Watch, interviews, Maramvya, le 10 février; Bujumbura, les 22 et 24 février et les 1er, 12 et 13 mars; le 20 mai 2000.
68 Human Rights Watch, interviews, Bujumbura, les 2 et 5 juin 2000.
69 Human Rights Watch, interview, Bujumbura, le 20 mars 2000.
70 Human Rights Watch, Bujumbura, le 7 mars 2000.
71 Human Rights Watch, interview, Bujumbura, le 20 mars 2000.
72 Voir plus bas pour une distinction entre camps des déplacés et camps de regroupement.
73 Human Rights Watch, interview, Bujumbura, le 20 mai 2000.
74 Human Rights Watch, interview, Bujumbura, le 13 mars 2000.
75 Human Rights Watch, interview, Bujumbura, le 13 mars 2000.
76 Human Rights Watch, interview, Bujumbura, le 1er mars 2000.
77 Human Rights Watch, interview, Bujumbura, le 7 mars 2000.
78 Human Rights Watch, interviews, Bujumbura, le 24 février et le 12 mars 2000.
79 Human Rights Watch, interviews, Bujumbura, les 1er et 7 mars 2000.
80 Human Rights Watch, interviews, Mubone, le 6 mars; Bujumbura, les 22 et 24 février, le 13 mars, et le 2 juin 2000.
81 Human Rights Watch, interview, Bujumbura, le 24 février 2000.
82 Human Rights Watch, interviews, Bujumbura, le 2 juin 2000.
83 Human Rights Watch, interviews, Bujumbura, le 7 mars 2000.
84 Human Rights Watch, interviews, Bujumbura, les 22 et 24 février, les 15 et 20 mars, le 16 mai, les 2 et 5 juin 2000.
85 Human Rights Watch, interview, Bujumbura, le 24 février 2000.
86 Human Rights Watch, interview, Bujumbura, le 3 mars 2000.
87 Human Rights Watch, interview, Bujumbura, le 2 juin 2000.
88 Lettre écrite par les residents du camp de Nyabibondo à Monsieur le Ministre encadreur de la province de Bujumbura-rural, le 15 mai 2000.
89 Human Rights Watch, interview, Bujumbura, le 16 mai 2000.
90 Human Rights Watch, interviews, Bujumbura, les 3 et 12 mars 2000.
91 Human Rights Watch, interview, Bujumbura, le 14 février 2000.
92 Human Rights Watch, Bujumbura, le 18 mai 2000.
93 Human Rights Watch, interviews, Maramvya, le 10
février; Bujumbura, le 24 février et le 1é mars 2000.
94 Human Rights Watch, interviews, Kabezi, le 20 janvier 2000; Bujumbura, les 7 et 12 mars 2000.
95 Human Rights Watch, interview, Bujumbura, le 12 mars 2000.
96 Human Rights Watch, interview, Bujumbura, le 18 janvier 2000.
97 Human Rights Watch, interview, Bujumbura, le 22 février 2000.
98 Human Rights Watch, interviews, Kabezi, le 20 janvier 2000; Ligue Burundaise des Droits de l’Homme Iteka, Bulletin d’Information, octobre-décembre 1999, p. 9.
99 Human Rights Watch, interview, Bujumbura, le 22 février 2000.
100 Human Rights Watch, interview, Bujumbura, le 12 février 2000.
101 Human Rights Watch, interviews, Bujumbura, les 3, 7 et 20 mars 2000.
102 Human Rights Watch, interviews, Bujumbura, les 15 et 20 mars 2000.
103 Human Rights Watch, interview, Bujumbura, le 12 mars 2000.
104 Notes de terrain de Human Rights Watch, visites à différents centres de distribution de nourriture, décembre1999-Juin 2000.
105 Human Rights Watch, interviews, Bujumbura, le 12 mars et Kabezi, le 14 mars 2000.
106 Le mot doriya, qui signifie guetteur ou espionne, vient apparemment de l’expression Swahili kufanya doriya, faire la patrouille. Il peut être aussi utilisé pour désigner les jeunes qui aident les militaires.
107 Human Rights Watch, interview, commune de Kabezi, le 21 janvier 2000.
108 Human Rights Watch, interviews, Bujumbura, les 22 et 24 février, les 1er et 12 mars, et le 13 mai 2000.
109 Human Rights Watch, interview, Bujumbura, le 24 février 2000.
110 Human Rights Watch, interviews, Mugone, le 6 mars; Bujumbura, le 18 janvier, les 3, 7, 12, et 20 mars 2000.
111 Human Rights Watch, interview, Bujumbura, le 5 juin 2000.
112 Human Rights Watch, interviews, Bujumbura, le 24 avril 2000.
113 Human Rights Watch, interview, Bujumbura, le 20 mai 2000.
114 Human Rights Watch, interview, Bujumbura, le 13 mai 2000.
115 Human Rights Watch, interview, Bujumbura, le 2 juin 2000.
116 Human Rights Watch, interviews, Bujumbura, les 25 et 26 avril 2000.
117 Human Rights Watch, interviews, Maramvya, le 10 février; Mubone, le 6 mars; Bujumbura, le 18 janvier, le 24 février, les 1er, 10, 12, 15, 16, et 20 mars, et le 16 mai 2000.
118 Human Rights Watch, interview, Bujumbura, le 9 mai 2000.
119 Human Rights Watch, interview, Bujumbura, le 30 juin 2000.
120 Human Rights Watch, interview, Bujumbura, le 13 mars 2000.
121 Human Rights Watch, interview, Bujumbura, le 16 mars 2000.
122 Human Rights Watch, interviews, Bujumbura, les 15 et 16 février 2000.
123 Human Rights Watch, interviews, Kabezi, le 25 avril; Bujumbura, le 22 février, et les 12 et 16 mars 2000.
124 Human Rights Watch, interviews, Bujumbura, le 24 février, les 3 et 20 mars 2000.
125 Human Rights Watch, interview, Bujumbura,
les 22 et 24 février, les 12 et 13 mars 2000.
126 Lettre du Gouverneur de Bujumbura-rural
au Ministre de l’Intérieur, datée le 25 février 2000.
127 Human Rights Watch, interviews, Gatumba, le 15 février et le 3 mars; Kinama, le 14 avril 2000.
128 Human Rights Watch, interview, Matara, le 2 mars 2000.
129 Lettre du Gouverneur de Bujumbura-rurale au Ministre de l’Intérieur, datée le 15 mars 2000.
130 Informations rassemblées par IRIN numéro 14, 1-7 avril 2000.
131 Human Rights Watch, interviews, Bujumbura, les 15 et 16 mai 2000.
132 Rapport d’IRIN numéro 902, le 12 avril
2000.
133 Bureau des Nations Unies pour la Coordination des Affaires Humanitaires, *Bujumbura Rural, 3 ème phase de démantelement (du 08 au 10 juin 2000). +
134 Human Rights Watch, interview, Bujumbura et Bujumbura-rurale, les 12 et 13 juin 2000.
135 Human Rights Watch, interviews, Bujumbura-rurale, les 15 et 28 juin 2000.
136 Human Rights Watch, interviews, Buhonga, le 13 juin et Kavumu, le 14 juin 2000.
137 Human Rights Watch, interviews, Kavumu,
les 13 et 14 juin 2000 et Bujumbura, le 22 juin 2000.
138 Human Rights Watch, interview, Kabezi, le 17 juin 2000.
139 Human Rights Watch, interviews, Bujumbura, les 12 et 13 juin; Sorezo, le 12 juin; Buhonga, le 13 juin; Kavumu, le 14 juin ; Kwigere, le 15 juin, Mutambu, le 16 juin ;et Kabezi, le 17 juin 2000.
140 Human Rights Watch, interview, Mutambu, le 16 juin 2000.
141 Human Rights Watch, interviews, Bujumbura-rurale, les 12, 13 et 15 juin 2000; OCHA, notes, le 28 juin 2000.
142 Human Rights Watch, interview, Kwigere, le 15 juin 2000.
143 Human Rights Watch, interview, Maramya, le 10 février 2000.
144 Human Rights Watch, interview, Bujumbura-rurale, le 15 juin 2000.
145 Human Rights Watch, interview, Bujumbura, le 12 juin 2000.
146 Human Rights Watch, interview, Bujumbura, le 15 juin 2000; observation sur le terrain, commune de Mutambu, le 16 juin 2000.
147 Human Rights Watch, interview, Bujumbura, le 14 décembre 1999.
148 IRIN numéro 825, le 17 décembre 1999.
149 IRIN numéro 901, le 11 avril 2000.
150 Quelques 42 millions de dollars américains furent donnés en assistance humanitaire en 1999. IRIN numéro 871, le 29 février 2000.
151 IRIN numéros 902 du 12 avril et 910 du 26 avril 2000.
152 IRIN numéro 921, le 11 mai 2000.
153 Président du Conseil de Sécurité, Déclaration Orale à la Presse, Vendredi le 3 décembre 1999.
154 IRIN numéro 843 du 20 janvier et numéro 866 du 22 février 2000.
155 IRIN numéro 893, le 30 mars 2000.
156 IRIN numéro 842, le 19 janvier 2000.
157 Le Protocole additionnel II des
Conventions de Genève relatif à la Protection des Victimes des Conflits armés
non Internationaux, auquel le Burundi a adhéré le 10 juin 1993, stipule dans
son Article 17 (1):
Le déplacement de la population civile ne
pourra être ordonné que pour des raisons ayant traite au conflit sauf dans les
cas où la sécurité des personnes civiles ou des raisons militaires impératives
l'exigent. Si un tel déplacement doit être effectué, toutes les mesures
possibles seront prises pourque la population civile soit accueillie dans des
conditions satisfaisantes de logement, de salubrité, d'hygiène, de sécurité, et
d'alimentation.
158 Le Comité International de la
Croix-Rouge, Commentaire sur les Protocoles Additionnels de 1977 (Genève:
Comité International de la Croix-Rouge, 1987), p. 1472.