(New York) – Les États membres des Nations Unies devraient saisir l’occasion des négociations sur le « Pacte pour l’avenir » pour s’engager à renforcer les droits humains, notamment par la promotion de la justice économique et la protection du droit à un environnement sain, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.
Le Pacte de l’ONU pour l’avenir, actuellement en cours de négociation, doit être adopté lors du Sommet de l’avenir, une réunion spéciale de l’ONU prévue pour septembre 2024. Parmi les sujets en discussion entre les 193 pays membres de l’ONU, figurent des réformes de politique économique et les moyens de réaliser le droit à un environnement propre, sain et durable, ainsi que l’accent qui devrait être mis sur les droits humains d’une manière générale.
« Le Pacte pour l’avenir ne devrait pas connaître le même sort que d’autres documents de l’ONU qui ont été adoptés, puis ignorés », a déclaré Louis Charbonneau, directeur du plaidoyer auprès de l’ONU à Human Rights Watch. « Les gouvernements devraient s’engager à agir pour mettre fin aux inégalités économiques croissantes qui privent des milliards de personnes de leurs droits et à une crise climatique dont l’impact négatif se fait de plus en plus sentir sur la vie et sur les moyens d’existence à travers le globe ».
De nombreux gouvernements qui reconnaissent l’importance d’un développement durable ignorent souvent le fait que les droits humains sont essentiels pour parvenir à ce but, a déclaré Human Rights Watch. Ils devraient affronter les changements climatiques et gérer de manière responsable les nouvelles technologies. Et quoique la plupart des gouvernements reconnaissent combien il importe de respecter le droit international humanitaire lors des conflits, ils ne parviennent pas à s’accorder sur les moyens de traiter les atrocités qui sont commises contre les civils dans la bande de Gaza, au Soudan et en Ukraine.
Même si le document final n’aura pas un caractère contraignant, ce Pacte offrira une occasion cruciale d’affirmer une vision des droits humains qui pourrait permettre d’atténuer certaines des profondes divisions existant entre les gouvernements sur ces questions et sur bien d’autres. Dans ce processus, les gouvernements devraient renforcer la capacité du système de l’ONU à remplir les engagements contenus dans la Charte de l’Organisation, en protégeant et en promouvant la paix et la sécurité, le développement et les droits humains.
Certains gouvernements ont été déçus par la version initiale du projet de Pacte, considérant qu’elle n’accordait pas assez d’attention aux droits humains, ont indiqué des diplomates à Human Rights Watch.
Un certain nombre de pays cherchent à renforcer les termes relatifs aux droits humains contenus dans le projet de Pacte. Mais la Chine, la Russie, Cuba, l’Iran et d’autres ont cherché au contraire à affaiblir, diluer ou supprimer les références aux droits humains.
Les gouvernements occidentaux sont partiellement critiquables pour avoir laissé de l’espace à ceux qui rejettent une approche axée sur les droits humains, a déclaré Human Rights Watch. Leur application sélective des droits humains sape la crédibilité d’un tel programme d’action, en particulier pour les pays du Sud. Alors que les États-Unis et les autres pays occidentaux condamnent à juste titre les atrocités commises par la Russie en Ukraine, par exemple, beaucoup d’entre eux n’ont pas fait preuve du même degré de fermeté en ce qui concerne les atrocités commises par Israël à Gaza. Tandis que l’Union européenne s’affirme comme un champion de la protection des droits humains à l’échelle mondiale, elle s’oppose aux efforts en cours à l’ONU pour rendre le système fiscal international plus équitable pour les pays en développement.
Toutes les déclarations des gouvernements en faveur des droits humains auraient une résonance plus forte s’ils les appliquaient uniformément, y compris dans leur propre pays et vis-à-vis de leurs amis et alliés, a affirmé Human Rights Watch.
Plutôt que d’ignorer les vues des pays du Sud sur les réformes à apporter au système financier international, les États du Nord devraient soutenir l’introduction de changements nécessaires à l’architecture de la finance internationale. Ces changements devraient inclure la mise en conformité des politiques et pratiques des institutions financières internationales avec les droits humains, un soutien aux efforts visant à parvenir à une convention fiscale mondiale, la lutte contre les flux financiers illégaux et la réduction du fardeau de la dette des gouvernements.
Le concept d’une « économie des droits humains », défendu par le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Volker Türk, offre la possibilité de répondre aux attentes légitimes des pays du Sud par une approche plus globale des droits humains.
Les gouvernements devraient également faire en sorte que le futur Pacte réaffirme le caractère central des droits humains dans l’approche de la crise climatique. Ils devraient approuver explicitement le droit à un environnement propre, sain et durable, reconnu par l’Assemblée générale de l’ONU en 2022, tout en soulignant la nécessité urgente d’éliminer progressivement les combustibles fossiles, dans une transition équitable qui soit compatible avec les droits humains. Les combustibles fossiles sont le principal moteur de la crise climatique et toutes les étapes de leur utilisation ont été liées à de graves dommages en matière de droits humains.
Le Pacte devrait également souligner l’importance de la société civile et des droits aux libertés d’expression, d’association et de réunion pacifique. La prochaine Conférence de l’ONU sur la société civile qui doit se tenir à Nairobi, au Kenya, les 9 et 10 mai, est une occasion pour les responsables et les délégations de l’ONU qui supervisent le processus d’élaboration du Pacte d’entendre les points de vue de centaines de représentants des sociétés civiles du monde entier. Les rédacteurs devraient les écouter attentivement pour comprendre quelles sont les priorités des sociétés civiles pour le Pacte pour l’avenir et pour ses deux annexes, le Pacte numérique mondial sur les « principes partagés pour un avenir numérique ouvert, libre et sécurisé pour tous » et la Déclaration sur les générations futures. À ce jour, lors du processus de rédaction du Pacte, la sollicitation de commentaires des organisations de la société civile a été aléatoire.
« Au lieu de rester les bras croisés lorsque des gouvernements piétinent les droits humains, ou de condamner de manière sélective les abus commis par leurs adversaires tout en fermant les yeux sur ceux de leurs amis, les pays membres de l’ONU devraient s’engager à mettre fin à la répression où qu’elle s’exerce et à améliorer la vie de tous », a affirmé Louis Charbonneau.