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« D’une manière ou d’une autre, ils t’auront »

Manuel des techniques de répression au Maroc

© 2022 Brian Stauffer pour Human Rights Watch

Résumé

« Tu nies les calomnies et les accusations absurdes, une par une… Tu te défends contre les coups bas, l’un après l’autre… Tu parles, parles et parles encore. Mais à la fin, d’une manière ou d’une autre, ils t’auront. »


- Omar Radi, journaliste

Le journaliste indépendant Omar Radi, 33 ans, avait l'air un peu fatigué ce 15 juillet 2020, pendant son entretien avec Human Rights Watch sur la terrasse d'un café à Rabat.

Radi sortait tout juste d'une conférence de presse pendant laquelle, assisté de son avocat, il avait réfuté les multiples accusations portées contre lui par un procureur, la police judiciaire et les médias alignés sur l'État au cours des mois précédents : partage de renseignements avec des gouvernements, des entreprises et des organisations étrangers, atteinte à la sécurité intérieure et extérieure de l'État, ivresse sur la voie publique… La liste ne cessait de s'allonger. [1]

La fatigue de Radi pourrait également s’expliquer par les cinq séances d'interrogatoires-marathon par la police – environ neuf heures chacune – qu'il avait subies au cours des deux semaines précédentes. « Je dois mettre fin à cet entretien », s'est-il excusé. « Il faut que je retourne aux locaux de la police, tout de suite, pour une nouvelle séance d'interrogatoire. » Six autres allaient suivre dans les deux semaines suivantes.

La police a fini par arrêter Radi le 29 juillet 2020. Il passera un an en détention préventive, avant qu'un tribunal ne le déclare coupable, le 19 juillet 2021 – non seulement pour les accusations initiales d'espionnage, mais également pour attentat à la pudeur et viol – et ne le condamne à six ans de prison. La peine sera confirmée en appel le 3 mars 2022. Radi est toujours en prison à l’heure où ces lignes sont écrites.

Omar Radi est un journaliste d'investigation. Il s'est fait connaître au début des années 2010, après avoir dénoncé la vaste corruption de l'État dans les secteurs des ressources naturelles et de l'immobilier[2]. Il a défendu les manifestants descendus dans la rue pour revendiquer leurs droits sociaux et économiques dans la région du Rif, au nord du Maroc. Il s’est également fait remarquer par des propos incendiaires tenus lors d'un talk-show en 2018, resté dans les mémoires : « Le ministère de l'Intérieur, qui a abrité la plus grande opération de corruption jamais organisée au Maroc, devrait être dissous. »[3]

Avant que Radi ne soit arrêté puis condamné en 2021, il avait été détenu, jugé et condamné pour un tweet, son smartphone avait été infecté par un logiciel espion, et des médias alignés sur l’État l’avaient pilonné par des centaines d’articles diffamatoires. En 2019, il avait même subi une agression physique d’origine douteuse sur laquelle la police, malgré ses promesses, n'avait apparemment jamais enquêté.

Lire le script de cette vidéo

Maati Monjib

Dans le passé, les opposants marocains subissaient des procès politiques clairs, ce qui faisait d’eux des héros et leur assurait le soutien de l’opinion publique. Aujourd’hui, on les accuse de viol, de vol, de trahison... C’est plus efficace, parce que ça les coupe du soutien populaire.

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"Manuel de repression Comment “gérer” les opposants’ au Maroc"

Voix off

Toute allégation criminelle doit faire l’objet d’une enquête sérieuse et, s’il y a lieu, d’un procès juste. Mais au Maroc, quand l’accusé est un opposant, les procès sont souvent injustes.

Ce n’est là qu’une technique parmi d’autres pour museler les opposants. En fait, les autorités marocaines ont élaboré tout un manuel de techniques.

Après deux ans de recherches, Human Rights Watch dévoile le fonctionnement de ce manuel.

Parmi les techniques utilisées : les campagnes de diffamation, la surveillance vidéo et électronique, les procès biaisés qui se soldent par des verdicts injustes, l’intimidation de témoins, et parfois, la violence physique et le ciblage de membres de la famille.

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1. “campagnes de diffamation

Maati Monjib

Historien et activiste politique, a tenté d’unir l’opposition islamiste et laïque

Ils ont planqué deux caméras vidéo dans les climatiseurs de mon appartement – en voilà un. Ils m’ont filmé dans des moments intimes avec ma fiancée, puis ils ont distribué les vidéos à nos familles – surtout la sienne.

Un laboratoire informatique m’a informé que mon smartphone avait été infecté par le logiciel espion Pegasus, qui permet d’accéder aux courriels, photos, enregistrements, appels téléphoniques... bref, tout. En somme, ils avaient accès à toute ma vie privée.

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#2. Surveillance video et éléctronique

Fouad Abdelmoumni

Militant des droits humains, dénonce régulièrement l’autoritarisme

Ils ont planqué deux caméras vidéo dans les climatiseurs de mon appartement – en voilà un. Ils m’ont filmé dans des moments intimes avec ma fiancée, puis ils ont distribué les vidéos à nos familles – surtout la sienne.

Un laboratoire informatique m’a informé que mon smartphone avait été infecté par le logiciel espion Pegasus, qui permet d’accéder aux courriels, photos, enregistrements, appels téléphoniques... bref, tout. En somme, ils avaient accès à toute ma vie privée.

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#3. Procès biaisés / verdicts injustes

Fatiha et Driss Radi

Parents d'Omar Radi, journaliste qui a enquêté sur la corruption d'État

Omar a été maintenu en détention provisoire sans justification [détaillée] pendant un an, et sans accès à son dossier. Il ne connaissait pas les chefs d’accusation [détaillés] contre lui. Comment pouvait-il se défendre sans même savoir cela ?

Quand le procès d’Omar a commencé, le tribunal a refusé d’entendre les témoins en sa faveur. Finalement, après plusieurs audiences, Omar a été condamné à 6 ans de prison.

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#4. Intimidation de témoins

Afaf Bernani

Employée d'un journal d'opposition, a refusé de témoigner contre son patron

Quand la police m’interrogeait, ils faisaient pression sur moi pour que je dise que le journaliste Taoufik Bouachrine m’avait harcelée sexuellement. Bien sûr, j’ai refusé parce qu’il ne m’avait jamais harcelée. Quand le procès-verbal [de mon interrogatoire] est sorti, j’ai découvert qu’ils me faisaient dire ce que j’avais refusé de dire, et que le procès-verbal avait été falsifié. C’est là où j’ai compris qu’ils voulaient vraiment le faire tomber [Bouachrine]. Quand j’ai protesté, ils m’ont poursuivie pour « diffamation » [de la police] et le tribunal m’a condamné à 6 mois de prison en un temps record. À cause de tout ça, j’ai décidé de quitter le Maroc – je n’avais pas le choix.

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#5. Violence physique

Hicham Mansouri

Ancien manager d'une association de journalisme d'investigation

Je sortais d’une réunion de travail, c’était le soir, je rentrais à pied chez moi, quand deux hommes m’ont brusquement attaqué à coups de poing et de pied.

Ils visaient surtout mon visage, mais ils frappaient aussi toutes les autres parties de mon corps. Comme ils avaient cassé mes lunettes, je n’y voyais plus rien. Je suis tombé à terre, mais ils ont continué à me donner des coups de pied.

L’agression était rapide et professionnelle.

J’ai porté plainte contre X, mais la police n’a pas traité la plainte sérieusement.

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#6. Cibler la famille

Wahiba Khourchech

Ex-officier de police, a accusé son supérieur de harcèlement sexuel

Mon mari a reçu des photos nous montrant moi, mon avocat et ma fille, dans ma chambre d’hôtel. Les photos étaient accompagnées d’un SMS qui disait que je trompais mon mari avec mon avocat.

Une autre fois, je marchais à Casablanca quand deux inconnus m’ont accostée, m’ont menacée et m’ont dit : « Ta fille est morte », en mentionnant son nom.

Ma fille avait 6 ans.

J’ai appelé la maison, Dieu merci elle allait bien. J’étais dans tous mes états.

Texte

Ces tactiques, parmi d’autres, se complètent pour former un écosystème de répression.

L’objectif est de museler les opposants gênants, mais aussi de dissuader tous les détracteurs de l’État de s’exprimer.

La communauté internationale doit dénoncer ces tactiques sournoises et soutenir les voix indépendantes au Maroc.

Procès pour délits d’expression, poursuites pénales

Au cours des deux dernières décennies, Human Rights Watch et d'autres organisations de défense des droits humains ont documenté la manière dont les tribunaux marocains ont condamné des dizaines de journalistes et d’activistes ; et comment ils ont fermé, condamné à de lourdes amendes ou sanctionné de diverses façons les médias indépendants pour « publication de fausses nouvelles », « insultes » ou « diffamation » d’autorités locales, d’organes officiels ou de chefs d'État étrangers, ainsi que pour « atteinte » à la sécurité de l'État ou à l'institution monarchique.[4]

Au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, d’Est en Ouest, les journalistes critiques, commentateurs sur Internet ou simples manifestants sont encore couramment punis par des procès d’opinion, dont le principe même viole clairement le droit à la liberté d'expression. Le Maroc ne fait pas exception. En 2021 et 2022, les commentateurs sur les médias sociaux Chafik Omerani, Mustapha Semlali, Jamila Saadane, Ikram Nazih, Saida El-Alami et Rabie al-Ablaq, ainsi que le manifestant Noureddine Aouaj, ont été condamnés à des peines de prison fermes, simplement pour avoir critiqué pacifiquement des personnalités publiques.

Parallèlement à ces poursuites pour délits d'expression, les autorités marocaines, depuis le milieu des années 2010, ont de plus en plus souvent accusé et poursuivi des journalistes et des activistes éminents pour des crimes autres que d'expression – notamment pour des relations sexuelles consensuelles, mais hors du mariage, seul cadre légalement admis pour les relations intimes au Maroc. Puis, vers la fin des années 2010, les autorités ont commencé à poursuivre leurs détracteurs les plus célèbres pour d’autres types de crimes, grâces et reconnus par le droit international, ceux-là : blanchiment d'argent, espionnage, viol, agression sexuelle… et même traite d’êtres humains.

Selon l'historien et militant de la liberté d'expression Maati Monjib, emprisonné pendant trois mois en 2021 pour blanchiment d'argent, « les procès politiques d’autrefois donnaient du prestige aux dissidents [marocains], faisaient d’eux des héros, mobilisaient l'opinion publique autour d'eux. Les désigner comme des traîtres, des voleurs et des violeurs est la meilleure façon de les réduire au silence. »[5]

« Assassinat symbolique »

Par principe, les crimes graves tels que les agressions sexuelles ou les délits financiers doivent faire l'objet d'enquêtes sans discrimination, et les responsables être traduits en justice et sanctionnés, à l'issue de procès équitables tant pour les plaignants que pour les accusés.

Mais pendant son examen approfondi de 12 affaires judiciaires de ce type au Maroc, impliquant des opposants de l’Etat, Human Rights Watch a constaté que les autorités ne cessaient de violer les droits des accusés, et de manière générale leur droit à un procès équitable. Dans leur quête agressive pour condamner des opposants en vertus d’infractions graves, les autorités ont, de plus, violé les droits de leurs connaissances, partenaires et familles… et même ceux des personnes que les autorités prétendaient être leurs victimes.

Par exemple, Afaf Bernani, une employée de journal devenue activiste, a fui le Maroc après avoir été condamnée en 2018 pour « propos mensongers », parce qu’elle avait accusé la police d'avoir falsifié un PV d’interrogatoire dans lequel elle semblait affirmer que son ancien patron, l’éditeur d’un journal d’opposition Taoufik Bouachrine, l'avait agressée sexuellement. Niant avoir jamais porté une telle accusation contre Bouachrine, elle a déclaré à un journaliste : « Les autorités marocaines ont compris qu'accuser quelqu'un d'un crime sexuel est un « assassinat symbolique » efficace. Cela dépouille leurs cibles de la solidarité internationale et en fait des parias dans leurs propres communautés, rejetés par leurs amis et leurs familles qui sont soit gênés, soit effrayés d’être associés à eux. »[6]

Les poursuites contre Bouachrine, qui purge une peine de 15 ans de prison depuis 2019, tout comme celles contre Omar Radi, Maati Monjib, Soulaiman Raissouni et d'autres détracteurs virulents du système monarchique marocain actuel, ne peuvent qualifiées d’emblée d’attaques contre la liberté d'expression par un gouvernement répressif. Indépendamment des professions et des statuts sociaux des accusés, de telles accusations doivent toujours être prises au sérieux. Ce rapport cherche à examiner la manière dont les autorités ont enquêté sur ces affaires, les faits sur lesquels les accusations étaient basées, et les procédures judiciaires par lesquelles elles ont été jugées.

Après avoir étudié huit cas impliquant 12 procès, dans lesquelles environ 20 militants ou journalistes étaient impliqués à différents titres, ainsi que les attaques contre eux par un groupe de médias manifestement étroitement alignés sur l'establishment sécuritaire marocain, Human Rights Watch conclut dans ce rapport que les autorités marocaines ont développé et affiné tout un manuel de techniques pour museler les opposants, tout en prétendant simplement appliquer la loi contre eux de manière neutre. Ce faisant, les autorités ont violé une longue liste de droits, notamment les droits à la vie privée, à la santé, à la sécurité physique, à la propriété, et le droit à un procès équitable – tout en transformant des procédures pour crimes graves tels que le viol, le détournement de fonds ou l’espionnage, en parodies de procès.

Le diable est dans les détails

Dans deux des affaires examinées par ce rapport, les tribunaux ont prononcé des condamnations en vertus d’accusations contraires au droit international des droits humains. Dans un cas, un tribunal a condamné la journaliste Hajar Raissouni pour avoir eu des relations sexuelles hors mariage avec son fiancé et un avortement illégal. Dans l’autre, un tribunal a condamné le journaliste Hicham Mansouri pour complicité d'adultère avec une femme mariée, elle aussi condamnée. Ces accusations de relations sexuelles extraconjugales et d’avortement violent des droits fondamentaux tels que le droit à la vie privée, à la santé, et à la non-discrimination. Le Maroc devrait supprimer ces crimes de son code pénal et abandonner immédiatement toutes les poursuites sous de tels chefs d'accusation.

Dans d’autres autres affaires judiciaires, qui se sont toutes déroulées après celles de Mansouri et de Raissouni, des journalistes et des activistes ont été accusés d'infractions sexuelles ou financières universellement criminalisées – des accusations desquelles personne ne devrait être à l'abri. Cependant, toute action policière ou judiciaire dans de tels cas doit être équitable, non-discriminatoire , et conforme aux normes internationales.

Pour comprendre comment les autorités marocaines écrasent et musèlent l’opposition, il faut garder en tête un principe-clé : le diable est dans les détails. Pour comprendre pourquoi les poursuites contre des opposants sont souvent des attaques politiques déguisées, il est nécessaire d'examiner une par une les failles procédurales qui entachent le traitement de ces affaires, tant dans leurs phases policières que dans leurs phases judiciaires.

Même quand les accusations criminelles étaient graves, le traitement de l'affaire a donné l'impression, de fait, que les autorités ne prenaient pas ces crimes au sérieux. La violence sexuelle est un problème grave au Maroc – il est important que les autorités combattent la violence sexuelle de manière appropriée et cohérente, en respectant les droits de la personne plaignante tout comme ceux de la personne accusée.

Les outils que l’État utilise pour réprimer ses détracteurs les plus virulents et intimider tous les autres sont nombreux et variés : surveillance physique et électronique, incarcérations abusives, procès biaisés conclus par des verdicts injustes, campagnes de diffamation dans des médias alignés sur l'État, ciblage des membres de la famille ou de proches des détracteurs, tout comme, apparemment, le recours occasionnel à l'intimidation et à la violence physique…

Ces outils, mis bout-à-bout, forment un manuel des techniques employées au Maroc pour écraser l’opposition. En voici les chapitres principaux :

Procédures judiciaires inéquitables

Au Maroc, les procès ciblant des opposants sont souvent entachés de graves violations du droit à une procédure régulière et équitable.

Première de ces violations : les détentions provisoires prolongées sans justification individualisée. Les normes internationales exigent qu'un magistrat rendant une ordonnance de détention provisoire justifie sa décision par écrit, en exposant les motifs individualisés de cette mesure – qui devrait constituer l’exception et non la règle – et que l'ordonnance fasse l'objet d’un examen judiciaire significatif immédiat, puis périodique, par un juge ou un tribunal indépendant du magistrat qui a rendu l'ordonnance. Cependant, aucune justification de ce type n'a été délivrée dans les affaires des journalistes Omar Radi et Soulaiman Raissouni, qui ont tous les deux passé un an en détention provisoire, soit la durée maximale prévue par la législation marocaine.

Des juges ont également empêché les opposants emprisonnés d'accéder à leurs dossiers et de préparer ainsi leur défense de manière adéquate. Radi et Raissouni n'ont eu accès à leurs dossiers qu'après le début de leurs procès. L’activiste Maati Monjib a été maintenu en détention provisoire pendant trois mois alors qu'il faisait l'objet d'une enquête pour détournement de fonds, mais il n'a jamais été autorisé à accéder à son dossier. L'affaire qui s'est ouverte en septembre 2020 est toujours en cours, et en juillet 2022, Monjib n'a toujours pas eu accès à son dossier.

Les tribunaux ont également fréquemment refusé de convoquer les témoins requis par la défense, sans fournir de justifications raisonnables pour leur refus. Le tribunal de première instance de Casablanca a ainsi rejeté un témoin clé dans l'affaire d'espionnage de Radi, arguant que l'entendre aurait « [inutilement] prolongé le procès ».

Les tribunaux ont également contraint des individus à témoigner en faveur de l'accusation, même quand ils s’y refusaient avec véhémence. Dans le procès pour viol du patron de presse d’opposition Taoufik Bouachrine, la police a exercé d'intenses pressions sur les journalistes Hanan Bakour, Afaf Bernani et Amal Houari pour qu'elles témoignent contre Bouachrine – même si elles ne l’accusaient de rien, et même si elles avaient déclaré aux magistrats et à la presse qu’elles refusaient toute implication dans son procès, à quelque titre que ce soit. Les trois femmes ont été arrêtées et conduites au tribunal par la force. Houari et Bernani ont par la suite été condamnées, respectivement pour refus de coopération avec la justice, et pour avoir « diffamé la police ». Bernani a fui le Maroc pour échapper à la prison, et se trouve toujours à l'étranger.

Des tribunaux ont également condamné des opposants en leur absence… alors même qu’ils étaient en prison pendant le déroulement du procès. En août 2021, un tribunal de première instance a ainsi condamné Omar Radi pour « ivresse sur la voie publique », sans l’entendre. Pourquoi ? Simplement parce que ni lui ni ses avocats n’avaient jamais été notifiés de la tenue des audiences, et parce que la police ne l'a jamais sorti de prison (ou il était en détenu provisoirement dans le cadre d’une autre affaire) pour l’amener en salle d’audience. En janvier 2020, Maati Monjib a été condamné à un an de prison pour atteinte à la sûreté de l'État –en son absence lui aussi, alors qu'il était au même moment, lui aussi, en détention provisoire dans le cadre d’une autre affaire. L’affaire d’atteinte à la sureté de l’Etat a été jugée en une audience, dont Ni Monjib ni ses avocats n’avaient été informés de la tenue – et la police ne l'a pas conduit dans la salle d'audience.

Dans une autre affaire, un accusé s'est vu refuser l'accès à l'un de ses avocats. En juin 2021, la police a arrêté un avocat belge engagé par la famille Radi au moment de son arrivée à Casablanca, et l'a empêché d'accéder à la salle d'audience. Il a été expulsé vers la Belgique le lendemain.

Surveillance digitale et vidéo

Toutes ces violations de procédure se sont produites dans un contexte général de harcèlement policier et de violations multiformes des droits des opposants.

Peut-être parallèlement à ceux de milliers d’autres d'individus, les smartphones d'au moins cinq journalistes indépendants et activistes dont Monjib, Radi, Bouachrine, Raissouni et Aboubakr Jamai, ainsi que ceux de plusieurs défenseurs des droits humains dont Fouad Abdelmoumni, et d'avocats dont Abdessadek Bouchattaoui, ont été infectés par le logiciel espion Pegasus entre 2019 et 2021, selon une enquête menée par Amnesty International et une autre par le consortium journalistique Forbidden Stories. [7]

Pegasus, un puissant logiciel que son développeur, la société israélienne NSO Group, affirme ne vendre qu'aux gouvernements, est capable d'accéder aux listes de contacts, de lire les e-mails et les SMS, de tracer les appels, de collecter les mots de passe, de localiser l'appareil ciblé et de prendre le contrôle de son microphone et de sa caméra vidéo pour en faire un outils de surveillance contre son détenteur. [8] Les autorités marocaines ont nié avoir utilisé Pegasus pour espionner des opposants.[9]

Fouad Abdelmoumni, un de ceux dont le téléphone a été infecté par Pegasus, a en outre fait l'objet de vidéosurveillance. En 2020, un expéditeur anonyme a envoyé sur WhatsApp six courtes vidéo montrant Abdelmoumni et sa compagne (ils se marieront l’année suivante), en privé et dans des situations intimes, à plusieurs membres de leurs familles et amis proches. Au Maroc, les relations sexuelles entre personnes non mariées constituent un crime puni de prison et une cause de stigmatisation sociale, en particulier pour les femmes. Selon Abdelmoumni, à en juger par l'angle des prises de vue, les caméras qui ont enregistré les scènes intimes ont été installées à l'intérieur de deux climatiseurs placés dans la chambre et le salon de son appartement.

La mise en examen de Taoufik Bouachrine pour de multiples affaires de viols et agressions sexuelles était en partie fondée sur plusieurs clips vidéo montrant le patron de presse – ou un homme lui ressemblant – dans des situations sexuelles plus ou moins explicites avec plusieurs femmes, dans le bureau de Bouachrine à Casablanca. La police a déclaré avoir trouvé deux caméras dans le bureau de Bouachrine et affirmé qu'il avait lui-même enregistré les vidéos. Bouachrine a nié que les caméras lui appartenaient ou qu'il les avait installées. Il a affirmé que des inconnus avaient, à son insu, placé les caméras dans le faux plafond de son bureau. Des agents de la police les ont récupérées le jour de son arrestation. Bouachrine ne les a pas le faire car, à ce moment-là, il était détenu dans un autre bureau, dans les locaux du journal.

Campagnes de harcèlement dans les médias pro-Makhzen

Bien que les individus dont les affaires sont examinées dans ce rapport n'aient pas tous fini devant un tribunal ou en prison, ils ont tous un dénominateur commun : ils ont fait l'objet, avant même d'être convoqués dans un poste de police, de féroces campagnes de diffamation dans une certaine constellation de sites Internet.

En 2020, 110 journalistes marocains ont signé un « Manifeste contre les médias de diffamation » dans lequel ils déclaraient : « À chaque fois que les autorités ont poursuivi une voix critique, certains sites et journaux se sont empressés d’écrire des articles diffamatoires sans aucune éthique professionnelle, voire enfreignant les lois organisant la presse au Maroc. » [10] De multiples articles d'investigation ont décrit les sites en question comme « proches du palais royal », ou ayant des liens étroits avec la police et les services de renseignement marocains.[11] La dernière section de ce rapport, intitulée « Études de cas : Institutions médiatiques », examine ces allégations en détail, en se concentrant sur trois sites Web : Chouf TV, Barlamane et Le360.

Dans un e-mail envoyé le 14 avril 2022 en réponse à une lettre de Human Rights Watch, Wadi El Moudden, directeur de publication de Le360, a catégoriquement démenti que son site web fasse partie de ce que le manifeste qualifie de « médias de diffamation ». À la mi-juillet 2022, Human Rights Watch n'avait encore reçu aucune réponse à des lettres similaires envoyées le 1er avril, puis à nouveau le 9 mai, à Chouf TV et Barlamane.

Le 10 mai 2022, Human Rights Watch a recherché l'expression « médias de diffamation » sur les sites Chouf TV et Barlamane. Cette recherche n'a donné aucun résultat indiquant une réponse claire ou un positionnement de Chouf TV à l'égard du manifeste. Toutefois, un article publié sous pseudonyme dans Barlamane en novembre 2020 a accusé une journaliste marocaine et militante des droits humains basée aux États-Unis de produire du « journalisme de diffamation ».[12] Un autre article publié dans Barlamane en mars 2022, également sous pseudo, a qualifié plusieurs médias français dont Le Monde, Mediapart et Radio France Internationale de « médias de diffamation » en raison de leur « campagne systématique et coordonnée contre le Maroc et ses services de sécurité ».[13]

À partir d’ici, ce rapport désignera ces sites, dont Chouf TV, Barlamane et Le360, comme des médias ou des sites « pro-Makhzen ».

« Makhzen » est un terme que les Marocains et les observateurs du Maroc utilisent pour désigner un réseau d’hommes et de femmes de pouvoir liés au roi et à son entourage par des liens d’allégeance, de népotisme et de clientélisme.[14] Il ne s’agit pas d’une entité officielle ; il n'y a pas non plus de liste convenue et unique des personnes qui composent le Makhzen. À certains égards, ce terme pourrait être analogue à l’expression « l'État profond » appliquée à certains segments des autorités dans d'autres pays. Le Makhzen fait référence aux personnes qui font office de décideurs de l'ombre au Maroc, avec un rôle prépondérant joué par les services de sécurité et de renseignement. Dans son acceptation courante au Maroc, le terme « Makhzen » fait aussi référence aux services de sécurité et à leurs membres en général.

Les médias pro-Makhzen sont spécialisés dans la publication d'un flot d'articles sur les détracteurs du Makhzen, contenant souvent des insultes vulgaires et des informations personnelles sur eux – notamment des relevés bancaires et immobiliers, des captures d'écran de conversations électroniques privées, des allégations sur des relations sexuelles ou des menaces de les exposer, ainsi que des détails biographiques intimes concernant les membres des familles des individus ciblés ainsi que leurs supporters.

Par exemple, après qu'une femme ait posté une déclaration sur Facebook en soutien au journaliste incarcéré Soulaiman Raissouni, Chouf TV a publié les noms de ses deux parents et leurs appartenances politiques, ainsi que des informations sur des amis de cette femme et même sur les endroits où elle les rencontrait – vraisemblablement dans le but d’intimider la femme en question en montrant qu'ils disposaient d’informations personnelles la concernant, même si elle n'était en aucun cas une personne publique. Le même site a publié l'identité d'une colocataire d'Omar Radi et a insinué qu'il l'avait impliquée dans des activités prétendument « malhonnêtes ».[15]

Après l'arrestation de Radi, le même site a publié une liste de plusieurs personnes présentées comme son « comité de soutien », accompagnée d’insultes et d’allégations scandaleuses sur chacune d'elles. Le « comité de soutien », qui ne s'était jamais présenté comme tel, était en fait un groupe informel échangeant des informations sur l’affaire de Radi, et discutant de stratégies de soutien dans un salon de discussion privé sur l'application de messagerie cryptée Signal.

De tels articles « à scandale » dans des médias sensationnalistes pourraient être défendus, à la rigueur, comme une forme de discours protégé par le droit à la liberté d’expression, dans un pays où un large éventail de voix médiatiques s'épanouiraient. Cependant, dans l'écosphère médiatique fortement restreinte du Maroc, aucun média n'ose couvrir de cette manière les personnalités puissantes du Makhzen. Seuls les opposants et ceux qui gravitent dans leur orbite sont ainsi pris pour cibles.

De nombreux détracteurs marocains des autorités ont confié à Human Rights Watch que même en l'absence de menaces judiciaires à leur encontre, la perspective d'être pris pour cibles dans des sites Web pro-Makhzen les dissuade de s'exprimer. « Quand vous voyez votre nom et vos informations privées exposés là-dedans, vous réfléchissez à deux fois avant de reprendre position publiquement », a déclaré l'un d'eux, demandant à rester anonyme.

Le journaliste Hicham Mansouri, qui a obtenu l'asile en France après avoir passé dix mois en prison au Maroc pour adultère, a déclaré à un journal français en 2020 : « Il y a un climat d'inquisition. Ils connaissent tous nos défauts, toutes nos faiblesses. Ils nous connaissent mieux que nous nous connaissons nous-mêmes. Le but est que chacun de nous finisse par se considérer comme une cible potentielle. Sexe, drogue, alcool… s'ils ne trouvent rien, ils fabriqueront des accusations [contre vous]. »

Surveillance : des articles diffamatoires aux salles d'audience

Plusieurs personnes ciblées ont indiqué à Human Rights Watch que si la plupart des informations publiées à leur sujet dans les médias pro-Makhzen étaient fausses ou déformées, certaines d'entre elles étaient vraies – et suffisamment précises pour les amener à conclure qu'elles n'auraient pu être obtenues que par la surveillance, notamment de leurs communications électroniques.

Par exemple, un mois avant qu'un expéditeur anonyme envoie des vidéos filmées secrètement d'Abdelmoumni en situation intime avec sa partenaire aux parents et amis du couple, Barlamane avait publié une vidéo dénonçant sans le nommer un « activiste senior » qui « [se débauche] avec des jeunes filles dont il pourrait être le grand-père ». Abdelmoumni, auquel la même vidéo reproche, nommément cette fois, son « comportement d'adolescent répugnant », était alors âgé de 62 ans. Sa partenaire d’alors, aujourd'hui son épouse, est une femme d'une trentaine d'années.

Les poursuites engagées contre Omar Radi pour « partage de renseignements avec des entités étrangères » ont été précédées de deux articles dans Chouf TV l'accusant d'être un « espion ». Ces articles contenaient des informations spécifiques qui, selon Radi, ne pouvaient être obtenues qu'en surveillant ses e-mails et ses conversations sur WhatsApp. Bien que les informations en question soient anodines, elles ont ensuite été interprétées par le tribunal comme une preuve de culpabilité.

Dans une indication claire de leurs connexions avec la police, des médias pro-Makhzen ont correctement prédit les dates d'arrestation d'opposants, alors qu’ils étaient encore libres au moment de la parution de l’article. Par exemple, Chouf TV a annoncé le 24 juillet 2020 qu'Omar Radi serait derrière les barreaux d'ici le 29 juillet – date à laquelle la police l'a effectivement arrêté. L'article a depuis été supprimé, mais il est toujours disponible sur les archives Web.[16]

Dans un autre cas, Chouf TV a publié le 17 mai 2020 un article (également supprimé depuis, mais également consultable dans les archives Web) intitulé : « Soulaiman Raissouni : Dernières révélations avant destruction ». L'auteur y écrivait, s'adressant au journaliste : « Les portes de l'enfer s'ouvriront [pour toi]... Nous célébrerons tous l'Aïd al-Fitr [une fête musulmane] un jour qui sera historique, et que tu ne vivras qu'une fois dans ta vie. »[17] Raissouni a été arrêté dans la soirée du 22 mai, la veille de l'Aïd al-Fitr cette année-là. Chouf TV, vraisemblablement prévenu du jour, de l'heure et du lieu de l'arrestation, était là pour la filmer.[18]

Surveillance physique, intimidation, agressions

Plusieurs opposants marocains interviewés par Human Rights Watch pour ce rapport ont indiqué avoir été suivis, à pied ou par des inconnus dans des voitures banalisées, à divers moments et pendant de longues périodes.

Monjib a déclaré que la surveillance physique intermittente faisait partie de sa vie depuis des années. Pendant des semaines ou des mois, selon lui, différentes voitures l'ont suivi partout où il allait, à Rabat et au-delà, ou étaient stationnées devant chez lui 24 heures sur 24.

Des chercheurs de Human Rights Watch ont été épisodiquement suivis par des inconnus dans des voitures banalisées à divers moments au cours des dernières années. En 2019, le concierge d'un immeuble de Casablanca a informé un membre du personnel de Human Rights Watch, qui vivait alors dans l'immeuble, que deux policiers étaient venus poser des questions sur lui et sur sa famille.

Abdellatif Hamamouchi, un proche collaborateur de Monjib et membre de l'Association marocaine des droits de l'homme, le groupe de défense des droits humains le plus important au Maroc, a écrit sur Facebook le 26 avril 2021 :

Depuis plus de trois mois, une voiture avec deux ou trois passagers est garée près de chez moi à Témara [près de Rabat]. Cette voiture me suit partout où je vais […] même quand je suis dans une autre ville. Chose étrange : la même voiture, et le même chauffeur, suivaient le professeur Maati Monjib ou se garaient devant chez lui jusqu'à son arrestation. La même voiture a apparemment été chargée de me surveiller, jusqu'à aujourd'hui.[19]

Le 16 juillet 2014, un autre collègue de Monjib, le journaliste et militant la liberté d'expression Hicham Mansouri, a été agressé dans une rue de Rabat. Vers 21h30, peu après que Mansouri ait quitté Monjib, deux inconnus sont sortis d'une voiture aux vitres teintées et l’ont violemment passé à tabac, même après qu'il soit tombé au sol, avant de sauter dans leur voiture et de s’enfuir.

Mansouri a été transporté aux d’urgences, présentant de multiples ecchymoses sur le visage et le corps. Après qu’il a porté plainte pour voies de fait, la police a déclaré avoir mené une enquête, mais l'a finalement classée faute de preuves.

Le 7 juillet 2019, le journaliste Omar Radi conduisait sa voiture vers minuit à Ain Sebaa, une banlieue de Casablanca, lorsqu'une dizaine d'hommes ont surgi d'un coin sombre et ont attaqué sa voiture à coups de bâton, de pierres et de briques, a raconté Radi à Human Rights Watch. Les agresseurs ont brisé la vitre avant du côté passager, avant que Radi ne parvienne finalement à fuir la scène. Human Rights Watch a consulté des photos montrant les lourds dégâts infligés au véhicule.

Le lendemain matin, Radi s'est rendu à un poste de police près de la scène de l'incident et a déposé plainte. Un policier a promis une enquête, a fourni à Radi un reçu avec un tampon de police et un numéro de dossier, et lui a dit d'utiliser ce numéro pour suivre l’avancement de sa plainte au tribunal d'Ain Sebaa. Des mois plus tard, l'avocat de Radi s'est rendu au tribunal pour voir où en était la plainte. Il a déclaré à Human Rights Watch que le numéro de série indiqué sur le reçu était faux et ne concernait aucun dossier judiciaire existant.

En août 2019, la police a arrêté Hajar Raissouni devant le cabinet de son gynécologue, sur la base de soupçons qu'elle venait de subir un avortement illégal. Le même jour, un procureur a déclaré par communiqué que l'arrestation de la journaliste n’était survenue que fortuitement, parce que le cabinet de gynécologie était sous surveillance policière dans le cadre d'une enquête – légalement mandatée – sur des activités illégales que le cabinet abriterait.

Cependant, Raissouni a déclaré à Human Rights Watch que lors d'une séance d'interrogatoire dans un poste de police plus tard dans la même journée, des agents de police lui ont fourni des détails sur sa relation avec son fiancé de l'époque. Les détails étaient aussi précis que les dates et les heures auxquelles Raissouni était venue à l'appartement de son fiancé pour promener son chien, et même le nom du chien. Raissouni a déclaré à Human Rights Watch que ces informations n'auraient pu être obtenues que par la surveillance physique ou électronique d'elle et de son fiancé.

En décembre 2019, la sœur du militant des droits humains Fouad Abdelmoumni a reçu un appel d'un individu se présentant comme de la police, l'informant à tort qu'Abdelmoumni et « une femme avec laquelle [ils] l'ont surpris » avaient été emprisonnés. Abdelmoumni a déclaré à Human Rights Watch qu'il a interprété cet appel comme un geste destiné à l'intimider par le biais de sa famille.

En février 2019, Ouahiba Khourchech, une policière qui avait été harcelée pendant des mois par des agents de sécurité présumés après qu’elle ait porté plainte pour harcèlement sexuel contre son supérieur hiérarchique, a été abordée par deux inconnus dans une rue de Casablanca, qui lui ont dit : « Ta fille [ils ont mentionné le nom de l'enfant de 6 ans] est morte, tu ne la reverras jamais », avant de s’éloigner. Khourchech a immédiatement appelé sa mère, chez qui se trouvait l'enfant, pour vérifier qu'elles allaient bien. Toutes deux étaient en sécurité.

Maati Monjib a indiqué à Human Rights Watch qu’en juillet et septembre 2014, des inconnus qui marchaient derrière lui dans les rues de Rabat l'ont menacé de violences physiques s'il ne cessait ses critiques contre l'État, avant de s'éloigner rapidement. La deuxième fois, a déclaré Monjib, l’homme lui a dit : « Si tu ne te tais pas, Daech s’occupera de toi. »

Des proches pris pour cibles

Hajar Raissouni a déclaré à Human Rights Watch qu’au cours de son interrogatoire policier en août 2019, la plupart des questions ne portaient pas sur les crimes qu'elle était soupçonnée d'avoir commis — relations sexuelles hors mariage et avortement — mais concernaient plutôt ses deux oncles, le savant religieux Ahmed Raissouni et le journaliste Soulaiman Raissouni, tous deux considérés des détracteurs réputés du system monarchique.

Hajar Raissouni a déclaré à Human Rights Watch qu'elle pensait que son ciblage n'était pas une réponse à sa supposée mauvaise conduite, mais plutôt un moyen pour les autorités de s'en prendre à sa famille. Raissouni a ensuite été condamnée à un an de prison pour relations sexuelles hors mariage et avortement illégal, ce qu'elle avait nié avoir commis. Le roi Mohammed VI l’a graciée quarante-cinq jours plus tard, à la suite d'un tollé des organisations marocaines de défense des droits humains et de la communauté internationale.

En octobre 2020, Chouf TV a cité le nom de la compagne de Fouad Abdelmoumni, après qu'ils aient été filmés clandestinement en situation intime chez lui. Le site web a stigmatisé la femme pour avoir eu des relations sexuelles extraconjugales et a nommément mentionné certains membres de sa famille, apparemment pour les embarrasser à leur tour. Chouf TV a également prétendu en février 2021 que la mère d'un journaliste dissident basé en France avait été victime de chantage à la sextape par « ses amants ». Les noms du journaliste et de sa mère ont été mentionnés dans l'article. Le même site Web a allégué en juin 2020, et plusieurs fois ensuite, qu'un défenseur des droits humains avait engendré un « enfant illégitime » (c'est-à-dire un enfant conçu en dehors du mariage, ce qui est considéré comme un crime selon la loi marocaine) avec une autre militante des droits humains. Le site Web a publié les noms intégraux de l'homme, de la femme ainsi que de l'enfant.

En juillet 2020, une équipe de tournage de Chouf TV s'est rendue dans un lieu rural au Maroc afin d’y interviewer un agriculteur, qui est le père d'une journaliste dissidente. À un moment donné, l'intervieweur a demandé à l'homme ce qu'il ferait s'il apprenait que sa fille avait eu des relations sexuelles sans être mariée. L'agriculteur a répondu qu'une telle situation serait une « catastrophe » et qu'elle « ne serait plus [sa] fille et [il] la rayerait du livret de famille ». Quelques jours plus tard, Chouf TV a publié un article nommant la journaliste et affirmant qu'elle avait eu des relations sexuelles avec un militant des droits humains, faisant référence aux déclarations précédentes de son père. Auparavant, et par la suite, Chouf TV ainsi que d'autres médias pro-Makhzen ont publié de nombreux articles fustigeant la vie privée de la journaliste. Elle vit maintenant en France et n'est pas retournée au Maroc depuis 2018 car elle a « peur de revenir après cette campagne de lynchage », a-t-elle confié à Human Rights Watch.

Afin d’éviter que les personnes mentionnées dans les deux paragraphes précédents ne soient davantage stigmatisées, Human Rights Watch les a anonymisés et s'est abstenu de publier des liens vers les articles et vidéos en question.

En 2020, les entrepreneurs Nasser Ziane et Nabil Nouaydi, fils d'avocats de renom critiques à l'égard des autorités, ont été arrêtés et poursuivis sur la base de diverses accusations, dont « contrefaçon de marque ». Les deux hommes ont été maintenus en détention provisoire pendant six mois sans justification détaillée, puis reconnus coupables à l'issue d'un procès. Ziane a été condamné à trois ans de prison et Nouaydi à dix mois.

Nasser Ziane est le fils de l'avocat Mohamed Ziane, que les autorités ont harcelé pendant des années après qu’il ait défendu des opposants célèbres, dont le leader de la contestation du Rif Nasser Zefzafi et le patron de presse Taoufik Bouachrine, respectivement condamnés à 20 et 15 ans de prison. Nabil Nouaydi est le fils d'Abdelaziz Nouaydi, un éminent avocat des droits humains au Maroc qui a défendu de nombreux détracteurs de l'État, et qui a également été membre du comité consultatif Moyen-Orient et Afrique du Nord de Human Rights Watch.

Lors d’entretiens séparés avec Human Rights Watch, les avocats Nouaydi et Ziane ont déclaré qu'ils soupçonnaient que les arrestations et les procès de leurs fils constituaient des représailles contre leurs propres positions politiques, et un moyen indirect de faire pression sur eux afin qu'ils cessent, ou mettent en sourdine, leur opposition au régime. 

Les finances prises pour cible

En mars 2020, le gouvernement marocain a ordonné aux journaux de cesser d'imprimer et de distribuer des copies papier afin de limiter les interactions sociales dans le cadre de la lutte contre la pandémie de Covid-19, et a créé un fonds de compensation pour payer les salaires des journalistes.[20] Des centaines de journalistes au Maroc, dont ceux du quotidien critique Akhbar Al-Yaoum, ont bénéficié de ce mécanisme jusqu'en octobre 2020. Ce mois-là, le fonds a stoppé les versements de salaires des journalistes d’Akhbar Al-Yaoum, tout en continuant a payer tous les autres.[21] Le gouvernement n'a jamais expliqué cette discrimination ni rétabli les salaires.

Combiné à un boycott publicitaire mené par l'État, et après une décennie de harcèlement du journal – notamment l'emprisonnement de son patron Taoufik Bouachrine ainsi que la détention du rédacteur en chef Soulaiman Raissouni – cet arrêt inexpliqué des salaires a été le coup de grâce financier contre Akhbar Al-Yaoum.[22] Le quotidien a annoncé sa fermeture le 14 mars 2021.[23]

En 2018, le ministère de l'Agriculture a accordé au défenseur des droits humains Fouad Abdelmoumni une subvention d'investissement d'environ 30 000 dollars US pour développer des activités agricoles et d'élevage dans une ferme qu'il possède près de Rabat. Environ deux ans plus tard, l'argent n'avait toujours pas été versé sur le compte bancaire d'Abdelmoumni. Ce dernier a relancé le ministère de l'Agriculture à de multiples reprises, y compris par écrit, et en effectuant 13 visites en personne au siège du ministère. Mais personne n'a jamais répondu à ses lettres, ni accepté de le recevoir ou d’expliquer pourquoi il n’avait pas reçu sa subvention. En avril 2022, Abdelmoumni a déclaré à Human Rights Watch qu’il n'avait toujours pas reçu l'argent.

Conclusion

Comme nous venons de le voir, le « manuel » des autorités marocaines pour museler l’opposition comprend des techniques multiples, variées et toujours agressives.

Certaines de ces techniques, telle que la vidéosurveillance dissimulée dans des domiciles privés, les agressions physiques contre des personnes ciblées, ou les actes d'intimidation contre elles ou leurs proches, sont difficiles à attribuer directement à des agents de l'État.

D'autres techniques du manuel, notamment les campagnes de diffamation contre les opposants sur des sites Web pro-Makhzen, sont sans doute indécentes et contraires à l'éthique et la déontologie, mais pas forcément illégales au regard de la loi marocaine. Il est également difficile de prouver que l'État est directement impliqué dans de telles campagnes. Cependant, à en juger par le contenu que ces sites publient, ils semblent totalement alignés sur les services de sécurité marocains, et parfois même travailler en tandem avec eux. Cette conclusion est également étayée par ce qu'ils ne publient pas – ils ne s’attaquent jamais aux puissants responsables du Makhzen.

Quant aux affaires qui finissent dans des tribunaux ou en prison, certaines sont fondées sur des accusations criminelles graves et identifiables, qui justifient une sanction lorsque la culpabilité est suffisamment prouvée lors d'un procès équitable. Cependant, comme le montre ce rapport, les procès en question sont entachés, depuis les arrestations des suspects jusqu'aux verdicts prononcés à leur encontre, par de multiples violations des garanties d'une procédure régulière et d'un procès équitable. Il existe d'autres cas où les accusations elles-mêmes sont intrinsèquement contraires aux droits humains et n'auraient jamais dû être portées dès le départ, quels que soient les faits.

Toutes ces techniques se combinent et se complètent pour constituer ce qu’on peut décrire comme un écosystème répressif, visant non seulement à museler les individus ou les médias jugés gênants, mais au-delà, à faire peur à tout le monde, dissuadant ainsi de manière préventive tous ceux qui pourraient être tentés de critiquer l’État.  

Ainsi, le « manuel » n'est pas seulement une liste de techniques de répression au Maroc. C'est en fait une méthodologie complète pour faire taire toute opposition.

Recommandations

Aux autorités marocaines

Les autorités marocaines devraient respecter le droit à l'expression pacifique et à la vie privée, et mettre fin à l'utilisation systématique d'une série de pratiques visant à museler et à intimider les dissidents, tout en déguisant le fait qu'il s'agit en fait de représailles pour leurs propos ou leurs activités d’opposants.

Les autorités devraient mettre fin à l’utilisation des méthodes utilisées contre les journalistes critiques, les défenseurs des droits humains et les activistes de la société civile, à savoir :

  • Campagnes orchestrées d'atteinte à la personnalité et de violation de la vie privée sur des sites d'« actualités » qui soutiennent systématiquement les autorités et se spécialisent dans la calomnie des dissidents ;
  • Surveillance des dissidents, notamment par
    • des filatures,
    • l’installation apparente de caméras vidéo dans leurs demeures ou bureaux privés,
    • l’infection apparente de leurs smartphones par des logiciels espions ;
  • Attaques physiques contre des dissidents ou contre leurs biens personnels ;
  • Ciblage des membres des familles des dissidents par des actions policières ou judiciaires abusives ;
  • Enquêtes financières apparemment motivées par des considérations politiques contre des dissidents ou autres mesures administratives injustes affectant leurs finances.

Les plus hautes autorités exécutives du Maroc devraient réformer les agences de sécurité et de renseignement du pays, de manière à les soumettre à un contrôle indépendant, et garantir la transparence de ce contrôle et de leurs opérations, conformément aux normes internationales de droits humains.

Les recommandations que nous formulons ci-dessous, si elles sont mises en œuvre, n'empêcheront pas les autorités marocaines de poursuivre tout individu pour lequel il existe des preuves crédibles et convaincantes qu'il ait commis une infraction largement reconnue comme un acte criminel véritable.

Au Parlement du Maroc

Plusieurs lois marocaines violent intrinsèquement le droit international des droits humains, notamment les droits à la liberté d'expression, à la vie privée, à la santé et à la non-discrimination, garantis par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), que le Maroc a ratifié en 1979, et par la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes que le Maroc a ratifiée en 1993.

Le parlement marocain devrait :

  • Abroger l'article 489 du code pénal, qui interdit les relations homosexuelles consenties entre adultes et les soumet à des peines de prison 
  • Abroger l'article 490 du code pénal, qui interdit les relations sexuelles consenties entre adultes non mariés et les soumet à des peines de prison 
  • Abroger l'article 491 du code pénal, qui interdit les relations adultères entre adultes mariés à d'autres personnes et les soumet à des peines de prison
  • Dépénaliser complètement l'avortement, notamment en abrogeant l'article 454 du code pénal qui criminalise « l'obtention intentionnelle d'un avortement ».

D'autres lois marocaines sont formulées de manière trop vague et risquent ainsi d'être utilisées pour criminaliser des actes qui ne devraient pas l'être, notamment les actes d'expression pacifique. La formulation vague de ces lois ouvre la porte à des interprétations arbitraires par les juges, empêchant une personne d’anticiper raisonnablement quels actes seront considérés comme des crimes.

Le parlement marocain devrait :

  • Modifier l'article 191 du code pénal, qui interdit « de porter atteinte à la sûreté extérieure de l'État en entretenant avec les agents d'une autorité étrangère des intelligences ayant pour objet ou ayant eu pour effet de nuire à la situation militaire ou diplomatique du Maroc ». L'article 191 devrait être modifié de manière à définir le crime d'espionnage d'une manière plus étroite et précise conforme au droit international ainsi qu’à ses normes ;
  • Abolir ou modifier l'article 206 du code pénal, qui interdit « de porter atteinte à la sûreté intérieure de l'État en recevant une rémunération d'une entité étrangère pour une activité ou une propagande de nature à ébranler la fidélité que les citoyens doivent à l'État et aux institutions du peuple marocain. » S’il est modifié, la nouvelle version de cet article devrait définir « l'atteinte à la sûreté intérieure de l'État » d'une manière étroite et précise conforme au droit international ainsi qu’à ses normes.

Les délits d’expression non violente sont toujours criminalisés au Maroc, en vertu du code de la presse ou du code pénal, d'une manière qui est contraire aux obligations du Maroc de respecter la liberté d'expression en vertu du PIDCP.

Le parlement marocain devrait :

  • Abroger les lois
    • sur l'atteinte au régime monarchique et à la religion islamique (code pénal article 267-5 et code de la presse article 71),
    • sur la diffamation, l’insulte ou l’offense envers la vie privée de la personne du Roi ou envers la personne de l’Héritier du Trône ou des membres de la famille royale ou la violation du respect dû au Roi (article 179 du code pénal, tel que révisé en 2016, article 71 du code de la presse),
    • sur l'outrage envers les corps constitués (article 265 du code pénal).

Tout au moins, le Parlement devrait abolir les peines de prison que le code pénal impose comme une des peines possibles pour ces infractions.

  • Pour les infractions du code pénal et de la presse qui découlent de critères de restriction d'expression que le PIDCP autorise en vertu des articles 19(3) et 20, le Parlement devrait affiner et clarifier la définition de chaque infraction afin que (1) elle soit formulée avec suffisamment de précision pour permettre au citoyen de réguler sa conduite et (2) elle soit définie de manière étroite afin de répondre à un besoin nécessaire dans une société démocratique, comme l'interdiction de l'incitation à la violence, tel que spécifié dans le Plan d’action de Rabat des Nations Unies.[24] Les infractions qui doivent être précisées et clarifiées sont les suivantes :
    • Incitation à l’encontre de l'intégrité territoriale (article 267-5 du Code pénal et article 71 du Code de la presse) : si le Maroc devait retenir un délit d’expression relatif à « l'incitation à l’encontre de l'intégrité territoriale », les législateurs devraient le définir avec suffisamment de précision pour qu'il ne s'applique qu'aux propos qui constituent une incitation à recourir à la violence ou à la force physique, et exclut clairement le plaidoyer pacifique pour l'autodétermination du Sahara Occidental,
    • Outrage à un agent de l'État dans l'exercice de ses fonctions (article 263 du Code pénal et article 72 du Code de la presse) : les législateurs devraient soit abolir cette infraction, soit la redéfinir afin que les restrictions qu'elle impose à la liberté d'expression soient à la fois nécessaires et proportionnées pour protéger contre les menaces réelles à l'ordre public, et ne puissent pas être utilisées pour punir les critiques protégées et pacifiques des agents de l’État et des institutions publiques, aussi virulentes soient-elles,
    • Propos qui jettent le discrédit sur les décisions juridictionnelles et qui sont de nature à porter atteinte à l'autorité de la justice ou à son indépendance (article 266 du Code pénal) : les législateurs devraient soit abolir l'article 266, soit le modifier afin de s'assurer que toute restriction à la parole liée à la justice soit à la fois nécessaire et proportionnée pour protéger le pouvoir judiciaire contre toute ingérence dans son indépendance. L'article révisé devrait protéger le droit de critiquer et de commenter les verdicts des tribunaux et le système judiciaire en tant qu'institution, en totalité ou en partie, tant que les propos ne constituent pas une tentative délibérée et crédible d'influencer un verdict du tribunal depuis l'extérieur de la salle d'audience.

Aux Parquets du Maroc

Jusqu'à ce que le Parlement abolisse les lois incompatibles avec les normes internationales protégeant le droit à la liberté d'expression, ou jusqu'à ce que la Cour constitutionnelle se soit prononcée sur la conformité de ces lois avec les protections constitutionnelles de ce droit, les autorités judiciaires devraient s'abstenir de poursuivre en vertu de ces lois des personnes ayant exprimé leurs opinions de façon non violente.

Les procureurs marocains devraient s'abstenir d'inclure des informations personnelles, notamment des informations sur la santé, la sexualité et les finances personnelles des individus, dans leurs communications publiques sur les affaires jugées devant les tribunaux, même si ces informations sont pertinentes pour les affaires judiciaires en question ; les tribunaux peuvent discuter de ces informations dans les salles d'audience dans la mesure où elles sont pertinentes pour les affaires jugées.

Les parquets du Maroc devraient enquêter et agir sur les rapports de surveillance illégale de journalistes, de militants politiques et de défenseurs des droits humains afin de garantir que leur droit à la liberté d'expression, de réunion pacifique et d'association soit respecté et protégé. Ils devraient ouvrir une enquête indépendante plus large sur l'utilisation de logiciels de surveillance et d'intrusion sur Internet au Maroc, afin d'évaluer leur conformité avec les obligations nationales et internationales du Maroc en matière de droits humains, et rendre publiques toutes les conclusions liées à l'enquête susmentionnée.

Aux autorités judiciaires marocaines

Les tribunaux marocains sont complices de ces abus en violant les droits à une procédure régulière des accusés pris dans ce réseau de répression et en les condamnant à l'issue de procès inéquitables.

Les autorités judiciaires marocaines devraient :

  • Garantir un procès équitable à toute personne comparaissant devant un tribunal, notamment les dissidents et autres détracteurs de la monarchie et des politiques de l'État ;
  • Respecter « l'égalité des armes », le principe selon lequel la défense et l'accusation disposent d'un juste équilibre dans leurs possibilités de présenter leurs arguments, lors de tous les procès, notamment ceux des dissidents, et d’examiner les témoins et les preuves à charge ;
  • Mettre fin aux détentions préventives prolongées à moins qu'elles ne soient motivées par une justification écrite et individualisée de la part du tribunal, et soumises à des examens judiciaires rapides et réguliers par un tribunal indépendant de celui qui a ordonné la détention. La détention provisoire devrait être une exception et non la règle ;
  • Lever les obstacles imposés par les tribunaux à l'obtention par les accusés de l'accès à l'intégralité de leurs propres dossiers judiciaires dès que possible ;
  • Mettre fin à la pratique consistant à ne pas informer dûment les accusés avant les sessions de leurs propres affaires judiciaires ;
  • Mettre fin à la pratique consistant à rejeter les requêtes de la défense visant à présenter des preuves et des témoins, tant que ces preuves et ces témoins sont potentiellement pertinents pour déterminer la culpabilité ou l'innocence des accusés ;
  • Autoriser les avocats de la défense à contre-interroger les témoins à charge ou tiers lorsque leur témoignage peut potentiellement être utilisé par le tribunal pour déterminer la culpabilité des accusés ;
  • Mettre fin à la pratique consistant à faire pression et à intimider les individus pour qu'ils témoignent contre les accusés.

À l'Union européenne et à ses États membres, et aux autres alliés étrangers du Maroc dont les États-Unis et le Royaume Uni

  • Dénoncer publiquement le manuel de techniques répressives des autorités marocaines et exhorter ces autorités à mettre fin au harcèlement de leurs détracteurs présumés, et à respecter leurs obligations internationales en matière de droits humains, comme le demande l'article 2 de l'accord d'association UE-Maroc qui conditionne l'aide européenne au « respect des principes démocratiques et des droits fondamentaux de l’homme, tels qu’énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l'homme » par le Maroc. [25] Cela commence par connecter des actes apparemment isolés en les reconnaissant comme des éléments d'un manuel de techniques de répression, et en brisant le silence à ce sujet, en allant au-delà des de timides déclarations officielles.
  • Exprimer et apporter un soutien aux activistes et journalistes marocains, conformément aux Lignes directrices de l'UE en matière de droits de l’homme sur la liberté d'expression, ainsi qu’aux défenseurs des droits humains, conformément au Plan d'action de l'UE en faveur des droits de l’homme et de la démocratie.[26] 
  • Par le biais des représentations diplomatiques, surveiller de près l'utilisation des accusations pénales de droit commun contre les opposants et les professionnels des médias critiques ;
  • Exhorter le Maroc à veiller à ce que toutes les personnes faisant l'objet d'accusations pénales, notamment les opposants, bénéficient de leur droit à une procédure régulière tout au long du processus judiciaire ;
  • Faire pression sur le Maroc pour qu'il permette à tous les médias de couvrir de façon libre et critique tous les sujets d'intérêt public ;
  • Rechercher des informations sur les cas impliquant des opposants marocains auprès de diverses sources, notamment des acteurs indépendants et crédibles de la société civile ;
  • Lorsque cela est possible, envoyer des observateurs pour observer les procès et critiquer publiquement les violations des droits à une procédure régulière et les verdicts fondés sur des preuves douteuses ;
  • Lorsque les preuves le justifient, informer les autorités marocaines, notamment par le biais de déclarations publiques, que les accusations pénales formulées contre les dissidents sont considérées comme douteuses et politiquement motivées.

Aux pays étrangers exportant des technologies de surveillance vers le Maroc

Arrêter toutes opérations de vente, exportation et transfert de toutes technologies de surveillance au Maroc, dans l'attente des résultats d'une enquête sur les rapports de surveillance illégale d'Internet, d'intrusion de logiciels et d'autres formes de surveillance numérique des journalistes, des activistes politiques et des défenseurs des droits humains, et veiller à ce qu'il y ait des contrôles appropriés pour empêcher l’utilisation des produits de l'industrie de la surveillance privée pour faciliter les violations de droits humains.

 

Méthodologie

Ce rapport examine huit cas de harcèlement policier et/ou judiciaire visant des dissidents marocains connus, et deux cas visant des institutions médiatiques indépendantes.

En plus des huit cibles individuelles principales, ces cas impliquent également une vingtaine de « cibles secondaires » : des membres de la famille, des associés, des collègues, des témoins de la défense dans des affaires judiciaires et des personnes autrement liées aux cibles principales.

Douze procès devant des tribunaux marocains ont été étudiés en détail dans le cadre de ce rapport.

Entre septembre 2019 et février 2022, Human Rights Watch s’est entretenu avec 89 personnes à l'intérieur et à l'extérieur du Maroc : 25 défenseurs des droits humains et activistes sociaux et politiques, 21 avocats, 18 journalistes, 15 personnes victimes de harcèlement policier ou judiciaire au Maroc, sept membres des familles et amis proches des personnes ciblées, et trois témoins dans des procès d’activistes.

Les entretiens se sont déroulés en personne ou par le biais d’applications de messagerie, et dans quelques rares cas par téléphone. Les recherches pour ce rapport ont été menées pendant la pandémie de Covid-19, en prenant des précautions pour limiter le risque de transmission.

Toutes les personnes interrogées nommées dans ce rapport ont été informées du but de leur entretien, de la manière dont les informations seraient utilisées, et se sont vu proposer l'anonymat dans notre rapport. Ce rapport s’abstient de divulguer certaines informations qui permettraient l'identification de certaines personnes interrogées, à leur demande ou à l'initiative de Human Rights Watch, afin de protéger leur vie privée et leur sécurité. Aucune des personnes interrogées n'a reçu de compensation financière ou autre pour s’être entretenue avec nous.

Human Rights Watch a également assisté à 19 audiences de procès de divers dissidents à Casablanca et à Rabat, examiné des centaines de pages de dossiers judiciaires et lu des centaines d'articles de presse ainsi que d'autres textes, notamment des communiqués officiels de procureurs marocains et d'autres autorités.

Le 1er avril 2022, Human Rights Watch a envoyé des courriers électroniques aux sites Web Chouftv.ma, Barlamane.com et fr.le360.ma, leur demandant de répondre aux allégations selon lesquelles ils travaillent en coordination avec les services de sécurité marocains, ainsi qu’à d'autres questions connexes. Human Rights Watch a reçu une réponse de la part de Le360 le 14 avril. A l’heure où ce rapport passe sous presse, Human Rights Watch n'a toujours pas reçu de réponse des deux autres sites Web.

Contexte

Un système judiciaire sous contrôle

L’article 107 de la constitution marocaine de 2011 stipule que « Le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif. » Cependant, cet article est contredit par le fonctionnement du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire.

Cet organe officiel, que la constitution a créé et chargé de « l'application des garanties accordées aux magistrats, notamment quant à leur indépendance », est présidé par le roi, qui n'est pas un chef d'État cérémoniel, mais plutôt le dirigeant exécutif effectif du Maroc. [27] Toutes les décisions du Conseil relatives à la carrière des magistrats sont édictées par des dahirs (décrets royaux) inattaquables en justice et ne pouvant faire l'objet d'aucun recours. Toutes les décisions de justice au Maroc sont prises « au nom de Sa Majesté le Roi », dont le portrait est accroché dans toutes les salles d'audience derrière l'estrade où siègent les juges.

Dans ses articles 65 à 78, la Constitution confie au Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire le pouvoir exclusif de nommer, transférer, promouvoir et sanctionner les magistrats. L'article 115 de la Constitution donne au roi le pouvoir de nommer la moitié des membres du Conseil. Si l'autre moitié sont des magistrats élus, leur carrière, de leur nomination à leur révocation, est également contrôlée par ce même Conseil et in fine, par le roi.

Un membre des forces de sécurité marocaines devant un tribunal à Salé, près de Rabat, le 14 novembre 2019. © 2019 Fadel Senna / AFP via Getty Images

En 2009, le juge Jaafar Hassoune, l'initiateur d'une éphémère « Association marocaine de défense de l'indépendance de la magistrature » qui a ouvertement dénoncé le manque d'indépendance des tribunaux marocains et expliqué ses mécanismes à la presse, a été limogé de la magistrature et empêché de passer l’examen du barreau pour devenir avocat. Dans un portrait de Hassoune intitulé « Au Maroc, la révolte d’un juge » publié en 2009, le journal français Le Monde a écrit : « Suspendu, blâmé, muté et finalement radié de la magistrature, Jaafar Hassoune a payé cher son combat pour l'indépendance de la justice marocaine ».[28]

Des universitaires et des politologues ont imputé la manipulation présumée du système judiciaire marocain au Makhzen – comme expliqué plus haut, un réseau non officiel de détenteurs du pouvoir liés au roi et à son entourage par des liens impalpables d'allégeance, de népotisme et de clientélisme.[29]

Le sociologue français Alain Claisse a défini le Makhzen comme « un mode de gouvernement des hommes ».[30] Le politologue marocain Mohamed Tozy a écrit que le Makhzen est « une manière d’être et de faire, qui habite les mots, épice les plats, fixe la forme et le contenu de la relation entre gouvernant et gouvernés ».[31]

Selon certains analystes, le Makhzen agit dans l'ombre en donnant des instructions orales à des fonctionnaires de diverses administrations, notamment des agents de la police et de la justice. [32] Ces instructions, qui violent souvent les lois et contournent la hiérarchie institutionnelle formelle, sont principalement destinées à servir les intérêts perçus du Makhzen ou à attaquer ses ennemis présumés.

Le magazine marocain TelQuel a publié en novembre 2005 un article de 12 pages intitulé « Justice : la machine infernale », qui accusait les fonctionnaires du ministère de la Justice relevant directement du palais royal de s'immiscer systématiquement dans les affaires judiciaires ayant une dimension politique, notamment celles où des journalistes sont des accusés. [33] Les mêmes fonctionnaires donnent des « instructions téléphoniques » et dictent les verdicts aux juges, selon le magazine, citant une vingtaine de juges et procureurs. Les magistrats ont choisi de garder l'anonymat par crainte de représailles à leur encontre, mais ont fourni de multiples précisions, vérifiées par les journalistes, sur les affaires sur lesquelles ils ont témoigné. En mars 2010, le magazine marocain Nichane a publié un article de couverture similaire intitulé « Des juges témoignent sur la corruption du système judiciaire ».[34]

Délits d’expression : une réforme pour rien

Peu de temps avant la mort de l'ancien roi Hassan II en 1999, la presse marocaine a entamé son « Printemps ».[35] Des magazines et des journaux privés et indépendants ont dénoncé la corruption, critiqué le dirigisme d'État et publié des couvertures audacieuses sur des sujets autrefois tabous tels que le roi et la famille royale, l'islam et les mœurs religieuses, le Sahara occidental et la sexualité.

L'audace retrouvée de la presse marocaine s'est accompagnée de vagues de répression. Au cours des années 2000, journaux et magazines ont été régulièrement confisqués, des journalistes ont été emprisonnés et soumis à des procès inéquitables, subissant des amendes disproportionnées et des boycotts publicitaires orchestrés par le palais royal.[36] Dès le début des années 2010, de nombreux magazines et journaux audacieux de la décennie précédente avaient été fermés et leurs fondateurs poussés à l'exil.

De 2000 jusqu’au milieu des années 2010, les procès les plus médiatisés contre des journalistes ou des journaux concernaient des délits d'expression. En application de lois répressives sur la presse, des journalistes marocains ont été condamnés pour avoir offensé le roi ou les institutions de l'État, diffamé des hauts fonctionnaires ou dénigré le pouvoir judiciaire. Des rappeurs et des citoyens ordinaires ont également été condamnés pour avoir insulté le roi ou la police sur les réseaux sociaux.

En 2016, le Parlement marocain a adopté un nouveau Code de la presse et des publications, qui a éliminé la peine de prison comme sanction pour les délits d'expression.[37] L'ancien code imposait la prison comme sanction pour une série d'infractions, notamment l'insulte au roi ou aux membres de sa famille, l'atteinte au régime monarchique, à l'Islam ou à l'intégrité territoriale du Maroc, la publication malveillante de fausses nouvelles et la diffamation de personnes ou institutions de l'État.

Cependant, même sans peines de prison, le code de la presse de 2016 ne peut être considéré isolément du code pénal, qui continue de punir de prison une série de délits d'expression non violents, qu'ils soient commis par des journalistes ou des non-journalistes. En fait, le Parlement a adopté en 2016, parallèlement au tout nouveau code de la presse, des ajouts au code pénal qui érigent en infraction le fait de « porter atteinte » à l'Islam et à la monarchie, d'offenser le roi ou les membres de la famille royale et d'« inciter contre » l'intégrité territoriale, sous peine de prison et/ou d'amende.[38]

En plus de ces nouvelles dispositions, le code pénal a maintenu des peines de prison pour une série de délits d'expression. Ces délits consistent notamment à diffamer les institutions de l'État, insulter des agents publics dans l'exercice de leurs fonctions, faire l'éloge du terrorisme, inciter à la haine ou à la discrimination, et dénigrer les décisions de justice dans le but de porter atteinte à l'autorité ou à l'indépendance du pouvoir judiciaire. Bon nombre de ces infractions sont définies de manière vague, ce qui augmente le risque que les juges les utilisent pour réprimer la liberté d’expression.

L'évolution des accusations criminelles

Au cours des deux dernières décennies, Human Rights Watch et d'autres organisations ont documenté la façon dont les tribunaux marocains ont condamné des dizaines de journalistes et prononcé des jugements sévères contre des médias, ou les ont suspendus, pour diverses accusations liées à l’expression.[39]

Aujourd'hui, des commentateurs sur Internet ou des manifestants de rue continuent d'être poursuivis pour avoir exercé leur droit à s'exprimer. En 2021, les commentateurs de médias sociaux Chafik Omerani, Mustapha Semlali, Jamila Saadanem et Ikram Nazih, et le manifestant Noureddine Aouaj ont été condamnés à des peines de prison pour avoir critiqué des personnalités publiques ou l'Islam.[40]

Depuis le milieu des années 2010, les autorités marocaines ont multiplié les accusations et les poursuites à l'encontre de journalistes et de militants de premier plan pour des délits autres que d'expression tels que les relations sexuelles extraconjugales et l'avortement, qui se fondent sur des lois qui violent les droits humains internationaux, notamment le droit à la vie privée. Enfin, la fin des années 2010 a vu l'utilisation croissante d'un autre type d'accusations contre les détracteurs de l’Etat : blanchiment d'argent, espionnage, viol ou agression sexuelle, et même traite des êtres humains.

L'écosystème médiatique pro-Makhzen

Les années 2010 au Maroc ont vu l'essor d'un nouveau type de site d'information. Systématiquement alignés sur les intérêts présumés du Makhzen, ils ne cessent de louer le roi et les détenteurs du pouvoir proches du palais royal, notamment les hauts responsables de la sécurité, et se spécialisent dans la calomnie des détracteurs de l'État. Les chiffres d'audience sur Internet montrent que ces médias dominent aujourd'hui le paysage médiatique marocain.[41] Driss Chahtane, directeur de Chouf TV, le plus important de ces sites Web, a été nommé président de l'association nationale des médias du Maroc en juin 2022.[42]

Le 16 juillet 2020, plusieurs médias et plateformes internet ont publié un texte intitulé « Manifeste des journalistes marocains contre les médias de diffamation ».[43] Signé par 110 journalistes marocains, le texte affirmait : « À chaque fois que les autorités ont poursuivi une voix critique, certains sites et journaux se sont empressés d’écrire des articles diffamatoires, sans aucune éthique professionnelle, voire enfreignant les lois organisant la presse au Maroc. »

Le manifeste appelait les autorités publiques, les organisations syndicales de la presse et un collectif d'annonceurs marocains à prendre des mesures pour réduire le soutien aux plateformes « qui ont pour ligne éditoriale d’attaquer des voix qui dérangent certains proches du pouvoir. » Selon les signataires du manifeste, de telles mesures contribueraient à « mettre fin … à la diffamation, aux insultes, et à la calomnie à l’encontre de journalistes et de personnalités publiques ».

En mai 2020, le journaliste Hicham Mansouri, qui a obtenu l'asile en France après des années de harcèlement au Maroc (voir son cas en détail au chapitre suivant) a publié un article d'investigation dénonçant le ciblage des opposants marocains par les autorités.[44] Dans cet article, Mansouri écrivait que « les services secrets exercent une emprise de plus en plus forte dans la vie politique, en manipulant des médias spécialisés dans le mensonge et la diffamation ».

Les opposants politiques sont les premières cibles

Exposer la vie privée d'une personne publique, qu'il s'agisse d'un homme politique de premier plan ou d'un activiste notoire, n'est pas nécessairement répréhensible en soi. Aussi désagréable que puisse être cette couverture journalistique, elle relève du droit des médias à la liberté d'expression, quelles que soient les idées qu'ils défendent ou les parties avec lesquelles ils peuvent être liés. Parallèlement, les personnes concernées devraient bénéficier d'une protection efficace de leur droit à la vie privée et des droits connexes, en tenant compte que ces droits peuvent se trouver plus limités pour les personnes qui choisissent de participer à la vie publique. Le Maroc dispose de lois contre la diffamation, que les individus peuvent utiliser pour défendre ces droits. Cependant, plusieurs dissidents interrogés par Human Rights Watch ont déclaré qu'ils ne voyaient aucun intérêt à poursuivre les médias pro-Makhzen en diffamation, car ils sont convaincus que les tribunaux marocains ne leur rendront jamais justice dans de telles affaires.

Les médias pro-Makhzen n'attaquent pas toutes les personnes publiques de la même manière. Bien que certaines célébrités du divertissement fassent parfois les frais d'une couverture sensationnaliste de leur vie privée sur ces sites Web, bon nombre des personnes qu'ils ciblent sont considérées comme des opposants à l'État, en particulier des journalistes et des activistes. Plus important encore, ils ne jamais les responsables puissants du Makhzen, notamment ceux relevant du palais royal et les hauts responsables sécuritaires, par des articles calomniateurs ou sensationnalistes – ni même par de simples articles critiquant leurs politiques publiques.

La couverture médiatique critique des personnalités puissantes, y compris parfois sous l’angle de leur vie privée, était fréquente au Maroc dans les années 2000. Toutefois, l'État a harcelé les médias qui réalisaient ce type de couverture, précipitant leur disparition.[45] Aujourd'hui, ce type de couverture a complètement disparu de la scène médiatique marocaine, alors les sites pro-Makhzen diabolisant les opposants tiennent le haut du pavé.[46]

Les dissidents craignent plus la diffamation que la prison

De nombreux détracteurs marocains des autorités ont déclaré à Human Rights Watch que même en l'absence de mesures policières ou judiciaires directes à leur encontre, la seule perspective d'être victimes de diffamation dans des médias pro-Makhzen les dissuade et encourage l'autocensure. « Lorsque vous voyez votre nom et vos informations privées exposés là-dedans, vous réfléchissez à deux fois avant de reprendre position publiquement », a déclaré un détracteur des autorités à Human Rights Watch. Il s’exprimait anonymement, par crainte de représailles de ces sites web et de la police qui, selon lui, « travaillent main dans la main ».  

« Au Maroc, la réputation est comme du verre », a déclaré l'universitaire Maati Monjib, lui-même fréquemment la cible d'articles diffamatoires, au quotidien français Le Monde en avril 2021. « Quand ça casse, on ne peut pas le recoller. La police le sait. Les gens craignent plus la calomnie que de la prison. Aujourd'hui, la diffamation, en particulier en ce qui concerne le sexe et l'argent, est devenue le principal moyen de pression sur les politiciens et les journalistes. »[47]

Entre le 7 juin et le 15 septembre 2020, dans la période s'étendant peu avant et peu après l'arrestation du journaliste Omar Radi, Human Rights Watch a dénombré au moins 136 articles attaquant personnellement Radi, sa famille et ses partisans sur les sites marocains Chouf TV, Barlamane, et Le360, dans leurs versions arabe et française.

Le 4 juillet 2021, Human Rights Watch a dénombré 645 articles mentionnant Maati Monjib, avec un contenu extrêmement insultant et de fréquentes références à sa vie privée, y compris des détails que Monjib a qualifiés de diffamatoires concernant ses finances personnelles, sa santé et sa sexualité. Les articles sont apparus depuis 2015 en arabe et en français sur huit sites d'information en ligne connus pour s'aligner systématiquement sur les autorités marocaines et calomnier les détracteurs de celles-ci. Il existe de nombreux autres sites Web ou journaux imprimés de ce type.

Les articles examinés par Human Rights Watch incluaient souvent des insultes vulgaires et des informations personnelles. Ces informations comprenaient des documents bancaires et immobiliers, des captures d'écran de conversations électroniques privées, des allégations de relations sexuelles et des menaces de les révéler, des identités de colocataires, et des détails biographiques sur les individus ciblés remontant parfois à leur enfance, complétés par des informations privées sur leurs parents et d’autres membres de leur famille. L'un de ces articles présentait un photomontage compromettant d'une cible, et ce qui ressemble à un extrait d'un rapport de police contenant des SMS privés avec une interlocutrice.[48]

Un article publié le 8 avril 2021 dans la New York Review of Books constatait : « Ces sites là (…) ont une capacité étonnante à prédire des accusations qui n'ont pas encore été portées, et leurs caméramans sont souvent présents sur les lieux des arrestations. Ils se spécialisent dans les campagnes de diffamation venimeuse contre les dissidents, et ils ont accès à des détails sur des enquêtes policières en cours ainsi qu’à des informations personnelles qui ne peuvent être obtenues que par la surveillance. »[49]

« L’angle du sexe »

Dans un long article publié en 2015, l'universitaire dissident Maati Monjib a écrit que les médias pro-Makhzen utilisent régulièrement les relations sexuelles extra conjugales, qui au Maroc sont un crime passible d'un an de prison, comme un « angle » pour salir la réputation de dissidents marocains.[50]

L'angle sexuel, a noté Monjib, a été principalement utilisé contre les critiques du Makhzen de sensibilité islamiste. Puisqu'ils « trouvent l'essentiel de leur soutien dans les milieux sociaux conservateurs qui accordent habituellement une grande importance à la morale religieuse », explique-t-il, « il n'y a pas de meilleur moyen pour ternir [leur] image dans la société et montrer [leur] prétendue hypocrisie que d’étaler publiquement des photos ou des vidéos mettant en scène des membres connus d'une organisation [islamiste] dans des situations choquantes pour la pudeur publique. »

Dénoncer une telle « hypocrisie » peut éventuellement avoir valeur d'information étant donné la position publique pro-« moralité » de certaines des personnes ciblées, mais cela doit être mis en perspective avec l'absence totale d'une telle couverture lorsqu'il s'agit de personnalités puissantes, en particulier celles du palais royal ou des services de sécurité.

Généralement, le produit photographique ou vidéo est tout d’abord publié sur l’un de ces « sites d’information » ou directement sur YouTube. Puis, vu l’intérêt qu’il provoque immanquablement dans le grand public, il est repris dans la presse en ligne ordinaire. […] L’affaire se propage rapidement avant que les victimes ne puissent réagir. Elle devient un thème de discussion sur les réseaux sociaux et dans les cafés de Casablanca, de Rabat et même des villages les plus reculés. Le mal est ainsi fait et les démentis des victimes ne peuvent rien [pour le réparer.] Cela peut briser la carrière d'un opposant.

Monjib a mentionné le cas d'une éminente activiste islamiste. En 2011, un site Web pro-Makhzen a publié des photos de cette femme mariée, marchant avec un homme dans une rue en Grèce, alléguant qu’ils étaient amants. Elle « s'est retirée de la vie politique depuis cette agression contre elle et sa famille », a commenté Monjib. Le même « angle » a été utilisé contre deux membres éminents d’Et-Tawhid Wal-Islah, une association religieuse liée au parti islamiste de la Justice et du Développement, qui ont été « surpris dans une posture sexuelle » dans une voiture près de la plage.[51]

Depuis lors, les médias pro-Makhzen ont utilisé des délits sexuels ou liés à la moralité pour discréditer des personnalités qui allaient au-delà des islamistes, notamment des journalistes et des défenseurs des droits humains.

Un tremplin officiel

Le 3 février 2022, Maghreb Arabe Presse (MAP), l’agence d'information officielle du Maroc, a publié un article fustigeant Javier Otazu, l'ancien correspondant au Maroc de l'agence de presse espagnole EFE, qui avait récemment publié un livre critiquant la politique de plus en plus autoritaire du Maroc.[52] L'article de MAP citait abondamment un portrait d'Otazu par un des sites Internet pro-Makhzen. L’article évoquait la « haine du Maroc » d’Otazu et expliquait l’amertume du journaliste espagnol comme étant causée par « son mariage avec une Marocaine avec laquelle il a eu deux enfants… qui vivent avec leur mère après un divorce tumultueux ». Si de tels commentaires ne sont pas surprenant de la part d'un site pro-Makhzen, il convient de noter que l'agence de presse officielle de l'État du Maroc les a relayés en quatre langues. 

Ce n'est là qu'un exemple de la façon dont les déclarations des médias pro-Makhzen sont de plus en plus considérées comme compatibles, si ce n’est complémentaires, avec le discours officiel du Maroc.

Des détracteurs harcelés sans relâche : 8 études de cas

1. Hicham Mansouri

Journaliste, il a été la cible d'intimidations physiques, de poursuites à motivation politique et de procédures judiciaires inéquitables.

Hicham Mansouri, 40 ans, est un journaliste marocain et militant de la liberté d'expression, actuellement réfugié politique en France. Originaire de Ouarzazate, dans le sud du Maroc, il a débuté sa carrière au milieu des années 2000 en tant que blogueur satirique puis journaliste à Agadir, environ 600 kilomètres au sud de Rabat. [53]

En 2011, il a déménagé à Rabat et a rejoint l’Association marocaine pour le journalisme d’investigation (AMJI), une organisation non gouvernementale créée en 2008 par des défenseurs de la liberté d’expression, notamment l’historien Maati Monjib (voir étude de cas sur l’AMJI au dernier chapitre de ce rapport).[54]

Hicham Mansouri s’exprime lors d’une conférence de presse à Rabat, au Maroc, le 17 janvier 2016. © 2016 AP Photo/Abdeljalil Bounhar

Tabassé dans la rue

Le 24 septembre 2014, vers 21h30, peu après qu’il ait quitté l'hôtel Ibis de Rabat où se tenait une réunion avec Monjib et d'autres membres de l’AMJI, Mansouri marchait dans la rue quand deux inconnus sont sortis d'une voiture aux vitres teintées et l’ont brutalement attaqué. [55] Les agresseurs lui ont asséné de multiples coups de poing et de pied, principalement à la tête.

Pendant qu'il était au sol, ils ont commencé à le traîner vers la voiture, où un homme était assis à la place du conducteur. Quand Mansouri s’est mis à hurler, alertant les chauffeurs de taxi stationnés à la gare voisine d'Agdal, les agresseurs ont sauté dans la voiture et se sont enfuis.

Mansouri a été transporté aux urgences, où les médecins lui ont délivré un certificat médical attestant de 25 jours d'incapacité. Après qu’il ait signalé l'agression, la police a dit avoir mené une enquête mais l'avoir classée faute de preuves, a déclaré Abdelaziz Nouaydi, l'avocat de Mansouri, à Human Rights Watch en 2015.[56]

Mansouri a déclaré que même si les policiers ont interrogé certains des chauffeurs de taxi témoins de l'agression, ils ont omis de récupérer les vidéos de surveillance de l'hôtel Ibis, qui avait une caméra pointée vers la rue empruntée par la voiture des assaillants pour fuir la scène du crime. Quand Mansouri et Monjib ont demandé à visionner les images de surveillance quelques jours plus tard, le personnel de l'hôtel a déclaré qu'elles avaient été effacées, sans indiquer par qui.

Condamné pour adultère

Le 17 mars 2015, la police a arrêté Mansouri dans son appartement à Rabat, ainsi qu'une amie qui lui rendait visite.

Selon un rapport de police, qui deviendra l’élément à charge principal dans l'affaire judiciaire, la police avait placé Mansouri sous surveillance deux mois plus tôt en réponse aux plaintes de voisins anonymes et du portier de son immeuble, selon lesquelles Mansouri utilisait son appartement à des fins de prostitution. [57] Le jour de l'arrestation, le rapport de police indique qu'après que des agents chargés de surveiller Mansouri aient observé une femme entrer dans son immeuble à 9h30, ils sont montés à l'étage et ont frappé à sa porte.

Selon le rapport de police, la femme a ouvert la porte vêtue d'un vêtement « transparent », puis des agents sont entrés dans la chambre et ont trouvé Mansouri allongé à moitié nu sur le lit. Le rapport indique que les policiers ont arrêté les deux suspects et les ont emmenés au poste de police. Là, la femme a signé des « aveux » selon lesquels elle avait commis l'adultère avec Mansouri, tandis que Mansouri niait tout adultère.

L'article 491 du Code pénal marocain punit l'adultère d'un à deux ans de prison, mais stipule qu’une poursuite ne peut être engagée que si le conjoint d'une des parties porte plainte, ou si une personne pratique ouvertement l'adultère alors que son conjoint est à l'étranger. Dans ce cas précis, le mari a déposé plainte pour déclencher la procédure judiciaire, mais seulement après que la police l'eut informé qu'elle aurait pris sa femme « en flagrant délit ».[58] Mansouri a également été accusé de complicité d'adultère, ainsi que d'avoir « organisé un lieu de prostitution ».[59]

Lors de leur procès où ils comparaissaient tous les deux en état d’arrestation, les deux accusés ont contesté le récit de la police. La femme a nié toute relation adultérine avec Mansouri et a déclaré avoir signé ses « aveux » sous la pression de la police. Mansouri et elle ont déclaré que la police avait enfoncé la porte pour entrer dans l'appartement. Le frère de Mansouri, le portier de l'immeuble et un huissier mandaté par le frère ont décrit des dommages à la porte de l'appartement indiquant qu’elle avait été ouverte par la force.[60]

Au tribunal, des témoins ont également contesté la justification officielle de la surveillance et de la descente de police dans l'appartement de Mansouri. Le portier a nié avoir jamais porté plainte contre Mansouri pour avoir utilisé son appartement à des fins de prostitution, ou pour toute autre raison. Lorsque le juge a confronté le portier avec un rapport de police dans lequel il accuse Mansouri, le portier a confirmé qu'il s'agissait bien de sa signature, mais a déclaré qu'il ne savait ni lire ni écrire et qu'il avait signé ce document parce que la police le lui avait demandé. [61] Les habitants de l'immeuble ont signé une déclaration attestant que Mansouri était un voisin exemplaire dont ils ne s'étaient jamais plaints.[62]

Racontant son arrestation, Mansouri a déclaré devant le tribunal que la porte d'entrée avait été forcée et qu'une dizaine d'hommes étaient entrés dans son appartement, l'avaient plaqué au sol et lui avaient enlevé ses vêtements. Selon un récit écrit détaillé que Mansouri a fourni à son avocat, la police l'a photographié lui et la femme, puis les a escortés dans la rue, Mansouri portant juste une serviette autour des reins.[63]

Devant le procureur le 19 mars 2015, et lors du procès, la femme est revenue sur la déclaration qui lui a été attribuée par la police, et qui contenait des détails imagés et explicites sur sa prétendue relation adultérine avec Mansouri. Elle a affirmé au tribunal qu'elle avait signé la déclaration sans la lire parce que la police lui avait dit que si elle le faisait, ils la relâcheraient pour qu'elle puisse être avec ses enfants.

La femme a expliqué qu'elle et Mansouri étaient habillés normalement quand la police a fait irruption dans l’appartement. Elle a indiqué qu’ils étaient seulement des amis, et a de nouveau nié tout adultère. Lors du procès en appel, la femme a déclaré que la police avait les avait photographiés après avoir déshabillé de force Mansouri. Le dossier judiciaire ne contenait aucune photographie.

Le 30 mars 2015, le tribunal de première instance de Rabat a condamné la femme pour adultère et Mansouri, qui n'était pas marié, pour complicité d'adultère. Tous deux ont écopé de dix mois de prison. Mansouri a été innocenté de l'accusation de prostitution, qui a été largement ignorée par le tribunal même si la police l'avait utilisée pour déclencher toute l'affaire.

Mansouri n'est pas le seul Marocain connu ayant été arrêté pour relations sexuelles extraconjugales. Le 13 mars 2015, la police de Casablanca a arrêté El-Mostafa Erriq, un dirigeant du mouvement d'opposition islamiste Al-Adl Wal-Ihsan (Justice et Bienfaisance), et une femme à qui il rendait visite, comme Human Rights Watch l'a documenté.[64] La police a maintenu Erriq et la femme en détention pendant trois jours et en a informé l'épouse d'Erriq, mais les a libérés quand cette dernière a refusé de porter plainte. Erriq, tout comme Mansouri, a affirmé que la police lui avait tendu un piège et fabriqué les preuves de l'adultère, y compris en le déshabillant de force et en le photographiant sur les lieux.

Des conditions de détention difficiles

Mansouri a été détenu à Zaki, le centre de détention de Salé, près de Rabat, où des organisations indépendantes de surveillance des prisons avaient signalé des conditions difficiles, notamment la surpopulation et la torture des détenus.[65]

Voici ce que Mansouri a déclaré à Human Rights Watch :

J'ai été affecté à l'aile D de Zaki, remplie de criminels violents et de prisonniers souffrant de graves troubles mentaux qui, à la base, n'avaient pas leur place en prison. Nous étions 50 à 60 dans la même cellule. Toutes sortes de drogues et d'armes artisanales étaient disponibles. J'ai été battu plusieurs fois, y compris par des gardes, et j'étais terrifié tout le temps. Les conditions d'hygiène étaient terribles. J'avais des puces qui se nourrissaient de mon corps pendant presque toute la durée de ma peine.

La prison a été fermée plus tard la même année, après que Mansouri l'ait quittée.[66] En janvier 2022, Mansouri a publié un livre sur son expérience carcérale.[67]

Fuir le Maroc

Après avoir purgé ses 10 mois, Mansouri a été libéré le 17 janvier 2016. Le lendemain, il quittait le Maroc.

Il s'est d'abord rendu en Tunisie, puis a gagné la France trois mois plus tard, où il a demandé l'asile pour persécutions politiques. Mansouri a obtenu l'asile en 2018. Au moment de la rédaction du présent rapport, il n'était toujours pas retourné au Maroc.

« Je pense que la raison pour laquelle les autorités marocaines m'ont pris pour cible avait moins à voir avec moi qu'avec mes liens avec Maati Monjib, qui est un opposant et une cible de premier plan depuis une décennie », a déclaré Mansouri à Human Rights Watch.[68] « Mes ennuis étaient probablement un moyen d'intimider Monjib, et la galaxie d'activistes qui l'entouraient. C’était peut-être aussi parce que j'étais une figure centrale de l'AMJI. Peut-être pensaient-ils que ce projet pourrait conduire à un renouveau du journalisme indépendant après qu’ils l’avaient presque totalement détruit dans les années 2000. Ils ont peut-être décidé qu'ils ne permettraient pas cela. »

2. Fouad Abdelmoumni

Défenseur vétéran des droits humains et de la démocratie, critique virulent du système monarchique actuel au Maroc, il a fait l'objet de surveillance numérique, de vidéosurveillance secrète dans son domicile, d'atteinte à sa vie privée et intime, de pressions exercées sur des membres de sa famille, de harcèlement par les médias pro-Makhzen, ainsi que de rétention injustifiée d'une subvention accordée par l'État.

Fouad Abdelmoumni, 64 ans, est un défenseur de la démocratie et des droits humains et sociaux, qui exprime ouvertement ses opinions sur les réseaux sociaux ainsi que dans des interviews avec la presse internationale. Économiste spécialisé dans le microcrédit, il fournit des conseils aux gouvernements ainsi qu’aux organisations non gouvernementales en Afrique et ailleurs. Il vit dans une ferme près de Rabat.

En 1977, et de nouveau en 1982, les autorités marocaines ont arrêté Abdelmoumni en représailles pour son activisme de gauche. Il a déclaré à Human Rights Watch qu’elles l’avaient soumis à la torture, à l’emprisonnement, ainsi qu’à un total de deux ans et demi de disparition forcée, en dehors de tout cadre légal.[69]

Entre 1998 et 2004, Abdelmoumni a été vice-président de l’Association marocaine des droits de l’homme, la plus grande organisation des droits humains du pays, que les autorités harcèlent depuis des décennies.[70] Entre 2016 et 2018, il a été secrétaire général de Transparency Maroc, la section locale de Transparency International, un organisme mondial luttant contre la corruption. Abdelmoumni est actuellement membre du comité consultatif de Human Rights Watch sur le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord.

Abdelmoumni était également un partisan et un mentor du mouvement du « 20 février », la branche marocaine de la vague du « Printemps arabe » de 2011. Il a ensuite tenté, avec d’autres militants pro-démocratie dont l’historien Maati Monjib, de mettre en place une plate-forme commune entre activistes laïcs et islamistes afin de s’opposer à l’autoritarisme monarchique.[71] Il dénonce régulièrement la « dictature autoritaire » au Maroc dans les médias et sur les réseaux sociaux.[72]

Fouad Abdelmoumni (à gauche) et d'autres membres de la coalition « Monarchie parlementaire maintenant » au Maroc donnent une conférence de presse le 28 juin 2011 à Rabat. © 2011 Abdelhak Senna/AFP via Getty Images

Surveillance numérique et infection par un logiciel espion

En octobre 2019, The Citizen Lab, un laboratoire technologique basé au Canada qui examine les cas de surveillance sur Internet et la menace que celle-ci représente pour les droits humains dans le monde, a informé Abdelmoumni qu’il avait identifié son numéro de téléphone parmi sept au Maroc ayant été ciblés par le logiciel espion Pegasus. Pegasus est développé et vendu par la société israélienne NSO Group. Une fois que Pegasus est introduit subrepticement sur un smartphone, le client de NSO Group obtient un accès complet à sa caméra, ses appels, ses médias, son microphone, ses e-mails, ses textos et d’autres fonctions, permettant la surveillance complète du détenteur du smartphone, ainsi que de ses contacts.

En réponse aux preuves que Pegasus a été utilisé pour cibler des défenseurs des droits humains, des journalistes et des dissidents, NSO Group a déclaré à plusieurs reprises que sa technologie est concédée sous licence, à des gouvernements uniquement, pour leur permettre de lutter légalement contre le terrorisme et la criminalité. NSO Group a également déclaré qu’il n’opère pas le logiciel espion, une fois vendu à des clients gouvernementaux.[73]

En réaction à la révélation de la surveillance de leurs téléphones, Abdelmoumni et les six autres personnes ciblées ont publié le 4 novembre 2019 une déclaration conjointe exigeant que les auteurs de cet acte rendent des comptes.[74] Abdelmoumni a déclaré à Human Rights Watch qu’à la même période, il avait fait plusieurs déclarations publiques véhémentes, notamment que l’État marocain se comportait « comme la mafia ».[75]

Le 9 décembre de la même année, la sœur d’Abdelmoumni a reçu un appel d’un individu qui s’est présenté comme un policier, l’informant qu’Abdelmoumni « et une femme [avec] avec qui [ils] l’ont attrapé » avaient été emprisonnés. L’information était fausse ; selon Abdelmoumni, il s’agissait d’un geste destiné à l’intimider via sa famille.

En décembre 2020, Abdelmoumni a informé Access Now, une organisation qui défend les droits numériques à l’échelle mondiale, qu’il avait, avec les six autres victimes du logiciel espion, déposé une demande d’enquête auprès de la Commission nationale de contrôle de la protection des données personnelles (CNDP), une agence gouvernementale marocaine.[76] « La CNDP n’a rien fait, arguant qu’elle n’a pas compétence sur ce type de questions », a déclaré Abdelmoumni. Les autorités marocaines ont nié à plusieurs reprises avoir utilisé Pegasus pour espionner des dissidents.[77]

Chantage sexuel

Le 16 janvier 2020, Barlamane, un site Web pro-Makhzen, a publié une vidéo insultant nommément Abdelmoumni et menaçant de façon indirecte de divulguer des détails sur son « comportement d’adolescent répugnant ».[78] La même vidéo dénonçait sans le nommer un « activiste senior » qui « [se débauche] avec des jeunes filles dont il pourrait être le grand-père ».

Un mois après la publication de cette vidéo sur Barlamane, plusieurs dizaines de personnes dont des parents, des amis et des collègues d’Abdelmoumni, ont reçu sur WhatsApp un ensemble de six vidéos de quelques minutes chacune, montrant Abdelmoumni dans des situations intimes avec sa partenaire, une femme d’environ 25 ans sa cadette, dans un appartement qu’il possède à Skhirat, une station balnéaire près de Rabat. L’expéditeur des vidéos était anonyme.

Le Code pénal marocain punit les relations sexuelles consensuelles entre adultes non mariés d’une peine pouvant aller jusqu’à un an de prison. Les relations hors mariage sont également un tabou social et exposent les couples non mariés, en particulier les femmes, à l’humiliation ainsi qu’à une stigmatisation durable. Abdelmoumni et sa partenaire, à présent son épouse, n’étaient pas mariés au moment où les vidéos ont été tournées. Parmi les destinataires des vidéos figuraient certains de parents les plus proches de la femme.

À en juger par l’angle des prises de vue, Abdelmoumni a déterminé que les vidéos avaient été filmées par des caméras secrètement placées à l’intérieur de deux climatiseurs dans la chambre et le salon de son appartement.[79] Il a ajouté que les appareils devaient être sophistiqués, car les vidéos capturaient des sons clairs dans la pièce malgré le fort bourdonnement généré par les climatiseurs.

Abdelmoumni a déclaré au journal français L’Humanité en mars 2021 :

Ces vidéos avaient déjà été annoncées, avant leur diffusion, par un site de diffamation connu pour être très proche des services de renseignement, qui avait menacé de me « casser », de révéler ma vie privée si je n’arrêtais pas de critiquer le régime. Il est évident qu’un appareil au cœur de l’État marocain utilise et abuse des moyens de l’État pour terroriser les gens. N’importe qui ne peut pas rentrer chez moi et en sortir, y installer des engins aussi sophistiqués dans divers endroits de la maison, puis revenir pour retirer ces appareils, en synchronisation avec un site connu pour me diffamer et me menacer [ainsi que d’autres dissidents marocains].[80]

Après la diffusion des enregistrements, Abdelmoumni a adopté un profil public plus discret pendant des mois, atténuant considérablement ses critiques publiques et interdisant à ses parents et amis de lui rendre visite, afin de protéger leur sécurité et leur vie privée. « J’ai fait le mort pendant six mois », a-t-il confié à Human Rights Watch. Ce n’est qu’après qu’un procureur ait annoncé en octobre 2020 que son ami, l’historien et activiste Maati Monjib, lui-même sujet de harcèlement policier depuis longtemps, faisait l’objet d’une enquête sur des accusations douteuses de blanchiment d’argent, qu’Abdelmoumni a décidé de briser son silence pour défendre Monjib.

Presque immédiatement après la reprise de ses critiques publiques contre les autorités, Chouf TV, un autre site pro-Makhzen spécialisé dans la diffamation des opposants, a publié le 25 octobre 2020 un long article intitulé « Révélations choquantes d’un scandale : Les détails des aventures [sexuelles] d’Abdelmoumni ». L’article fournissait l’identité de sa partenaire qui apparaissait sur les vidéos, et d’autres informations personnelles, notamment des détails sur sa vie de famille, ainsi que plusieurs allégations diffamatoires sur la relation du couple.

Octroi d’une subvention puis retenue arbitraire des fonds

Abdelmoumni possède environ 5 hectares de terres agricoles dans la région de Sidi Bettache, au sud de Rabat. Après avoir demandé une aide à l’investissement pour développer des activités d’agriculture et d’élevage, le ministère de l’Agriculture lui a accordé en juillet 2018 une subvention publique d’environ 30 000 dollars US.

Sur la base de cette décision, le Crédit Agricole, banque publique spécialisée dans le financement d’entreprises agricoles, a envoyé à Abdelmoumni le même mois un SMS indiquant que le ministère avait informé la banque de son approbation de la subvention. Sur cette base, la banque lui proposait de lui prêter jusqu’à 90% de la valeur de la subvention, à titre d’avance. Il a préféré refuser, attendant que le ministère lui vire les fonds.

Environ deux ans plus tard, l’argent n’avait selon lui toujours pas été transféré sur son compte bancaire. Le 3 septembre 2020, Abdelmoumni a écrit une lettre au ministère de l’Agriculture pour s’enquérir de la subvention, mais il n’a jamais reçu de réponse. Abdelmoumni s’est aussi rendu physiquement au siège du ministère, à Rabat, pas moins de 13 fois en deux mois, pour tenter d’obtenir une explication. Personne n’a accepté de le recevoir ni de le renseigner sur sa subvention. Abdelmoumni a déclaré à Human Rights Watch que lors de sa 13ème visite, un agent du ministère de l’Agriculture lui a indiqué que seul le ministre lui-même pouvait résoudre son problème.

Le 22 octobre 2020, Abdelmoumni a envoyé un texto à un membre du cabinet du ministre, réclamant explications et réparation. Le membre du cabinet a répondu le jour-même, lui assurant qu’il allait se renseigner et reviendrait vers lui dès que possible. Après plus d’un mois sans réponse, Abdelmoumni a envoyé le 1er décembre un autre texto à la même personne, l’informant qu'« en l’absence de réponse, [il] considère qu'[il] est dans une situation où l’administration refuse arbitrairement d’appliquer la loi ». Abdelmoumni n’avait toujours reçu aucune réponse au moment de la rédaction de ce rapport, un an et demi plus tard.

Human Rights Watch a consulté les lettres, la documentation, ainsi que les captures d’écran de messages WhatsApp fournies par Abdelmoumni.

3. Hajar Raissouni

Hajar Raissouni, 30 ans, est une journaliste qui travaillait au quotidien indépendant Akhbar Al-Yaoum, aujourd’hui fermé. Elle a couvert des sujets sociaux et politiques, notamment le Hirak, un mouvement de protestation qui a organisé de grands rassemblements dans la région du Rif au nord du Maroc en 2017, avant que les autorités ne le répriment.[81]

Parenté avec des dissidents célèbres

« Je crois que la raison principale de mes problèmes, en plus de cibler Akhbar Al-Yaoum que les autorités n’aimaient pas en raison de son indépendance, était qu’elles voulaient s’en prendre à ma famille », a confié Hajar Raissouni à Human Rights Watch.[82]

L’oncle de Hajar, Soulaiman Raissouni, était en 2019 le rédacteur en chef d’Akhbar Al-Yaoum, connu pour ses éditoriaux acerbes, en particulier ceux visant de hauts responsables sécuritaires, des officiels du palais royal ainsi que le roi lui-même, parfois sur le plan personnel. Soulaiman Raissouni, cible récurrente des médias pro-Makhzen spécialisés dans la diffamation des opposants, sera plus tard arrêté et emprisonné sur des accusations d’agression sexuelle (voir le chapitre sur son cas).[83]

Un autre oncle de Hajar, Ahmed Raissouni, penseur islamiste connu, est le président de l’Union internationale des oulémas musulmans, une organisation théologique basée au Qatar. Il a succédé à ce poste à Youssef Al-Qaradawi, l’un des prédicateurs les plus célèbres du monde musulman. Avant d’obtenir la reconnaissance internationale, Ahmed Raissouni a dirigé At-Tawhid Wal-Islah, une association qui sert de think-tank religieux et de réservoir de cadres au parti de la Justice et du Développement, une formation islamiste que le palais royal au Maroc a longtemps perçue comme son principal adversaire politique.[84]

Un cousin de Hajar, Youssef Raissouni, est le Secrétaire général de l’Association marocaine des droits humains, organisation indépendante de défense des droits humains la plus importante du pays, qui est depuis longtemps dans le collimateur des autorités.[85] Youssef Raissouni a également l’habitude d’être la cible d’articles à sensation dans les médias pro-Makhzen.[86]

La journaliste marocaine Hajar Raissouni après sa sortie de prison à Salé, près de Rabat, la capitale, le 16 octobre 2019. © 2019 Fadel Senna/AFP via Getty Images

Arrestation et poursuites pour relations sexuelles illicites

Le 31 août 2019, à la mi-journée, six policiers en civil ont arrêté Hajar Raissouni ainsi que son fiancé, l’universitaire soudanais Rifaat Al-Amin, dans une rue du quartier de l’Agdal de Rabat, près d’un cabinet de gynécologie-obstétrique où Raissouni avait eu un rendez-vous quelques minutes plus tôt.[87] Les policiers ont ramené le couple au cabinet, où ils ont arrêté le médecin ainsi que deux assistants, avant de les conduire tous à un poste de police de Rabat pour interrogatoire.

Plus tard dans la journée, la police a conduit Raissouni à l’hôpital Ibn Sina de Rabat, où le personnel l’a soumise à un examen gynécologique sans son consentement. Elle a déclaré à Human Rights Watch qu’elle était encore affaiblie et qu’elle saignait toujours à cause de l’ablation d’un caillot de sang que le gynécologue avait pratiquée sur elle quelques heures auparavant. De tels examens, lorsqu’ils sont effectués sans consentement, peuvent être considérés comme des violences sexuelles ainsi que des traitements cruels, inhumains et dégradants au regard des normes internationales des droits humains.[88]

Raissouni est restée détenue au poste de police pendant 48 heures, au cours desquelles la police l’a interrogée sur sa vie intime, lui demandant notamment si elle avait subi un avortement, ce qu’elle a nié. Le 2 septembre 2019, Raissouni a été présentée au tribunal de première instance de Rabat, où un procureur l’a accusée d’avortement illégal et de relations sexuelles hors mariage, infractions passibles respectivement de deux et un an de prison.[89]

Violations de la vie privée

Dans une lettre écrite depuis la prison et publiée dans Akhbar Al-Yaoum le 4 septembre 2019, Raissouni a décrit comment la police lui avait posé plusieurs questions sur ses proches, dont ses deux oncles et son cousin.[90] Elle a également indiqué que les interrogateurs de la police avaient posé des questions spécifiques sur ses relations avec son fiancé, qui lui avaient permis de comprendre que leur couple était sous surveillance.

Les questions de la police comprenaient des détails aussi précis que les dates et les heures où Raissouni venait à l’appartement de son fiancé pour promener son chien – et même le nom du chien. Raissouni a expliqué à Human Rights Watch que ces informations ne pouvaient avoir été obtenues que par le biais d’une surveillance physique et/ou électronique.

Le 5 septembre, Abdeslam Al-Imani, un procureur à Rabat, a publié un communiqué, largement diffusé aux médias, détaillant les allégations contre Hajar Raissouni. Le communiqué comprenait des détails personnels pointus sur sa santé sexuelle et reproductive, en violation totale de son droit à la vie privée.

Quelques jours plus tard, Chouf TV, un média pro-Makhzen, a publié une interview vidéo de Mohamed El Hini, un ex-juge qui soutient fréquemment les autorités lors de déclarations aux médias.[91] Niant toute « conspiration » [contre Hajar Raissouni], et notant qu’elle « admettait des relations sexuelles avec plusieurs parties », El Hini a commenté : « Est-ce que ce sont les autorités qui ont introduit du sperme dans [son] vagin ? »

Condamnation et grâce royale

Le 30 septembre 2019, un tribunal de Rabat a condamné Raissouni à un an de prison pour avortement et relations sexuelles hors mariage.[92] Son fiancé a été condamné à un an de prison pour complicité d’avortement et relations sexuelles illicites, et le médecin inculpé pour avoir pratiqué l’avortement a été condamné à deux ans de prison.

Dans son jugement écrit, le tribunal a rejeté toutes les requêtes de la défense et a fondé son verdict de culpabilité sur un rapport de police mentionnant que Raissouni avait « avoué » l’avortement – alors même qu’elle avait refusé de signer ce rapport, selon un examen du jugement publié dans Akhbar Al-Yaoum.[93]

Au cours du procès, auquel Human Rights Watch a assisté, Raissouni ainsi que le médecin ont nié qu’un avortement ait jamais été pratiqué. Raissouni a affirmé qu’elle avait consulté son gynécologue parce qu’elle souffrait d’une hémorragie vaginale, que le médecin a confirmé avoir stoppée.

Le tribunal a également fondé son verdict sur l’examen gynécologique effectué sur Raissouni alors qu’elle était en garde à vue, même si la défense a demandé le rejet du rapport médical qui en avait résulté, au motif qu’il avait été obtenu contre la volonté de leur cliente.

Le Dr Hicham Benyaïch, directeur de l’institut de médecine légale de l’hôpital Ibn Rochd de Casablanca et expert juridique fréquemment sollicité par les tribunaux marocains – bien qu’il n’ait pas participé au procès Raissouni – a publiquement remis en question les conclusions ainsi que la méthodologie du rapport médical.[94] Selon Benyaïch, cet « examen invasif » était « destiné à fournir des moyens de preuve à l’adversaire (de Raissouni) devant les tribunaux », et était illégal, car il violait en même temps les garanties d’un procès équitable et le secret médical, et « pouvait être considéré comme de la torture ».[95]

Suite au tollé international en défense de la journaliste, Raissouni, son fiancé et le médecin ont été libérés le 16 octobre 2019 par une grâce royale, après avoir passé 45 jours en prison.[96]

En juillet 2020, Raissouni a quitté le Maroc pour le Soudan, où elle vit actuellement avec Al-Amin, désormais son mari. Raissouni a confié à Human Rights Watch : «Nous avions initialement prévu de vivre au Maroc, mais après toute cette surveillance, cette diffamation et ce harcèlement, je ne pouvais plus supporter de vivre quotidiennement dans la peur. »[97]

Après son départ, Raissouni est restée la cible d’articles calomnieux récurrents dans les médias pro-Makhzen. En novembre 2020, le site Barlamane a insisté, malgré ses dénégations répétées, qu’elle avait avorté avant son arrestation, et a soulevé des doutes sur l’origine du « sperme mort retrouvé en elle ».[98] En mars 2021, après que Raissouni ait publié un article sur un site web libanais intitulé « La presse de diffamation est derrière tout ce qui va mal au Maroc », Barlmane a écrit qu’elle « souffrait de diarrhée de blogging télécommandé ».[99]

4. Maati Monjib

Historien, militant de la liberté d'expression et activiste politique âgé de 60 ans, il a fait l’objet de harcèlement par les médias pro-Makhzen, d’une interdiction de voyager arbitraire, d’intimidations physiques contre lui et ses associés, de poursuites judiciaires à motivation politique, de procédures judiciaires inéquitables, de détention provisoire injustifiée ainsi que de surveillance par le biais de son smartphone.

Titulaire de deux doctorats en histoire, Maati Monjib a enseigné dans des universités au Maroc, au Sénégal et aux États-Unis. Ancien boursier Fulbright et chercheur invité au Brookings Institute de Washington, il est l'auteur de trois livres sur l'histoire contemporaine du Maroc.

Dans les années 1980 et au début des années 1990, Monjib était un membre actif de la section française de l'Union nationale des étudiants du Maroc et de l'Association de défense des droits de l'Homme au Maroc (ASDHOM), deux organisations militant pour la démocratie et la libération des prisonniers politiques.

Sa première confrontation avec les autorités remonte à avril 1995. Rentrant au Maroc après des années passées à l'étranger, il est arrêté par la police des frontières d'Agadir. Selon Monjib, la police l'a interrogé sur ses activités politiques en France – en particulier une interview accordée à un journaliste français, dans laquelle il qualifiait le roi de l'époque, Hassan II, de « voyou ».[100] Monjib a été relâché au bout de 36 heures. Il a quitté le Maroc peu après pour le Sénégal, où il a décroché un poste d'enseignant universitaire.

Après la publication en 1992 de son premier livre, La monarchie marocaine et la lutte pour le pouvoir, Monjib, qui vivait à l'étranger à l'époque, a déclaré que sa mère et son frère l'appelaient régulièrement pour signaler des visites d'agents de police qui leur posaient des questions sur ses activités.

Monjib est rentré au Maroc après que Mohammed VI ait succédé à Hassan II en 1999. Il a pris un poste d'enseignant à l'Université de Meknès, avant d'être transféré à l'Université Mohammed V de Rabat. À la même époque, il a commencé à rédiger une chronique politique dans l'hebdomadaire Le Journal, alors pionnier de la presse critique indépendante au Maroc sous Mohammed VI. Il a également collaboré pendant des années avec le magazine marocain d'histoire Zamane.

L'historien marocain et défenseur des droits humains Maati Monjib, après sa libération de la prison d'El Arjat, près de Rabat, le 23 mars 2021. © 2021 STR/AFP via Getty Images

Lancement d'un front d'opposition uni

En 2007, Monjib a initié une série de rencontres entre dirigeants de partis et associations de gauche laïcs et islamistes, dans le but de créer un front uni d'opposition contre le Makhzen.[101]

Huit réunions de ce type se sont tenues dans les années suivantes, auxquelles ont participé des dirigeants politiques des deux camps. Certaines réunions ont eu lieu dans des résidences privées, tandis que d'autres se sont tenues publiquement, attirant une cinquantaine de personnes. Certaines des réunions publiques ont été soutenues et financées par le Conseil de paix inter-églises (IKV Pax Christi), une organisation néerlandaise œuvrant pour « la paix, la réconciliation et la justice dans le monde », selon son site Internet.[102]

S’appuyant en partie sur les informations qu'il a accumulées au cours de ces réunions, Monjib a publié en 2011 un document de recherche pour l'institut Brookings de Washington intitulé « Le processus de ‘démocratisation’ au Maroc : progrès, obstacles et impact de la fracture islamiste-laïque ».[103]

Monjib a déclaré à Human Rights Watch que dès le début de ces réunions, lui et d'autres organisateurs étaient fréquemment suivis à Rabat par des voitures et des hommes en civil, alors qu'ils vaquaient à leurs activités quotidiennes.[104] Quand il partait en voyage à l'étranger ou en revenait, la police des frontières l'interrogeait systématiquement sur ses activités politiques.

Intimidation et menaces

Le 6 avril 2014, l'initiative de Monjib d'unir l'opposition au Makhzen a fait un pas en avant. La réunion tenue ce jour-là rassemblait non seulement des dirigeants d’opposition islamistes et de gauche, mais également des leaders du Parti de la Justice et du Développement – alors l'épine dorsale du gouvernement nommé deux ans plus tôt par le roi Mohammed VI. La réunion s'est terminée par une résolution visant à rédiger une plate-forme politique commune – sans doute le défi le plus tangible à la domination du palais royal sur la politique marocaine depuis des décennies.

À peu près au même moment, une crise diplomatique secouait le Maroc et la France. Le 20 février 2014, un juge d'instruction français avait profité de la présence en France d'Abdellatif Hammouchi, le puissant directeur général de la police marocaine, pour le convoquer afin de répondre d'accusations de complicité dans des actes de torture. Hammouchi a quitté la France sans répondre à la convocation. En réaction, le ministre marocain des Affaires étrangères a convoqué l'ambassadeur de France pour une protestation officielle.[105]

Interrogé par la chaîne de télévision France 24 sur ce qu'il pensait de la convocation judiciaire d'Hammouchi, Monjib a répondu : « Pourquoi pas, s'il y a des preuves contre lui ? », a déclaré Monjib à Human Rights Watch.

Monjib a expliqué à Human Rights Watch que la pression exercée sur lui par les autorités s'est intensifiée après cette déclaration, et aussi parce que les autorités l’identifiaient comme le principal architecte du front d'opposition islamistes-laïcs. À partir de là, a ajouté Monjib, les pratiques d’intimidation à son égard se sont accélérées.

Le 14 juillet 2014, raconte Monjib, un inconnu qui marchait derrière lui dans une rue de Rabat l’a attrapé par l'épaule et lui a dit : « Tu pues de la bouche, tu devrais la fermer. » Le 22 septembre 2014, un autre inconnu l'a abordé dans une rue de Rabat et lui a dit : « Si tu ne te tais pas, Daech va s'occuper de toi », avant de s'éloigner rapidement. Daech est l'acronyme arabe de l’État islamique, le groupe armé qui a acquis une notoriété mondiale à l'été 2014 après avoir violemment pris le contrôle de vastes étendues de territoire en Irak et en Syrie.

Monjib a déclaré à Human Rights Watch que ce dernier cas d'intimidation s'est produit deux jours avant l'agression physique contre son collègue, Hicham Mansouri (voir le chapitre sur Mansouri).

Avalanche de diffamation

Parallèlement à ces agressions physiques, Monjib a subi une avalanche d'article diffamatoires dans les médias pro-Makhzen. Le 4 juillet 2021, Human Rights Watch a dénombré 645 articles mentionnant Maati Monjib, avec un contenu extrêmement insultant et de fréquentes atteintes à sa vie privée. Les articles étaient parus depuis 2015 en arabe et en français sur huit sites internet connus pour s'aligner systématiquement sur les autorités et calomnier rageusement leurs détracteurs. Le décompte omet beaucoup d’autres sites Web ou de journaux imprimés de ce type. Un profil en ligne de Monjib mentionnait 1 500 articles de ce type.[106]

Parmi les titres de ces articles : « Maati Monjib, l'historien menteur », « Secrets et vérités sur le renégat qui a trahi le Maroc », « Merde aux traîtres : Maati Monjib est un agent étranger », « Monjib : un vendu, menteur, ingrat, et le reste est à venir... », « L'esprit criminel de Maati Monjib », « Maati Monjib : l'homme qui vend une idéologie qui justifie le viol des femmes », « Maati Monjib : un avocat du terrorisme » et « La vérité sur la relation de Monjib avec la CIA ». [107]

Dans un éditorial publié en août 2016, Monjib a énuméré certaines des allégations diffamatoires portées contre lui par des journaux et des sites Web étroitement liés, selon lui, à des « bureaux clandestins » de l'État.[108] Les allégations incluaient que Monjib « souffre d'impuissance précoce », « travaille main dans la main avec des djihadistes », est « un farouche défenseur de la perversion sexuelle », « un antisémite » et « un historien négationniste de l'Holocauste ». Monjib a nié toutes ces accusations dans l'éditorial, et dans des conversations avec Human Rights Watch.

Dans un entretien, Monjib a également noté que ces articles nommaient régulièrement les membres de sa famille et ses amis proches, en particulier les femmes, avec des allégations diffamatoires sur leur vie sexuelle.[109] Ces accusations causent énormément de stress aux personnes « non politisées » de son entourage, car elles ne sont « pas préparées à subir de telles attaques », a-t-il déclaré.

L'un des sobriquets dont les sites Web pro-Makhzen affublaient régulièrement Monjib était « pilier de la cinquième colonne », probablement une référence à son rôle important au sein du « Conseil de soutien » que certains partis politiques et organisations de la société civile avaient créé en 2011 pour fournir conseils et soutien logistique au mouvement du « 20 Février », branche marocaine du Printemps arabe.[110]

Interdiction de voyager, grève de la faim

En mai 2015, des contrôleurs fiscaux ont examiné les livres de comptes du Centre Ibn Rochd (voir la section sur l'Association marocaine pour le journalisme d'investigation, dans le dernier chapitre de ce rapport). Monjib avait décidé de fermer le centre six mois plus tôt en raisons, a-t-il déclaré, de multiples tentatives des autorités d’empêcher ses activités.[111] Le 31 août 2015, alors qu'il revenait d'un voyage à l'étranger, Monjib a été brièvement détenu pour interrogatoire à l'aéroport Mohammed V de Casablanca. C’est là qu’il a appris que la police enquêtait sur lui.

Deux semaines plus tard, la Brigade nationale de la police judiciaire a convoqué Monjib. L’interrogant au sujet du Centre Ibn Rochd, la police l’a accusé de « porter atteinte à la crédibilité des institutions de l'État », a déclaré Monjib. Les autorités aéroportuaires l'ont ensuite empêché de quitter le pays pour se rendre à Barcelone le 16 septembre, et en Norvège le 7 octobre.

Monjib a entamé une grève de la faim le 7 octobre 2015 pour protester contre le harcèlement dont il faisait l’objet et contre son interdiction de facto quitter le territoire du Maroc. De facto car à ce stade, Monjib n’avait été officiellement notifié de rien – même si de médias marocains, citant des officiels, avaient avancé que l'interdiction de voyage de Monjib était une mesure judiciaire liée a une enquête sur des « irrégularités financières » présumées au Centre Ibn Rochd.[112]

Le 19 octobre, Monjib a répondu à une autre convocation de la police pour interrogatoire sur les finances du centre. Après 12 jours de grève de la faim, il s'est rendu au poste de police dans une ambulance et un fauteuil roulant.[113] Une campagne internationale de soutien appelant les autorités à mettre fin au harcèlement contre Monjib a recueilli les signatures de plus de 50 ONG et 1 000 universitaires, journalistes et défenseurs des droits.[114]

Le 29 octobre, le tribunal administratif de Rabat a rejeté une requête de Monjib visant à déclarer illégale son interdiction de voyager. Le même jour, cependant, le parquet a informé l'avocat de Monjib qu'il levait l'interdiction de voyager et que son client serait traduit en justice. Il a alors mis fin à sa grève de la faim.

Après cela, a-t-il déclaré à Human Rights Watch Le 19 octobre a subi un « déluge » d'articles diffamatoires. « Un jour, j'étais dans un kiosque à journaux et il y avait une photo de moi sur chaque journal en vente », a-t-il déclaré. Il a ajouté que des voitures de police se présentaient fréquemment devant son domicile et « y restaient pendant des heures ».

Smartphone Infecté par un logiciel espion

Le 10 octobre 2019, Amnesty International a signalé des « attaques numériques ciblées » contre Monjib et un autre défenseur des droits humains, qui duraient au moins depuis 2017.[115]

Amnesty a identifié l’outil utilisé pour ces attaques comme étant Pegasus, un logiciel qui, introduit subrepticement sur un smartphone, prend le contrôle de tout son contenu.

En réponse aux preuves fournies par Amnesty, selon lesquelles Pegasus a été utilisé pour cibler Monjib et un autre défenseur marocain des droits humains, NSO Group a répondu : « Nos produits sont développés pour aider la communauté du renseignement et des forces de l'ordre à sauver des vies. Ce ne sont pas des outils pour surveiller les dissidents ou les militants des droits humains. C'est pourquoi les contrats avec tous nos clients permettent l'utilisation de nos produits uniquement à des fins légitimes de prévention et d'enquête sur le crime et le terrorisme. Si nous découvrons que nos produits ont été utilisés à mauvais escient en violation du contrat, nous prendrons les mesures appropriées. » Les mesures en question peuvent inclure, ajoute la réponse, « la suspension ou la résiliation immédiate de l'utilisation du produit par un client, comme NSO l'a fait dans le passé. »

En juillet 2021, une enquête menée par le consortium journalistique Forbidden Stories a révélé que le Maroc aurait continué à utiliser Pegasus au moins deux ans après les révélations d'Amnesty en 2019.[116]

Accusations de blanchiment d’argent

Le 7 octobre 2020, un procureur de Rabat a publié un communiqué annonçant qu'il ouvrait une enquête contre Monjib pour « blanchiment d'argent ».[117]

Les poursuites, selon le communiqué, ont été déclenchées par une notification d'une unité de police spécialisée dans les délits financiers selon laquelle « d’importants transferts de fonds » initiés par Monjib et « une liste de biens immobiliers » qu'il possédait « ne correspondaient pas aux revenus habituels déclarés par M. Monjib et les membres de sa famille ».

Dans les trois mois qui ont suivi cette annonce, la police judiciaire de Casablanca a convoqué Monjib une dizaine de fois, exigeant de lui qu’il prouver que les biens qu'il avait acquis tout au long de sa vie l'avaient été avec « de l'argent légitimement gagné », et aussi qu’il prouve que les opérations bancaires qu'il avait menées n'avaient pas pour but de « blanchir des sommes obtenues illégalement », a-t-il déclaré à Human Rights Watch.

Barlamane, un site Web pro-Makhzen, a publié plus tard un long article exposant apparemment les détails de l'affaire judiciaire contre Monjib, avant même que celui-ci n'ait eu accès à son propre dossier (au moment de la rédaction de ce rapport, plus de deux ans après l'ouverture de l’enquête, Monjib n'avait toujours pas reçu son dossier).[118] Barlamane avait déjà dans le passé publié des fuites d'éléments de dossiers impliquant des détracteurs de l'État, avant même que les accusés eux-mêmes ou leurs avocats n'aient accès aux dossiers en question.[119]

L'article de Barlamane mentionnait que Monjib possédait « d'importants biens immobiliers ». Dans une vidéo de 10 minutes publiée sur YouTube le 1er octobre 2020, Monjib a indiqué qu'il possède un appartement dans le quartier Agdal de Rabat, une petite maison dans la ville de Harhoura près de Rabat, où il vit, et un appartement à Benslimane, la ville dont il est originaire.[120] Monjib a expliqué avoir acheté ces trois propriétés sur une période de 30 ans pour un total d'environ 175 000 dollars US, ce qui « n’a rien d'extravagant et est tout à fait dans [ses] moyens », a-t-il déclaré à Human Rights Watch.

L'article de Barlamane prétend également, dans ce qui semble être la pierre angulaire de l'accusation de « blanchiment d'argent », que l'aide étrangère pour soutenir le Centre Ibn Rochd et l'AMJI avait été illégalement détournée vers les comptes personnels de Monjib, sa femme et sa sœur. À la connaissance de Human Rights Watch, aucune organisation internationale n'a jamais porté plainte pour détournement des fonds qu'elle aurait accordés au Centre Ibn Rochd ou à l'AMJI. Dans un communiqué publié le 15 janvier 2021, Free Press Unlimited, l'une de ces organisations, a déclaré que « Maati Monjib était un partenaire très respectés » et « devrait être acquitté de toutes les accusations contre lui. »[121]

Arrêté, sans accès au dossier

Le 29 décembre 2020, des agents de la police ont arrêté Monjib à Rabat, et un juge d'instruction a ordonné son placement en détention provisoire dans l'attente de la clôture d'une enquête contre lui pour détournement de fonds et blanchiment d'argent.[122]

Lorsque quelques jours plus tard, ses avocats ont demandé au juge d'instruction de leur remettre une copie du dossier afin qu'ils puissent le transmettre à Monjib dans sa cellule, le juge a refusé. Deux avocats de Monjib ont expliqué à Human Rights Watch que le juge avait autorisé les avocats de la défense à prendre des notes manuscrites dans le bureau du juge, mais leur avait interdit de photocopier le dossier. La plupart des avocats ont refusé, faisant valoir qu'ils n'étaient pas en mesure d'étudier correctement le dossier dans de telles conditions. Selon eux, le dossier contient plus d'un millier de pages et comprend des documents financiers denses et multiples.

Au cours de ses nombreuses années d'observation des procès au Maroc, notamment des dissidents, Human Rights Watch a observé que les avocats de la défense étaient toujours autorisés à faire des copies des dossiers et à les transmettre à leurs clients, qu'ils soient en prison ou en liberté provisoire. En vertu du droit international, les accusés et leurs avocats ont le droit d'accéder pleinement et en bonne et due forme aux dossiers judiciaires, afin de consulter les éléments retenus contre eux et ainsi préparer leur défense devant le tribunal. Refuser un tel accès compromet le droit de l'accusé de préparer sa défense et viole le principe d'« égalité des armes » d'un procès équitable – selon lequel les deux parties doivent avoir accès aux mêmes documents présentés au tribunal, avec suffisamment de temps pour se préparer.

Pendant que Monjib et ses avocats se voyaient refuser l'accès au dossier, les médias pro-Makhzen en recevaient apparemment des copies « fuitées » complètes, et n’hésitaient pas à utiliser les éléments ainsi obtenus pour accabler Monjib. Parmi les titres publiés dans ces sites « Justice : les détails des transactions frauduleuses de Maati Monjib », « Monjib : une machine à blanchir de l'argent au nom des droits de l'homme », « La vérité exposée : Maati gagne une tonne d'argent grâce au commerce des droits de l'homme » et « Nouvelles révélations sur la cupidité de Maati Monjib ».[123] Un nouveau sobriquet a émergé dans ces articles : Maati « Moul Jib », jeu de mots entre Monjib et « Moul Jib », «l’homme à la poche » en arabe marocain.[124] Un de ces sites Web a ainsi titré : « Combien Maati Monjib a-t-il de poches ? »[125]

Jugé par contumace alors qu'il se trouvait dans le même bâtiment

Le 27 janvier 2021, le tribunal de première instance de Rabat a reconnu Monjib et six coaccusés coupables de plusieurs chefs d’accusation, notamment d'avoir « reçu des fonds d'une organisation étrangère dans le but de porter atteinte à la sécurité intérieure du Maroc. » L'affaire, distincte de celle du blanchiment d’argent, avait été ouverte en 2015. Elle reposait sur une subvention accordée par une ONG néerlandaise à l’Association Marocaine pour le Journalisme d’Investigation (AMJI), organisation créée par Monjib et d'autres militants, afin d’organiser des formations pour une application de journalisme citoyen (pour plus de détails, voir la section sur l’AMJI dans le dernier chapitre de ce rapport).

Monjib et ses coaccusés étaient accusés d'avoir enfreint l'article 206 du code pénal qui stipule qu'« une personne est coupable d'atteinte à la sûreté intérieure de l'État... si elle reçoit, directement ou indirectement, un soutien de l'étranger destiné ou utilisé pour financer une activité ou propagande de nature à porter atteinte à l'intégrité, à la souveraineté ou à l'indépendance du Royaume, ou à ébranler la fidélité que les citoyens doivent à l'État et aux institutions du peuple marocain. » Cette accusation est passible de cinq ans de prison. Le tribunal a condamné Monjib et trois coaccusés à un an de prison, un cinquième à trois mois de prison avec sursis, et les deux derniers à une amende.

Un tribunal de Rabat avait tenu une vingtaine d’audiences dans cette affaire entre 2015 et 2020.[126] À chaque fois, l'audience a été ajournée après quelques minutes car trois des sept accusés qui avaient fui le Maroc ne s’étaient pas présentés au tribunal. Les reports incessants étaient aussi possiblement motivés par la large publicité internationale donnée à l’affaire, notamment par Human Rights Watch et des organisations de défense de la liberté de la presse.[127]

Le 27 janvier 2021, les avocats de Monjib n’ont appris le verdict qu’après avoir accédé au portail Internet du ministère de la Justice. Par le même biais et à leur grande surprise, ils ont appris que le procès avait en fait repris une semaine auparavant, le 20 janvier. Ce jour-là, le tribunal a tenu une séance sur cette affaire en l'absence de Monjib et de ses avocats. Aucun d’entre eux n’avait été informé de la séance, ont-ils déclaré à Human Rights Watch. Après cinq ans et une vingtaine de reports, il n’a fallu qu’une seule séance pour que le tribunal examine une affaire complexe impliquant sept accusés, et la clôture le jour-même pour délibération.

Selon une déclaration signée par les avocats de Monjib Abdelaziz Nouaydi, Mohamed Messaoudi, Naima El Guellaf, Mohamed Jalal et Omar Bendjelloun, et examinée par Human Rights Watch, Monjib et eux étaient présents au tribunal où s'est tenue la du 20 janvier. Mais ils étaient dans une autre salle, assistant Monjib pendant qu’un juge d'instruction l'interrogeait sur une autre affaire, celle du blanchiment d'argent. Selon le communiqué des avocats, l’interrogatoire du juge d’instruction s'est terminé à 15h30, heure à laquelle les avocats ont quitté le tribunal tandis que Monjib, toujours en détention provisoire, était reconduit à la prison d'El Arjat à Salé, près de Rabat.

Le 1er février 2021, le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire, organe officiel que Constitution charge de « garantir l'indépendance de la justice », a publié un communiqué à ce sujet.[128] Le communiqué disait :

Maati Monjib a été déféré au tribunal le 20 janvier pour comparaître devant le juge d'instruction et après avoir quitté le bureau d'instruction à 11h30, il n'a pas été renvoyé en prison et est resté au tribunal, traduisant le souci des autorités judiciaires compétentes de lui permettre d’exercer son droit d'assister à l'audience relative au procès de 2015, qui a débuté à 15h30, car bien qu'il soit en détention dans le cadre de l'affaire de blanchiment, il reste en liberté concernant l'affaire de 2015. L'accusé a donc été retenu dans l'enceinte du tribunal en attendant qu'il exprime sa volonté d'être présent à l'audience, mais il n'a pas fait cette démarche, ni lui ni sa défense, bien qu'il ait été informé de la date de l'audience (…) À la fin de l'audience, il a été reconduit à la prison. Dès lors, son absence, comme celle de sa défense, relève d'une décision personnelle volontaire.

Dans leur déclaration, les cinq avocats de Monjib affirment qu'à aucun moment le 20 janvier, ni avant ce jour-là, ni eux ni Monjib n'ont été informés, formellement ou informellement, qu'une séance du procès de 2015 se tiendrait à 15h30 dans ce même bâtiment qu'ils venaient de quitter. L'un d'eux a déclaré à Human Rights Watch : « L'idée qu'une personne puisse être "en détention dans le cadre d’une affaire mais en même temps libre dans le cadre d’une autre" est absurde et sans précédent. Quand vous êtes en détention, vous êtes en détention, point final. Vous ne pouvez pas dire où vous voulez aller, ni ce que vous voulez faire. Quand vous quittez la prison pour venir au tribunal, les policiers vous escortent à tout instant et vous emmènent là où eux le décident, pas vous. »

Monjib et ses coaccusés dans l'affaire de 2015 ont fait appel du verdict de culpabilité prononcé contre eux. Une cour d'appel les a convoqués à six reprises entre avril 2021 et mai 2022. Les six sessions ont été reportées pour la même raison que le procès en première instance avait été reporté une vingtaine de fois depuis 2015 : trois prévenus, en exil en Europe, ne se sont pas présentés.

Grève de la faim, libération, interdiction de voyager et gel des avoirs

Le 4 mars 2021, Monjib a annoncé qu'il entamait une grève de la faim illimitée pour protester contre son incarcération et sa « persécution multiforme ».[129] Une campagne de soutien internationale a rapidement pris de l’essor, notamment aux États-Unis.[130] Monjib, 59 ans, qui souffre de diabète et d'une maladie cardiaque chronique, a déclaré à Human Rights Watch que les médecins qui ont mesuré sa tension artérielle le 23 mars, après 19 jours de grève de la faim, ont constaté qu'il était dans un état critique. Le même jour, la « Commission Tom Lantos des droits de l'homme » du Congrès américain a tweeté que « la vie de Maati Monjib est entre les mains du gouvernement marocain. » Monjib a été libéré le lendemain.

Aux portes de la prison et devant une foule de sympathisants et de journalistes, Monjib a accusé ce qu'il a appelé la « police politique » de « fabriquer les affaires » contre lui. Cette déclaration a suscité un démenti furieux du ministère de l'Intérieur.[131] Le lendemain, le site Barlamane a publié un article intitulé « Maati Monjib : de lapin craintif à l'intérieur de la prison à calomniateur frénétique à l'extérieur. »[132]

Le jour de sa libération, Monjib a reçu l'ordre de remettre ses passeports marocain et français aux policiers. Quelques semaines plus tard, Monjib a découvert qu'il ne pouvait pas retirer de l'argent de son compte bancaire ni de vendre sa voiture, apparemment en application d’une ordonnance du juge d’instruction. Monjib a déclaré à Human Rights Watch qu'il avait demandé une copie écrite de cette ordonnance mais qu'il ne l'avait jamais obtenue.

En septembre 2021, après quelques mois de relative accalmie, le harcèlement de Monjib a repris sur les médias pro-Makhzen.[133]

Le 7 octobre 2021, les avocats de Monjib ont demandé l'annulation de son interdiction de voyager et la levée du gel des avoirs. Le 13 octobre, le juge d'instruction qui a ordonné ces mesures a rejeté la demande sans justification, a déclaré l'un de ses avocats à Human Rights Watch.

5. Mohamed Ziane

Avocat, personnalité politique et ancien ministre aux Droits de l'homme, il a fait l’objet de harcèlement sur des médias pro-makhzen, de vidéosurveillance secrète dans un lieu privé, d’atteinte à sa vie privée, de pressions exercées sur des membres de sa famille, de sabotage apparent des procédures judiciaires dans lesquelles il était impliqué en tant qu'avocat, et de harcèlement multiforme de ses clients.

L'avocat Mohamed Ziane prend la parole devant la Cour d'appel de Casablanca, au Maroc, le 17 octobre 2017. © 2017 AP Photo/Abdeljalil Bounhar

Une cible atypique

Mohamed Ziane, 79 ans, est un avocat, homme politique et homme d'affaires connu au Maroc pour son style impétueux.[134]

En 1997, un tribunal français l'a condamné à trois mois de prison avec sursis parce qu'une compagnie de bus basée en France, dont il était propriétaire, opérait sans licence et avait entravé la vérification des conditions de travail de ses employés par une agence de l’Etat.[135]

Contrairement à la plupart des personnes ciblées par la répression étatique au Maroc, Mohamed Ziane était autrefois proche des cercles de pouvoir. Ancien ministre, chef d'un parti politique loyaliste et défenseur du gouvernement pendant des décennies, les problèmes de Ziane ont commencé en 2017 lorsqu'en tant qu'avocat, il a commencé à représenter des journalistes indépendants et des dissidents célèbres devant les tribunaux, et à épouser leurs causes dans des déclarations publiques.

L’avocat du gouvernement

En tant qu'avocat, Ziane a représenté le gouvernement sous le roi Hassan II, qui a régné de 1961 à 1999, dans des affaires politiques très médiatisées. Parmi celles-ci, le procès en diffamation en 1992 de Noubir Amaoui, un dirigeant syndical ayant traité les ministres de l'époque de « bande de voleurs ».[136] Avec Ziane comme avocat du gouvernement, le tribunal a condamné Amaoui à deux ans de prison.

En 1996, Hassan II a nommé Ziane ministre des Droits de l'homme. Quand, à ce titre, il a reçu une délégation de rescapés du tristement célèbre bagne de Tazmamart, où des opposants au roi avaient été détenus au secret et torturés pendant des décennies, il leur aurait dit qu’ils devraient « se considérer heureux d’en être revenus en vie ».[137]

En 2006, Claude Moniquet, de son propre aveu un ancien agent de renseignement français[138], a poursuivi en diffamation Le Journal. L'hebdomadaire indépendant marocain avait écrit qu'un rapport de Moniquet sur le Sahara occidental avait été « télécommandé par le palais royal ». Représentant Moniquet au tribunal, Ziane a obtenu une condamnation du Journal à verser à Moniquet l'équivalent de 360 000 dollars US de dommages et intérêts. L’hebdomadaire n'étant pas en mesure de payer l'amende, Aboubakr Jamai son directeur de l'époque, a dû démissionner et quitter le pays, ce qui a été alors considéré comme un coup dur pour la liberté de la presse au Maroc.[139]

En 2011, Ziane s'est opposé au mouvement du « 20 février », branche marocaine des mouvements de protestation prodémocratie du Printemps arabe, car il considérait qu'il mettait en danger la « stabilité » du Maroc.[140]

« Un tournant »

La trajectoire politique de Ziane a dévié en 2017 après l'éruption du « Hirak », une vague massive de protestation populaire, dans la région du Rif au nord du Maroc. À partir de là, Ziane a commencer à critiquer publiquement des déclarations et des décisions sécuritaires vraisemblablement prises au plus haut niveau du royaume. C'est alors que ses ennuis ont commencé.

Bien que les dirigeants du Hirak aient insisté sur le fait qu'ils étaient pacifiques et préoccupés uniquement par les conditions sociales et économiques dans leur région, tous les partis politiques représentés au gouvernement ont signé le 15 mai 2017 une déclaration commune, qualifiant les dirigeants du Hirak de « séparatistes » et de « saboteurs », et les accusant d'être secrètement financés par « des partis étrangers ayant des visées hostiles contre le Maroc. »[141] La police a déclenché la répression peu de temps après, et plus de 450 manifestants ont été arrêtés, dont beaucoup ont été torturés dans des postes de police.[142]

Quelques jours après le début de la répression, Ziane, qui a des racines familiales dans le Rif, a déclaré publiquement que les membres du Hirak n'étaient « pas des sécessionnistes » et qu'ils avaient le droit de protester contre les « erreurs du gouvernement ».[143] Fin juin 2017, Ziane est devenu l'avocat principal du chef de file du Hirak, Nasser Zefzafi, qui a été poursuivi aux côtés de 52 autres leaders de la contestation pour « atteinte à la sûreté intérieure de l'État » et « rébellion ».

Ziane a déclaré plus tard à Human Rights Watch qu'il avait plaidé la cause du Hirak auprès de « membres de l'entourage proche du roi », mais qu'il avait été confronté à « des partisans de la ligne dure qui recherchaient des condamnations fortes et [lui] en voulaient d'avoir pris le parti de vandales. »[144] Son choix de défendre le chef charismatique de la rébellion du Rif a scellé le virage de Ziane. Désormais, il assumait de défier les puissants appareils d'État et de sécurité marocains.[145] Cette « rupture » avec l’Etat a constitué un « tournant » dans sa carrière, a-t-il déclaré à Human Rights Watch.

Après environ un an de procès et 86 audiences, les 53 dirigeants du Hirak ont été condamnés à de lourdes peines de prison, largement fondées sur des « aveux » que la police leur aurait extorqués sous la torture.[146] Zefzafi a été condamné à 20 ans de prison.

Sa femme et ses fils condamnés pour avoir caché un témoin

Le 23 février 2018, Taoufik Bouachrine, le directeur d'Akhbar Al Yaoum, quotidien d’opposition ayant survécu à une décennie de harcèlement des autorités, et désormais considéré comme le dernier quotidien indépendant au Maroc, a été arrêté dans son bureau de Casablanca.[147] Trois jours plus tard, un procureur a inculpé Bouachrine de « traite d’êtres humains », viol, agressions et harcèlement sexuels. Le lendemain, Ziane est devenu son avocat (voir étude de cas sur Bouachrine).

Un procureur a répertorié 12 femmes comme plaignantes ou témoins contre Bouachrine. Toutes se sont rendues aux convocations de la police judiciaire pour répondre aux questions concernant des allégations de harcèlement sexuel ou d'abus de Bouachrine à leur égard. Si huit d’entre elles ont confirmé les allégations, quatre ont nié que Bouachrine les ait harcelées ou agressées, selon des documents judiciaires que Human Rights Watch a examinés. Lorsque trois de ces quatre femmes ont refusé de comparaître devant le tribunal, un juge a ordonné à la police de les amener de force.

L'une de ces trois femmes était la journaliste Amal Houari, qui a insisté sur le fait que Bouachrine ne l'avait « ni violée ni tenté de la violer ».[148] Ziane a déclaré à Human Rights Watch que Houari lui avait dit lors d'un appel téléphonique le 6 juin 2018 qu'elle avait refusé de comparaître devant le tribunal, et qu'elle était « terrifiée » à l'idée que la police puisse l'arrêter, comme ils l'avaient fait plus tôt le même jour pour Hanan Bakour, une autre journaliste ayant refusé de témoigner contre Bouachrine.[149]

Parce qu'il était alors en déplacement, a expliqué Ziane à Human Rights Watch, il a suggéré à Houari de passer la nuit chez son fils (celui de Ziane) pour garantir sa sécurité, et a promis de l’y retrouver le lendemain matin pour discuter de la situation. Houari a accepté. Quelques heures plus tard, la police est entrée dans la maison du fils Ziane. Paniquée, Houari s’est cachée dans le coffre d'un voiture se trouvant dans le garage de la maison, selon le récit de Ziane et plusieurs articles de presse.[150] C’est là que la police a découvert Houari, l'a arrêtée, puis l'a conduite au tribunal vers minuit le même jour.[151]

Ziane a indiqué à Human Rights Watch que la police a également arrêté deux de ses fils qui se trouvaient dans la maison, les a gardés à vue cette nuit-là, et les a relâchés le lendemain matin quand Ziane est arrivé au poste de police. Houari a ensuite été poursuivie, en liberté provisoire, pour s'être soustraite à une convocation de la justice. Le procureur a également inculpé Ziane et des membres de sa famille pour entrave à la justice. Après un an de procédure, un tribunal a condamné Houari, Ziane, l'épouse de ce dernier et ses deux fils à un an de prison avec sursis.

Dans un rapport publié en 2020, le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a déclaré : « de telles poursuites contre un témoin à décharge et l'avocat de l'accusé ont sans aucun doute porté atteinte à la capacité de concentration de la défense, compromettant ainsi le droit de M. Bouachrine à disposer des moyens de se défendre, en violation du Pacte international relatif aux droits civils et politiques », que le Maroc a ratifié en 1979.[152]

Violations de la vie privée, menaces, divulgation de vidéos filmées secrètement

En 2017, Ouahiba Khourchech, alors âgée de 37 ans, a sollicité les services de Ziane dans une affaire de harcèlement sexuel.

Officier de police anciennement responsable de la division des violences faites aux femmes à El Jadida, au sud de Casablanca, Khourchech a déclaré avoir été harcelée sexuellement par son supérieur pendant deux ans, selon le portrait qu’a dressé d’elle Samia Errazouki, une activiste marocaine installée aux Etats-Unis.[153] Fin 2017, Ziane a porté une plainte au nom de Khourchech contre son ancien supérieur.

En octobre 2018 et alors que Khourchech se trouvait au Maroc, une femme inconnue a appelé son mari, un citoyen américain résidant à Oakland, près de San Francisco, en Californie. L’appel provenait d’un téléphone portable avec un indicatif marocain, a déclaré Khourchech à Human Rights Watch.[154] La femme n'a pas donné son nom mais s'est présentée comme « un agent des services de renseignements marocains ». Selon Khourchech, après que cette femme ait fourni au mari des informations personnelles le concernant, apparemment pour asseoir sa crédibilité en tant qu'agent de renseignement, elle lui a dit que son épouse avait une liaison avec son avocat, Mohamed Ziane.

La femme a ajouté que Khourchech devrait retirer sa plainte pour harcèlement sexuel et abandonner Ziane comme avocat, faute de quoi la fille du couple, qui avait alors cinq ans et résidait avec sa mère au Maroc, serait enlevée. La femme a ensuite raccroché, selon le récit fait par Khourchech à Human Rights Watch.

En novembre 2018, Ziane a rendu visite à Khourchech et à sa fille alors qu'elles étaient en vacances pendant quelques jours à l'hôtel Dawliz à Salé, une ville proche de Rabat. Khourchech a déclaré à Human Rights Watch qu'à la fin de son séjour, elle a remarqué que ses effets personnels avaient été fouillés et que des documents personnels manquaient. Elle a ajouté que deux jours après avoir quitté l'hôtel, la même femme inconnue a appelé son mari à San Francisco, pour lui dire que sa femme avait rencontré Ziane dans une chambre d'hôtel.

Le 8 janvier 2019, Khourchech a rejoint son mari pour deux semaines de vacances à San Francisco. Deux jours plus tard, le même numéro de téléphone marocain a envoyé au mari une photo montrant Ziane en compagnie de Khourchech, dans la voiture de celle-ci. Le message d'accompagnement disait : « Félicite ta femme, Ziane lui a acheté une nouvelle voiture. » Khourchech a indiqué à Human Rights Watch que le même numéro a envoyé deux autres photos. La première la montrait avec sa fille de cinq ans dans une pièce, toutes deux nues, et la seconde, prise dans la même pièce, montrait Khourchech et sa fille toutes deux habillées, et Ziane vêtu d'un peignoir. Le message d'accompagnement disait : « Nous avons plus de photos, dans des situations plus honteuses, nous nous abstenons de te les envoyer par décence. » Khourchech a déclaré à Human Rights Watch qu'elle avait reconnu la chambre de l'hôtel Dawliz où elle et sa fille avaient séjourné deux mois plus tôt, mais que la deuxième photo avait été retouchée pour y inclure Ziane.

Le lendemain, Khourchech a déposé une plainte pour menaces et violation de la vie privée auprès de la police d'Oakland, a-t-elle indiqué à Human Rights Watch.

Khourchech est revenue au Maroc le 23 janvier 2019 et a repris son travail de policière. Elle a rédigé un rapport détaillé énumérant les appels, SMS et messages menaçants que son mari avait reçus, et a adressé le rapport à Abdellatif Hammouchi, le directeur général de la police, a-t-elle indiqué.

Le 25 février 2019, alors qu'elle se dirigeait vers la gare de Casa-Port à Casablanca afin de prendre un train pour El Jadida, deux inconnus l'ont accostée dans la rue et lui ont dit : « Votre fille [ils ont mentionné le nom de l'enfant] est morte, vous ne la reverrez jamais », puis se sont éloignés, a déclaré Khourchech à Human Rights Watch. Khourchech a ajouté qu'elle s'était précipitée à la gare pour prendre son train tout en appelant sa mère à El Jadida, chez qui l'enfant séjournait. Elles allaient bien et étaient en sécurité.

À son arrivée à El Jadida, Khourchech s'est rendue directement au bureau du procureur, lui a raconté ce qui s'était passé et a demandé sa protection. Elle a confié à Human Rights Watch avoir eu une « crise d'hystérie » au bureau du procureur. Celui-ci a appelé une ambulance, qui a transporté Khourchech à l'hôpital.

Khourchech a déclaré qu'elle a été mise « sous puissants sédatifs » et est restée dans l’incapacité de travailler plusieurs mois après cet incident. Le 3 décembre 2019, elle a envoyé une lettre de démission à Hammouchi, et déposé une autorisation de voyage, comme les agents de la police marocaine sont tenus de le faire chaque fois qu'ils veulent quitter le pays. Selon Khourchech, un de ses collègues l’informera plus tard, oralement, que ses demandes de démission et de voyage avaient été toutes deux rejetées.

Environ deux semaines plus tard, Khourchech et sa fille, alors âgée de 6 ans, ont réussi à traverser la frontière terrestre vers l'enclave espagnole de Melilla. Après deux mois de procédure, la mère et la fille ont quitté Melilla pour l'Espagne continentale, avant de se rendre aux États-Unis pour rejoindre le mari de Khourchech en juillet 2020.

En octobre 2020, Chouf TV, un site pro-Makhzen, a publié plusieurs photos montrant Khourchech en compagnie de Ziane dans des lieux publics au Maroc, prétendant qu’ils avaient une liaison.[155] Khourchech a expliqué dans une vidéo YouTube que les photos ont été prises à son insu ou sans son consentement, et comprenaient celle de la voiture que le mari de Khourchech avait reçue par SMS près de deux ans auparavant.[156] Khourchech a déclaré à Human Rights Watch que les photos avaient été prises sur une période de plus d'un an, indiquant une surveillance de longue date.

À la mi-novembre 2020, Khourchech a envoyé une lettre au cabinet du roi Mohammed VI, racontant toute son histoire et demandant au roi de « lui rendre justice ». Deux jours après avoir envoyé la lettre, Chouf TV a publié une vidéo de quelques secondes, filmée dans la chambre de l'hôtel Dawliz où elle avait séjourné deux ans auparavant. La vidéo montrait une femme habillée en train d'essuyer le dos d’un homme nu avec une serviette. Chouf TV disait que la femme était Khourchech et l'homme, Ziane. La publication de la vidéo a généré des centaines d'articles, la plupart sur des sites pro-Makhzen, commentant ce qu'un site aligné sur les autorités a appelé le « scandale sexuel de l'avocat Ziane dans un bordel ».[157]

En 2019, un juge d'instruction a classé sans suite la plainte pour harcèlement sexuel que Khourchech avait déposée, sans passer par un procès. Ziane a déclaré à Human Rights Watch qu'il avait suivi toutes les voies légales pour rouvrir l'affaire, jusqu'à ce que la Cour de cassation en 2021 la ferme définitivement.

Son fils en prison

Le 15 avril 2020, à Casablanca, la police a arrêté le fils de Mohammed Ziane, Nasser, 31 ans, soupçonné d'être impliqué dans « la production et la distribution de masques de contrebande ».[158] Trois semaines plus tôt, le Maroc avait ordonné un confinement général en réponse à la hausse des infections au Covid-19. Les masques faciaux, alors une denrée rare, étaient très demandés.

L’arrestation de plusieurs personnes impliquées dans une transaction entre un fabricant de masques (interpellé lui aussi) et une clinique, a fait échouer la transaction avant qu'elle soit conclue. Parmi les interpellés au côté de Nasser Ziane figurait Nabil Nouaydi, 30 ans, entrepreneur et fils de l'avocat des droits de humains Abdelaziz Nouaydi.

Après six mois de détention provisoire, Nasser Ziane a été condamné à trois ans de prison pour divers chefs d'accusation dont escroquerie. Nabil Nouaydi a été condamné, également après six mois en détention provisoire, à dix mois de prison pour « contrefaçon de marque et mise sur le marché d'un produit non conforme aux conditions de sécurité ».[159]

Dans des entretiens séparés à Human Rights Watch, Abdelaziz Nouaydi et Mohamed Ziane ont déclaré qu'ils soupçonnaient que les arrestations, les procès et les condamnations de Nasser et de Nabil étaient des représailles contre les positions politiques de leurs pères.

Le 20 mai 2021, une cour d'appel a confirmé la peine de 10 mois de prison pour Nabil Nouaydi et augmenté celle de Nasser Ziane à trois ans et six mois.[160]

Attaques diverses

Le 3 décembre 2020, la cour d'appel de Rabat a suspendu Mohammed Ziane pour un an, l'empêchant ainsi d'exercer sa profession d'avocat. Le tribunal a justifié la suspension par les « éclats d’audience » et les « plaidoiries hors contexte » de Ziane, notamment lors du procès Bouachrine.[161]

Ziane a déclaré à Human Rights Watch que depuis le début de ses démêlés avec la police, le bâtonnier de l'ordre des avocats de Rabat l'avait appelé plusieurs fois pour l'informer qu'il avait reçu des plaintes contre Ziane soulevées par ses anciens clients – notamment plusieurs dont les affaires avaient été classées, et certaines gagnées, depuis des années.

Le 30 novembre 2021, un procureur de Rabat a inculpé Ziane pour onze chefs d'accusation : « outrage au personnel judiciaire et à fonctionnaires publics », « outrage aux institutions », « tentative d'influencer les décisions de justice par des déclarations publiques », « diffusion de fausses informations sur une femme en raison de son genre », « diffusion de fausses informations dans le but de diffamer des personnes par des publications électroniques », « incitation à violer l'état d'urgence sanitaire [en relation avec la pandémie de Covid-19] par des publications électroniques », « complicité d'adultère », « participation à des écarts de conduite destinés à donner un mauvais exemple à des enfants », « participation à la sortie clandestine d'un individu du territoire national », « aide à un criminel à fuir et à échapper à une enquête le concernant » et « harcèlement sexuel ».[162]

Un site Web pro-Makhzen a déclaré que certaines de ces plaintes contre l'avocat avaient été soulevées par le ministère de l'Intérieur, dont un représentant a déclaré au site Web que « les fausses déclarations [de Ziane] constituent une diffamation pure et simple ».[163]

Le 23 février 2022, le tribunal de première instance de Rabat a reconnu Ziane coupable pour toutes ces charges et l'a condamné à trois ans de prison. Il a fait appel le même jour et est resté provisoirement en liberté. Le procès en appel n'avait pas commencé au moment de la mise sous presse de ce rapport.

6.Taoufik Bouachrine

Patron de presse et journaliste purgeant actuellement 15 ans de prison, il a fait l’objet de procès d’opinion, de vidéosurveillance par des caméras secrètement installées dans son bureau, de harcèlement par les médias pro-Makhzen, de procédures judiciaires inéquitables, de pressions exercées sur des personnes pour témoigner contre lui, et d’intimidation de son avocat de la défense, notamment via la famille de ce dernier.

Après avoir cofondé et été rédacteur en chef du quotidien Al Massae ainsi que de l’hebdomadaire Al Jarida Al Oukhra, Taoufik Bouachrine a créé en 2007 le quotidien Akhbar Al-Yaoum. Ce journal indépendant a publié des articles et des éditoriaux sur la corruption d’État, notamment parmi les cercles du palais royal.

Dans un éditorial publié en août 2017, Bouachrine a critiqué la gestion par le roi Mohammed VI des crises sociales et politiques au Maroc. Faisant référence à la célébration de l’anniversaire du roi dans un palais royal balnéaire alors que la région du Rif était secouée par des manifestations massives, l’éditorial s’intitulait « Gouverner n’est pas une promenade sur la plage ».[164]

Taoufik Bouachrine (photo issue de sa page Facebook).

Arrestation et poursuites pour agression sexuelle

Le 23 février 2018, la police a arrêté Bouachrine dans son bureau de Casablanca. Trois jours plus tard, un procureur l’a accusé de « traite d’êtres humains par l’exploitation de leur vulnérabilité ; exploitation de l’influence et utilisation de la menace de diffamation à des fins sexuelles, de viol, d’abus sexuel et de harcèlement sexuel ; organisation d’actes de prostitution ; et d’utilisation d’appareils d’enregistrement pour des activités pornographiques ». Le procureur l’a placé en détention provisoire et a transféré son affaire directement à la chambre criminelle du tribunal de Casablanca, arguant que l’affaire était prête pour le procès, sans qu’une enquête judiciaire soit nécessaire.

Ces accusations étaient basées sur une cinquantaine de clips vidéo d’une durée allant de quelques secondes à quelques minutes, que la police a déclaré avoir trouvés dans le bureau Bouachrine, et qu’elle prétend qu’il aurait enregistrés lui-même. Selon trois personnes interrogées par Human Rights Watch, les vidéos montraient apparemment Bouachrine – ou un homme lui ressemblant – dans des situations sexuelles plus ou moins explicites avec plusieurs femmes, dans le bureau de Bouachrine à Casablanca. En ce qui concerne le contenu exact des vidéos, et en particulier si elles comportaient des scènes d’agression sexuelle ou de coercition, les versions de l’accusation et de la défense divergent très largement. Human Rights Watch n’a pas été en mesure de vérifier le contenu des vidéos, qui n’ont été diffusées qu’à huis clos au tribunal et n’ont jamais été divulguées au public. Quelques articles sur des sites Web pro-Makhzen présentaient des captures d’écran dont ils disaient qu’elles étaient tirées des vidéos incriminantes montrant deux adultes se livrant à des activités sexuelles.[165]

Bouachrine a toujours nié avoir installé des caméras vidéo et a affirmé que des inconnus les avaient installées dans le faux plafond de son bureau et les y avaient laissées, à son insu, pendant plus d’un an. Bouachrine a soutenu qu’il n’avait jamais connu ni soupçonné leur existence, jusqu’au jour où la police l’a arrêté et lui a présenté les caméras, affirmant qu’elle venait juste de les retirer de l’endroit où elles étaient cachées. Bouachrine ne les a pas vus en train de le faire car, à ce moment-là, il était détenu dans un autre bureau des locaux du journal. Tout au long du procès, les avocats de la défense ont soutenu que les vidéos avaient été manipulées, que Bouachrine n’était pas reconnaissable dessus et qu’il ne les avait pas enregistrées.

Des femmes contraintes à témoigner contre Bouachrine

Dans les jours qui ont suivi l’arrestation de Bouachrine, la journaliste Naima Lahrouri a déclaré aux médias que Bouachrine l’avait agressée sexuellement, et la journaliste Khouloud Jabri a affirmé dans une interview qu’il l’avait harcelée pour des relations sexuelles en échange de faveurs professionnelles, ou en faisant allusion à des représailles professionnelles si elle rejetait ses avances.[166] Le jugement écrit du tribunal de première instance a cité neuf plaignantes, dont Lahrouri et Jabri. Sur la base de rapports de police citant des extraits de leurs audiences, le tribunal a convoqué trois autres femmes pour témoigner contre Bouachrine.

Même si dossier judiciaire de première instance mentionnaient la journaliste Amal Houari comme plaignante, celle-ci a déclaré qu’elle n’avait jamais accepté de porter plainte. Elle a écrit sur son compte Facebook le 2 mars 2018 : « Bouachrine ne m’a pas violée, il n’a pas essayé de me violer, je n’ai jamais eu de relation sexuelle avec lui, et je n’ai même pas porté plainte. Je ne sais pas d’où viennent toutes ces choses. »[167] Quant à la journaliste Hanan Bakour, également citée comme témoin contre Bouachrine, elle a fermement nié dans des déclarations aux médias toute relation romantique ou sexuelle avec lui, et a insisté sur le fait qu’il était un « ami et collègue », ajoutant : « honte à ceux qui essaient de salir ma réputation et la sienne ».[168]

Les 12 femmes, qu’elles aient confirmé les allégations d’agression sexuelle ou qu’elles les aient niées, ont comparu devant le tribunal. Certaines sont venues volontairement, d’autres y ont été contraintes par la police.

Le 6 juin 2018, la police s’est rendue à l’appartement de Bakour et a menacé de l’arrêter si elle ne les suivait pas au tribunal. Bakour s’est évanouie et a été emmenée à l’hôpital. Plus tard dans la journée, elle a été transportée directement en ambulance de l’hôpital au tribunal.[169] Une fois au tribunal, elle a fait ce qu’elle a décrit plus tard à la presse comme une « crise de nerfs » et n’a pas pu témoigner.[170] Le tribunal l’a convoquée de nouveau deux jours plus tard.

Le 7 juin, la police a contraint Amal Houari à sortir du coffre d’une voiture, où elle se cachait pour éviter de comparaître devant le tribunal, selon plusieurs articles de presse.[171] Elle a été arrêtée et transportée au tribunal, puis placée en détention provisoire immédiatement après la session pour entrave à la justice, ce qui a incité les avocats de la défense de Bouachrine à se retirer temporairement du procès pour protester contre ce qu’ils considéraient comme des indications d’un parti pris du tribunal contre leur client. Houari a ensuite été poursuivie en état de liberté provisoire, de même que les personnes présentes dans la maison où la voiture dans laquelle elle s’était cachée était garée. Elle et eux ont été reconnus coupables d’entrave à la justice et condamnés à un an de prison avec sursis.[172]

Tout au long de cette période, les médias pro-Makhzen ont soumis Houari à des allégations malveillantes incessantes sans rapport avec l’affaire Bouachrine. Le 6 mars, Barlamane, un site Web dirigé par un ancien haut responsable du ministère de l’Intérieur, est allé jusqu’à publier un article intitulé « Amal Houari nie avoir été violée par un [homme politique], mais Barlamane confirme le viol ».[173] Étant donné que les victimes de viol sont encore fréquemment stigmatisées au Maroc, ce titre a été largement perçu comme une attaque contre Houari.

Le 24 février 2018, le lendemain de l’arrestation de Bouachrine, la police a convoqué Afaf Bernani, membre du personnel d’Akhbar Al-Yaoum. Bernani dira plus tard à une journaliste américaine qu’à son arrivée au poste, un policier a cogné sur la table en lui criant : « Dis-nous tout ! Nous connaissons déjà la vérité ! ».[174] Elle a ajouté : « Je ne savais pas pourquoi j’étais là, je ne savais pas de quoi il parlait. »

Afaf Bernani a fourni plus de détails dans un éditorial publié dans le Washington Post deux ans après les faits : « Pendant plus de huit heures, les interrogateurs m'ont mis la pression agressivement pour que j'avoue que Bouachrine m'avait agressée sexuellement. Je dis ‘avoue’ parce qu'à partir de ce moment, le choix était clair : soit je confirmais le récit du régime selon lequel j’étais une ‘victime’, soit j'allais être traitée comme une criminelle. »[175]

Bernani a assuré à Human Rights Watch qu’elle n’avait pas cédé, refusant d’accuser Bouachrine de l’avoir harcelée sexuellement « parce qu’il ne [lui] avait jamais rien fait ».

« Quelques jours après l’interrogatoire », a poursuivi Bernani, « j’ai vu non seulement que la police avait falsifié mes déclarations [pour me faire frauduleusement accuser Bouachrine], mais aussi que des extraits de mon prétendu témoignage avaient été divulgués à des médias [pro-Makhzen]. » En réaction, Bernani a déposé le 8 mars une plainte pour faux auprès de la Cour de cassation de Rabat, chargée de traiter les plaintes contre les forces de police.[176] La Cour de cassation a rejeté la plainte de Bernani le même jour. Selon Mohamed Ziane, l’avocat de Bernani, il n’y a pas eu d’enquête avant la décision du tribunal.[177]

Le 12 mars 2018, a écrit Bernani, la police « [l’a] enlevée sans présenter de mandat », alors qu’elle se cachait dans la maison d’une amie, après avoir encerclé le bâtiment et coupé l’eau et l’électricité pour les forcer à sortir.[178] « Ils m’ont amenée directement au tribunal, où le procureur m’a interrogée pendant plusieurs heures, insistant tout au long sur le fait que c’était moi qui aurais falsifié mon propre témoignage. » Ziane a expliqué à Human Rights Watch que le procureur ce jour-là avait pressé Bernani de porter plainte contre son propre avocat (Ziane) pour avoir « porté plainte en [son] nom à [son] insu ou sans [son] consentement, sinon [elle] serait accusée d’avoir diffamé la police ». Bernani a refusé d’obtempérer. Le même jour, le procureur l’a accusée de diffamation de la police. 

La première session du procès en diffamation de Bernani s’est tenue le 17 avril 2018, au tribunal de première instance d’Ain Sebaa à Casablanca. Ziane et Bernani ont déclaré à Human Rights Watch lors d’entretiens séparés qu’ils étaient arrivés ensemble au palais de justice à 9h05. Le juge les a informés que leur audience avait déjà eu lieu à l’heure prévue, soit 9h00.[179] Après avoir pris note de l’absence de l’accusée et de son avocat, et après que l’accusation se soit abstenue de toute intervention, le tribunal a jugé l’affaire en moins de cinq minutes, puis a ajourné pour délibérer.

Un tribunal de première instance de Casablanca a condamné Bernani à six mois de prison.[180] « Pendant tout ce processus », a décrit Bernani, « j’ai été constamment harcelée et diffamée par des médias alignés sur l’État, qui d’un seul souffle sont passés de la sympathie pour moi en tant que victime présumée d’une agression sexuelle, aux insultes, à la diffamation, et en me présentant comme une coupable. »[181]

En juin 2019, après qu’une cour d’appel a confirmé sa condamnation pour diffamation de la police et avant que la peine soit exécutée, Afaf Bernani s’est enfuie en Tunisie, avant de s’installer aux États-Unis en 2022.[182] Son harcèlement dans les médias pro-Makhzen s’est poursuivi après son départ et n’a toujours pas cessé au moment de la rédaction de ce rapport, deux ans plus tard.[183]

D’autres victimes présumées ont maintenu leurs accusations

Seules Bernani, Bakour ainsi qu’une troisième femme ont refusé de témoigner contre Bouachrine malgré les pressions intenses et multiformes exercées sur elles. Quant à Houari a finalement été radiée de la liste des plaignantes. Les huit autres femmes que le procureur avait initialement inscrites comme plaignantes le sont restées jusqu’à la fin du procès. Aucune d’elles n’est revenue sur son témoignage initial. Bernani a entendu deux d’entre elles exposer au tribunal que Bouachrine avait l’habitude de « les garder au bureau tard et de faire des avances physiques non désirées. »[184] Bien que la plupart d’entre elles n’aient jamais fait de déclarations publiques au-delà du procès, certaines d’entre elles ont accordé des interviews répétées, dont aux médias pro-Makhzen, dans lesquelles elles réaffirmaient constamment que Bouachrine les avait agressées sexuellement.[185]

Kawtar Fal, l’une des femmes qui n’a donné aucune interview tout en maintenant sa plainte contre Bouachrine, a ensuite été accusée par les autorités belges d’être un agent des services de contre-espionnage marocains.[186] En juillet 2018, alors que le procès Bouachrine était toujours en cours, elle a été détenue pendant plusieurs semaines en Belgique, puis expulsée du pays, soupçonnée d’espionnage.[187] En septembre 2020, des médias français ont cité un rapport de police belge justifiant la détention et l’expulsion de Fal : « La Sûreté de l’État [...] considère que Mme Fal constitue une menace pour la sécurité nationale, car elle a constaté qu’elle [est] activement impliquée dans des activités de renseignement au profit du Maroc. »[188]

Violations de procédure régulière

Le procès Bouachrine a duré plus de 40 séances. Abdelaziz Nouaydi, un avocat marocain des droits humains, a assisté à toutes les sessions pour observer le procès au nom de Human Rights Watch, jusqu’à ce que le tribunal lui interdise l’entrée le 7 juin, après avoir ordonné un procès à huis clos. Au cours des séances auxquelles il a assisté, Nouaydi a déclaré qu’il avait noté le rejet répété par le juge des nombreuses requêtes de la défense au sujet de violations de procédure, notamment sa requête visant à rejeter des moyens de preuve qui, selon la défense, avaient été obtenus illégalement.

Le 8 novembre 2018, la chambre pénale du tribunal de première instance de Casablanca a condamné Bouachrine à 12 ans de prison pour traite d’êtres humains, viol avec violence et agression sexuelle, et l’a condamné à verser à huit femmes des dommages et intérêts allant de 150 000 à 800 000 dirhams (15 000 à 80 000 dollars US) chacune. Le 27 octobre 2019, une cour d’appel a porté la peine à 15 ans de prison.[189]

En 2020, le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a conclu que les deux procès avaient été entachés de violations de la procédure régulière et d’un « harcèlement judiciaire attribuable à rien d’autre qu’au journalisme d’investigation de M. Bouachrine ».[190]

Mauvais traitements en prison

Dès le premier jour de sa détention à la prison d’Ain El Borja à Casablanca en février 2018, les autorités ont gardé Bouachrine dans une cellule individuelle, l’ont empêché de rencontrer d’autres prisonniers et ont interdit aux gardiens de lui parler, a expliqué son épouse à Human Rights Watch. Selon l’Ensemble de règles minima de l’ONU pour le traitement des détenus, tout isolement carcéral qui dure plus de 15 jours consécutifs est considéré comme un traitement cruel, inhumain ou dégradant. Bouachrine a été maintenu en isolement abusif pendant un an et deux mois.[191]

Le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants a noté qu’« il est généralement admis que toutes les formes d’isolement cellulaire sans stimulation mentale appropriée sont susceptibles, à long terme, d’avoir des effets dommageables entraînant une détérioration des facultés mentales et des capacités sociales ». En avril 2018, l’épouse de Bouachrine a confié à Human Rights Watch qu’elle était préoccupée par une tendance à la perte de mémoire qu’elle percevait lorsqu’elle interagissait avec son mari.[192]

7. Soulaiman Raissouni

Chroniqueur indépendant purgeant actuellement une peine de cinq ans de prison, il a été la cible de harcèlement de la part des médias pro-Makhzen, et a fait l’objet d'une détention provisoire arbitraire prolongée

Soulaiman Raissouni, 50 ans, est un chroniqueur célèbre qui a travaillé pour plusieurs médias marocains, dont les quotidiens Al Aoual et Al Massae. En 2018, il a succédé à Taoufik Bouachrine, après l'arrestation de ce dernier pour des accusations d'agressions sexuelles et de harcèlement, comme rédacteur en chef d'Akhbar Al-Yaoum, le dernier quotidien imprimé au Maroc ayant une ligne éditoriale indépendante, avant sa fermeture en mars 2021.[193] Raissouni a attiré l'attention pour avoir critiqué le roi Mohamed VI et des personnalités puissantes, telles que le chef de la police Abdellatif Hammouchi.[194]

En 2019, les autorités ont arrêté Hajar Raissouni, journaliste d'Akhbar Al-Yaoum et nièce de Soulaiman, accusée d'avoir avorté et eu des relations sexuelles hors mariage. Hajar Raissouni a déclaré à Human Rights Watch que ses interrogateurs de la police « [lui] ont posé plus de questions sur Souleiman que sur les fausses accusations portées contre [elle]. » Un tribunal de Rabat a condamné Hajar Raissouni à un an de prison, avant qu’elle soit graciée par le roi.

Dans un éditorial de mai 2020, Soulaiman Raissouni a critiqué Hammouchi pour sa gestion du confinement national en réponse à la pandémie de COVID-19, alors émergente.[195] Raissouni a fait remarquer que le nombre de personnes arrêtées pour avoir enfreint le confinement dépassait le nombre de personnes testées pour le virus, remettant en question ce qu'il a appelé la « gestion sécuritaire d'une crise sanitaire ».

Soulaiman Raissouni (photo issue de sa page Facebook).

Accusé d’avoir molesté un homme gay

Le 14 mai 2020, un militant marocain des droits LGBT âgé de 25 ans connu sous le pseudonyme d'Adam Mohammed (ci-après identifié comme « Adam ») a publié sur sa page Facebook personnelle une affirmation selon laquelle un homme l'avait agressé sexuellement en 2018. Le post ne désignait pas nommément Souleiman Raissouni mais il fournissait des détails suffisants pour l'identifier. Adam avait fait la connaissance de l'épouse de Raissouni, la vidéaste Khouloud Mokhtari, alors qu'elle l'interviewait pour un projet de film documentaire sur les personnes LGBT au Maroc.

Dans sa publication sur Facebook, Adam a affirmé que l'homme l'avait invité à l'appartement du couple le 15 septembre 2018, sous prétexte d'une séance de tournage.[196] Adam déclarait que l'homme lui avait dit que Mokhtari et un caméraman seraient présents, mais qu’il a été surpris de constater qu'ils ne le soient pas. Il a ajouté qu'il avait également été surpris lorsque l'homme lui avait dit que le tournage aurait lieu dans la chambre à coucher, mais qu'il l'avait néanmoins suivi. Une fois qu'il s'est assis sur le lit, selon ce qu’Adam a déclaré plus tard à la police dans une déclaration signée, Raissouni a fermé les stores et verrouillé la porte, puis l'a poussé sur le dos, a tenu ses mains en l'air avec force puis a commencé, sans y être invité, à embrasser le cou d'Adam et à toucher ses fesses. Adam a expliqué qu'il avait menacé de crier après avoir tenté en vain de repousser son agresseur ; à ce moment, Raissouni l'a relâché et il a quitté l'appartement, toujours selon le récit d’Adam. L'incident allégué s'est produit sans qu'aucun vêtement ne soit retiré.

Harcèlement par les médias pro-Makhzen

Au lendemain de la publication du post d’Adam sur Facebook, près de deux ans après les événements allégués en question, Chouf TV, un site pro-Makhzen, l'a republié sous le titre « Première goutte de pluie avant l’averse : le petit Soulaiman doit apporter des éclaircissements après qu'un homosexuel l’accuse de harcèlement sexuel ».[197]

« L'averse » promise s'est déclenchée dans les jours suivants et poursuivie plusieurs semaines, sous la forme de dizaines d’articles sur Chouf TV et dans d'autres médias pro-Makhzen, dont Barlamane et Le360. Les articles étaient truffés d'insultes vulgaires et d'accusations à caractère sexuel contre Raissouni, notamment qu'il avait non seulement « pleinement violé » Adam Mohammed, mais également qu'il vivait en concubinage avec une femme avec laquelle un membre de sa famille avait engendré un « enfant illégitime » (le membre de la famille de Raissouni et la femme ont été nommés et un extrait non censuré de l'acte de naissance de l'enfant a été publié).[198]

Raissouni a répondu par quelques courts posts sur Facebook, accusant nommément les directeurs de Barlamane et de Chouf TV, ainsi que de hauts responsables de l'État, d'être des « déviants sexuels », une expression arabe désobligeante pour désigner les homosexuels.

Ces posts, rédigés en des termes explicites, n'ont fait qu'alimenter de nouvelles attaques contre Raissouni sur des sites pro-Makhzen. Chouf TV a publié une série d'articles – notamment des bandes annonces pour les épisodes à venir – truffés d'insultes vulgaires, sous des titres tels que « Slaimina Show » (Slaimina veut dire « petit Soulaiman » en arabe) et « Haruniyat Soulaiman » (ce qui peut être librement traduit par « la débauche de Soulaiman », en référence au calife du VIIIème siècle Harun al-Rashid, connu dans la culture populaire pour son style de vie dissolu).[199]

Le 17 mai, Chouf TV a publié un article intitulé « Slaimina Raissouni : Ceci est le dernier avertissement avant ta destruction ».[200]

La police a arrêté Raissouni cinq jours plus tard dans la rue, devant son domicile à Casablanca. Chouf TV était là pour filmer l'arrestation. [201] Raissouni est détenu depuis lors.

Détention provisoire injustifiée, procès par contumace, rejet d'un témoin

Le 20 mai 2020, Adam a été convoqué pour interrogatoire dans un poste de police de Marrakech, où il résidait alors. Selon la transcription de son interrogatoire, que Human Rights Watch a examinée, Adam a confirmé ce jour-là que Raissouni était l'auteur allégué anonyme de l'agression sexuelle de 2018 qu'il avait signalée sur Facebook quelques jours plus tôt.

Un procureur a inculpé Raissouni de séquestration et d'attentat à la pudeur et a renvoyé l'affaire devant un juge d'instruction. L'enquête judiciaire a duré un an pendant lequel Raissouni est demeure en détention provisoire, soit la durée maximale autorisée par la loi marocaine. Au cours de cette période, le tribunal a rejeté dix demandes de libération provisoire présentées par la défense de Raissouni, sans jamais fournir aucune justification détaillée de ces rejets.

Selon les normes juridiques internationales, la détention provisoire devrait être une mesure exceptionnelle. Lorsqu'un tribunal prive un suspect de liberté jusqu'à son procès, il doit en fournir une justification écrite, substantielle et individualisée, et le détenu doit comparaître devant le tribunal rapidement puis régulièrement pour des audiences sur la nécessité de maintenir la détention provisoire. Ni le procureur qui a initialement ordonné l'arrestation de Raissouni, ni le juge d'instruction qui a examiné son affaire pendant plus d'un an, ni le juge qui a présidé le procès, qui a débuté le 9 février 2021, n'ont jamais fourni une telle justification.

Le 7 avril 2021, Raissouni a entamé une grève de la faim pour protester contre sa détention provisoire. Le 15 avril, il a assisté à une audience mais a affirmé qu'il était trop faible pour parler en raison de sa grève de la faim, et a refusé de répondre aux questions du juge. Après cela, Raissouni a déclaré, via ses avocats, qu'il assisterait aux prochaines audiences du procès à condition d'être transporté à la salle d'audience en ambulance et en fauteuil roulant, et sous surveillance médicale. Le juge a rejeté ces demandes et a poursuivi le procès en l'absence de l'accusé. Le juge a également ordonné qu'un greffier rencontre Raissouni dans sa cellule après chaque séance pour l'informer du déroulement du procès.

La défense de Raissouni a demandé que les tribunaux de première instance et d'appel qui le jugeaient convoquent une femme de ménage dont Raissouni a déclaré qu’elle se trouvait dans l'appartement le jour de l'agression présumée. Les deux juges ont rejeté la demande. Le jugement de première instance a justifié le rejet par écrit ainsi : « Les juges ne sont pas tenus d'entendre les témoins tant que la preuve des faits n'est pas subordonnée à leur témoignage. » Nul ne sait ce que ce témoin aurait déclaré, si elle avait témoigné, et comment cela aurait pu aider Raissouni.

Un élément de preuve clé pour le tribunal était un enregistrement audio d'une conversation qui aurait eu lieu entre Raissouni et Adam, quelques minutes après l’agression alléguée du 15 septembre 2018. Selon Adam, peu de temps après avoir quitté la maison de son agresseur allégué, Raissouni l'a appelé sur son téléphone et lui a demandé de l'attendre dans une rue voisine, car il voulait lui parler. Raissouni, selon le récit d'Adam, l’a rejoint quelques minutes plus tard et a brièvement discuté avec lui. Adam a déclaré à la police et au tribunal qu'il avait mis son téléphone portable en mode enregistrement et l'avait caché dans sa poche pendant la conversation.

L'enregistrement, présenté au tribunal, comportait une conversation d'une minute et 19 secondes entre deux personnes avec le bruit de la rue en arrière-plan. Le jugement écrit, examiné par Human Rights Watch, contient une transcription de cette conversation, qui a ensuite été divulguée et publiée en format audio sur Barlamane. Dans l'enregistrement, l'individu 1 dit à l'individu 2 qu'il était « son ami », auquel l'individu 2 rétorque : « l'amitié est une chose, mais ce que tu as fait est autre chose. » L'individu 1 répond « c'était un malentendu » et plaide pour que l'individu 2 « ne dramatise pas les choses. » Après que l'individu 2 ait dit qu'il "allait rencontrer Khouloud", l'individu 1 répond : « D'accord, alors nous ne nous sommes jamais rencontrés aujourd'hui, okay ? »[202]

Le 18 septembre 2020, le juge d'instruction en charge de l’affaire a ordonné une expertise de l'enregistrement audio. Adam, qui a été convoqué, s'est identifié comme l'individu 2 et a accepté d'enregistrer un échantillon de sa voix. L'expertise technique précisera plus tard que l'échantillon de voix d'Adam correspondait à la voix de l'individu 2. Interrogé par le juge d'instruction s'il était l'individu 1, Raissouni a refusé de répondre, puis a refusé de faire enregistrer sa voix.

Les avocats de Raissouni ont justifié le refus de coopération de leur client par le fait que le procureur a présenté cette preuve sous la forme d'un fichier audio gravé sur un DVD, plutôt que de produire le véritable smartphone sur lequel la conversation aurait été enregistrée. L'un des avocats a déclaré au tribunal que, puisque le fichier audio était une copie plutôt que l'original, ils ne pouvaient pas exclure qu'il ait été falsifié.

Le 10 juillet, le tribunal a reconnu Raissouni, qui n'avait encore jamais été reconnu coupable d'aucune infraction pénale, coupable d'avoir retenu un homme de manière non consensuelle pendant quelques instants, de l'avoir brièvement touché sur une partie intime de son corps, puis de l'avoir relâché après que l'homme eut menacé de crier. Le tribunal a estimé que ces faits justifiaient cinq ans de prison.

Raissouni a mis fin à sa grève de la faim le 4 août 2021, environ trois mois après l'avoir commencée.

Le 23 février 2022, la Cour d'appel de Casablanca a confirmé la condamnation en première instance contre Raissouni.

Non-application sélective d'une loi injuste

Le jugement écrit du tribunal a affirmé au moins trois fois qu'Adam était gay. Selon ce document, c’est ce qu’Adam a déclaré à ses interrogateurs de la police et au juge d'instruction chargé de l'affaire. Son avocat a également affirmé devant le tribunal qu'Adam s'identifiait comme un homme gay.

L'article 489 du code pénal marocain criminalise les relations homosexuelles et les punit de six mois à trois ans de prison et d'amendes pouvant aller jusqu'à 1 000 dirhams (environ 100 dollars US).

Au fil des ans, le Maroc a poursuivi et emprisonné des hommes en vertu de l'article 489, même lorsqu'il n'y avait aucune preuve qu'ils s'étaient livrés à des actes sexuels entre personnes de même sexe. Le fait qu'Adam ait échappé aux poursuites alors qu'il avait ouvertement déclaré aux autorités qu'il était homosexuel est une évolution bienvenue que Human Rights Watch salue. Ce précédent soulève cependant un doute important : celui que les autorités appliquent la loi de manière sélective, ayant choisi de ne pas poursuivre Adam seulement parce que cela servait leurs fins, et non parce qu'elles souhaitent respecter les droits garantis internationalement aux personnes LGBT .

Dans un rapport publié en 2020, le bureau du parquet général a indiqué que 283 adultes ont été poursuivis au Maroc pour avoir eu des relations homosexuelles.

8. Omar Radi

Journaliste d’investigation purgeant actuellement une peine de six ans de prison, il a été harcelé sur les médias pro-Makhzen, poursuivi pour certaines accusations qui semblent politiquement motivées, fait l’objet de procédures judiciaires inéquitables, d’une détention provisoire prolongée sans justification, de surveillance électronique, ainsi que d’une agression physique suspecte.

Omar Radi, 36 ans, est un journaliste d’investigation qui a collaboré avec de nombreux médias marocains et internationaux.[203] Il est aussi un membre actif de l’Association marocaine des droits de l’homme, la plus grande organisation de défense des droits humains du pays, harcelée par les autorités pendant des décennies.[204]

Radi est également un activiste pour les droits sociaux et économiques qui a été actif dans diverses organisations non gouvernementales, notamment pour la défense de la liberté de la presse et des droits fonciers. Il a été vice-président d’Attac Maroc, la branche locale d’une organisation anti-mondialisation qui promeut l’action civique en réponse aux excès perçus du capitalisme mondial.

En 2013, il a co-écrit un article d’investigation primé sur les carrières de sable.[205] Ce secteur lucratif est considéré comme un foyer de corruption d’État au Maroc, car l’exploitation des carrières ne peut être réalisée qu’avec des permis d’État, que le palais royal distribue sur une base discrétionnaire et opaque, notamment à des dignitaires proches du palais royal.[206]

En 2016, Radi était à l’origine du la révélation du scandale de corruption dit des « serviteurs de l’État » ; Lakome2.com, un site d’information marocain, avait publié une liste d’une centaine de noms de hauts fonctionnaires qui auraient acquis des terrains publics à seulement une fraction de leur valeur marchande.[207] Même si l’article original n’était pas signé, Radi a révélé plus tard être le journaliste qui avait obtenu la liste confidentielle.[208]

En 2018, Radi a co-réalisé le film documentaire « La mort plutôt que l’humiliation », qui défendait fermement le Hirak, un mouvement de protestation qui a secoué la région du Rif au nord du Maroc en 2017.[209] Environ 500 militants ont été arrêtés, torturés dans des postes de police et condamnés à des années de prison à l’issue de procès entachés d’irrégularités.[210]

En 2018 également, Radi a participé à un talk-show sur YouTube dans lequel il critiquait le roi ainsi que des hauts responsables qu’il désignait par leur nom, notamment le chef de la police Abdellatif Hammouchi, réputé être le second personnage le plus puissant du royaume.[211] À un moment donné, prenant un risque manifeste, Radi a mis en garde le roi Mohammed VI contre Hammouchi, laissant entendre que les méthodes brutales de ce dernier retourneraient la jeune génération de Marocains contre la monarchie.[212]

Lors de la même émission, Radi a affirmé que le ministère de l’Intérieur avait abrité le « plus grand système de corruption du pays de tous les temps », en référence à un programme social lancé par le roi et administré par ce ministère au milieu des années 2000. Radi a appelé dans la foulée à la dissolution du ministère de l’Intérieur. Un mois plus tard, le ministère a demandé à un tribunal de dissoudre l’ONG qui avait offert ses locaux au talk-show, au motif que ce dernier comprenait des « insultes envers les institutions », citant certaines des déclarations de Radi pendant l’émission. Le tribunal a ordonné sa dissolution le 26 décembre 2020.

Le journaliste et activiste Omar Radi devant le tribunal de Casablanca, au Maroc, le 12 mars 2020. © 2020 REUTERS/Youssef Boudlal

Emprisonné pour un tweet

Le 6 avril 2019, Radi a tweeté : « Lahcen Tolfi, juge de la cour d’appel, bourreau de nos frères, souvenons-nous bien de lui. Dans beaucoup de régimes, les petits bras comme lui sont revenus supplier après en prétendant avoir "exécuté des ordres". Ni oubli ni pardon avec ces fonctionnaires sans dignité ». [213] Radi a tweeté ce message quelques minutes après qu’un tribunal d’appel, présidé par Tolfi, ait confirmé les verdicts du tribunal de première instance contre les leaders du Hirak, condamnés en juin 2018 à des peines allant jusqu’à 20 ans de prison – en grande partie sur la base de déclarations arrachées sous contrainte policière.[214]

Neuf mois se sont écoulés avant que la police ne convoque Radi pour interrogatoire. Quand il s’est présenté le 26 décembre 2019, un procureur de Casablanca l’a accusé d’ « insulte à un magistrat » et a ordonné sa détention ainsi que son renvoi immédiat en justice. Le seul fondement de l’accusation était son tweet du 6 avril.

Radi a passé six jours en détention provisoire avant d’être libéré sous caution, à la suite d’une campagne de soutien international. Le 17 mars 2020, il a été condamné à quatre mois de prison avec sursis pour insulte à un magistrat. Le verdict a été confirmé en appel en décembre 2020.

Une agression sans enquête

Le 7 juillet 2019, Radi conduisait sa voiture vers minuit à Ain Sebaa, une banlieue de Casablanca, lorsqu’un motocycliste lui a barré la route. Alors qu’il essayait de contourner l’homme à moto, a raconté Radi à Human Rights Watch, une dizaine d’autres hommes sont sortis de l’ombre et ont commencé à fracasser sa voiture à coups de bâton, de pierres et de briques. Les assaillants ont réussi à briser la vitre du passager avant que Radi ne parvienne finalement à fuir la scène. La mère de Radi a ensuite fourni à Human Rights Watch des photos montrant les lourds dégâts infligés au véhicule.[215]

Le lendemain matin, Radi s’est rendu à un poste de police à Ain Sebaa et a déposé plainte. Un policier a promis une enquête, a fourni à Radi un reçu avec un cachet de la police ainsi qu’un numéro de dossier, et lui a dit d’utiliser ce numéro pour suivre l’état de sa plainte au tribunal d’Ain Sebaa. Quelques mois plus tard, son avocat s’est rendu au tribunal afin de vérifier l’avancement de la plainte. Il a déclaré à Human Rights Watch que le numéro de série indiqué sur le reçu était faux et ne correspondait à aucun dossier judiciaire existant.

Surveillance numérique et infection par un logiciel espion

Le 22 juin 2020, Amnesty International a signalé à Radi que son smartphone avait été pris pour cible par Pegasus, un puissant logiciel espion développé par la société israélienne NSO Group.[216] Une fois introduit subrepticement sur un téléphone mobile, le logiciel obtient un accès complet à son contenu, le transformant en appareil de surveillance secrète de son détenteur.

Dans une déclaration du 2 juillet 2020, un porte-parole du gouvernement a nié avec véhémence toute surveillance électronique d’opposants.[217] Le porte-parole a déploré une « campagne internationale injuste de diffamation » contre le Maroc. Un précédent rapport d’Amnesty International avait documenté l’utilisation du même logiciel espion contre les défenseurs marocains des droits humains Maati Monjib et Abdessadak El Bouchattaoui.[218]

En juillet 2021, une série d’articles d’investigation publiés par le consortium journalistique international Forbidden Stories indiquait que le smartphone de Radi faisait partie de milliers d’autres ciblés par les autorités marocaines via Pegasus.[219] Le Maroc a poursuivi le collectif et Amnesty International, ainsi que différents médias qui avaient relayé leurs conclusions, pour diffamation. Le Maroc a perdu le procès en mars 2022.

Campagne de harcèlement par les médias pro-Makhzen

Entre le 7 juin et le 15 septembre 2020, Human Rights Watch a dénombré au moins 136 articles attaquant personnellement Radi, sa famille et ses partisans sur les sites pro-Makhzen Chouf TV, Barlamane et Le360, dans leurs versions arabe et française.

Les articles comprenaient des insultes vulgaires à l’égard de Radi et des informations personnelles à son sujet, notamment ses opérations bancaires personnelles, des allégations selon lesquelles il souffrait de graves problèmes de santé mentale ainsi que de toxicomanie, et qu’il avait violé une femme 13 ans plus tôt (ladite femme, contactée plus tard par un media français, a catégoriquement nié l’allégation).[220] Les articles ont également divulgué le nom d’une ancienne colocataire de Radi, alléguant qu’ils avaient une relation intime, et d’innombrables détails biographiques, notamment sur l’enfance de Radi, ses parents et plusieurs de ses amis et membres de son comité de soutien. Enfin, Chouf TV a publié la date d’arrestation de Radi cinq jours à l’avance.[221]

Harcèlement policier et judiciaire

Le 24 juin 2020, deux jours seulement après qu’Amnesty International ait déclaré publiquement que Radi était sous surveillance électronique, les autorités l’ont placé sous interdiction de quitter le territoire, et la police judiciaire l’a convoqué pour interrogatoire.[222] Il subira douze séances d’interrogatoire de six à neuf heures chacune, pour un total de 97 heures en moins de cinq semaines, selon les calculs de Reporters sans frontières.[223]

Le procureur de Casablanca qui a ordonné les interrogatoires a accusé Radi d’ « espionnage » pour des gouvernements, des entreprises et des organisations étrangers.

Driss Radi, le père d’Omar, a déclaré à Human Rights Watch que la surveillance policière constante ainsi que la campagne féroce dans les médias pro-Makhzen s’apparentaient à de la « torture psychologique » pour son fils. Le père a fourni en appui une note d’un psychiatre datée du 28 juillet 2020, que Human Rights Watch a examinée, certifiant que la santé mentale d’Omar exigeait un « arrêt de travail » pendant 30 jours, avec effet immédiat.

La police a arrêté Omar Radi le lendemain, le 29 juillet 2020. Il est derrière les barreaux depuis cette date. Le procureur, puis un juge d’instruction, puis le juge de première instance puis celui d’appel ont rejeté au moins vingt demandes de libération provisoire – même si Radi avait une adresse connue au Maroc, qu’il s’était engagé à participer pleinement au processus judiciaire, et qu’il ne présentait aucun risque de fuite apparent en raison de son interdiction de voyager.

Selon les normes juridiques internationales, le droit à la présomption d’innocence exige que, lorsque les autorités judiciaires privent un suspect de sa liberté, elles fournissent une justification écrite, individualisée et substantielle de la détention provisoire – justification que le suspect peut contester, et qui doit être soumise à un examen rapide, puis périodique, par des magistrats indépendants de celui qui ordonné la détention.

Le tribunal ne fournira jamais à Radi aucune justification de ce type, et le maintiendra en détention provisoire pendant une année entière.

Sur les 15 audiences que durera le procès de première instance, les avocats de Radi réitéreront 12 fois leur demande de mise en liberté provisoire de leur client. Le juge rejettera la demande à chaque fois, avec la même justification tenant en une ligne : « Les actes attribués à l’accusé, Omar Radi, sont d’une grande gravité et constituent une violation de la sécurité et de l’ordre public ».

Poursuites pour « espionnage »

Le 2 juillet 2020, un porte-parole du gouvernement a déclaré que Radi faisait l’objet d’une « enquête pour avoir vraisemblablement nui à la sécurité de l’État ». L’affaire était basée sur trois groupes de preuves : des textos que Radi avait échangés avec un diplomate néerlandais, préalablement à une réunion au cours de laquelle les deux hommes ont discuté des troubles dans le Rif ; des contrats que Radi avait signés avec deux sociétés de conseil britanniques afin de mener des recherches sur les secteurs financier et agricole marocains ; une subvention de recherche qu’il avait reçue de la Fondation Bertha pour enquêter sur les expropriations foncières au Maroc.

Le dossier, que Human Rights Watch a examiné en détail, ne contient aucune preuve que Radi ait fait quoi que ce soit d’autre que des travaux journalistiques ou de recherche sur des entreprises (« due diligence ») ordinaires, et maintenir le contact avec des diplomates, comme le font beaucoup de journalistes et de chercheurs de manière routinière. Le dossier ne contient aucune preuve qu’il ait fourni des renseignements secrets à quiconque ni même qu’il ait, à la base, jamais obtenu de tels renseignements.

1.     L’ambassade des Pays-Bas au Maroc

Fin 2017, alors que des manifestations socio-économiques massives et quasi-totalement pacifiques secouaient la région du Rif au nord du Maroc, Radi s’est fréquemment rendu dans cette région pour préparer un documentaire sur le mouvement de protestation du « Hirak ». C’est pendant cette période qu’un juge a approuvé la requête, émise par un procureur, de mettre le téléphone de Radi sur écoute. Alors que ses communications étaient sous surveillance, Radi a échangé des SMS avec un diplomate travaillant à l’ambassade des Pays-Bas à Rabat. Ces SMS, examinés par Human Rights Watch, ne contenaient rien de plus que des dispositions afin d’organiser des rencontres entre les deux hommes.

Interrogé par la police, Radi a insisté sur le fait que ses échanges avec le diplomate étaient des conversations de routine sur l’évolution des événements au Maroc, en particulier dans le Rif.

Comme le montre le jugement écrit de la Cour, examiné par Human Rights Watch, le procureur a soutenu que les contacts de Radi avec des diplomates néerlandais violaient l’article 191 du Code pénal marocain, qui interdit « de porter atteinte à la sécurité extérieure de l’État en entretenant une relation de renseignement avec des agents d’une autorité étrangère, dans le but ou à l’effet de nuire à la situation diplomatique du Maroc ».

La collecte d’informations non classifiées sur les conditions sociales ou les actions gouvernementales, et leur partage avec d’autres parties, par quelque moyen que ce soit, sont protégées par le droit internationalement reconnu de « rechercher, recevoir et communiquer des informations et des idées de toutes sortes, sans distinction de frontières » – un droit protégé par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, que le Maroc a ratifié en 1979.[224] Que de telles informations puissent donner une mauvaise impression des personnes au pouvoir, ou que le destinataire puisse les utiliser pour les critiquer, ne justifie pas de criminaliser leur collecte ou leur diffusion.

En outre, l’accusation de « nuire à la position diplomatique [d’une nation] » est formulée de manière trop vague et risque ainsi d’être utilisée pour criminaliser des actes qui ne devraient pas l’être, y compris des actes d’expression pacifique. La formulation vague de cette infraction ouvre la porte à des interprétations arbitraires de la part des juges, empêchant une personne de prédire raisonnablement quels actes seraient considérés comme des crimes.

Le ministre néerlandais des Affaires étrangères, Ben Knapen, a adressé une lettre au parlement néerlandais le 14 octobre 2021, déclarant que son gouvernement « rejette les accusations d’espionnage [en référence aux contacts de Radi avec des diplomates néerlandais], et a transmis ce message à l’ambassadeur du Maroc à La Haye. »[225] Sa lettre ajoute : « Il a été souligné que les ambassades sont libres d’entretenir des contacts avec les journalistes, [et que] cela fait partie de [leurs] activités régulières. » Selon Knapen, les autorités marocaines ont répondu que, bien qu’elles « attachent une grande importance aux bonnes relations avec les Pays-Bas », elles ne peuvent pas « interférer avec un processus judiciaire ».

2.    Sociétés britanniques de conseil en économie

Selon un article publié le 15 juillet 2020 par le site d’information Le Desk, pour lequel travaillait Radi, une société britannique de consulting économique avait engagé Radi en juillet 2018 en tant que consultant local en évaluation de risques.[226] Radi devait conduire des entretiens avec des acteurs du secteur financier du royaume, afin d’établir un profil des associés d’une entreprise marocaine de services financiers, pour le compte d’un client de la société britannique qui envisageait d’y investir. Pour ce travail, Radi a reçu l’équivalent de 1 500 dollars US.

D’après l’article du Desk, le contact de Radi pour ce travail dans la société britannique était un officier à la retraite du Foreign Office (ministère des Affaires étrangères) du Royaume-Uni, dont le nom était mentionné dans une prétendue liste d’officiers du MI6, le service de renseignements extérieurs du pays.[227]

Radi a déclaré qu’à l’époque, il ignorait tout d’une quelconque affiliation aux services secrets de son interlocuteur au sein de la société britannique de consulting économique, et a nié avoir fourni à cette personne, ou à cette société, tout service autre que de la recherche standard sur des sociétés privées.

Le procureur a pourtant conclu que les services de Radi ne relevaient pas d’une innocente activité de consulting, mais plutôt d’espionnage. Il est parvenu à la même conclusion concernant le travail de recherche sur le secteur agricole marocain, fournies par Radi a une autre société de consulting britannique, pour lequel il a été paye l’équivalent de 450 dollars US.

Les tâches effectuées par Radi pour ces sociétés, ainsi que ses contacts avec l’ambassade des Pays-Bas, constituent le fondement de l’accusation d’« atteinte à la sûreté extérieure » en vertu de l’article 191 du code pénal. Le dossier d’accusation, et le rapport de police sur lequel il se fonde, ne semblent pourtant contenir aucune preuve sur la nature des éléments fournis par Radi à l’une ou l’autre société et constituant le crime d’espionnage, ni sur le fait qu’il les aurait fournis en sachant que cela porterait atteinte à la sûreté de l’État.

La collecte et le partage d’informations non classifiées sur des activités commerciales devraient généralement être des activités protégées en vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, que le Maroc a ratifié en 1979.

3.    La Fondation Bertha

En janvier 2019, la Fondation Bertha, basée à Genève, a octroyé une bourse (fellowship) à Radi. Cette fondation offre des « fellowships » rémunérés à des journalistes et activistes qui œuvrent en faveur de changements économiques et sociaux. L’objectif de cette bourse était que Radi conduise des recherches sur l’impact social des expropriations de terrains pour cause d’utilité publique au Maroc.

Selon le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), le projet de fellowship de Radi consistait à faire des recherches sur les abus liés à l’expropriation des terres, par lesquelles l’État achetait des terres collectives appartenant à des tribus pour très peu d’argent, puis les vendait à des sociétés privées en réalisant un profit maximal.[228] « Au cours de son fellowship d’un an, les recherches [de Radi] ne se sont pas seulement concentrées sur des expropriateurs de terres — ce qui peut déranger les autorités marocaines — mais plus globalement sur le problème systémique de la dépossession. Les petits agriculteurs et les membres de tribus que [Radi] a étudiées continuent de s’appauvrir tandis que les expropriateurs de continuent de s’enrichir. »

La bourse faisait partie d’un programme appelé Bertha Challenge, qui soutient les « fellows » de Bertha pour qu’ils répondent à la question suivante : « Comment la collusion entre propriété, profit et politique contribue-t-elle aux injustices foncières et de logement, et que peut-on faire pour y remédier ? » [229] Pour le procureur, cela signifiait que Radi, sous commande d’une organisation étrangère, avait accepté une tâche dont l’objectif était de susciter, au sein de la population marocaine, un sentiment d’injustice au sujet des expropriations de terres.

Les activités de Radi, a déclaré le procureur, justifiaient des accusations en vertu de l’article 206 : « nuire à la sécurité intérieure de l’État en recevant une rémunération d’une entité étrangère pour une activité ou une propagande qui pourrait ébranler la loyauté que les citoyens doivent à l’État et aux institutions du peuple marocain ».

L’examen, l’analyse et la formulation de commentaires sur les politiques publiques et leur impact sont des activités protégées en vertu des normes internationales des droits humains. Engager des poursuites contre un individu pour s’être livré à de telles activités constitue une violation flagrante du droit à la liberté d’expression, garanti par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, que le Maroc a ratifié.

En outre, l’accusation de « porter atteinte à la loyauté que les citoyens doivent à l’État et aux institutions du peuple marocain » est floue et vague, et peut être utilisée pour criminaliser des actes légaux et légitimes qui relèvent du droit à la liberté d’expression. Ici aussi, la formulation de l’infraction en termes vagues permet des interprétations arbitraires par les juges, empêchant les personnes de prédire raisonnablement que leurs actions pourraient être interprétées comme des crimes.

Poursuites pour ivresse publique, violence et insultes

Le 6 juillet 2020, les autorités ont inculpé Radi pour « ivresse publique manifeste », violences et insultes. Ces accusations découlent d’une altercation qui avait opposé d’une part Radi et Imad Stitou, un collègue journaliste au Desk, et d’autre part Karim Alaoui, un caméraman pour le site pro-Makhzen Chouf TV, devant un pub à Casablanca. L’incident s’est produit le 5 juillet, au beau milieu des cinq semaines d’interrogatoires-marathon auxquelles la police judiciaire avait soumis Radi pour « espionnage » avant son arrestation.

Dans une vidéo de l’incident, on entend Alaoui hurler des insultes à Radi, le traitant de « voleur » et d'« ivrogne ».[230] Radi a déclaré à Human Rights Watch qu’il soupçonnait l’incident d’être une provocation avec la complicité de la police, vu comment celle-ci était intervenue presqu’immédiatement et les avait arrêtés, lui et Stitou, tandis qu’Alaoui n’a pas été détenu.

Dans un communiqué publié sur Facebook, Radi a déclaré qu’Alaoui le harcelait depuis plusieurs jours, à chaque fois qu’il entrait ou sortait du siège de la police judiciaire de Casablanca, où il était interrogé.[231] Deux témoins de l’incident du 5 juillet ont expliqué à Human Rights Watch qu’Alaoui avait attendu à l’extérieur du pub depuis au moins deux heures pendant que Radi était à l’intérieur, puis qu’il avait commencé à le filmer à la minute où lui et Stitou sont sortis, vers 23 heures. Les trois hommes ont alors échangé des invectives tout en se filmant mutuellement avec leurs téléphones portables.

Aucun acte de violence n’a eu lieu, ont déclaré les témoins, ajoutant qu’une fourgonnette de police, apparemment garée dans une rue adjacente, était apparue moins d'une minute après le début de la dispute. Les policiers ont interpellé Radi et Stitou, laissant Alaoui en liberté. Radi et Stitou, détenus toute la nuit, ont été libérés le lendemain après-midi.

Radi a déclaré à Human Rights Watch que les policiers avaient confisqué son smartphone lors de son interpellation et qu’un agent lui avait dit qu’ils avaient consulté son contenu, y compris ses conversations sur la messagerie cryptée Signal. Human Rights Watch n’a pas pu vérifier de manière indépendante si les données du téléphone mobile avaient bien été extraites. Radi et Stitou ont été accusés d’ivresse publique, de violence, d’insultes et d’avoir filmé une personne sans son autorisation. Alaoui n’a été inculpé que de ces deux derniers chefs d’accusation.

Le 5 août 2021, le tribunal de première instance d’Ain Sebaa, à Casablanca, a condamné Radi et Stitou à trois mois de prison avec sursis pour ivresse publique.[232] À cette date, Radi était déjà en prison depuis plus d’un an et avait récemment été condamné à six ans pour espionnage et viol. Alaoui a été condamné à deux mois de prison avec sursis pour avoir filmé une personne sans son autorisation.

Cette affaire a été jugée sans qu’aucun des accusés ne comparaisse devant le tribunal. Sept audiences ont eu lieu et à chaque fois, le juge a noté l’absence de toutes les parties accusées ainsi que de leurs équipes de défense, et a reporté le procès. Le verdict a finalement été rendu lors de la huitième session le 5 août, toutes les parties étant toujours absentes. L’avocat de Stitou a déclaré à Human Rights Watch que son client n’avait jamais reçu aucune notification pour aucune audience, ce qui ne l’a pas empêché d’être marqué absent à chacune. Radi, qui à ce moment-là avait passé plus d’un an en prison, n’a jamais été informé non plus, et la police ne l’a jamais amené de sa cellule à une salle d’audience.

Poursuites pour viol

Le 23 juillet 2020, Hafsa Boutahar, une ancienne collègue de Radi au site d’information Le Desk où elle travaillait comme agent administratif et commercial, a déposé plainte contre Radi pour attentat à la pudeur et viol, conduisant un procureur à l’inculper de viol et d’attentat à la pudeur avec violence.[233] Radi a nié l’accusation et a affirmé qu’ils avaient eu une relation sexuelle consensuelle.[234] L’accusation était fondée sur des faits survenus aux premières heures du 13 juillet 2020 dans une maison appartenant au directeur du Desk, parfois utilisée comme lieu de travail par l’équipe. La plaignante, Radi, et un troisième employé du Desk, le journaliste Imad Stitou, avaient été invités à y passer la nuit, chacun devant dormir sur un canapé distinct dans un grand salon du rez-de-chaussée.


Imad Stitou a témoigné devant la gendarmerie et le juge d’instruction au sujet de sa présence cette nuit-là. Son témoignage était conforme au récit de Radi, selon lequel il avait eu une relation consensuelle avec la plaignante.

Dans une mesure de procédure inhabituelle, car les infractions présumées de viol et d’espionnage ne sont pas liées, le tribunal de Casablanca les a versées dans un seul dossier et les a jugées ensemble. Le même juge d’instruction a examiné toutes ces accusations et a recommandé que Radi soit jugé pour celles-ci devant le même tribunal.

Toutes les allégations d’agression sexuelle nécessitent une enquête sérieuse et que les responsables soient traduits en justice, avec un procès équitable tant pour le plaignant que pour l’accusé.

En octobre 2020, alors que l'enquête judiciaire sur Omar Radi était toujours en cours, Hafsa Boutahar a demandé à rencontrer Human Rights Watch. En réponse, Human Rights Watch lui a proposé de parler avec des membres féminins de l’organisation, spécialement formées pour interroger les plaignantes de violence sexuelle de manière éthique. Bouhatar a répondu par SMS en disant qu'elle ne souhaitait plus parler à Human Rights Watch « par respect pour la justice et pour le secret de l'enquête judiciaire ». L'organisation a respecté sa décision.

En juin 2022, après la conclusion des procès en première instance et en appel, Boutahar a demandé de nouveau à rencontrer Human Rights Watch. Le 10 juin, des membres des divisions Moyen-Orient Afrique du Nord et Droits des Femmes l'ont rencontrée, ainsi que son avocate. La réunion a eu lieu à Rabat, avec une chercheuse de Human Rights Watch participant en ligne.

Lors de la réunion, Boutahar a critiqué certains médias et organisations de défense des droits humains, dont Human Rights Watch, pour ne pas avoir entendu les deux parties de l'affaire. Elle a déclaré que loin de la traiter comme une victime, ils la traitaient comme si elle était un outil que le gouvernement utilisait à des fins politiques.

Human Rights Watch a expliqué ne pas avoir cherché à parvenir à une conclusion sur les faits dans l'affaire de viol. Il s'agit plutôt de veiller à ce que toutes les allégations d'agression sexuelle fassent l'objet d'une enquête appropriée et que les responsables soient traduits en justice, dans le cadre d'une procédure pénale qui respecte les droits du plaignant et de l'accusé. Il s'agit notamment d'évaluer si le déroulement du procès avait respecté les normes internationales régissant le droit à un procès équitable.

Human Rights Watch a conclu, sur la base des preuves présentées dans ce rapport, que le procès d'Omar Radi a violé de nombreuses normes de procès équitable, et ne peut donc pas être considéré comme équitable.

Les preuves que le procès Radi était inéquitable

Le 19 juillet 2021, Radi a été reconnu coupable de viol et d’espionnage, et a été condamné à six ans de prison.[235] Stitou a été condamné à un an de prison, dont six mois avec sursis, pour participation à un viol. Les deux hommes ont fait appel. Radi a également été condamné à payer à la plaignante 200 000 dirhams (20 000 dollars US) de dommages et intérêts. Le 3 mars 2022, une cour d’appel a confirmé les deux peines prononcées contre Radi et Stitou.

Les deux tribunaux ont refusé à Radi « l’égalité des armes », principe selon lequel les deux parties ont les mêmes possibilités de présenter leurs arguments, une condition préalable à tout procès équitable selon les normes internationales. Les autorités ont refusé à Radi l’accès à son propre dossier pendant 10 mois.

Ils ont récusé le témoignage du témoin clé de la défense pour « participation à un viol », même si la plaignante n’a pas accusé le témoin d’y avoir participé et qu’aucune preuve contre lui n’a été présentée au tribunal. Le tribunal a également refusé à la défense le droit de contre-interroger un témoin de l’accusation de viol, et a rejeté un témoin clé de la défense dans l’affaire d’espionnage.

1.     L’inculpé empêché de consulter son propre dossier

Les autorités pénitentiaires ont interdit à maintes reprises aux avocats d’Omar Radi de transmettre à leur client le dossier concernant son affaire, le privant ainsi du droit de préparer sa défense depuis sa cellule. Radi n’a été autorisé à consulter son dossier complet que sur ordre du juge, après deux plaintes de ses avocats, le 3 juin 2021 – soit 10 mois après son arrestation et deux mois après le début de son procès en première instance. Il n’a donc pas eu assez de temps pour préparer sa défense.

Alors que Radi a dû se battre pendant des mois pour consulter son propre dossier, Barlamane, un site Web pro-Makhzen, a publié une longue analyse de l’affaire Radi quatre jours à peine après l’arrestation de ce dernier, le 29 juillet 2020. À l’évidence, l’article de Barlamane reposait largement sur le dossier judiciaire de Radi, auquel le site a donc eu accès dix mois avant le principal concerné. L’article laissait clairement entendre que Radi était coupable de tous les faits qui lui étaient reprochés.[236]

2.    Expulsion d’un avocat

Le 28 juin 2021, la police a arrêté Christophe Marchand, un avocat belge mandaté par les parents de Radi, à son arrivée à l’aéroport de Casablanca. Il venait de Bruxelles pour assister Radi lors d’une audience. 

Quelques heures plus tard, la délégation interministérielle pour les droits de l’homme, un organisme gouvernemental, a déclaré dans un communiqué que Marchand « savait depuis le 24 février [2021] qu’il lui avait été interdit d’entrer au Maroc » en raison de ses « attitudes hostiles envers [le pays], en particulier celles qui nuisent à son intégrité territoriale », mais a néanmoins tenté d’entrer au Maroc.[237] Le communiqué a ajouté que Marchand « avait l’intention d’imposer le fait accompli et d’exploiter sa présence au Maroc pour perturber une affaire judiciaire en cours » et « nuire à la réputation du Maroc » en « préparant des rapports biaisés et subjectifs ».

Lors d’un appel téléphonique avec Human Rights Watch le même jour, Marchand a déclaré qu’il n’avait jamais su ni été informé qu’il avait été interdit d’entrée au Maroc plusieurs mois plus tôt. Il a passé la nuit en détention à l’aéroport, puis a été expulsé vers la Belgique le lendemain.

3.    Le témoin-clé de la défense récusé

Après qu’Imad Stitou ait fourni au tribunal un témoignage conforme au récit de Radi, le 18 mars 2021, les autorités ont accusé Stitou de « participation au viol », même si la plaignante ne l’avait pas accusé d’avoir pris part à l’agression présumée, ni physiquement ni verbalement.

Dans leurs déclarations à la gendarmerie, au procureur, au juge d’instruction chargé de l’affaire puis à la Cour de première instance et à la Cour d’appel, Radi et la plaignante ont indiqué que Stitou, conformément à ses déclarations, ne s’était pas levé de son canapé cette nuit-là. Ils ont ajouté qu’ils pensaient Stitou endormi, avant qu’il affirme aux autorités qu’il était en fait réveillé.

Après avoir inculpé Stitou pour « participation à un viol », le tribunal a rejeté son témoignage. Selon le jugement, « Les déclarations de [Stitou] selon lesquelles [il a entendu les deux personnes avoir une relation qu’il croyait être une relation sexuelle consensuelle] ne peuvent pas être prises en considération parce qu’il est accusé de participation, et le fait de nier l’accusation est dans son intérêt. »

Dans une déclaration commune datée du 5 avril 2011, 11 organisations internationales de défense des droits humains ont fait valoir qu’« en mettant M. Stitou en examen, les autorités ont de fait retiré toute valeur probante à sa déposition en tant que témoin de la défense », et que le tribunal « devrait permettre aux personnes accusées de crimes de se défendre par tous les moyens appropriés ». [238] Selon le droit international des droits humains, tout accusé de crime a le droit de produire devant un tribunal des témoins à décharge, dans les mêmes conditions que les témoins à charge.

4.    Des preuves tangibles ignorées, un témoin de la défense récusé

En ce qui concerne les accusations d’espionnage, le procureur s’est largement appuyé sur une déclaration d’Omar Radi à la police, selon laquelle il a été en 2013 en contact avec Arnaud Simons, un ex-employé de l’ambassade des Pays-Bas au Maroc.

Selon le rapport de la police, le fait que le nom (mal orthographié) « Arnauld Simon » ne figurait pas sur la liste des diplomates accrédités au Maroc établie par le ministère des Affaires étrangères « confirmait fortement l’hypothèse » qu’il s’agissait d’un pseudonyme. Le pseudonyme, toujours selon la police, d’un agent des renseignements hollandais chargé de soutirer à Radi des informations classifiées sur les manifestations du Rif de 2017. Au cours du procès, le procureur a repris cette assertion à son compte et en a « conclu » que Simons était le « nom de guerre » (en arabe « ism haraki ») d’un agent secret hollandais.

Simons a contacté Human Rights Watch début 2021 et a fourni des photos de documents d’identité ainsi que d’autres documents prouvant qu’Arnaud Simons est son vrai nom, qu’il est citoyen belge, et qu’il a travaillé comme prestataire de l’ambassade des Pays-Bas au Maroc entre 2013 et 2015.

Dans des échanges avec Human Rights Watch et dans une lettre ouverte publiée en ligne ultérieurement, Simons a déclaré que ses contacts avec Omar Radi s’étaient limités à des questions culturelles, conformément à sa mission d’attaché culturel à l’ambassade. Quand les manifestations du Rif ont éclaté en 2017, a ajouté Simons, il avait quitté le Maroc depuis deux ans et n’avait plus été en contact avec Radi depuis son départ.[239]

Dans une lettre au juge remise par l’un des avocats de Radi lors de l’audience du 29 juin 2021, en présence de Human Rights Watch, Simons a présenté ses documents d’identité et a demandé à comparaître comme témoin de la défense. Le juge a versé le courrier au dossier, mais a rejeté la demande de Simons, au motif qu’écouter son témoignage reviendrait à « prolonger le procès ».

L’exposé des motifs du jugement déclarant la culpabilité de Radi ne mentionne pas le courrier de Simons. Il reprend en revanche la « déduction » du tribunal selon laquelle « Arnauld Simon » [sic] est « un nom de guerre utilisé par une personne qui travaillait à l’ambassade des Pays-Bas à Rabat ». La cour d’appel a adopté le même raisonnement pour confirmer la peine de 6 ans d’emprisonnement prononcée contre Radi.

5.    Refus du contre-interrogatoire d’un témoin à charge

Dans un courrier adressé au juge d’instruction le 10 août 2020, un avocat de la plaignante pour viol a demandé que soit cité à comparaître Hassan Ait Braim, citoyen maroco-américain résidant aux États-Unis mais « visitant le Maroc actuellement ».

La requête était accompagnée d’une courte lettre d’Ait Braim dans laquelle il déclarait qu’il était en appel vidéo avec la plaignante le 13 juillet 2020, quand il a vu « un homme en caleçon passer derrière le canapé, suite à quoi la conversation a brusquement pris fin ». Ait Braim ajoutait dans sa lettre qu’il ne « savait pas ce qui s’était réellement passé (par la suite) ».

Le 12 août 2020, soit le jour où il a reçu la demande de déposition d’Ait Braim, le juge d’instruction a écrit un courrier au procureur pour savoir ce qu’il en pensait. Après que le procureur eût accepté la demande par écrit, le juge d’instruction a adressé une citation à comparaître à Ait Braim. Tous ces courriers ont été expédiés, reçus et traités le 12 août, et le témoin est venu en personne faire sa déposition dans le bureau du juge d’instruction le même jour.

Plusieurs avocats marocains ont dit à Human Rights Watch la « stupéfaction » que leur inspirait la rapidité du processus, une rapidité selon eux rarissime, voire sans précédent dans les tribunaux marocains — d’autant plus qu’en août l’administration de la justice marocaine est en congé estival. Les avocats de Radi ont indiqué au tribunal qu’en raison des congés d’août 2020, eux en revanche n’avaient pu trouver personne dans tout le système judiciaire pour déposer une requête en libération provisoire de leur client. Or c’est ce même mois qu’Ait Braim a été entendu dans le cadre d’une procédure-éclair.

Les avocats de Radi ont précisé à Human Rights Watch qu’ils n’ont été notifiés du témoignage d’Ait Braim que plusieurs mois plus tard, alors que ce dernier était rentré aux États-Unis, où il vivrait.

Au cours du procès, les avocats de Radi ont demandé au juge de citer Ait Braim à comparaître pour un contre-interrogatoire. La requête a été rejetée pour des motifs fallacieux. Le jugement, qui se fonde en partie sur les déclarations d’Ait Braim, indique : « Le juge [n’est pas tenu de convoquer un témoin] tant qu’il croit à la sincérité de [son] témoignage ». Pour garantir un procès équitable selon les normes internationales, la défense a le droit d’interroger tout témoin dont la déposition est utilisée par l’accusation.

La cour d’appel a adopté le même raisonnement pour confirmer la peine de 6 ans de prison prononcée contre Radi.

6.    Raisonnements spéculatifs du tribunal

Sur l’accusation d’espionnage, le jugement n’identifie aucune information classifiée que Radi aurait transmise en connaissance de cause à un agent étranger, ce qui constituerait le crime d’espionnage. En revanche, le tribunal bâtit son verdict de culpabilité sur un tissu de spéculations.

Par exemple, il est écrit en page 230 du jugement : « Les précautions de sécurité dont [Radi] entourait ses échanges avec le diplomate de l’ambassade des Pays-Bas prouvent qu’il était tout à fait conscient de la nature suspecte des activités dont [ce dernier] était chargé, comme le démontre le fait qu’il ne communiquait avec lui que par textos […] ».

Le fait de communiquer prioritairement par textos ne saurait prouver une quelconque activité secrète, ni la culpabilité de l’auteur ou du récipiendaire des textos en question.

Le jugement indique également à la page 230 : « L’allégation [de Radi] selon laquelle le but de ses voyages [dans la région du Rif] était de vendre des articles journalistiques en échange de dollars américains s’est avérée un mensonge, vu qu’il n’a déclaré aucun paiement de ce type [aux autorités fiscales…] ; en fait [ces voyages] étaient [motivés par] le travail qu’il effectuait pour le compte d’un agent secret d’un pays dont les orientations officielles sont préjudiciables aux intérêts du Maroc. »

Ne pas déclarer (prétendument) un revenu aux autorités fiscales ne peut être considéré comme la preuve que ce revenu n’a pas été perçu pour une activité donnée, et encore moins que l’activité en question était illégale. Le raisonnement du tribunal est de nature spéculative et ne constitue pas une preuve de culpabilité.

Le jugement ajoute à la page 231 : « Entre mars 2016 et mars 2020, [Radi] n’était employé d’aucun organe de presse ; par conséquent, on peut conclure que les déplacements [de Radi] sur le terrain pendant [les événements du Rif] n’étaient pas liés à un travail journalistique, mais ont plutôt été effectués pour recueillir des informations sur ces événements pour le compte de l’ambassade des Pays-Bas. »

La « conclusion » du tribunal est spéculative. Elle ignore également que Radi a expliqué à la police, au procureur, au juge d’instruction, et plusieurs fois au tribunal, en présence de Human Rights Watch, qu’il était journaliste free-lance pendant la période spécifiée.

Le jugement affirme en page 232 : « [On peut conclure que] les contacts de l’accusé avec des agents de l’ambassade des Pays-Bas n’avaient aucun rapport avec son travail de journaliste, comme le prouve le fait qu’il n’ait publié aucun article [mentionnant ces contacts] ; on peut donc en déduire que ces contacts constituaient bien des activités d’espionnage ».

Le fait de discuter de divers sujets avec diverses personnes, y compris des diplomates, sans nécessairement publier d’article fondé sur ces discussions, relève du travail routinier de tout journaliste. La « conclusion » du tribunal est spéculative et ne constitue pas une preuve de culpabilité.

Devant le tribunal, Radi a affirmé qu’une société de conseil britannique l’avait engagé pour fournir une note succincte sur le secteur agricole au Maroc, étant entendu que les recherches pour cette note se feraient en partie sur Internet. En page 234, le jugement commente cette affirmation comme suit : « La navigation sur Internet et l’examen de sites Internet spécialisés ne nécessitent pas les services de l’accusé ; par conséquent, [il] doit avoir rendu un autre service suspect à la société britannique. »

Les sites Internet spécialisés ne s’examinent pas tous seuls ; une telle activité suppose d’être confiée à quelqu’un. Rien n’empêche une entreprise d’embaucher un contractant, par exemple Radi, pour effectuer des recherches sur Internet. Cette conclusion est spéculative et ne saurait constituer une preuve de culpabilité.

Sur l’accusation de viol, le jugement déforme radicalement les déclarations du témoin devenu accusé Imad Stitou, d’une manière qui porte préjudice à ce dernier et à Radi, ainsi qu’à l'équité de la procédure. En page 237, le jugement indique que Stitou « ne nie pas » avoir entendu Radi faire un commentaire particulier à la plaignante, commentaire qui accréditerait la culpabilité de Radi et la complicité de Stitou. En fait, selon le procès-verbal de ses auditions par les gendarmes et le juge d’instruction, Stitou a fermement nié avoir entendu Radi faire un tel commentaire. Il l’a également nié lors d’une audience du procès à laquelle Human Rights Watch a assisté, puis encore une fois lors d’un entretien avec Human Rights Watch en octobre 2021.

Le jugement indique enfin à la page 224 : « L’allégation d’Omar Radi selon laquelle son rapport sexuel avec [la plaignante] était consenti ne tient pas debout, car si la victime avait réellement souhaité une relation sexuelle avec l’accusé, elle l’aurait planifiée avec soin, et dans un lieu approprié. [Le faire] dans la maison de son employeur et en présence d’un collègue qui assisterait à l’agression est absurde, et ne peut être envisagé par une personne saine d’esprit ».

Le raisonnement du tribunal sur la manière dont une femme « saine d’esprit » devrait planifier une relation sexuelle sape l'autonomie des femmes tout en reposant sur des stéréotypes sexistes. Il est en outre purement spéculatif, donc d’une valeur probante douteuse. Pour ces raisons, il porte atteinte à l'équité de la procédure.

Études de cas : Institutions médiatiques

A. Les cibles des autorités

Deux institutions médiatiques — une association de formation au journalisme et un quotidien — ont été harcelés sans relâche par des actions policières et judiciaires, certaines liées à des délits d'expression, d'autres à des infractions pénales.

1. L’Association Marocaine pour le Journalisme d'Investigation (AMJI)

Au début des années 2010, après une décennie de harcèlement policier et judiciaire des médias indépendants marocains, plusieurs journaux ont été poussés à la faillite du fait, entre autres, de boycotts publicitaires inspirés par l'État. Tenir des journaux indépendants à flot étant devenu impossible au Maroc, certains de leurs éditeurs ont préféré s’exiler.[240]

Dans ce contexte, des défenseurs de la liberté d'expression, dont l’universitaire Maati Monjib, ont créé en 2008 une organisation non gouvernementale appelée Association Marocaine pour le Journalisme d'Investigation (AMJI).[241] L’association visait à former de jeunes journalistes afin de « lutter contre le déclin de la liberté de la presse », a expliqué Monjib à Human Rights Watch.[242] Hicham Mansouri, responsable des responsables et cheville ouvrière de l'AMJI, a ajouté que l'objectif plus large de l'ONG était de « reprendre le flambeau en formant une nouvelle génération à l'investigation, le genre journalistique le plus nécessaire à l’exercice de la responsabilité démocratique. »[243]

Parce que les autorités ont refusé d'accorder à l’AMJI la reconnaissance formelle dont les associations ont besoin pour fonctionner légalement au Maroc, Monjib a créé en 2009 le Centre Ibn Rochd, une société de conseil qu'il possédait avec un membre de sa famille et un ami. Les entreprises privées au Maroc n'ont pas besoin de l'approbation des autorités pour mener leurs activités. Monjib a déclaré que les statuts du Centre Ibn Rochd donnaient à l'entreprise les mêmes objectifs que l'AMJI, à savoir développer le journalisme d'investigation par le biais de formations et d'activités connexes.

Une session de formation organisée par l'Association marocaine pour le journalisme d’investigation (AMJI) à Rabat en 2012. © 2012 Privé

« Reprendre le flambeau » du journalisme indépendant

Entre sa création et 2011, l'association a fonctionné dans un vide juridique en raison du refus – inexpliqué – des autorités de lui accorder un récépissé, attestation administrative dont les associations ont besoin pour effectuer des opérations de base, comme louer des bureaux ou ouvrir un compte bancaire. L'AMJI a finalement obtenu ce document le 22 février 2011, deux jours après que des manifestations massives en faveur de la démocratie, inspirées par des manifestations similaires en Tunisie et en Égypte, ont secoué le Maroc.[244]

Après sa reconnaissance légale, l’AMJI a développé ses activités. L’association a contracté des partenariats et obtenu des subventions auprès d’organisations non gouvernementales européennes qui soutiennent le développement des médias, notamment l’organisation danoise International Media support (IMS) ainsi que l’organisation hollandaise Free Press Unlimited (FPU). Ces partenariats se sont traduits par l'organisation de nombreuses formations sur les techniques d'enquête, l'éthique journalistique, la protection des sources, la sécurité en ligne et d'autres sujets connexes.

Mansouri a expliqué à Human Rights Watch que peu de membres de l'AMJI étaient eux-mêmes journalistes, ou disposaient de l'expertise nécessaire pour diriger de telles formations. L’association a donc engagé des professeurs de l’Institut Supérieur de l’Information et de la Communication, l’école publique de journalisme du Maroc, ainsi que des formateurs de réseaux internationaux comme Al Jazeera pour animer leurs ateliers. Par l'intermédiaire de l'AMJI, l'IMS et la FPU ont offert des bourses rémunérées et décerné le prix « Press Now » aux Marocains auteurs d'articles journalistiques exceptionnels. Parmi les lauréats figuraient des journalistes indépendants qui plus tard deviendront célèbres et subiront le harcèlement des autorités – notamment Omar Radi et Soulaiman Raissouni.

Des collaborateurs agressés dans la rue

Le premier prix « Press Now » a été décerné au journaliste Abdelilah Sakhir le 29 janvier 2011, sous l'égide du Centre Ibn Rochd, qui abritait alors les activités d’AMJI en attendant sa reconnaissance légale. Quelques heures à peine après avoir reçu son prix et peu après avoir quitté la cérémonie, Sakhir a été agressé dans une rue de Casablanca par quatre inconnus. Il a déclaré à un site d'information que ces hommes avaient d'abord lancé une cartouche de gaz lacrymogène à côté de lui et, pendant qu'il luttait pour garder son équilibre, avaient commencé à le frapper au visage et à lui donner des coups de pied après qu'il soit tombé au sol.[245] Les agresseurs ont ensuite sauté dans une voiture aux vitres teintées qui était garée à proximité, le moteur en marche et un chauffeur au volant, puis se sont enfuis.

Selon Sakhir, l’attaque était motivée par des « raisons professionnelles », car les agresseurs n’ont pas tenté de le voler.[246] Monjib a déclaré à Human Rights Watch que d’après lui, l'agression de Sakhir était « un message de désapprobation de la part des autorités pour ce que [l’AMJI essayait] d'accomplir : raviver le journalisme d’investigation après qu’ils l’aient presque tué au terme de la décennie précédente. »

Après que l'AMJI ait finalement obtenu la reconnaissance légale et repris les activités du Centre Ibn Rochd, son responsable des programmes, Hicham Mansouri, a été à son tour agressé dans la rue à Rabat le 24 septembre 2014, peu après être sorti d’une réunion avec Monjib.[247] À l'exception du gaz lacrymogène, ses agresseurs ont suivi exactement le même mode opératoire que ceux de Sakhir.

Mansouri sera par la suite harcelé de multiples manières. Son arrestation et emprisonnement pour adultère sont décrits dans l'étude de son cas qui lui est réservée dans ce rapport.

Harcèlement par les autorités

Même si l'AMJI a été légalement reconnue en 2011, les autorités locales ont continué à harceler l’association. Des agents locaux du ministère de l'Intérieur venaient occasionnellement dans ses bureaux, dans le quartier de l’Agdal à Rabat, pour faire des commentaires désobligeants sur le professionnalisme des collaborateurs de l'AMJI et leur loyauté envers le Maroc.

Mansouri a indiqué à Human Rights Watch qu'en 2013, le Caid de l'Agdal, un responsable local du ministère de l'Intérieur, l'a convoqué pour lui poser des questions sur la vie privée des membres de l'AMJI, notamment la vie amoureuse des membres féminins.

Parce que le bureau de l'AMJI était trop petit, a expliqué Mansouri à Human Rights Watch, l'organisation louait des salles de conférence dans des hôtels pour ses ateliers. À dix reprises au moins, ont déclaré Mansouri et Monjib dans des entretiens séparés, les directeurs des hôtels ont annulé les activités programmées au dernier moment, affirmant qu'ils avaient reçu des « instructions » des autorités locales.

Début 2014, un hacker a défiguré la page d'accueil du site internet de l'association pour la remplacer par des images pornographiques.[248] Vers la même période, des documents appartenant à Monjib ont été volés lors d'une effraction dans le bureau de l'AMJI.[249]

« Atteinte à la sûreté de l'État » avec une application de journalisme citoyen

En juin 2015, en association avec l'Association marocaine pour les droits numériques (ADN) et l'Association marocaine pour l'éducation des jeunes (AMEJ), l'AMJI a organisé un atelier à Marrakech pour former les participants à la photographie de presse et à la narration audio et vidéo grâce à Story Maker, une application pour smartphone développée par le journal britannique The Guardian pour encourager le journalisme citoyen. Le 10 juin, la police a interrompu la séance de formation, confisquant les smartphones que les organisateurs avaient distribués aux participants.[250]

Au cours des deux mois suivants, la police a interrogé Monjib, Mansouri, Samad Ait Aïcha, un membre de l'AMJI, Hicham Khreibchi dit Hicham Al-Miraat, alors président de l'ADN, Mohamed Essaber, alors président de l'AMEJ, et deux membres de l'AMJI, la journaliste Maria Moukrim et le journaliste à la retraite Rachid Tarek. Les questions de la police portaient sur leur implication dans le financement de l'atelier, assuré par l’organisation néerlandaise FPU.

Les six hommes et la femme ont par la suite été accusés d'avoir « reçu illégalement des fonds d'une organisation étrangère en vue de porter atteinte à la sécurité intérieure du Maroc. » À l'exception de Mansouri, qui purgeait alors une peine de 10 mois de prison pour adultère (voir chapitre sur Mansouri), les six autres ont été laissés en liberté provisoire.

Après que l'affaire ait suscité une vaste condamnation des organisations internationales des droits humains et de la liberté de la presse, le tribunal de Rabat a programmé une vingtaine d’audiences entre 2015 et 2020. À chaque fois, la séance a été automatiquement ajournée, officiellement parce que certains accusés, dont Ait Aïcha, Khreibchi et Mansouri, ne se sont pas présentés parce qu'ils avaient quitté le pays entre-temps.[251]

Le 20 janvier 2021, une nouvelle séance s'est tenue en l'absence des prévenus. Monjib, qui était alors en garde à vue pour une autre affaire ouverte en 2020 (voir chapitre sur Monjib), était présent dans le même palais de justice lors de la tenue de l'audience, subissant l’interrogatoire d’un juge d’instruction pour sa nouvelle affaire. Les autorités n'ont pas informé Monjib qu'un procès le concernant se tenait en bas du bâtiment au même moment. Après cinq ans de séances reportées, une seule audience a suffi pour que le tribunal termine l'examen de l'affaire, en l'absence des avocats de la défense et des sept accusés, à l'exception d'Essaber.

Le 27 janvier 2021, le tribunal a rendu son verdict : les sept accusés ont été reconnus coupables d'atteinte à la sûreté de l'État. Monjib, Mansouri, Ait-Aicha et Khreibchi ont été condamnés à un an de prison, Essaber à trois mois de prison avec sursis, et les deux autres accusés à une amende de 500 dollars US « fixée comme peine minimale obligatoire ».

Le jugement écrit, consulté par Human Rights Watch, a conclu que la formation Story Maker (traduite littéralement en arabe par l’expression « fabrication d’histoires ») enseignait « des techniques et des compétences pour créer des histoires fabriquées et fictives sans lien avec la réalité à l'aide de smartphones. » Selon le jugement, le procès a prouvé que Story Maker, « une application qui a été spécifiquement créée [pour être utilisée dans] des zones de chaos et d'instabilité », « pourrait être utilisée pour porter atteinte à la sécurité intérieure [du Maroc] par l'utilisation de récits audio ou visuels fabriqués […] dans le but de semer la peur dans l'esprit des citoyens, de créer des troubles civils, d'ébranler les fondements de la société et la confiance dans les institutions constitutionnelles, puis de publier [ces récits] via les réseaux sociaux qui ont envahi chaque foyer. »

Le jugement a conclu : « Les suspects ne savaient que trop bien que le Maroc est un pays d'institutions, doté de sécurité et de stabilité, où le travail journalistique n'est pas limité [comme en témoigne] la présence d'un large éventail de plateformes médiatiques de différents types ; par conséquent, la réalité du journalisme au Maroc n'a aucun besoin des ateliers qui ont été proposés. »

« Plus personne ne voulait travailler avec nous »

Dans un entretien avec Human Rights Watch, Monjib a indiqué que les activités de l'AMJI sont devenues de moins en moins fréquentes après le procès de Story Maker en 2015.

Ils ont continué à nous harceler de diverses façons. Chaque fois que nous organisions une formation, des agents de sécurité appelaient nos formateurs et faisaient pression sur eux jusqu'à ce qu'ils annulent leur participation. Une fois, nous avons dû annuler un atelier après que trois des quatre participants se soient excusés la veille, invoquant étrangement la même excuse familiale, en utilisant pratiquement les mêmes mots. Les personnes refusant de céder aux pressions ont été abondamment insultées sur les sites pro-Makhzen. C'est vite devenu insoutenable, plus personne ne voulait travailler avec nous.

Entre 2016 et 2018, l'AMJI a annulé ses événements les plus « visibles », notamment le prix Press Now, ne maintenant que de petits ateliers dont la publicité se faisait exclusivement par le bouche-à-oreille afin d’éviter les attaques, a expliqué Monjib à Human Rights Watch. L'AMJI a organisé l'une de ses dernières activités, un colloque sur les sites Web pro-Makhzen à Rabat en janvier 2017, sous couvert d'autres organisations pour réduire les risques de représailles policières.[252] « Un soir, tous les participants au colloque dînaient dans un restaurant à Rabat, quand le directeur d'un de ces sites Web a fait irruption sans y être invité et a commencé à nous insulter bruyamment », a raconté Monjib. « Il a successivement montré du doigt certains participants et a dit qu'il savait exactement combien d'argent chacun avait sur son compte bancaire, et d'où venait cet argent. »

La dernière formation organisée par l'AMJI a eu lieu en mars 2018, avant que l'association ne cesse ses activités. En 2021, après l'arrestation de Monjib pour « blanchiment d'argent » (voir la section sur Monjib), Rachid Tarek, alors président de l'AMJI, a démissionné.

2. Akhbar Al-Yaoum

Le quotidien arabophone Akhbar Al-Yaoum (« Les nouvelles du jour ») a été fondé en 2007 par le journaliste Taoufik Bouachrine. Ce journal indépendant a publié des articles et des éditoriaux traitant de la corruption de l'État, notamment dans les cercles du palais royal.

Un Marocain lit le journal Akhbar Al Yaoum le 12 novembre 2014 à Rabat. © 2014 FADEL SENNA/AFP via Getty Images

Trois mois de fermeture pour un dessin

Tôt le matin du 29 septembre 2009, une vingtaine de policiers ont encerclé le siège casablancais d'Akhbar Al-Yaoum et empêché le personnel d'y entrer, comme l’a rapporté le Comité pour la protection des journalistes (CPJ). D’apres un article de presse, la police n’a présenté aucune ordonnance légale autorisant cette action.[253] Deux jours plus tôt, le ministère de l'Intérieur avait accusé le journal d'avoir « manqué de respect de manière flagrante à un membre de la famille royale » pour avoir publié un « dessin sur une cérémonie de mariage strictement privée organisée par la famille royale ». Le mariage en question était celui du prince Moulay Ismail, le cousin du roi Mohammed VI. Les médias marocains ont largement rendu compte du mariage, bien que la presse n'ait pas été invitée à la cérémonie privée.

Le ministère n'a pas expliqué en quoi le dessin en question manquait de respect à un membre de la famille royale – ce qui n’était pas manifeste non plus au vu de l’illustration, qui montrait le prince dans une scène de mariage traditionnelle avec le drapeau marocain en toile de fond. Un procureur a accusé Bouachrine et le caricaturiste Khalid Gueddar d'« outrage au drapeau national », et le prince Moulay Ismail les a poursuivis pour « manque de respect envers un membre de la famille royale ». Le 30 octobre 2009, un tribunal a condamné les deux hommes à quatre ans de prison avec sursis, ainsi qu’à des amendes et dommages et intérêts de 3,6 millions de dirhams (350 000 dollars US) à verser au prince.

Après la publication de ce dessin, le journal a disparu des kiosques, ses bureaux ont été scellés et ses avoirs gelés sans décision de justice pendant plus de deux mois.[254]

Le 15 juin 2010, un tribunal de Rabat a condamné Bouachrine à six mois de prison avec sursis pour fraude immobilière.[255] Le tribunal l'a également condamné à payer 10 000 dirhams (1 000 dollars US) de dommages et intérêts à l'ancien propriétaire d'une maison que Bouachrine avait achetée à Rabat trois ans plus tôt. Selon l'agence de presse AFP, l'ancien propriétaire avait porté plainte après la vente, affirmant que Bouachrine n'avait pas payé le prix convenu. Bouachrine a été acquitté en première instance en 2008, puis en appel en 2009, mais le propriétaire a déposé une autre plainte pour le même motif en avril 2010, après l'incident du dessin. Cette fois, il a gagné le procès.

« Les autorités marocaines utilisent clairement des poursuites pénales pour faire taire Taoufik Bouachrine », a déclaré le CPJ, qualifiant le verdict de culpabilité de 2010 de « peine de prison politisée ».[256]

Le « dernier quotidien indépendant »

Pendant les années 2000, les autorités ont fermé des médias critiques ou les ont conduits à la faillite par le biais de boycotts publicitaires orchestrés par le palais, et ont poussé leurs éditeurs à l'exil.[257] Au début des années 2010, Akhbar Al-Yaoum, bien qu'il ait été confronté à des boycotts publicitaires systématiques, en particulier de la part d'entreprises publiques, a réussi à tenir le coup, avec Bouachrine toujours à la barre.[258] Il était largement considéré comme le dernier journal indépendant du Maroc.[259]

Au cours des années 2010, Akhbar Al-Yaoum a fréquemment rendu compte de la corruption de l'État, notamment des allégations de transactions financières impliquant le ministre des Finances et le trésorier général du royaume de l'époque. Les deux hommes faisaient partie des cercles royaux – en particulier le second, un ancien camarade de classe et ami d'enfance du roi Mohammed VI.[260]

Après que Transparency Maroc, une organisation de lutte contre la corruption, ait engagé des poursuites civiles pour détournement de fonds publics, un procureur a classé l'affaire au motif que les transactions en question étaient légales.[261] Entre-temps, un tribunal a condamné Abdelmajid Elouiz, employé du ministère des Finances, pour « divulgation de documents officiels », après qu'un procureur l'ait accusé d'être la source des journalistes d'Akhbar Al-Yaoum. En mars 2014, Elouiz a été condamné à deux mois de prison avec sursis.[262]

En plus des révélations de son journal sur la corruption, il est possible que Bouachrine se soit attiré les foudres du palais royal pour une autre raison: sa défense acharnée du Premier ministre Abdelilah Benkirane, dont la « dangereuse popularité », selon l'universitaire marocain basé aux États-Unis Mohamed Daadaoui, peut avoir inquiété le palais.[263] Même si la formation islamiste de Benkirane, le Parti de la justice et du développement, a remporté une majorité relative de sièges au parlement lors des élections d'octobre 2016, le roi a fini par utiliser son pouvoir constitutionnel pour destituer le Premier ministre cinq mois plus tard. En raison de sa proximité avec Benkirane, les médias pro-Makhzen considéraient Bouachrine comme son « porte-parole ».[264]

Affaires pénales contre l’équipe d'Akhbar Al-Yaoum

L'arrestation, le procès et l'emprisonnement de Bouachrine pour viol et traite des êtres humains sont détaillés dans l’étude ce cas que lui consacre ce rapport. L'arrestation, les procès et l'emprisonnement de la journaliste d’Akhbar A Yaoum Hajar Raissouni et de son rédacteur en chef Soulaiman Raissouni sont également détaillés dans les études de cas qui leur sont consacrées.

Boycott économique, puis une faillite

En mars 2020, quand le gouvernement marocain a ordonné aux éditeurs de journaux de cesser d'imprimer et de distribuer des copies papier afin de réduire les interactions sociales et ainsi lutter contre la pandémie de Covid-19, un fonds public de compensation a été créé pour payer directement les salaires des journalistes.[265] Ceux d'Akhbar Al-Yaoum ont bénéficié de ce mécanisme comme des centaines d'autres journalistes au Maroc, jusqu'en octobre 2020. Ce mois-là, le paiement des salaires d'Akhbar Al-Yaoum s'est arrêté sans explication.[266]

Interrogé au Parlement sur les raisons de l'arrêt des paiements au personnel de cet unique journal, le ministre de la Communication de l'époque, Othman El Ferdaous, en charge du secteur des médias, n'a donné aucune explication pendant trois mois, puis a promis de débloquer les salaires. Il ne l'a jamais fait, comme l'a confirmé un journaliste d'Akhbar Al-Yaoum à Human Rights Watch.[267]

Après un long boycott publicitaire mené par l'État, et le refus par certains clients Étatiques de payer après la publication de leurs annonces dans le journal, Akhbar Al-Yaoum a annoncé sa mise en faillite dans un communiqué publié le 15 mars 2021.[268]

Le même jour, un site Internet pro-Makhzen, Barlamane, a écrit que seule la « mauvaise gestion » du journal était responsable de sa faillite.[269] Quelques jours plus tard, Chouf TV, un autre média pro-Makhzen, écrivait que la fin d'Akhbar al-Yaoum s'inscrivait dans la « tendance mondiale du déclin de la presse papier au profit des médias en ligne ».[270]

B. Les médias pro-Makhzen  

Plusieurs journalistes ont identifié une certaine constellation de médias marocains comme « proches du palais royal », ou ayant des liens étroits avec la police et les services de renseignement marocains.[271] Les sections suivantes se concentrent sur trois organes de presse majeurs de ce type.

1. Chouf TV

Chouftv.ma est une web TV couplée à un site d’information écrire en langue arabe, spécialisée dans les vidéos et articles à scandale, fouillant souvent dans la vie intime des gens. Les vidéos et les articles abordant des sujets politiques sont rares, comparés au reste du contenu du site. Human Rights Watch a examiné de très nombreux articles de Chouf TV. Qu’ils fassent l’éloge des autorités et des politiques de l’État ou qu’ils critiquent férocement des opposants au régime, ces articles ont une caractéristique commune : ils s’alignent sans faille sur les intérêts présumés des autorités.

Chouf TV publie une chronique hebdomadaire intitulée « Les révélations du dimanche » sous la signature Abu Wael Al-Rifi, apparemment le pseudonyme de Driss Chahtane, le directeur de Chouf TV.[272] La chronique fulmine régulièrement contre les autorités algériennes et défend rageusement la « marocanité » du Sahara occidental, conformément au discours officiel.[273] La chronique calomnie également sans relâche les détracteurs du Makhzen, les journalistes indépendants ainsi que les défenseurs des droits humains, et publie souvent des allégations scandaleuses concernant leurs vies personnelles et intimes.

Le siège de Chouf TV à Casablanca. Source : Facebook.

En octobre 2021, Alexa, une société américaine d’analyse du trafic web appartenant à Amazon, a classé Chouf TV au troisième rang des sites les plus consultés au Maroc, après Google et YouTube et devant Facebook.[274]

En octobre 2009, Driss Chahtane a été condamné à un an de prison pour « publication de fausses nouvelles » après qu’Al Michaal, un hebdomadaire qu’il possède et dirige, ait commenté la santé du roi Mohammed VI.[275] Il a bénéficié d’une grâce royale et a été libéré en juin 2010, deux mois après avoir « imploré la clémence du roi Mohammed VI » lors d’une interview depuis la prison.[276] Après cela, ont écrit les médias français L’Humanité et Mediapart dans un article conjoint, Chahtane a effectué « un virage à 180 degrés pour s’installer dans le giron du pouvoir ».[277]

Le 1er avril 2022, et de nouveau le 9 mai, Human Rights Watch a envoyé un courriel à Chahtane, l’invitant à répondre à plusieurs questions sur Chouf TV. Human Rights Watch n’avait reçu aucune réponse au moment où ce rapport était mis sous presse.

Dans une interview en 2019, Chahtane a déclaré que Chouf TV disposait d’une équipe de 107 journalistes dispersés dans tout le Maroc, et réalisait un chiffre d’affaires annuel de 2,5 millions de dollars US.[278] La page Facebook de Chouf TV indique 18 millions d’abonnés. A titre de comparaison, la page Facebook du New York Times en compte 17 millions, celle du Guardian 8 millions et celle du Monde 4 millions.

Il est possible qu’une aussi forte audience comprenne de nombreux faux comptes. Un rapport publié en février 2021 indiquait que Facebook avait supprimé un « réseau » de 385 comptes Facebook « provenant principalement du Maroc et ciblant un public national », six pages Facebook avec environ 150 000 abonnés et 40 comptes Instagram avec environ 2 500 abonnés, pour avoir violé sa « politique contre les comportements inauthentiques coordonnés ».[279]

Le rapport indiquait : « [Le réseau] est originaire principalement du Maroc et ciblait un public national. Les personnes derrière ce réseau ont utilisé de faux comptes pour publier dans plusieurs groupes à la fois afin de rendre leur contenu plus populaire qu’il ne l’était. Ils ont également fréquemment utilisé ces comptes pour commenter les nouvelles et les publications pro-gouvernementales de divers médias, notamment Chouf TV. »

Le rapport de Facebook a fourni un échantillon des « commentaires » en question : « éloge de la réaction du gouvernement face à la pandémie de coronavirus, de ses initiatives diplomatiques, des forces de sécurité marocaines, du roi Mohammed VI et du directeur de la Direction générale de la surveillance territoriale [la police marocaine] ».

Le rapport comprenait des échantillons visuels des photomontages publiés par ces comptes. L’un d’eux présentait Abdellatif Hammouchi, le plus haut responsable sécuritaire du royaume, avec un champ de roses en arrière-plan. Un autre montrait le roi Mohammed VI sur fond rouge, entouré d’un cœur vert stylisé (le drapeau marocain est une étoile verte sur un fond rouge) avec le commentaire « Tu es dans nos cœurs ». Un autre photomontage montrait une main brandissant une arme à feu qui semble surgir d’une carte du Maroc, avec la légende : « Trahir la nation est un crime grave et impardonnable—Non aux traîtres parmi nous ».

Le rapport de Facebook a ajouté que les « comptes inauthentiquement coordonnés » diffusant le contenu de Chouf TV « ont également fréquemment critiqué l’opposition au roi, les organisations de défense des droits humains et les dissidents. »

En juin 2022, Chahtane a été nommé président de l'Association nationale des médias et des éditeurs (ANME) du Maroc.[280]

2. Barlamane

Barlamane.com est un site Web en langue arabe qui diffuse des nouvelles et des commentaires en format texte et vidéo. Il dispose également d’une version française ainsi que d’une webradio. Son fondateur et directeur est Mohamed Khabbachi, ancien directeur général de Maghreb Arabe Presse (MAP), l’agence de presse officielle du Maroc.

La MAP a développé un réseau de correspondants dans le monde entier, dont au moins certains auraient des relations de travail avec la Direction Générale des Etudes et de la Documentation (DGED), l’agence marocaine de renseignement extérieur.[281] En 2005, un tribunal d’Almeria, en Espagne, a statué en faveur du journaliste marocain Ali Lmrabet, poursuivi par la MAP pour diffamation après qu’il ait écrit dans le quotidien espagnol El Mundo que la MAP était une « armée de mouchards ».[282] Dans son arrêt, le tribunal espagnol a indiqué que les liens entre la MAP, alors dirigée par Khabbachi, et la DGED étaient « suffisamment prouvés ».[283]

Une émission sur Barlamane.com. Titre de l'épisode: « Secrets et vérités sur les renégats qui ont trahi le Maroc ». Source : YouTube.

En 2010, Khabbachi a été nommé « gouverneur en charge de la communication » au ministère de l’Intérieur. Khabbachi a créé Barlamane en 2013. Bien que son nom ne figure pas sur la liste de l’équipe du site Web, Khabbachi est régulièrement identifié dans des articles de presse comme le créateur de Barlamane, ce qu’il n’a jamais démenti.[284] L’App Store d’Apple répertorie Mohamed Khabbachi comme le « développeur » de l’application Barlamane.[285]

La ligne éditoriale politique de Barlamane est étroitement alignée sur les autorités marocaines. Ses articles défendent fréquemment les Makhzen de manière agressive, fustigeant les autorités algériennes et les partisans de l’indépendance du Sahara occidental. Human Rights Watch a examiné des centaines d’articles de Barlamane qui étaient insultants ou truffés d’allégations scandaleuses contre des journalistes indépendants, des défenseurs des droits humains et d’autres opposants marocains.

Le 13 septembre 2019, Barlamane a publié un article en arabe intitulé « Les scandales de la famille Raissouni dont Satan lui-même a honte ».[286] Énumérant une série d’allégations malveillantes sur la vie intime et sexuelle du journaliste dissident Soulaiman Raissouni et de plusieurs membres de sa famille, l’article disait : « Soulaiman, nous avons honte de révéler tes actions [...] Viendra un jour où nous ouvrirons le livre de ta vie dans toute da noirceur. » Le site a publié une série d’articles sur Raissouni dans les mois suivants – une soixantaine entre 2018 et 2020, selon le décompte du journaliste Hicham Mansouri, réfugié politique en France – jusqu’à ce que Raissouni soit arrêté en mai 2020 et poursuivi pour agression sexuelle.[287]

Le 1er avril 2022, Human Rights Watch a envoyé un email à Khabbachi, puis de nouveau le 9 mai, l’invitant à répondre à plusieurs questions concernant Barlamane. Human Rights Watch n’avait reçu aucune réponse au moment où ce rapport était mis sous presse.

3. Le360

Le360 est un site Web en langue française qui diffuse des nouvelles et des commentaires en format texte et vidéo. Il en existe également une version arabe.

En avril 2015, le quotidien français Le Monde rapportait que le galeriste et critique d’art Aziz Daki, également actionnaire et directeur général de Le360, était « notoirement très proche de Mounir Majidi », secrétaire particulier du roi Mohammed VI et président des sociétés à portefeuille qui abritent les intérêts économiques privés de la famille royale». [288] Le Monde a noté que Majidi a embauché Daki comme directeur artistique et porte-parole du Festival Mawazine, un événement musical qui se tient chaque année à Rabat. Majidi a présidé l’association qui gère le festival pendant dix ans.

En 2015, le magazine marocain TelQuel a interrogé Daki au sujet de « rumeurs » liant Le360 au secrétaire du roi. Daki a rejeté les rumeurs comme étant basées sur des « raccourcis faciles ».[289] Plusieurs incidents suggèrent néanmoins que Le360 pourrait au moins être un canal de communication préféré pour Majidi.[290]

Capture d’écran de la page d’accueil du site Le360, 18 juillet 2022.

En février 2015, Le360 a publié des photos (supprimées depuis mais toujours accessibles dans les archives web) d’une lettre envoyée à Majidi par deux journalistes français s’enquérant des finances royales.[291] La lettre a donné à Majidi l’occasion de commenter des informations qui seront bientôt publiées dans le quotidien français Le Monde concernant un compte bancaire suisse au nom du roi Mohammed VI et citant Majidi comme gestionnaire de compte. La lettre, envoyée directement à Majidi ainsi qu’à son avocat, a été divulguée par le Le360 avant la publication de l’article du Monde.[292]

Le même scénario s’est reproduit en mars 2016. Avant la publication d’une enquête sur des sociétés offshore appartenant au roi et gérées par Majidi, un journaliste américain et membre du consortium d’investigation ICIJ a envoyé une lettre offrant à Majidi l’occasion d’exprimer son point de vue. Cette lettre a également fait l’objet d’une fuite et a été divulguée par Le360, avant que l’article ne soit publié sur le site d’information Le Desk, partenaire marocain de l’ICIJ.[293] Un article du Monde décrit comment les médias proches du palais royal, dont Le360, ont cherché à « dégonfler » des enquêtes de presse embarrassantes impliquant « le roi et son entourage ».[294]

Sur la base de l’examen de centaines d’articles publiés entre le milieu des années 2010 et 2022, Human Rights Watch a conclu que la ligne éditoriale du site Le360 est très étroitement alignée sur les autorités marocaines. Ses articles et vidéos défendent régulièrement le palais royal et les forces de sécurité, parfois à travers des portraits idylliques de responsables de la sécurité.[295] Il publie également régulièrement des articles insultants et truffés d’allégations malveillantes sur des journalistes indépendants, des défenseurs des droits humains ainsi que d’autres dissidents marocains.

L’une des cibles récurrentes du site Le360 est le prince Moulay Hicham, un cousin du roi Mohammed VI considéré comme un membre « rebelle » de la famille royale en raison de ses critiques fréquentes de la gestion des affaires marocaines par le roi, et des appels du prince à une ouverture démocratique au Maroc et au-delà.[296] Une recherche de l’expression « Moulay Hicham » dans le moteur de recherche de Le360 révèle environ 130 articles sur le prince, qui le dépeignent tous sous un jour peu flatteur.[297]

Le 1er avril 2022, Human Rights Watch a envoyé un email à Aziz Daki, l’invitant à répondre à plusieurs questions concernant Le360. Human Rights Watch a reçu une réponse le 14 avril, dans laquelle Wadi El Moudden, directeur de la publication de Le360, a nié que son site Web fasse partie des « média de diffamation » et a déclaré qu’il se consacrait à la « publication d’informations vérifiées et d’intérêt général ». El Moudden a demandé à Human Rights Watch de ne pas citer d’extraits de sa lettre.

 

Remerciements

La recherche, la rédaction, la révision et l’édition de ce rapport ont été réalisées par une équipe de Human Rights Watch comprenant Clive Baldwin, conseiller juridique principal, Rothna Begum, chercheuse principale senior auprès de la division Droits des femmes, Ahmed Benchemsi, directeur de la communication pour la division Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA), Eric Goldstein, directeur adjoint de la division MENA, Tom Porteous, directeur adjoint de la division Programmes et Benjamin Ward, conseiller juridique senior par intérim.

Arvind Ganesan, directeur de la division Entreprises et droits humains, Frederike Kaltheuner, directrice de la division Technologie et droits humains, et Rasha Younes, chercheuse sur les droits des personnes LGBT, parmi d'autres personnes, ont fourni des avis d'expert.

Santiago Garcia, producteur consultant, et Christina Curtis, directrice adjointe de la division Multimédia de Human Rights Watch, ont conçu et produit la vidéo accompagnant le rapport.

Des collaboratrices de la division MENA, ainsi que Travis Carr, coordinateur de la photographie et des publications, et Grace Choi, directrice des publications, ont préparé le rapport pour publication.

Danielle Serres a assuré la traduction en français de ce rapport.

Merci aux avocats, en particulier Miloud Kandil, Mohamed Messaoudi et Mohamed Sadkou, qui nous ont aidés dans l’analyse de cas juridiques spécifiques et sur des questions plus larges sur le droit marocain et les procédures pénales.

Nous remercions l'Association Marocaine des Droits de l'Homme (AMDH), et en particulier à son secrétaire général Youssef Raissouni, pour leur constante disponibilité à fournir des informations.

Surtout, nous remercions toutes les personnes nommées dans ce rapport et celles dont nous avons dissimulé les noms à leur demande ou pour des raisons de sécurité, pour avoir pour avoir accepté de partager leurs expériences et leurs points de vue avec nous.

 

[1] Omar Radi, conférence de presse à Rabat, 15 juillet 2020, https://www.youtube.com/watch?v=8CrbmLK5Pk8 (consulté le 25 février 2022)

[2] هاشتاغ.. لأول مرة.. كاشف لائحة خدام الدولة بوجه مكشوف Omar Radi et Christophe Guguen, « Des exploitants pas comme les autres », Lakome, 31 janvier 2013, https://web.archive.org/web/20131004233809/http://fr.lakome.com/index.php/component/content/article/112-enquetes/carrieres-de-sable/330-ain-tizgha-des-exploitants-pas-comme-les-autres-2 (consulté le 25 février 2022) ; entretien avec Omar Radi, https://www.youtube.com/watch?v=xuhJXUcXP_A (consulté le 25 février 2022)

[3] « 1D2CCons, ملحمة العدميين », YouTube, Clip vidéo, 24 août 2018, https://www.youtube.com/watch?v=v3saDv5cyf4 (consulté le 25 février 2022)

[4] Human Rights Watch, Morocco: Prosecution of Independent News Weeklies, mai 2006, https://www.hrw.org/news/2006/05/08/morocco-prosecution-independent-newsweeklies.

[5] Rachida El Azzouzi et Rosa Moussaoui, « Omar Radi est devenu une ligne rouge, autant que le Sahara ou le Roi », Mediapart, 21 septembre 2020, https://www.mediapart.fr/journal/international/210920/omar-radi-est-devenu-une-ligne-rouge-autant-que-le-sahara-ou-le-roi?onglet=full (consulté le 25 février 2022).

[6] Ursula Lindsey, « Me Too in Egypt and Morocco », New York Review of Books, 8 avril 2021, https://www.nybooks.com/articles/2021/04/08/me-too-in-egypt-morocco/ (consulté le 25 février 2022).

[7] « Project Pegasus: De Nouveaux Noms de Journalistes Révélés pour le Maroc », Le Desk, https://ledesk.ma/encontinu/projet-pegasus-de-nouveaux-noms-de-journalistes-reveles-pour-le-maroc/ (consulté le 25 février 2022) ; « From India to Rwanda, the Victims of NSO Group’s WhatsApp Hacking Speak Out », (blog) Access Now, 17 décembre 2020, https://www.accessnow.org/nso-whatsapp-hacking-victims-stories/ (consulté le 25 février 2022) ; « Morocco : Human Rights Defenders Targeted with NSO Group’s Spyware », Amnesty International, 10 octobre 2019, https://www.amnesty.org/en/latest/research/2019/10/morocco-human-rights-defenders-targeted-with-nso-groups-spyware/ (consulté le 25 février 2022) ; « The Pegasus Project », Forbidden Stories, https://forbiddenstories.org/case/the-pegasus-project/ (consulté le 25 février 2022)

[8] Ronen Bergman et Mark Mazzetti, « The Battle for the World’s Most Powerful Cyberweapon », The New York Times, 28 janvier 2022 https://www.nytimes.com/2022/01/28/magazine/nso-group-israel-spyware.html (consulté le 25 février 2022)

[9] « Le Maroc nie "tout espionnage" de journalistes avec le logiciel Pegasus », Africa News, 19 juillet 2021, https://fr.africanews.com/2021/07/19/le-maroc-nie-tout-espionnage-de-journalistes-avec-le-logiciel-pegasus/ (consulté le 25 février 2022)

[10] « Manifeste : Des journalistes marocains contre les médias de diffamation », En Toutes Lettres, 16 juillet 2020, https://etlettres.com/manifeste-des-journalistes-marocains-contre-les-medias-de-diffamation/ (consulté le 25 février 2022) 

[11] Ali Amar, « ’Barlamane’: enquête sur une machine à salir », Le Desk, 24 octobre 2017, https://ledesk.ma/grandangle/barlamane-enquete-sur-une-machine-salir/ (consulté le 4 mars 2022) ; Ali Lmrabet, @alilmrabet, Twitter, 7 juillet 2018, https://twitter.com/Alilmrabet/status/1015634977764118533 (consulté le 4 mars 2022) ; Serge Michel et Youssef Ait Akdim, « Maroc : la méthode d’un média proche du palais pour « dégonfler » les scoops gênants », Le Monde Afrique, 5 avril 2016, https://www.lemonde.fr/afrique/article/2016/04/06/maroc-la-methode-d-un-media-proche-du-palais-pour-degonfler-les-scoops-genants_4896687_3212.html (consulté le 4 mars 2022) ; Phineas Rueckert et Cécile Schilis-Gallego, « Journaliste Surveillé au Maroc: ‘La Descente Aux Enfers,’ D’Omar Radi », Forbidden Stories, 7 juillet 2020, https://forbiddenstories.org/fr/journaliste-surveille-au-maroc-la-descente-aux-enfers-domar-radi/ (consulté le 4 mars 2022).

[12] Abou-Ali, “ سامية رزوقي.. تمتهن “صحافة التشهير بلغة شكسبير”, Barlamane, 20 novembre 2020, https://www.barlamane.com/سامية-رزوقي-تمتهن-صحافة-التشهير-بلغة/  (consulté le May 10, 2022).

[13] Kh. A, « لقضاء الفرنسي يحمي صحافة التشهير ويرفض النظر في شكاية المغرب ضد وسائل إعلام فرنسية », Barlamane, 25 mars 2022, https://www.barlamane.com/القضاء-الفرنسي-يحمي-صحافة-التشهير-وير/ (consulté le on May 10, 2022).

[14] « Makhzen » est le mot arabe pour entrepôt. Il était à l'origine utilisé pour nommer le coffre au trésor où les sultans stockaient les impôts perçus auprès du peuple. Le sens a évolué à travers l'histoire. Il s'est d'abord élargi pour signifier, symboliquement, le contenu du coffre, c'est-à-dire les biens du sultan. Plus tard, il embrassa le personnel payé avec ces avoirs, puis l'ensemble du gouvernement, de l'administration et de l'armée. Depuis que la dynastie alaouite s'est installée au Maroc au XVIIe siècle, « Makhzen » est utilisé en référence à toute personne qui contribue à relayer le pouvoir du roi auprès de la population. Voir Michaux-Bellaire, Ed. et Buret, M., « Mak̲h̲zen », in: Encyclopaedia of Islam, First Edition (1913-1936), édité par M. Th. Houtsma, T.W. Arnold, R. Basset, R. Hartmann, disponible à : https://referenceworks.brillonline.com/entries/encyclopaedia-of-islam-1/makhzen-SIM_4477 (consulté le 4 mars 2022).

[15] Human Rights Watch a pris connaissance des articles que Chouf TV a publiés en janvier et juin 2020 (consultés le 25 avril 2022) et s'abstient de les relayer afin d'éviter de répandre les allégations qu'ils contiennent.

[16] Abu Wael Al-Rifi, « بوح بولفاف:هل يتذوقه الراضي في ضيافة التامك؟الأمير والدرابكي والتوارخي والحقوقي, » Chouf TV, 24 juillet 2020, disponible via archives https://chouftv.ma/press/274611.html

[17] Abu Wael Al-Rifi, « سليمان سليمينة الريسوني..البوح ما قبل الأخير ما قبل التدمير » Chouf TV, 17 mai 2020, disponible via archives https://web.archive.org/web/20211027124557/https:/chouftv.ma/press/250314.html

[18] Chouf TV, « أول فيديو للحظة اعتقال سليمان الريسوني...شوفو شحال ديال البوليس شدوه 4 أو"15, » vidéo YouTube, 22 mai 2020, https://www.youtube.com/watch?v=fR3jPSStNO0 (consulté le 4 mars 2022).

[19] Abdellatif El Hamamouchi, post sur Facebook, 26 avril 2021, https://www.facebook.com/abdellatif.elhamamouchi/posts/3764908366971309 (consulté le 4 mars 2022)

[20] Kaouthar Oudrhiri, « Médias : la presse prise à la gorge par le coronavirus », Telquel, 25 mars 2020, https://telquel.ma/2020/03/25/la-vague-de-coronavirus-met-en-peril-le-secteur-de-la-presse_1675500 (consulté le 4 mars 2022).

[21] « قطة نظام.. الجحيم مع الفردوس » Akhbar Al-Yaoum, 9 décembre 2020, https://alyaoum24.com/1483993.html (consulté le 4 mars 2022).

[22] Kaouthar Oudrhiri, « Dans le rouge, le journal Akhbar Al Yaoum joue sa survie », Telquel, 10 février 2020, https://telquel.ma/2020/02/10/dans-le-rouge-le-journal-akhbar-al-yaoum-joue-sa-survie_1668442 (consulté le 4 mars 2022) ; Ahmed Benchemsi, « Tribune. La tragique saga d’’Akhbar al-Yaoum’, dernier journal indépendant au Maroc », 1er avril 2021, L’Obs, https://www.nouvelobs.com/monde/20210401.OBS42208/tribune-la-tragique-saga-d-akhbar-al-yaoum-dernier-journal-independant-au-maroc.html (consulté le mars 4 2022).

[23] « بيان حول أسباب توقف جريدة "أخبار اليوم" عن الصدور », Akhbar Al-Yaoum, 14 mars 2021, https://www.akhbarona.com/national/322351.html (consulté le 4 mars 2022).

[24] « Le Plan d'action de Rabat sur l'interdiction de l'appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l'hostilité ou à la violence», Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, 5 octobre 2010, https://www.ohchr.org/fr/freedom-of-expression, consulté le 26 avril 2022

[25] « Accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et le Royaume du Maroc, d'autre part », Journal officiel des Communautés européennes, 18/3/2000, https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=CELEX%3A22000A0318%2801%29 (consulté le 4 avril 2022)

[26] Lignes directrices de l'UE en matière de droits de l'homme concernant la liberté d'expression en ligne et hors ligne, réunion du Conseil AFFAIRES ÉTRANGÈRES, Bruxelles, 12 mai 2014, https://www.consilium.europa.eu/media/28348/142549.pdf (consulté le 4 avril 2022) - Plan d'action de l'UE en faveur des droits de l’homme et de la démocratie 2020 – 2024, https://www.eeas.europa.eu/sites/default/files/plan_action_ue_en_faveur_des_droits_de_lhomme_et_de_la_democratie.pdf (consulté le 4 avril 2022).

[27] Constitution du Maroc, art. 113, disponible à https://mjp.univ-perp.fr/constit/ma2011.htm#7

[28] Florence Beaugé, « Au Maroc, la révolte d'un juge », Le Monde Afrique, 16 mars 2011, https://www.lemonde.fr/afrique/article/2011/03/16/au-maroc-la-revolte-d-un-juge_1493828_3212.html (consulté le 4 mars 2022).

[29] Abou-Ali, “ سامية رزوقي.. تمتهن “صحافة التشهير بلغة شكسبير”, Barlamane, 20 novembre 2020.

[30] Hibou, Béatrice et Mohamed Tozy, « De la friture sur la ligne des réformes. La libéralisation des télécommunications au Maroc », Critique internationale, volume no. 14, no. 1, 2002, pp. 91-118, disponible à https://www.cairn.info/revue-critique-internationale-2002-1-page-91.html

[31] Ibid.

[32] Mohamed Daadaoui, « The Makhzen and State Formation in Morocco », In Moroccan Monarchy and the Islamist Challenge (London : Palgrave Macmillan, 2011), p. 41-70, https://link.springer.com/chapter/10.1057/9780230120068_3?noAccess=true

[33] « Justice, la machine infernale », TelQuel magazine n° 198 du 5 au 11 novembre 2005, archive en ligne disponible sur https://telquel.ma/sommaire/justice-la-machine-infernale. Le directeur de TelQuel au moment de la parution de cet article était Ahmed Benchemsi, directeur de la communication pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord à Human Rights Watch.

[34] Nichane, numéro 245, 26 mars – 1er avril 2010.

[35] Ahmed Benchemsi, « Presse : Le Printemps Perdu », Le Blog d’Ahmed Benchemsi, 28 décembre 2013, http://ahmedbenchemsi.com/presse-le-printemps-perdu/ (consulté le 4 mars 2022).

[36] Leila Slimani, « ‘Nichane,’ une mort et plusieurs explications », Jeune Afrique, 13 octobre 2010, https://www.jeuneafrique.com/194500/politique/nichane-une-mort-et-plusieurs-explications/ (consulté le 4 mars 2022).

[37] Le Code de la Presse et des Publications, Loi 88.13, publié au Journal Officiel, no. 6491, 15 août 2016, pp. 5966-5987, ci-après le Code de la presse, http://www.sgg.gov.ma/Portals/1/BO/2016/BO_6491_Ar.PDF?ver=2016-08-18-141835-253 (consulté le 27 octobre 2016).

[38] Loi 73.15 modifiant le code pénal, publiée au Journal Officiel, no. 6491, 15 août 2016, pp. 5992-5993, http://www.sgg.gov.ma/Portals/1/BO/2016/BO_6491_Ar.PDF?ver=2016-08-18-141835-253 (consulté le 27 octobre 2016).

[39] « Morocco: Prosecution of Independent Newsweeklies », communiqué de presse de Human Rights Watch, 8 mai 2006, https://www.hrw.org/news/2006/05/08/morocco-prosecution-independent-newsweeklies

[40] Latifa Babas, « Moroccan YouTuber «3robi F Merican» sentenced to 3 months in prison », Yabiladi, 25 mars 2021, https://en.yabiladi.com/articles/details/107703/moroccan-youtuber-3robi-merican-sentenced.html (consulté le 4 mars 2022); Mohammed Jaabouk, « Maroc : «Allal El Kadouss» condamné à 2 ans de prison pour ‘atteinte à la monarchie’ », Yabiladi, 10 juillet 2021, https://www.yabiladi.com/articles/details/112186/maroc-allal-kadouss-condamne-prison.html (consulté le 4 mars 2022); Euro-Med Human Rights Monitor, « Morocco: Arresting youtuber comes in line with an established policy of muzzling mouths », 25 août 2021, https://euromedmonitor.org/en/article/4582/Morocco:-Arresting-youtuber-comes-in-line-with-an-established-policy-of-muzzling-mouths (consulté le 4 mars 2022); Redazione Cronache, « Ikram Nazih, liberata la studentessa italo-marocchina in carcere in Marocco », Corriere, 23 août 2021, https://www.corriere.it/cronache/21_agosto_23/ikram-nzihi-liberata-studentessa-carcere-marocco-2b7fc5f6-041f-11ec-aac8-7fb5454b9ae0.shtml?refresh_ce (consulté le 4 mars2022); Ghita Zine, « Maroc : Le militant Noureddine Aouaj condamné à deux ans de prison », Yabiladi, 29 juillet 2021, https://www.yabiladi.com/articles/details/112884/maroc-militant-noureddine-aouaj-condamne.html (consulté le 4 mars 2022).

[41] « Top Sites in Morocco », Alexa by Amazon, https://www.alexa.com/topsites/countries/MA (consulté le 4 mars 2022).

[42] « Driss Chahtane nommé président de l’Association nationale des médias et des éditeurs », TelQuel-ma, June 23, 2022

[43] « Au Maroc, 110 journalistes se mobilisent contre les ‘médias de diffamation’ », Le Monde Afrique, 16 juillet 2020, https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/07/16/au-maroc-110-journalistes-se-mobilisent-contre-les-medias-de-diffamation_6046424_3212.html (consulté le 4 mars 2022) ; En Toutes Lettres, « Manifeste: Des journalistes marocains contre les médias de diffamation », 16 juillet 2020, https://etlettres.com/manifeste-des-journalistes-marocains-contre-les-medias-de-diffamation/ (consulté le 4 mars 2022).

[44] Orient XXI, « Maroc. Cette « stratégie sexuelle » qui lamine les journalistes », 16 juillet 2020, https://orientxxi.info/magazine/maroc-cette-strategie-sexuelle-qui-lamine-les-journalistes,3987 (consulté le 4 mars 2022).

[45] Ahmed Benchemsi, « Morocco and Press Freedom: A Complicated Relationship », Nieman Reports, 8 septembre 2011, https://niemanreports.org/articles/morocco-and-press-freedom-a-complicated-relationship/ (consulté le 4 mars 2022).

[46] Benchemsi, « Tribune. La tragique saga d’« Akhbar al-Yaoum », 1er avril 2021, L’Obs ; Ali Amar, « ’Barlamane’: enquête sur une machine à salir », Le Desk, 24 octobre 2017.

[47] Frédéric Bobin, « Au Maroc, le climat répressif se durcit contre la presse », Le Monde, https://www.lemonde.fr/afrique/article/2021/04/16/au-maroc-le-climat-repressif-se-durcit-contre-la-presse_6077002_3212.html (consulté le 4 mars 2022).

[48] Mohammed al-Boudali, « محادثات فاحشة في الواتساب من توفيق بوعشرين إلى الفتيات, » Cawalisse, 10 mars 2018, https://www.cawalisse.com/38906.html (consulté le 4 mars 2022).

[49] Lindsey, « Me Too in Egypt & Morocco », New York Review of Books, 8 avril 2021,

[50] En vertu des articles 490 du code pénal pour les couples non mariés et 491 pour l'adultère. Voir Maati Monjib, « Traquenards et calomnies contre les dissidents au Maroc », Orient XXI, octobre 2015, https://orientxxi.info/magazine/traquenards-et-calomnies-contre-les-dissidents-au-maroc,0847 (consulté le 4 mars 2022).

[51] « Morocco : Outrage over Islamist couple sex scandal », Al Jazeera, 17 avril 2017, https://www.aljazeera.com/news/2017/4/17/morocco-outrage-over-islamist-couple-sex-scandal (consulté le 4 mars 2022).

[52] « Telexpresse dénonce les ‘égarements’ de l'ancien correspondant d’EFE au Maroc », Maghreb Arabe Presse, 3 février 2022, http://www.mapnews.ma/fr/actualites/culture/telexpresse-d%C3%A9nonce-les-%C3%A9garements-de-lancien-correspondant-d%E2%80%99efe-au-maroc (consulté le 4 mars 2022).

[53] Hicham Mansouri, « أسعار الساعات الإضافية تلتهب والآباء يصفونها بالابتزاز « Maghress, 29 mai 2009, https ://www.maghress.com/almassae/23336 (consulté le 29 mars 2022); Hicham Mansouri, « شكون اللي ما عندو ورقة؟Hespress, 19 mai 2008, https://www.hespress.com/شكون-اللي-ماعندو-ورقة-؟-8130.html (consulté le 29 mars 2022).

[54] Intissar Fakir et Maati Monjib, « Rabat’s Undoing, » Foreign Affairs, 23 octobre 2014, https://www.foreignaffairs.com/articles/morocco/2014-10-23/rabats-undoing (consulté le 29 mars 2022).

[55] Mohammed Jaabouk, « Maroc : Un Journaliste membre de l’AMJI agressé par des inconnus à Rabat », Ya Biladi, 26 septembre 2014, https://www.yabiladi.com/articles/details/29739/maroc-journaliste-membre-l-amji-agresse.html (consulté le 29 mars 2022).

[56] Human Rights Watch, « Maroc : L'adultère est puni de peines de prison », Thomas Reuters Foundation News, 2 juin 2015, https://news.trust.org/item/20150606191936-idk7e (consulté le 29 mars 2022).

[57] « Maroc : L'adultère est puni de peines de prison », communiqué de presse de Human Rights Watch, 2 juin 2015, https://www.hrw.org/fr/news/2015/06/02/maroc-ladultere-est-puni-de-peines-de-prison .

[58] Ibid.

[59] Aux termes de l'article 498 du Code pénal ; aux termes de l'article 129 du Code pénal pour complicité et de l'article 491 pour adultère.

[60] « Maroc : L'adultère est puni de peines de prison », communiqué de presse de Human Rights Watch, 2 juin 2015, https://www.hrw.org/fr/news/2015/06/02/maroc-ladultere-est-puni-de-peines-de-prison.

[61] Alexandre Garnier et Eliott Aubert, « Maroc. La surveillance des journalistes n’a pas attendu Pegasus », Orient XXI, 30 août 2021, https://orientxxi.info/magazine/maroc-la-surveillance-des-journalistes-n-a-pas-attendu-pegasus,4994?fbclid=IwAR0EVw4sp6ouYqWSyiXoRdD9sR10WfaYMvIslWacmVBhhb0ND8lEqDYJ39Y (consulté le 29 mars 2022).

[62] « Maroc : L'adultère est puni de peines de prison », communiqué de presse de Human Rights Watch, 2 juin 2015, https://www.hrw.org/fr/news/2015/06/02/maroc-ladultere-est-puni-de-peines-de-prison.

[63] Ibid.

[64] Ibid.

[65] Loubna Bernici, « Prison de Zaki, un rapport accablant », Prison Maroc Over Blog, non daté, http://prison-maroc.over-blog.com/pages/Prison-de-zaki-un-rapport-accablant-3209606.html (consulté le 29 mars 2022)

[66] « La prison “Zaki” à Salé ferme ses portes », Tel Quel, 15 décembre 2017, https://telquel.ma/2017/12/15/prisons-zaki-desormais-lhistoire-ancienne_1573295 (consulté le 29 mars 2022)

[67] Hicham Mansouri, Au cœur d’une prison marocaine, (Paris: Libertalia, 2022).

[68] Entretien avec Human Rights Watch via Signal le 25 juin 2021.

[69] « From India to Rwanda », Access Now, 17 décembre 2020.

[70] Human Rights Watch, Rapport mondial 2020, Chapitre Maroc/Sahara occidental, https://www.hrw.org/fr/world-report/2021/country-chapters/377405.

[71] Rym Alami-Fischer et Hasna Daoudi, « Maroc : Gauche radicale et radicalité religieuse, ‘l’alliance de l’aveugle et du paralytique’ », Atlas Info, 28 septembre 2020, https://atlasinfo.fr/maroc-gauche-radicale-et-radicalite-religieuse-lalliance-de-laveugle-et-du-paralytique.html (consulté le 30 mars 2022).

[72] « Au Maroc, ‘nous sommes de plus en plus dans une situation de dictature autoritaire’ », vidéo clip, YouTube, 3 mars 2021, https://www.youtube.com/watch?v=PiIBCwtnMmM (consulté le 30 mars 2022).

[73] « Enough is Enough », NSO Group, non daté, https://www.nsogroup.com/Newses/enough-is-enough/ (consulté le 30 mars 2022) ; Frank Andrews, « Pegasus: NSO Group’s Long History of Trials and Denials », Middle East Eye, 20 juillet 2021, https://www.middleeasteye.net/news/israel-pegasus-spyware-nso-group-history-accusations-denials (consulté le 30 mars 2022).

[74] Page Facebook de Fouad Abdelmoumni, 4 novembre 2019, https://www.facebook.com/fouad.abdelmoumni/posts/10157677935129140 (consulté le 30 mars 2022).

[75]Wael Borchachan, « ناشطون ينادون بتدخل القضاء في مزاعم تجسس », Hes Press, 5 novembre 2019, https://www.hespress.com/ناشطون-ينادون-بتدخل-القضاء-في-مزاعم-ت-524647.html (consulté le 30 mars 2022).

[76] « From India to Rwanda », (blog) Access Now, 17 décembre 2020.

[77] « Le Maroc nie ‘tout espionnage’ de journalistes avec le logiciel Pegasus », Africa News, 19 juillet 2021, https://fr.africanews.com/2021/07/19/le-maroc-nie-tout-espionnage-de-journalistes-avec-le-logiciel-pegasus/ (consulté le 30 mars 2022).

[78] « ديرها غا زوينة.. الفضايح الكبيرة ديال خوتنا المناضلين, » Barlamane.com, 16 janvier 2020, https://www.barlamane.com/ديرها-غا-زوينة-الفضايح-الكبيرة-ديال-خو-2/ (consulté le 30 mars 2022).

[79] Pierre Firtion, « Fouad Abdelmoumni : au Maroc, ‘nous sommes de plus en plus dans une situation de dictature autoritaire’ », (Podcast) RFI, 3 mars 2021, https://www.rfi.fr/fr/podcasts/invit%C3%A9-afrique/20210303-fouad-abdelmoumni-nous-sommes-de-plus-dans-une-situation-de-dictature-autoritaire-au-maroc (consulté le 30 mars 2022).

[80] Rachida El Azzouzi et Rosa Moussaoui, « Fouad Abdelmoumni : ‘Ces pratiques avilissantes doivent cesser, sinon le Maroc va imploser,’ » L’Humanité, 2 mars 2021, https://www.humanite.fr/monde/maroc/fouad-abdelmoumni-ces-pratiques-avilissantes-doivent-cesser-sinon-le-maroc-va-imploser (consulté le 30 mars 2022).

[81] « Maroc : le roi ignore des preuves de violences policières », communiqué de presse de Human Rights Watch, 5 septembre 2017, https://www.hrw.org/fr/news/2017/09/05/maroc-le-roi-ignore-des-preuves-de-violences-policieres

[82] Conversation par texto via WhatsApp avec Human Rights Watch, 13 septembre 2021

[84] Colette Apelian, « A Change of Power : Morocco after Benkirane’s Ouster », Fikra Forum au Washington Institute for Near East Policy, 23 mai 2017, https://www.washingtoninstitute.org/policy-analysis/change-power-morocco-after-benkiranes-ouster (consulté le 30 mars 2022).

[85] « Maroc : obstruction des activités d’une organisation de défense des droits humains », communiqué de presse de Human Rights Watch, 20 février 2017, https://www.hrw.org/fr/news/2017/02/20/maroc-obstruction-des-activites-dune-organisation-de-defense-des-droits-humains

[86]« Youssef Raissouni, Another Model for Human Rights Traders », Barlamane.com, 1er janvier 2019, https://www.barlamane.com/يوسف-الريسوني،-نموذج-آخر-لتجار-حقوق-ال/ (consulté le 30 mars 2022).

[87] « Maroc : inculpée pour des allégations sur sa vie privée », communiqué de presse de Human Rights Watch, 9 septembre 2019, https://www.hrw.org/fr/news/2019/09/09/maroc-inculpee-pour-des-allegations-sur-sa-vie-privee

[88] Voir Organisation mondiale de la Santé, « World Report on Violence and Health », https://www.who.int/violence_injury_prevention/violence/global_campaign/en/chap6.pdf ; « Report of the Special Rapporteur on torture and other cruel, inhuman or degrading treatment or punishment », 5 janvier 2016, UN Doc.: A/HRC/31/57, https://documents-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/G16/000/97/PDF/G1600097.pdf?OpenElement

[89] Hajar Raissouni a été inculpée d’avortement illégal en vertu de l’article 454 du code pénal et de relations sexuelles hors mariage en vertu de l’article 490 du code pénal.

[90] « هاجر الريسوني في أول رسالة من زنزانتها: سألوني عن عمي أحمد وسليمان وكتاباتي أكثر من التهم الملفقة لي..شكرا لتضامنكم أناصامدة أمشي إلى قدري بقلب مفجوع ورأس مرفوع », Akhbar al-Yaoum, 4 septembre 2019, https://alyaoum24.com/1295019.html (consulté le 30 mars 2022).

[91] « المحامي الهيني يقصف بقوة البيجيدي ويكشف تناقضاتهم في قضية إجهاض هاجر الريسوني », vidéo Facebook Chouf TV, 10 septembre 2019, https://www.facebook.com/chouftv.maroc/videos/376225429985440/ (consulté le 30 mars 2022).

[92] « Maroc : la journaliste Hajar Raissouni condamnée à un an de prison ferme pour ‘avortement illégal’ », Le Monde Afrique, 30 septembre 2019, https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/09/30/au-maroc-la-journaliste-hajar-raissouni-condamnee-a-un-an-de-prison-ferme-pour-avortement-illegal_6013681_3212.html (consulté le 30 mars 2022).

[93] « هكذا بررت المحكمة أحكامها القاسية في ملف هاجر, », Akhbar al-Yaoum, 5 octobre 2019, https://alyaoum24.com/1305660.html?fbclid=IwAR2Of5tYfsJu35jqGUy67jC--xQ5h-WtTd2m-ae2H4EmlvcQyWsYZhshjSc (consulté le 30 mars 2022).

[94] « Maroc : le roi ignore des preuves de violences policières », communiqué de presse de Human Rights Watch, 5 septembre 2017.

[95] Dr Hicham Benyaich, « Article du Pr Hicham Benyaich chef du service de médecine légale de Casablanca », Daba Press, 10 février 2019, https://dabapress.com/35641/ (consulté le 30 mars 2022).

[96] Ahmed Benchemsi, « Maroc : de l’insuffisance d’une grâce royale », 21 octobre 2019, L’Obs, https://www.nouvelobs.com/monde/20191019.OBS20009/tribune-maroc-de-l-insuffisance-d-une-grace-royale.html?fbclid=IwAR3wK_dxhLsvevCH3OyhMMiVMvDATOGy5SOhM5A3rX9KyTurqD3rbmla65Q (consulté le 30 mars 2022).

[97] Conversation par SMS via WhatsApp avec Human Rights Watch, 21 juin 2021.

[98] « من رصيف شارع الحبيب بورقيبة إلى رصيف 22 », Barlamane.com, 1er novembre 2020, https://www.barlamane.com/%D9%85%D9%86-%D8%B1%D8%B5%D9%8A%D9%81-%D8%B4%D8%A7%D8%B1%D8%B9-%D8%A7%D9%84%D8%AD%D8%A8%D9%8A%D8%A8-%D8%A8%D9%88%D8%B1%D9%82%D9%8A%D8%A8%D8%A9-%D8%A5%D9%84%D9%89-%D8%B1%D8%B5%D9%8A%D9%81-22/ (consulté le 30 mars 2022).

[99] Abu Ali, « هل يعاني حسن بناجح وهاجر الريسوني من أعراض ‘Rota-facebook’ ? » 31 mars 2021, Barlamane.com, (consulté le 30 mars 2022).

[100] Dans plusieurs entretiens avec Human Rights Watch, en particulier le 12 novembre 2020 et le 28 juin 2021. Toutes les citations de Maati Monjib dans ce chapitre proviennent de ces deux entretiens.

[101] Voir note de bas de page numéro 18.

[102] « IKV Pax Christi (Netherlands) », Nato Watch, non daté, https://natowatch.org/links/2010/ikv-pax-christi-netherlands (consulté le 30 mars 2022).

[103] Maâti Monjib, « The ‘Democratization’ Process in Morocco: Progress, Obstacles, and the Impact of the Islamist-Secularist Divide », The Brookings Institution, Working Paper No. 5, août 2011, https://www.brookings.edu/wp-content/uploads/2016/06/08_morocco_monjib.pdf.

[104] Ignace Dalle et Maâti Monjib, « Maroc. Maâti Monjib : ‘Pas question que je me taise’ », Orient XXI, 5 septembre 2020, https://orientxxi.info/magazine/maroc-maati-monjib-pas-question-que-je-me-taise,4103, (consulté le 30 mars 2022).

[105] « L'ambassadeur de France à Rabat convoqué », Le Figaro, 2 février 2014, https://www.lefigaro.fr/flash-actu/2014/02/23/97001-20140223FILWWW00005-l-ambassadeur-de-france-a-rabat-convoque.php, (consulté le 26 avril 2022).

[106] Hicham Mansouri, « Maroc. Maâti Monjib, un homme à abattre », Orient XXI, 10 février 2021, https://orientxxi.info/magazine/maroc-maati-monjib-un-homme-a-abattre,4507 (consulté le 30 mars 2022).

[107]المعطي منجب.. المؤرخ الكذاب,Barlamane, 10 juin 2018,  https://www.barlamane.com/المعطي-منجب،-المؤرخ-الكذاب/ (30 mars 2022); Al-Jilali Al-Tawil, “ديرها غازوينة.. أسرار وحقائق على الغدارة اللي خانو المغرب,Barlamane, 9 décembre 2020, https://www.barlamane.com/ديرها-غازوينة-أسرار-وحقائق-على-الغدار/

 (consulté le 30 mars 2020) ; Mohammed Al-Bodali, “تبا للخونة.. المعطي منجب عميل الخارج,Cawalisse, 7 août 2016, https://www.cawalisse.com/109572.html (consulté le 30 mars 2022) ; “: مأجور، كذاب وجاحد والبقية تأتي..مول الجيبالمعطي Barlamane, 11 septembre 2020, https://www.barlamane.com/معطي-مول-الجيب-مأجور،-كاذب-وجاحد-والب/ (consulté le 30 mars 2022) ; “خيال المعطي منجب.. الإجرامي,” Barlamane, 1er juillet 2021, https://www.barlamane.com/خيال-المعطي-منجب-الإجرامي/ (consulté le 30 mars 2022) ; Mohammed Al-Bodali, “المعطي منجب.. تاجر الفكر الذي أباح هتك أعراض النساء,Cawalisse, 19 mars 2018, https://www.cawalisse.com/38396.html (consulté le 30 mars 2022); “الحبيب حاجي: المعطي منجب هو تاجر معلومات ويدافع عن الإرهاب,” Chouf TV, 6 janvier 2021, https://chouftv.ma/press/334699.html (consulté le 30 mars 2022) ; “حقيقة علاقة منجب مع مدير المخابرات المركزية الأمريكية,” Chouf TV, 17 janvier 2021, https://mondial.chouftv.ma/press/338584.html (consulté le 30 mars 2021).

[108] Maati Monjib, « ‘منجب يراسل الهمة حول فيديو دوحة », Lakome, 17 août 2016, https://lakome2.com/opinion/88405/ (consulté le 30 mars 2022).

[109] « Maati Monjib », Video Clip, YouTube, 17 octobre 2015, https://www.youtube.com/watch?v=vzyJoOXY3rM (consulté le 30 mars 2022).

[110] « مشا فيها.. المعطي منجب أحد أعمدة الطابور الخامس في ضيافة التامك بسجن العرجات », Chouf TV, non daté, https://www.chouftv.ma/program/331735.html (consulté le 30 mars 2022) ; Ahmed Benchemsi, « Feb20’s Rise and Fall: A Moroccan Story », post to « Ahmed Benchemsi » (Blog), 17 juillet 2012, http://ahmedbenchemsi.com/feb20s-rise-and-fall-a-moroccan-story/ (consulté le 30 mars 2022).

[111] « Maroc : Obstacles aux activités en faveur des droits humains », communiqué de presse de Human Rights Watch, 7 novembre 2014, https://www.hrw.org/fr/news/2014/11/07/maroc-obstacles-aux-activites-en-faveur-des-droits-humains

[112] Khalid Mesfioui, « Intérieur : ‘Maâti Monjib est interdit de quitter le territoire sur ordre de la justice », Le 360, 10 octobre 2015, https://fr.le360.ma/societe/interieur-maati-monjib-est-interdit-de-quitter-le-territoire-sur-ordre-de-la-justice-53905 (consulté le 30 mars 2022).

[113] Ibrahim Bayo, « Maâti Moniib s’est rendu en ambulance à la BNPJ malgré sa grève de la faim », Ya Biladi, 18 octobre 2015, https://www.yabiladi.com/articles/details/39546/maati-moniib-s-est-rendu-ambulance.html (consulté le 30 mars 2022).

[114] Mohamed Berkani, « Maroc: mobilisation internationale en faveur de l’historien Maâti Monjib », France TV Info, 20 octobre 2015, https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/maroc/maroc-mobilisation-internationale-en-faveur-de-lhistorien-maati-monjib_3067541.html (consulté le 30 mars 2022).

[115] « Morocco: Human Rights Defenders Targeted with NSO Group’s Spyware », Amnesty International, 10 octobre 2019.

[116] « The Pegasus Project », Forbidden Stories.

[117] « Maati Monjib visé par une enquête judiciaire pour blanchiment de capitaux », H24 Info, 7 octobre 2020, https://www.h24info.ma/maroc/maati-monjib-vise-par-une-enquete-judiciaire-pour-blanchiment-de-capitaux/?fbclid=IwAR0iE52jrDYfGljrMUKvHWVc4YXjviCD_bRCgI7hcrayaFTabv7YAmi4fHM (consulté le 30 mars 2022).

[118] « Des vérités sur Maâti Monjib », Barlamane, 1er janvier 2021, https://www.barlamane.com/fr/%ef%bb%bfdes-verites-sur-maati-monjib-%ef%bb%bf/ (consulté le 30 mars 2022).

[119] « Maroc : Un journaliste critique poursuivi pour espionnage », communiqué de presse de Human Rights Watch, 21 septembre 2020, https://www.hrw.org/fr/news/2020/09/21/maroc-un-journaliste-critique-poursuivi-pour-espionnage

[120] « لأول مرة المعطي منجب يكشف عن ممتلكاته: هذا كل ما أملك.. أنا نزيه وأعارض باعتدال, » Video Clip, YouTube, 21 octobre 2020, https://www.youtube.com/watch?app=desktop&v=nvRlQFNC2pY (consulté le 30 mars 2022).

[121] « Statement Regarding the Recent Arrest in Morocco of Maati Monjib », Free Press Unlimited, 15 janvier 2021, https://www.freepressunlimited.org/en/current/statement-regarding-recent-arrest-morocco-maati-monjib (consulté le 30 mars 2022).

[122] « Moroccan Authorities Arrest Journalist Maati Monjib », communiqué de presse du Committee to Protect Journalists, 29 décembre 2020, https://cpj.org/2020/12/moroccan-authorities-arrest-journalist-maati-monjib/ (consulté le 30 mars 2022).

[123] Mohamed Chakir Alaoui, « Justice: Les détails des transactions frauduleuses reprochées à Maâti Monjib », Le 360, 23 novembre 2015, https://fr.le360.ma/politique/justice-les-details-des-transactions-frauduleuses-reprochees-a-maati-monjib-58129 (consulté le 30 mars 2022) ; Hassan Benadad, « Maâti Monjib: Une ‘machine à blanchir’ au nom de la recherche et des droits de l’homme », Le 360, 8 octobre 2020, https://fr.le360.ma/politique/maati-monjib-une-machine-a-blanchir-au-nom-de-la-recherche-et-des-droits-de-lhomme-224778 (consulté le 30 mars 2022); Abu Wael Al-Rifi, “بوح الحقيقة: شهادة، المعطي تيدخل شلا فلوس من تاحوقيت,Chouf TV, 18 octobre 2020, https://mobile.chouftv.ma/press/304595.html (consulté le 30 mars 2022); Rahim Sefrioui, « Nouvelles révélations sur la cupidité de Maâti Monjib », Le 360, 19 octobre 2020, https://fr.le360.ma/medias/nouvelles-revelations-sur-la-cupidite-de-maati-monjib-225477 (consulté le 30 mars 2022).

[124] المعطي مول الجيب.. أجب على أسئلة القضاء فقط سيدي!,” Ahdath, 24 octobre 2018, https://ahdath.info/429894 (consulté le 30 mars 2022). 

[125] Al-Jilali Al-Tawil, “ديرها غا زوينة.. شوفو شحال من جيب عند المعطي منجيب؟” Barlamane, 14 janvier 2021, https://www.barlamane.com/ديرها-غازوينة-شوفو-شحال-من-جيب-عند-الم/ (consulté le 30 mars 2022). 

[126] « Morocco: Further Information: Imprisoned Academic’s Life in Danger: Maati Monjib », Amnesty International, 19 mars, 2021, https://www.amnesty.org/en/documents/mde29/3863/2021/en/ (consulté le 30 mars 2022).

[127] « Maroc : Il faut abandonner les poursuites contre cinq activistes », communiqué de presse de Human Rights Watch, 8 novembre 2015, https://www.hrw.org/fr/news/2015/11/08/maroc-il-faut-abandonner-les-poursuites-contre-cinq-activistes ; Yasmin El-Rifae, « CPJ Joins Call for Morocco to End Harassment of Journalists », Committee to Protect Journalists, 29 septembre 2015, https://cpj.org/2015/09/cpj-joins-call-for-morocco-to-end-harassment-of-jo/ (consulté le 30 mars 2022).

[128] « Affaire Maati Monjib: le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire remet les points sur les ‘i’ », MAP/Le Matin, 1er février 2021, https://lematin.ma/express/2021/affaire-maati-monjib-conseil-superieur-pouvoir-judiciaire-remet-points-i/352454.html (consulté le 1er juin 2022)

[129] « Maati Monjib en grève de la faim (son communiqué depuis la prison de Salé) », Comite de soutien à Maati Monjib, 5 mai 2021, https://maatimonjib.net/2021/03/05/maati-monjib-en-greve-de-la-faim-son-communique/ (consulté le 30 mars 2022).

[130] POMED Compte Twitter, 22 mars 2021, https://twitter.com/hashtag/FreeMaati?src=hashtag_click (consulté le 30 mars 2022).

[131] Fabrice Marimootoo, « Maroc : á peine libéré, Maâti Monjib s’attire les foudres des autorités », Africa News, 25 mars 2021, https://fr.africanews.com/2021/03/25/maroc-a-peine-libere-maati-monjib-s-attire-les-foudres-des-autorites/ (consulté le 30 mars 2022).

[132] « لمعطي منجب: من أرنب متسامح داخل السجن إلى متطاول بالافتراء والذرائع في خارجه,” » Barlamane, 24 mars 2021, https://www.barlamane.com/المعطي-منجب-من-أرنب-متسامح-داخل-السجن-إ/

 (consulté le 30 mars 2022).

[133] Page Facebook de Maati Monjib, 3 septembre 2021, https://www.facebook.com/maati.monjib/posts/10159359239149513 (consulté le 30 mars 2022).

[134] Stephen Smith, « Hassan II limoge son ministre trublion aux Droits de l'homme ; Me Ziane, homme du sérail, a braqué tout le monde », Libération, 27 janvier 1996, https://www.liberation.fr/planete/1996/01/27/hassan-ii-limoge-son-ministre-trublionaux-droits-de-l-homme-me-ziane-homme-du-serail-a-braque-tout-l_159035/ (consulté le 30 mars 2022).

[135] Jugement de la Cour de Cassation No. 97-85.834, Cours d’appel de Paris, 11ème Chambre, 13 octobre 1997, consultable sur https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007578676

[136] Smith, « Hassan II limoge son ministre trublion Aux Droits de l'homme», Libération, 27 janvier 1996

[137] Ibid.

[138] Michael Bouffioux, « Le Journaliste était un Espion », Le Blog de Michel Bouffioux, 5 janvier 2012, https://www.michelbouffioux.be/article-l-espion-claude-moniquet-se-confie-96802476.html (consulté le 30 mars 2022).

[139] « Aboubakr Jamaï quitte ‘Le Journal’… et le Maroc », La Vie Éco, 19 janvier 2007, https://www.lavieeco.com/en-direct/aboubakr-jamai-quitte-ale-journala-et-le-maroc-10999/ (consulté le 30 mars 2022) ; « Maroc. Le directeur du "Journal hebdomadaire" part mais ne capitule pas », Courrier International, 25 janvier 2007, https://www.courrierinternational.com/article/2007/01/23/le-directeur-du-journal-hebdomadaire-part-mais-ne-capitule-pas (consulté le 30 mars 2022).

[140]حوار مفتوح مع النقيب محمد زيان، وزير حقوق الإنسان الأسبق، والمنسق الوطني للحزب المغربي الحر,” Abdessamad Benobadd, YouTube, 26 avril 2021, https://www.youtube.com/watch?v=Df_Kl1mVX9U

[141]المغرب يتهم حراك الريف بالانفصال وتلقي أموال الخارج (شاهد),Arabi21, 15 mai 2017, https://arabi21.com/story/1006068/المغرب-يتهم-حراك-الريف-بالانفصال-وتلقي-أموال-الخارج-شاهد (consulté le 30 mars 2022).

[142] « Maroc : Le roi ignore des preuves de violences policières », communiqué de presse de Human Rights Watch, 5 septembre 2017

[143] « Mohamed Ziane : "Les Rifains ne sont pas des sécessionnistes" », 31 mai 2017, Maroc Hebdo, https://www.maroc-hebdo.press.ma/mohamed-ziane-rifains-ne-secessionnistes/ (consulté le 30 mars 2022).

[144] Entretien en personne de Mohamed Ziane avec Human Rights Watch le 28 juin 2021, à Rabat.

[145] « Nasser Zefzafi, Morocco’s Charismatic Protest Leader », Fanack, 21 août 2017, https://fanack.com/faces-en/nasser-zefzafi~89323/ (consulté le 30 mars 2022).

[146] Ahlam Ben Saga, « Morocco Condemns HRW Meddling with Hirak Case at its Appeal Process », Morocco World News, 5 décembre 2018, https://www.moroccoworldnews.com/2018/12/259592/morocco-condemns-hrw-meddling-hirak-case (consulté le 30 mars 2022); « Maroc : Des verdicts entachés par des soupçons de torture », communiqué de presse de Human Rights Watch, 30 novembre 2018, https://www.hrw.org/fr/news/2018/11/30/maroc-des-verdicts-entaches-par-des-soupcons-de-torture.

[147] Benchemsi, « La tragique saga d’Akhbar al-Yaoum’ », L’Obs, 1er avril 2021.

[148] « مشتكية ضد بوعشرين: لم يغتصبني ولم أقدم به شكاية ولم أفهم ماذا حدث، » Noon Presse, 2 mars 2018, https://www.noonpresse.com/مشتكية-ضد-بوعشرين-لم-يغتصبني-ولم-أقدم-ب/ (consulté le 19 juillet 2022).

[149] Yasser al-Makhtoum, « "عاجل.. "حنان باكور" تنقل الى المستعجلات في غيبوبة بعد اقتحام الأمن للمنزل », 4 juin 2019, Akhbar al-Yaoum, https://alyaoum24.com/1094727.html (consulté le 30 mars 2022).

[150] « Affaire Bouachrine : La journaliste Amal Houari menace de grève de la faim après son arrestation », Arab Travel Invest Magazine, 6 août 2018, https://www.arab-travelinvest-fr.com/2018/06/houari.html (consulté le 30 mars 2022).

[151] Kifache TV, “قضية توفيق بوعشرين.. أمال الهواري تدخل المحكمة,” , vidéo YouTube, 6 juin 2018, https://www.youtube.com/watch?v=rw-aP_Ml-F8 (consulté le 30 mars 2022).

[152] Groupe de travail du Conseil des droits de l'homme sur la détention arbitraire, « Opinions adopted by the Working Group on Arbitrary Detention at its eighty-third session, 19–23 November 2018, Opinion No. 85/2018 concerning Toufik Bouachrine (Morocco) », page 12, note 71, https://documents-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/G19/020/29/PDF/G1902029.pdf?OpenElement (consulté le 4 avril 2022).

[153] Samia Errazzouki, « A Moroccan Cop’s Battle Against Sexual Harassment — Including Her Own », New Lines Magazine, 18 novembre 2020, https://newlinesmag.com/reportage/a-moroccan-cops-battle-against-sexual-harassment-including-her-own/ (consulté le 30 mars 2022).

[154] Entretien avec Human Rights Watch via Signal le 3 juillet 2021.

[155] «بوح الإنتماء: تفاصيل بوح النصر بڭرڭارات و تلاوة القرآن في بيت الرئيس الجزائري, », Abu Wael Al-Rifi, Chouf TV, 15 novembre 2020, https://mobile.chouftv.ma/press/315782.html (consulté le 4 avril 2022)

[156] La vidéo a été rendue privée depuis.

[157]المحامي محمد زيان في قلب فضيحة جنسية بإحدى فیلات الدعارة تثير ضجة واسعة,” Chamal Press, 25 novembre 2020, https://www.chamalpress.ma/2020/11/19580 (consulté le 30 mars 2022).

[158] « Soupçonné de trafic de masques sanitaires non conformes, le fils de l’avocat Mohammed Ziane arrêté », Barlamane.com, April 15, 2020, https://www.barlamane.com/fr/soupconne-de-trafic-de-masques-sanitaires-non-conformes-le-fils-de-lavocat-mohammed-ziane-arrete/ (consulté le 30 mars 2022).

[159] « Masques tueurs : 3 ans de prison ferme pour Ziane fils, et 10 mois pour Nouaidi fils », Hespress, 6 octobre 2020, https://fr.hespress.com/168514-masques-tueurs-3-ans-de-prison-ferme-pour-ziane-fils-et-10-mois-pour-nouaidi-fils.html (consulté le 30 mars 2022).

[160] S.A, « Affaire des faux masques : peine durcie pour le fils de Mohammed Ziane », Bladi.net, 20 mai 2021, https://www.bladi.net/faux-masques-fils-mohammed-ziane,82860.html (consulté le 30 mars 2022).

[161] Rahim Safrioui, « Justice. L’Avocat Mohammed Ziane Suspendu Pour Une Année », Le 360, 7 mars 2020, https://fr.le360.ma/societe/justice-lavocat-mohammed-ziane-suspendu-pour-une-annee-218495 (consulté le 30 mars 2022).

[162] E.O.S, « La justice retient onze chefs d’accusation contre Mohamed Ziane, procès le 9 décembre », Barlamane.com, 30 novembre 2021, https://www.barlamane.com/fr/la-justice-retient-onze-chefs-daccusation-contre-mohamed-ziane-proces-le-9-decembre/ (consulté le 30 mars 2022).

[163] Ibid.

[164] Ghriss TV, «الحكم ليس نزهة على شاطئ البحر », Facebook, 2 septembre 2019, https://www.facebook.com/goulmimapress.ma/posts/2318956801767205/ (consulté le 30 mars 2022).

[165] Mohamed al-Boudali, « بالفيديو.. الحقائق الغائبة في الغزوات الجنسية لتوفيق بوعشرين », Cawalisse, 8 décembre 2018, https://www.cawalisse.com/22302.html (consulté le 30 mars 2022).

[166] « SexScandal – Naima Lahrouri accuse publiquement Bouachrine ‘d’agressions sexuelles’ », Article 19, 28 février 2018, https://article19.ma/accueil/archives/88183 (consulté le 30 mars 2022) ; Amira El Masaiti, « Alleged victim of Taoufik Bouachrine ‘he tried to rape me’ », Morocco World News, 27 février 2018.

[167] Safaa Kasraoui, « Bouachrine 'Did Not Rape' or Attempt to Rape Me : Alleged Victim », Morocco World News, 3 mars 2018, https://www.moroccoworldnews.com/2018/03/241711/amal-houari-victim-taoufik-bouachrine-sexual-assault (consulté le 30 mars 2022).

[168] « Affaire Bouachrine : Hanane Bakour met les choses au clair », Le Site Info, 1er mars 2018, https://www.lesiteinfo.com/maroc/affaire-bouachrine-hanane-bakour-met-les-choses-au-clair/ (consulté le 30 mars 2022).

[169] « Les comparutions forcées de témoins se suivent... et ne se ressemblent pas », TelQuel, 8 juin 2018, https://telquel.ma/2018/06/08/les-comparutions-forcees-de-temoins-se-suivent-et-ne-se-ressemblent-pas_1597343 (consulté le 30 mars 2022).

[170] « Témoins convoqués manu militari, hospitalisation... Une audience nocturne chaotique », TelQuel, 5 juin 2018, https://telquel.ma/2018/06/05/temoins-convoques-manu-militari-hospitalisation-une-audience-nocturne-chaotique_1596831 (consulté le 30 mars 2022).

[171] « Amal Houari retrouvée cachée dans le coffre de la voiture du fils de Ziane, » Maghress, 6 juin 2018, https://www.maghress.com/fr/lobservateur/51860 (consulté le 19 juillet 2022).

[172] Chakir Alaoui, « Me Ziane, son épouse, ses deux fils et Amal Houari condamnés à 1 an de prison avec sursis », Le 360, 22 mai 2019, https://fr.le360.ma/societe/me-ziane-son-epouse-ses-deux-fils-et-amal-houari-condamnes-a-1-an-de-prison-avec-sursis-190776 (consulté le 30 mars 2022).

[173] « أمال الهواري تنفي اغتصابها من طرف وزير بـ”البيجيدي” و”برلمان.كوم” يؤكد خبر الاغتصاب, » Barlamane.com, 6 mars 2018, https://www.noonpresse.com/مشتكية-ضد-بوعشرين-لم-يغتصبني-ولم-أقدم-ب/

 (consulté le 30 mars 2022).

[174] Lindsey, « Me Too in Egypt & Morocco », New York Review of Books, 8 avril 2021.

[175] Afaf Bernani, « Opinion : Morocco must stop using sexual assault allegations to silence dissent », The Washington Post, 24 août 2020, https://www.washingtonpost.com/opinions/2020/08/24/morocco-must-stop-using-sexual-assault-allegations-silence-dissent/ (consulté le 30 mars 2022).

[176] « Jailed Morocco journalist was warned by Khashoggi he was a target of MBS », Middle East Monitor, 28 juin 2019, https://www.middleeastmonitor.com/20190628-jailed-morocco-journalist-was-warned-by-khashoggi-he-was-a-target-of-mbs/ (consulté le 30 mars 2022).

[177] « Affaire Taoufik Bouacherine : la défense débutée en cassation de son recours contre le Procureur général », Le Desk, 12 mars 2018, https://ledesk.ma/encontinu/affaire-taoufik-bouachrine-la-defense-deboutee-en-cassation-de-son-recours-contre-le-procureur-general/ (consulté le 30 mars 2022).

[178] Lindsey, « Me Too in Egypt & Morocco », New York Review of Books, 8 avril 2021.

[179] Ezzedeen Muqassat, « الحكم على عفاف برناني.. بدون الاستماع إليها ولا مرافعات! », Al Akhbar al-Yaoum, 24 avril 2018, https://alyaoum24.com/1071676.html (consulté le 30 mars 2022).

[180] « Afaf Bernani, ‘victime’ de Taoufik Bouacherine, condamnée à six mois de prison », Medias 24, 24 avril 2018, https://medias24.com/2018/04/24/afaf-bernani-victime-de-taoufik-bouachrine-condamnee-a-six-mois-de-prison/ (consulté le 30 mars 2022).

[181] Youssef Bellarbi, « Comment Maâti Monjib a fait clandestinement émigrer Afaf Bernani », Le 360, 10 juillet 2022, https://m.le360.ma/societe/affaire-bouachrine-comment-maati-monjib-a-fait-clandestinement-emigrer-afaf-bernani-194070 (consulté le 31 mars 2022) ; « Afaf Bernani, résidente en Tunisie, continue de percevoir son salaire du quotidien Akhbar Al-Yaoum », Barlamane.com, 21 février 2020, https://www.barlamane.com/fr/afaf-bernani-residente-en-tunisie-continue-de-percevoir-son-salaire-du-quotidien-akhbar-al-yaoum/ (consulté le 31 mars 2022).

[182] « قضية توفيق بوعشرين: عفاف برناني تغادر المغرب للفرار نحو فرنسا عبر تونس ومنظمة دولية ترفض مساندتها, » Barlamane.com, 21 février 2020, https://www.barlamane.com/%D9%82%D8%B6%D9%8A%D8%A9-%D8%AA%D9%88%D9%81%D9%8A%D9%82-%D8%A8%D9%88%D8%B9%D8%B4%D8%B1%D9%8A%D9%86-%D8%B9%D9%81%D8%A7%D9%81-%D8%A8%D8%B1%D9%86%D8%A7%D9%86%D9%8A-%D8%AA%D8%BA%D8%A7%D8%AF%D8%B1-%D8%A7/ (consulté le 31 mars 2022).

[183] Jafaar al-Harr, « محاولة رخيصة لابتزاز المغرب.. جهل سامية الرزوقي يصور لها أن مقالا في “واشنطن بوست” يمكنه التأثير على دولة ذات سيادة, » Ana Al-Akhbar, 2 mai 2021, https://www.analkhabar.com/103342/ (consulté le 31 mars 2022) ; « عفاف برناني..من قرطاج لجنيڤ.. عطيني الڤيزا والباسبور, » Casa 24, 24 juin 2019, https://www.casa24.ma/people/21156.html (consulté le 31 mars 2022).

[184] Lindsey, « Me Too in Egypt & Morocco », New York Review of Books, 8 avril 2021.

[185] « Les victimes de Taoufik Bouachrine se livrent à cœur ouvert », Le Site Info, 2 avril 2021, https://www.lesiteinfo.com/maroc/les-victimes-de-taoufik-bouachrine-se-livrent-a-coeur-ouvert/ (consulté le 31 mars 2022) ; « خلود الجابري: هكذا أراد بوعشرين الإيقاع بي », Ahdath, 27 février 2018, https://ahdath.info/367227 (consulté le 31 mars 2022).

[186] Ali Amar, « Le cas Koutar Fal, espionne du Maroc selon les autorités belges », Le Desk, 19 septembre 2020, https://ledesk.ma/2018/07/15/le-cas-kaoutar-fal-espionne-du-maroc-selon-bruxelles/ (consulté le 31 mars 2022).

[187] « Une Marocaine en centre fermé, soupçonnée d'avoir espionné pour le Maroc », RTBF, 14 juillet 2018, https://www.rtbf.be/article/une-marocaine-en-centre-ferme-soupconnee-d-avoir-espionne-pour-le-maroc-9972469?id=9972469 (consulté le 31 mars 2022) El Azzouzi et Moussaoui, « Omar Radi est devenu une ligne rouge », 21 septembre 2020.

[188]El Azzouzi et Moussaoui, « Omar Radi est devenu une ligne rouge », 21 septembre 2020.

[189] « Moroccan court increases journalist's jail term to 15 years », Africa News, 27 octobre 2019, https://www.africanews.com/2019/10/27/moroccan-court-increases-journalist-s-jail-term-to-15-years/ (consulté le 31 mars 2022).

[190] Groupe de travail sur la détention arbitraire, « Opinions adopted by the Working Group on Arbitrary Detention at its eighty-third session, 19–23 November 2018, Opinion No. 85/2018 concerning Toufik Bouachrine (Morocco) ».

[191] « Maroc : un journaliste emprisonné en isolement abusif », communiqué de presse de Human Rights Watch, 12 avril 2019, https://www.hrw.org/fr/news/2019/04/12/maroc-un-journaliste-emprisonne-en-isolement-abusif

[192] Ibid.

[193] Benchemsi, « Tribune. La tragique saga d’« Akhbar al-Yaoum », 1er avril 2021, L’Obs.

[194]سليمان الريسوني يكتب: اختفاء بلاغات الحموشي وعبد النبوي,” 20 mai 2020, https://alyaoum24.com/1417799.html (consulté le 31 mars 2022).

[195] Ibid.

[196]محامي الريسوني: سليمان تحت الحراسة النظرية وزوجته توصلت باستدعاء,Ahdath, 23 mai 2020, https://ahdath.info/580073 (consulté le 31 mars 2022).

[197] Rueckert et Schilis-Gallego, « Journaliste Surveillé au Maroc : ‘La Descente Aux Enfer D’Omar Radi’ », Forbidden Stories, 7 juillet 2020 ; Chouf TV Facebook post, 15 mai 2020, “البوح في زمن كورونا : أول الغيث قطرة سلِيمِينَة الريسوني مطالب بالتوضيح بعد أن إتهمه مثلي بالتحرش به.,”, (consulté le 31 mars 2022).

[198] Human Rights Watch a pris connaissance de l’article que Chouf TV a publié en mai 2020 (consulté le 25 avril 2022) et s'abstient de le relayer afin d'éviter de répandre les allégations qu'il contient.

[199] Page Facebook de Chouf TV, 18 mai 2020, https://www.facebook.com/chouftv.maroc/posts/3644580348965460/ (consulté le 1er avril 2022).

[200]أول فيديو للحظة | اعتقال سليمان الريسوني.. شوفو شحال ديال البوليس شدوه 4 أو"15,” Clip vidéo, YouTube, 22 mai 2022, https://www.youtube.com/watch?v=fR3jPSStNO0, (consulté le 1er avril 2022).

[201] Ibid.

[202] « Un enregistrement audio qui ne laisse aucun doute sur la culpabilité de Souleymane Raissouni », Barlamane, 14 juillet 2021, https://www.barlamane.com/fr/un-enregistrement-audio-qui-ne-laisse-aucun-doute-sur-la-culpabilite-de-souleymane-raissouni/ (consulté le 1er avril 2022).

[203] « Les enquêtes de Omar Radi », FreeOmarRadi.com, non daté https://freeomarradi.com/les-enquetes-de-omar-radi/ (consulté le 31 mars 2022).

[204] Human Rights Watch, Rapport mondial 2020, Chapitre Maroc/Sahara occidental, https://www.hrw.org/fr/world-report/2021/country-chapters/377405.

[206] Omar Brousky, « Maroc : au royaume de la rente », Assafir Al-Arabi, 13 juillet 2019, https://assafirarabi.com/fr/26396/2019/07/13/maroc-au-royaume-de-la-rente/ (consulté le 31 mars 2022).

[207] « اعتقال عمر الراضي مفجر فضيحة أراضي خدام الدولة والجمعيات الدولية تطلب بتدخل الأمم المتحدة », Alif Post, 29 juillet 2020, https://www.barlamane.com/قضية-توفيق-بوعشرين-عفاف-برناني-تغادر-ا/ (consulté le 31 mars 2022).

[208] "’لكم‘ تكشف حصريا عن اللائحة الكاملة للمستفيدين من تجزئة ’خدام الدولة‘ بثمن خس،"Lakome2, 26 juillet 2016, https://lakome2.com/politique/53557/ (consulté le 31 mars 2022) ; “هاشتاغ.. لأول مرة.. كاشف لائحة خدام الدولة بوجه مكشوف,” Clip vidéo, YouTube, 30 juillet 2016, https://www.youtube.com/watch?v=xuhJXUcXP_A (consulté le 31 mars 2022) ; https://docs.google.com/spreadsheets/d/1uYzQK6CZpz7lUgm8flVwLj-xUckFtgJLSkcKDP1e8ps/edit#gid=0

[209] « وثائقي الموت ولا المذلة عن حراك الريف، », YouTube, Clip vidéo, 8 juillet 2018, https://youtu.be/d9z4oCEy1g4 (consulté le 19 juillet 2022).

[210] « Maroc : des verdicts entachés par des soupçons de torture », communiqué de presse de Human Rights Watch, 30 novembre 2018, https://www.hrw.org/fr/news/2018/11/30/maroc-des-verdicts-entaches-par-des-soupcons-de-torture.

[211]« 1D2C ملحمة العدميين Partie 1/3 », Clip vidéo, YouTube, 24 août 2018, https://www.youtube.com/watch?v=v3saDv5cyf4 (consulté le 24 août 2018) ; Juliette Owen-Jones, « Jeune Afrique Paints a Portrait of Morocco’s ' ‘Supercop’ Abdellatif Hammouchi », Morocco World News, 2 juin 2019, https://www.moroccoworldnews.com/2019/06/274854/jeune-afrique-portrait-morocco-supercop-abdellatif-hammouchi (consulté le 31 mars 2022).

[212] « 1D2C ملحمة العدميين Partie 3/3 », Clip vidéo, YouTube, 24 août 2018, https://www.youtube.com/watch?v=HrIGzFm9cHg (consulté le 24 août 2018).

[214] « Maroc : des verdicts entachés par des soupçons de torture », communiqué de presse de Human Rights Watch, 30 novembre 2018, https://www.hrw.org/fr/news/2018/11/30/maroc-des-verdicts-entaches-par-des-soupcons-de-torture.

[215] Rencontre avec Human Rights Watch le 1er juin 2021

[216] Amnesty International, « Un journaliste marocain victime d’attaques par injection réseau au moyen d’outils conçus par NSO Group », 22 juin 2020, https://www.amnesty.org/fr/latest/research/2020/06/moroccan-journalist-targeted-with-network-injection-attacks-using-nso-groups-tools/ (consulté le 31 mars 2022).

[217] « Vidéo. Affaire Omar Radi : Le gouvernement exige de nouveau une réponse officielle d’Amnesty », Le 360, 2 juillet 2020, https://fr.le360.ma/politique/video-affaire-omar-radi-le-gouvernement-exige-de-nouveau-une-reponse-officielle-damnesty-218462 (consulté le 31 mars 2022).

[218] Amnesty International, « Un journaliste marocain victime d’attaques par injection réseau au moyen d’outils conçus par NSO Group », 22 juin 2020, https://www.amnesty.org/fr/latest/research/2020/06/moroccan-journalist-targeted-with-network-injection-attacks-using-nso-groups-tools/ (consulté le 31 mars 2022).

[219]« About the Pegasus Project », Forbidden Stories, non daté, https://forbiddenstories.org/case/the-pegasus-project/ (consulté le 31 mars 2022).

[220] Rachida El Azzouzi, « Omar Radi est devenu une ligne rouge autant que le Sahara ou le Roi », MediaPart, 21 septembre 2020, https://www.mediapart.fr/journal/international/210920/omar-radi-est-devenu-une-ligne-rouge-autant-que-le-sahara-ou-le-roi?onglet=full (consulté le 31 mars 2022).

[221] Abu Wael Al-Rifi, « بوح بولفاف: هل يتذوق الراضي في ضيافة التامك؟ الأمير والدرابكي والتوارخي والحقوقي, » Chouf TV, 24 juillet 2020, https://chouftv.ma/press/274611.html (consulté le 31 mars 2022).

[222] Amyne Asmlal, « Justice : Omar Radi interdit de quitter le territoire », Le 360, 24 juin 2020, https://fr.le360.ma/societe/justice-omar-radi-interdit-de-quitter-le-territoire-217908/ (consulté le 31 mars 2022).

[223] « Maroc : les chiffres qui prouvent le harcèlement judiciaire contre Omar Radi », Reporters sans frontières, 28 août 2020, https://rsf.org/fr/maroc-les-chiffres-qui-prouvent-le-harcelement-judiciaire-contre-omar-radi (consulté le 31 mars 2022).

[224] Pacte international relatif aux droits civils et politiques, https://treaties.un.org/doc/publication/unts/volume%20999/volume-999-i-14668-english.pdf.

[225] Lettre de Ben Knapen, ministre néerlandais des Affaires étrangères, au Parlement néerlandais, le 14 octobre 2021.

[226] Ali Amar, « ‘Omar Radi, espion du MI6’: révélations sur une cabale insensée », Le Desk, 10 septembre 2020, https://ledesk.ma/grandangle/omar-radi-espion-du-mi6-revelations-sur-une-cabale-insensee/ (consulté le 31 mars 2022).

[227] « Home », Secret Intelligence Service MI6, non daté, https://www.sis.gov.uk/index.html (consulté le 31 mars 2022).

[228] M El-Haies, « Bertha Foundation : Omar Radi’s Arrest Blocked Moroccan Land Rights Exposé », Comité pour la protection des journalistes, https://cpj.org/2020/09/bertha-foundation-omar-radis-arrest-blocked-moroccan-land-rights-expose/ (consulté le 31 mars 2022).

[229] « The Bertha Challenge », Fondation Bertha, non daté, https://berthafoundation.org/story/the-bertha-challenge-2018/ (consulté le 31 mars 2022).

[230]لحظة هجوم الجاسوس ’عمر الراضي‘ وهو سكران على كاميرامان شوف تيفي والتطاول على زوجته في قلب السيارة » Clip vidéo, YouTube, 6 juillet 2020, https://www.youtube.com/watch?v=9t_haVgy1PM (consulté le 31 mars 2022).

[231] Page Facebook « Free Omar Radi », 30 juillet 2020, https://m.facebook.com/story.php?story_fbid=181074020067805&id=111626943679180&locale2=fr_FR&_rdr (consulté le 31 mars 2022).

[232] AFP, « Les journalistes Omar Radi et Imad Stitou condamnés à trois mois de prison pour ‘ivresse publique’ », Telquel, 6 août 2021, https://telquel.ma/2021/08/06/les-journalistes-omar-radi-et-imad-stitou-condamnes-a-trois-mois-de-prison-pour-ivresse-publique_1733645 (consulté le 31 mars 2022).

[233] Safaa Kasraoui, « 'Betrayal': Omar Radi’s Alleged Victim Opens Up About Rape Case », Morocco News, 31 juillet 2020, https://www.moroccoworldnews.com/2020/07/313337/betrayal-omar-radis-alleged-victim-opens-up-about-rape-case (consulté le 31 mars 2022).

[234] Page Facebook « Free Omar Radi », 30 juillet 2020 , https://m.facebook.com/story.php?story_fbid=181074020067805&id=111626943679180&locale2=fr_FR&_rdr (consulté le 31 mars 2022).

[235] « Le journaliste et militant marocain Omar Radi condamné à six ans de prison, sur fond d’affaire ‘Pegasus’ », Le Monde Afrique, https://www.lemonde.fr/afrique/article/2021/07/19/le-journaliste-et-militant-marocain-omar-radi-condamne-a-six-ans-de-prison-sur-fond-d-affaire-pegasus_6088781_3212.html (consulté le 31 mars 2022).

[236] « Omar Radi, au cœur de la tempête », Barlamane, 3 août, 2020, www.hrw.org/sites/default/files/media_2020/09/Morocco-article-FR.pdf.

[237] Safaa Kasraoui, « Morocco’s Decision to Deny Entry to Belgian Lawyer Christophe Marchand Is 'Sovereign' », Morocco World News, 29 juin 2021, https://www.moroccoworldnews.com/2021/06/343151/moroccos-decision-to-deny-entry-to-belgian-lawyer-christophe-marchand-is-sovereign (consulté le 31 mars 2022).

[238] « Déclaration conjointe aux autorités marocaines : Libérez Omar Radi et garantissez des procédures de procès équitables », POMED, 5 avril 2021, https://pomed.org/wp-content/uploads/2021/04/OmarRadiStatement_French.pdf (consulté le 31 mars 2022).

[239] Arnaud Simons, « Lettre ouverte dans le cadre du procès du journaliste Omar Radi », Arnaudsimons.Medium.com, 8 janvier 2021, https://arnaudsimons.medium.com/lettre-ouverte-dans-le-cadre-du-proc%C3%A8s-du-journaliste-omar-radi-8dfddc167fbe (consulté le 31 mars 2022).

[240] Benchemsi, « Morocco and Press Freedom: A Complicated Relationship », Neiman Reports

[241] Intissar Fakir et Maati Monjib, « Rabat Undoing », Foreign Affairs, 23 octobre 2014, https://www.foreignaffairs.com/articles/morocco/2014-10-23/rabats-undoing (consulté le 31 mars 2022).

[242] Entretien en personne avec Human Rights Watch à Rabat, le 12 novembre 2020.

[243] Entretien en personne avec Human Rights Watch à Rabat, le 25 juin 2021.

[244] « Morocco: The February 20th Movement », Project on Middle East Democracy, Press Kit https://pomed.org/wp-content/uploads/2011/06/Press_Kit_June2011.pdf (consulté le 4 avril 2022)

[246] « Violente agression d’un journaliste marocain », (Forum) Algerie-dz, 9 février 2011, https://www.algerie-dz.com/forums/international/202199-violente-agression-d%E2%80%99un-journaliste-marocain#post3458108 (consulté le 9 juin 2022).

[247] Mohammed Jaabouk, « Maroc : Un journaliste membre de l’AMJI, agressé par des inconnus à Rabat », Yabiladi, septembre 2016, 2014, https://www.yabiladi.com/articles/details/29739/maroc-journaliste-membre-l-amji-agresse.html (consulté le 9 juin 2022).

[248] Ibid.

[249] Entretien avec Human Rights Watch via Signal, le 25 juin 2021

[250] « Smart Phones Confiscated. Moroccan Authorities Remain Silent », Free Press Unlimited, 9 juillet 2015, https://archive.freepressunlimited.org/en/news/smart-phones-confiscated-moroccan-authorities-remain-silent/index.html (consulté le 31 mars 2022).

[251] « Maroc : Il faut abandonner les poursuites contre cinq activistes », communiqué de presse de Human Rights Watch, 8 novembre 2015 ; Yasmin El-Rifae, « CPJ Joins Call for Morocco to End Harassment of Journalists », Committee to Protect Journalists, 29 septembre 2015 ; « Morocco: Further Information: Imprisoned Academic’s Life in Danger: Maati Monjib », Amnesty International, 19 mars 2021.

[252] « Colloque international : La presse entre information et diffamation », Joussour, 25 janvier 2017, https://www.e-joussour.net/fr/colloque-international-la-presse-entre-information-et-diffamation/ (consulté le 31 mars 2022).

[253] Driss Bennani, « L’État exécute Akhbar Al Yaoum : Le dérapage de trop », TelQuel, 3 octobre 2009, p. 18, consulté sur archive papier.

[254] Youssef Ait Akdim, « Akhbar Al Yaoum: Procès à la marocaine », TelQuel, 7 novembre 2009, p. 20, consulté sur archive papier.

[255] « Moroccan Editor Given Politicized Prison Sentence », Committee to Protect Journalists, 15 juin 2010, https://cpj.org/2010/06/moroccan-editor-given-politicized-prison-sentence/ (consulté le 31 mars 2022).

[256] Ibid.

[257] Benchemsi, « Morocco and Press Freedom : A Complicated Relationship », Nieman Reports.

[258] "بيان حول أسباب توقف جريدة ’أخبار اليوم‘ عن الصدور،" Akhbar Al-Yaoum, 14 mars 2021.

[259] Benchemsi, « Tribune. La tragique saga d’‘Akhbar al-Yaoum’, dernier journal indépendant au Maroc », 1er avril 2021, L’Obs.

[260] Hanane Jazouani, « Maroc : Des documents exclusifs prouvent que Salaheddine Mezouar a touché des primes », Ya Biladi, 13 juin 2012, https://www.yabiladi.com/articles/details/11299/maroc-documents-exclusifs-prouvent-salaheddine.html (consulté le 31 mars 2022).

[261] « Primes Mezouar-Bensouda : Transparency Maroc préoccupé par le traitement de la Justice », Ya Biladi, 15 avril 2014, https://www.yabiladi.com/articles/details/24972/primes-mezouar-bensouda-transparency-maroc-preoccupe.html (consulté le 31 mars 2022).

[262] Mohamed Chakir Aloui, « Primes Mezouar/Bensouda: UN verdict qui fait jaser », Le 360, 23 mars 2014, https://fr.le360.ma/societe/primes-mezouarbensouda-un-verdict-qui-fait-jaser-11819 (consulté le 31 mars 2022).

[263] Mohamed Daadaoui, Moroccan Monarchy and the Islamist Challenge.

[264] Mohammed Taoufiq Bennani, « Benkirane perdra la guerre », La Vérité, 9 juin 2018, https://www.laverite.ma/benkirane-perdra-la-guerre/ (consulté le 31 mars 2022).

[265] Kaouthar Oudrhiri, « Médias : la presse prise à la gorge par le coronavirus », TelQuel, 25 mars 2020, https://telquel.ma/2020/03/25/la-vague-de-coronavirus-met-en-peril-le-secteur-de-la-presse_1675500 (consulté le 31 mars 2022).

[266] "نقطة نظام.. الجحيم مع الفردوس،" Al-Yaoum24, 9 décembre 2020.

[267] Entretien de Human Rights Watch avec Saida El Kamel, journaliste, 1er décembre 2020 ; Mohammed Haroudi, “الفردوس: أجور ’أخبار اليوم‘ في طريقها للصرف والتدقيق في الدعم سيشمل جميع المقاولات,” Al-Yaoum24, 14 janvier 2021, https://alyaoum24.com/1494446.html (consulté le 31 mars 2022).

[268] Oudrhiri, « Dans le rouge, le journal Akhbar Al Yaoum joue sa survie », Telquel, 10 février 2020 ; "بيان حول أسباب توقف جريدة ’أخبار اليوم‘ عن الصدور،" Akhbarona, 14 mars 2021.

[269] ’سقوط‘ أخبار اليوم ينعش حقينة عل عبد المومني تجاه الدولة,” Barlamane, Mars 15, 2021, https://www.barlamane.com/سقوط-أخبار-اليوم-ينعش-حقينة-غل-عبد-الم/ (consulté le 31 mars 2022).

[270] Abu Wael Al-Rifi, “بوح الأحد: كيف تم إلحاق جزء من فكيك بالجزائر ودور أوفقير، هل آن الأوان...,” Chouf TV, 21 mars 2021, https://chouftv.ma/press/361081.html (consulté le 31 mars 2022).

[271] Compte twitter d’Ali Lmrabet, 7 juillet 2018, https://twitter.com/Alilmrabet/status/1015634977764118533 (consulté le 1er avril 2022) ; Serge Michel et Youssef Ait Akdim, « Maroc : la méthode d’un media proche du palais pour ‘dégonfler’ les scoops gênants », Le Monde, 5 avril 2016, https://www.lemonde.fr/afrique/article/2016/04/06/maroc-la-methode-d-un-media-proche-du-palais-pour-degonfler-les-scoops-genants_4896687_3212.html (consulté le 1er avril 2022) ; Reuckert et Schilis-Gallego, « Journaliste Surveillé au Maroc : ‘La descente aux enfers’ d’Omar Radi », Forbidden Stories, 7 juillet 2020.

[272] « Des centaines de faux comptes servant de relais à Chouf TV supprimés par Facebook », Le Desk, 4 mars 2021, https://ledesk.ma/2021/03/04/des-centaines-de-faux-comptes-servant-de-relais-chouf-tv-supprimes-par-facebook/ (consulté le 1er avril 2022).

[273] La plupart des médias marocains se réfèrent au Sahara occidental, que le Maroc revendique comme faisant partie de son territoire, comme « Sahara marocain ». L’Algérie étant le principal soutien du Front Polisario, le mouvement de libération qui poursuit l’autodétermination du Sahara occidental, la promotion de la « marocanité » du Sahara occidental est souvent associée à une rhétorique agressive et antagoniste vis-à-vis de l’Algérie.

[274] « Meilleurs sites au Maroc », Alexa par Amazon.

[275] « Maroc : emprisonné pour avoir évoqué la santé du roi », L’Obs, 16 octobre 2009, https://www.nouvelobs.com/medias/medias-pouvoirs/20091016.OBS4866/maroc-emprisonne-pour-avoir-evoque-la-sante-du-roi.html (consulté le 1er avril 2022).

[276] « Libération du journaliste Driss Chahtane », Reporters Sans Frontières, 20 janvier 2016, https://rsf.org/fr/actualites/liberation-du-journaliste-driss-chahtane (consulté le 1er avril 2022) ; MarocHebdo, « Driss Chahtane : ‘J’implore la grâce royale », Maghress, 14 mai 2014, https://www.maghress.com/fr/marochebdo/123472 (consulté le 1er 2022).

[277] Rosa Moussaoui, « Affaire Omar Radi : révélations sur les méthodes de la monarchie marocaine pour bâillonner la presse », L’Humanité, 22 septembre 2020, https://www.humanite.fr/monde/omar-radi/affaire-omar-radi-revelations-sur-les-methodes-de-la-monarchie-marocaine-pour (consulté le 1er avril 2022).

[278] Bilal Mousjid, « Chouf TV : le buzz et l’argent du buzz… » Medias24, 23 octobre 2019, https://medias24.com/2019/10/23/chouf-tv-le-buzz-et-largent-du-buzz/ (1er avril 2022).

[279] Facebook, February 2021 Coordinated Inauthentic Behavior Report, février 2021, https://about.fb.com/wp-content/uploads/2021/03/February-2021-CIB-Report.pdf.

[280] « Driss Chahtane nommé président de l’Association nationale des médias et des éditeurs », TelQuel-ma, 23 juin 2022

[281] « Propagande au cœur de la machine MAP », TelQuel, 4 juin 2010, https://telquel.ma/sommaire/propagande-au-coeur-de-la-machine-map (consulté le 1er avril 2022) ; « Les ‘fonctionnaires-journalistes’ de la MAP sont-ils des espions ? » OPEMAM, 27 janvier 2013, http://www.opemam.org/node/723 (consulté le 1er avril 2022).

[282] « Ali Lmrabet fait condamner la MAP en Espagne », Algerie Focus, 23 juin 2009, https://www.algerie-focus.com/ali-lmrabet-fait-condamner-la-map-en-espagne/ (consulté le 1er avril 2022).

[283] « Les ‘fonctionnaires-journalistes’ de la MAP sont-ils des espions ? » Demain Online, 27 janvier 2013, https://web.archive.org/web/20150923213514/http://www.demainonline.com/2013/01/27/les-fonctionnaires-journalistes-de-la-map-sont-ils-des-espions-a-la-solde-de-la-dged/ (consulté le 10 mai 2022).

[284] « Un ancien directeur de la MAP poursuivi en justice par des ministres PJD ? » Bladi.net, 5 avril 2019, https://www.bladi.net/map-justice-ministres-pjd,55142.html (consulté le 1er avril 2022) ; Yassine Benargane, « Le Maroc et Mohamed Khabbachi cités dans une affaire impliquant un proche de Salvini », 31 juillet 2019, https://www.yabiladi.com/articles/details/81733/maroc-mohamed-khabbachi-cites-dans.html (consulté le 10 mai 2022)

[285] « Barlamane », Apple Application Store, non daté, https://apps.apple.com/us/app/barlamane/id1013163663 (consulté le 1er avril 2022).

[286] « Les scandales de la famille Risoni dont Satan a honte », Barlamane, 13 septembre 2019, https://www.barlamane.com/فضائح-عائلة-الريسوني-التي-يخجل-منها-إب/ (consulté le 1er avril 2022).

[287] Orient XXI, « Maroc. Cette ‘stratégie sexuelle’ qui lamine les journalistes », 16 juillet 2020.

[288] « Maroc : la méthode d’un média proche du palais pour ‘dégonfler’ les scoops gênants », dans Le Monde, 5 avril 2016, retrieved from lemonde.fr, consulté le 15 février 2022.

[289] Yassine Majdi, « Aziz Daki : ’Moulay Hicham convoite le poste du chef de l’Etat légitime’ », TelQuel, 3 juillet 2015, https://telquel.ma/2015/07/03/aziz-daki-moulay-hicham-convoite-poste-du-chef-letat-legitime_1454521 (consulté le 1er avril 2022).

[290] Ibid.

[291] Mohamed Chakir Alaoui, « La face cachée d’une ‘enquête’ contre la famille royale », Le 360, 4 février 2015, https://web.archive.org/web/20160822131552/https:/fr.le360.ma/politique/la-face-cachee-dune-enquete-contre-la-famille-royale-31509 (consulté le 1er avril 2022).

[292] Fabrice Lhomme, Ahmed Benchemsi et Gérard Davet, « His Majesty Mohammed VI, Client Number 5090190103 », Le Monde, https://www.lemonde.fr/evasion-fiscale/article/2016/11/07/his-majesty-mohammed-vi-client-number-5090190103_4573825_4862750.html (consulté le 4 avril 2022).

[293] Aziz Bada, « Les dessous d’une ‘enquête’ bidon sur deux biens appartenant au roi », Le 360, 7 mars 2016, https://fr.le360.ma/politique/les-dessous-dune-enquete-bidon-sur-deux-biens-appartenant-au-roi-64463 (consulté le 1er avril 2022) ; Ali Amar et Christophe Guguen, « Panama Papers, Mounir Majidi au cœur du volet consacré au Maroc », Le Desk, 3 avril 2016, https://ledesk.ma/2016/04/03/panama-papers-majidi-au-coeur-du-volet-consacre-au-maroc/ (consulté le 1er avril 2022).

[294] « Maroc : la méthode d’un media proche du palais pour ‘dégonfler’ les scoops gênants », Le Monde, 5 avril 2016.

[295] Mohammed Boudarham, « La fabuleuse histoire de Abdellatif Hammouchi, l’homme qui ne dort jamais », Le 360, 15 juin 2020, https://m.le360.ma/medias/la-fabuleuse-histoire-de-abdellatif-hammouchi-lhomme-qui-ne-dort-jamais-217287 (consulté le 1er avril 2022).

[296] Aida Alami, « Rebel Prince Shines a Harsh Light on Morocco », New York Times, 9 mai 2014, https://www.nytimes.com/2014/05/10/world/africa/moroccos-rebel-prince.html (consulté le 1er avril 2022).

[297] https://fr.le360.ma/recherche/moulay%20hicham Consulté le 4 avril 2022 ; Hicham est un ancien membre du comité consultatif de Human Rights Watch sur le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord.

Correction

13 mai 2024 : Ce rapport a été modifié pour indiquer que Nasser Ziane et Nabil Nouaydi ont été arrêtés en 2020.