(Beyrouth, 7 mai 2024) – Une frappe israélienne menée le 27 mars contre un centre d’urgence et de secours dans le sud du Liban était une attaque illégale contre des civils, perpétrée en l’absence des précautions nécessaires, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Si cette attaque contre des civils a été menée intentionnellement ou de manière imprudente, elle devrait faire l’objet d’une enquête en tant que crime de guerre apparent. La frappe, menée avec un kit de guidage pour munition d'attaque directe conjointe (Joint Direct Attack Munition, JDAM) de fabrication américaine et une bombe polyvalente de 500 livres (environ 230 kilogrammes) de fabrication israélienne, a tué sept bénévoles de services d'urgence et de secours à Habariyeh, ville située à cinq kilomètres au nord du Plateau du Golan occupé par Israël.
La frappe, menée à l’aube le 27 mars, a visé une structure résidentielle abritant le Corps d'urgence et de secours de l'Association libanaise de secours, une organisation humanitaire non gouvernementale qui fournit des services d'urgence, de sauvetage et de formation aux premiers secours au Liban. Human Rights Watch n'a trouvé aucune preuve d'une cible militaire sur le site. Une semaine auparavant, Israël avait pourtant transmis au Département d'État américain un document assurant que les armes fournies par les États-Unis n'étaient pas utilisées en violation du droit international.
« Les forces israéliennes ont utilisé une arme américaine pour mener au Liban une frappe qui a tué sept travailleurs humanitaires civils, alors qu’ils faisaient simplement leur travail », a déclaré Ramzi Kaiss, chercheur sur le Liban à Human Rights Watch. « Les assurances fournies par Israël aux États-Unis, concernant son respect des lois de la guerre, sonnent creux. Les États-Unis devraient reconnaître cette réalité, et cesser leurs transferts d’armes à Israël. »
Les États-Unis devraient immédiatement suspendre leurs ventes d’armes et leur aide militaire à Israël, compte tenu des preuves que l’armée israélienne utilise illégalement les armes américaines, a déclaré Human Rights Watch. Le ministère libanais des Affaires étrangères devrait également procéder rapidement à une déclaration autorisant la Cour pénale internationale à enquêter sur des crimes relevant de sa compétence et commis sur le territoire libanais depuis octobre 2023, et à engager des poursuites à cet égard.
Dans un post sur Telegram publié le 27 mars, l'armée israélienne a déclaré que « des avions de combat ont frappé un complexe militaire dans la région d'al-Habariyeh, dans le sud du Liban » et qu'« un important terroriste, membre de l’organisation Jamaa Islamiyya [Groupe islamique], qui a lancé des attaques contre le territoire israélien, a été éliminé, tout comme d'autres terroristes qui l'accompagnaient ». Un député du Groupe islamique, un parti politique islamiste libanais dont la branche armée, les Forces Fajr, a été engagée dans des hostilités transfrontalières avec Israël, a toutefois déclaré à Human Rights Watch qu'aucun combattant du groupe n'avait été tué lors de la frappe, et a nié toute affiliation avec le Corps d'urgence et de secours de l'Association libanaise de secours.
Human Rights Watch a mené des entretiens avec six personnes d'Habariyeh : les parents de trois frères tués, le propriétaire du bâtiment, un membre de l'équipe d'urgence et de secours qui avait quitté le centre peu avant l'attaque, un habitant qui se trouvait sur les lieux peu après l'attaque, et un responsable local. Human Rights Watch s'est également entretenu avec le chef du Corps d'urgence et de secours de l'Association libanaise de secours, un député du Groupe islamique, et deux membres de la Direction générale de la défense civile libanaise, dont le chef de l'équipe de défense civile qui a extrait les corps des décombres.
Human Rights Watch a également examiné des photographies de restes d'armes trouvés sur le site ; des photographies et des vidéos du site avant et après l'attaque partagées en ligne par des journalistes, des agences de presse et des secouristes ; et des images partagées directement avec les chercheurs. Le 19 avril, Human Rights Watch a transmis à l'armée israélienne et au Département d'État américain une lettre résumant ses conclusions et comprenant des questions, mais n'a pas reçu de réponse à ce jour.
Des photos des restes d'armes trouvés sur le site de la frappe et partagées avec Human Rights Watch montrent un fragment métallique avec l’inscription « MPR 500 », confirmant qu'il s'agissait d'une bombe polyvalente de 500 livres fabriquée par la société israélienne Elbit Systems, ainsi que des morceaux d’un kit de guidage JDAM, produit par la société américaine Boeing.
Les sept personnes tuées étaient toutes des bénévoles qui avaient commencé à travailler avec le centre peu après l’ouverture de son antenne à Habariyeh fin 2023, ont déclaré leurs familles, leurs collègues et le chef du Corps d’urgence et de secours. Les personnes tuées étaient les frères jumeaux Ahmad et Hussein al-Chaar (âgés de 18 ans), Abdul Rahman al-Chaar, Ahmad Hammoud, Mohammed Farouk Atwi, Abdullah Atwi et Baraa Abou Qaiss ; la victime la plus âgée avait 25 ans.
L'attaque a eu lieu peu après 00h30 le 27 mars, tuant les sept travailleurs du centre, a déclaré Samer Hamdan, chef de l'équipe de protection civile sur le site. Des photographies et des vidéos prises par des habitants et des journalistes montrent les décombres du centre rasé, ainsi qu’une ambulance détruite garée à proximité, avec des bandes rouges identifiables sur la partie arrière et les côtés du véhicule.
En vertu du droit international humanitaire, toutes les parties à un conflit ont l’obligation de faire la distinction entre les combattants et les civils, et de cibler uniquement les combattants. En cas de doute, une personne doit être considérée comme un civil.
En mars, Human Rights Watch et Oxfam ont conjointement soumis au Département d’État américain un mémorandum soulignant diverses violations israéliennes du droit international humanitaire, et estimant que ses assurances d’utiliser légalement les armes américaines sont peu crédibles.
Texte complet en anglais : en ligne ici.
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