(Paris) – Le président français Emmanuel Macron devrait énoncer les conséquences auxquelles le gouvernement chinois devra faire face pour les crimes contre l’humanité et l’aggravation de la répression dont il est responsable lors de la visite du président chinois Xi Jinping à Paris, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. La visite de Xi Jinping, les 6 et 7 mai 2024, marquera les 60 ans de l’établissement des relations diplomatiques entre la France et la République populaire de Chine, et les discussions devraient principalement porter sur l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le conflit au Moyen-Orient et des questions commerciales.
« Le président Macron devrait faire comprendre à Xi Jinping que les crimes contre l’humanité commis par Pékin ont des conséquences sur les relations entre la Chine et la France », a déclaré Maya Wang, Directrice par intérim pour la Chine à Human Rights Watch. « Le silence et l’inaction de la France en matière de droits humains ne feraient qu’enhardir le sentiment d’impunité du gouvernement chinois pour ses abus, en alimentant encore la répression dans le pays et à l’étranger. »
Le respect des droits humains s’est gravement détérioré sous le régime de Xi Jinping. Son gouvernement a commis des crimes contre l’humanité – notamment des détentions de masse, le recours au travail forcé et la persécution culturelle – à l’encontre des Ouïghours et d’autres musulmans turciques au Xinjiang. Il a adopté une législation draconienne qui a supprimé les libertés à Hong Kong, et a intensifié la répression contre les détracteurs du gouvernement dans tout le pays.
En mars 2021, les gouvernements de l’Union européenne ont décidé d’adopter à l’unanimité des sanctions ciblées contre une poignée de responsables et d’entités chinoises considérés comme responsables de la répression au Xinjiang. La Chine a immédiatement riposté par des contre-sanctions, ce qui a contribué au refroidissement des relations bilatérales et à la suspension d’un accord commercial bilatéral.
Le président Macron s’est rendu à Pékin en 2019 et en 2023, mais s’est abstenu de s’exprimer publiquement sur la détérioration de la situation des droits humains dans le pays. Il devrait changer de cap et évoquer publiquement les préoccupations en matière de droits humains lors de la visite de Xi Jinping, a déclaré Human Rights Watch.
Plus précisément, Macron devrait exhorter le président chinois à mettre fin aux crimes contre l’humanité au Xinjiang et à libérer les centaines de milliers d’Ouïghours qui sont toujours arbitrairement détenus ou emprisonnés, y compris Rahile Dawut, un universitaire ouïghour, et Ilham Tohti, économiste et lauréat du prix Sakharov. Macron devrait faire pression sur Xi Jinping pour qu’il mette fin à l’oppression à laquelle se livre le gouvernement chinois au Tibet.
Macron devrait aussi demander à Xi jinping de révoquer les deux lois draconiennes sur la sécurité nationale imposées par Pékin à Hong Kong. S’appliquant également aux actions menées hors de Chine, ces deux lois affectent non seulement les habitants de Hong Kong, mais aussi les entreprises enregistrées en France qui critiquent le gouvernement chinois. Macron devrait faire pression pour que soient libérés les leaders pro-démocratiques hongkongais emprisonnés, parmi lesquels Joshua Wong, Chow Hang-tung et Jimmy Lai.
Enfin, le président français devrait faire pression sur le gouvernement chinois pour qu’il mette fin à sa répression incessante des militants pacifiques dans toute la Chine, en libérant notamment l’avocat des droits humains Yu Wensheng et sa femme, Xu Yan, arrêtés en avril 2023 alors qu’ils allaient rencontrer une délégation de l’UE à Pékin.
Cependant, s’exprimer sur les droits humains, comme l’UE l’a fait à plusieurs reprises dans ses déclarations, n’aboutira à des résultats positifs que si ces déclarations s’accompagnent de conséquences concrètes, a déclaré Human Rights Watch. Macron devrait clairement indiquer à Xi Jinping que la France demandera des comptes pour les crimes choquants commis par Pékin, notamment en poussant pour qu’une enquête soutenue par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU soit menée au Xinjiang.
Le président Macron devrait en outre être clair sur le fait que la poursuite de la répression par Pékin constituera une entrave au commerce et aux affaires entre les deux pays et plus généralement avec l’UE, en particulier quand les législations de l’UE sur le devoir de diligence et le travail forcé entreront en vigueur.
Cette approche des droits humains est conforme à la vision d’ « autonomie stratégique » de Macron pour l’Europe – idée selon laquelle le continent devrait être fort, ne pas être un « vassal » stratégique des États-Unis et ne pas dépendre trop fortement de la Chine pour la production de biens. Le président français a également décrit un « modèle humaniste » qui repose sur des valeurs telles que la démocratie et les droits humains.
« Macron devrait démontrer l’engagement du gouvernement français à répondre aux attaques de Xi Jinping contre les droits à l’intérieur et à l’extérieur de la Chine », a déclaré Maya Wang. « Cela exige de faire preuve de leadership, de détermination et de clarté en matière de droits humains. Le président français devrait se montrer à la hauteur de la tâche, et ne pas céder à une politique de statu-quo.