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Questions/Réponses: Pourquoi le mandat de la mission d'établissement des faits (FFM) pour le Soudan devrait-il être renouvelé lors du HRC57?

Questions/Réponses d'Amnesty International, DefendDefenders et Human Rights Watch sur la situation au Soudan

Près de 80 ONG soudanaises, africaines et in­ter­nationales ont appelé au renouvellement du mandat de la Mission internationale indé­pen­dan­te d’établissement des faits (FFM) pour le Soudan, que le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies (CDH) a créée par sa réso­lu­tion 54/2, adoptée lors de sa 54ème session ordi­naire, en octobre 2023.

Ce document vise à ré­pondre aux principales ques­tions qui pourraient se poser alors que les États définissent leur position en amont de la 57ème session du Conseil (HRC57, prévue pour se tenir du 9 septembre au 11 octobre 2024), au cours de laquelle la Mission d’établissement des faits présentera un rapport écrit. Les orga­ni­sations signataires exhortent les États à soute­nir une résolution qui renou­vel­le le mandat de la FFM pour au moins une année. 

1. Quelle est la situation au Soudan ?

Près d’un an et demi après le début du conflit, le 15 avril 2023, des violations du droit inter­na­tional humanitaire et des violations et attein­tes aux droits de l’homme continuent d’être commises par toutes les parties au conflit au Soudan. Certaines de ces violations constituent des crimes de guerre et des cri­mes contre l’hu­ma­nité.

Selon la FFM, le conflit se caractérise par sa na­ture urbaine et étendue, et « la population civile [est] placée au centre d'une violence extrême ». Le mépris flagrant des droits humains et li­ber­tés fonda­men­tales et du droit humani­tai­re, tant de la part des Forces armées souda­nai­ses (FAS ou SAF, selon l’acronyme anglais) que des Forces de soutien rapide (FSR ou RSF, selon l’acronyme anglais) et de leurs alliés, a conduit à la fois à des attaques ciblées et indiscri­mi­nées, notamment des frap­pes aériennes, contre des civils et contre des hôpitaux et des écoles. Le personnel médical, les travailleurs huma­ni­taires, les enseignants, les avocats, les journa­listes et les défenseurs des droits humains ont été pris pour cible.

Les parties belligérantes ont commis des pilla­ges, des détentions arbitraires, des actes de torture, des disparitions forcées, des viols, des viols collectifs et d’autres formes de vio­lences sexu­el­les, y compris l’esclavage sexuel utilisé comme arme de guerre pour « soumettre, ter­ro­riser, briser et punir les femmes et les filles, et comme moyen de punir des communautés spé­cifiques ». Au Dar­four et ailleurs, les RSF et les milices qui y sont affi­liées ont incendié des mai­sons et des villages et commis des atrocités contre les Massalit et d’autres communautés non arabes. Human Rights Watch et d’autres orga­nisations ont conclu que les atrocités cib­lées contre les Mas­salit et d’autres commu­nau­tés non arabes, apparemment commises avec l’objectif minimal de leur faire quitter défini­tive­ment la région constituent un nettoyage eth­ni­que. Le Secrétaire général ad­joint de l’ONU et Conseiller spécial du Secré­tai­re général pour la prévention du génocide a averti que « la situ­a­tion actuelle porte tous les signes d’un risque de génocide, l’analyse des témoignages laissant fortement penser que ce crime a d’ores et déjà été commis ».

Le conflit, qui est alimenté par un cons­tant af­flux d’armes, a entraîné une grave crise huma­ni­taire. Le Soudan est confronté à la plus gran­de crise de déplacement interne au monde, avec plus de dix millions de personnes dépla­cées de force de leurs foyers, dont plus de deux millions ont fui vers les pays voisins.  

2. Comment la situation au Soudan a-t-elle évolué, en termes de gravité, depuis la création de la FFM par le CDH ?

Depuis que la FFM a été autorisée pour la pre­mière fois, en octobre 2023, la situation des droits humains au Soudan s’est encore dété­rio­rée. L’étendue géographique du conflit et les violations du droit international humanitaire qui l’accompagnent se sont étendues du Darfour, de Khartoum et d’Omdurman à des zones qui incluent les États d'Al-Jazirah, du Sennar et du Nil Blanc. Plus de 10 millions de personnes ont à présent été contraintes de fuir leur foyer, soit plus que dans tout autre pays du monde à l’heure actuelle. Au moins 25 millions de per­son­nes sont confrontées à des niveaux de faim critiques, dont cinq millions sont menacées de fa­mi­ne. Les parties au conflit ont bloqué l’ache­mi­nement de l’aide et empêché un accès huma­ni­taire sans entrave aux millions de civils dans le besoin. Selon des ex­perts onusiens, « à la fois les SAF et les RSF utilisent la nourriture comme une arme et affament les civils ».  

3. Pourquoi la FFM est-elle un élément essentiel de la réponse internationale à la crise ?

  • Un vaste mandat d'enquête et de promotion de la redevabilité

La FFM joue un rôle crucial visant à soutenir l’établissement des faits, la redevabilité, la vé­rité et la justice pour les victimes. Son man­dat comprend l’enquête et l’établissement des faits, des circonstances et des causes pro­fon­des de toutes les violations et atteintes aux com­mises au Soudan ; le recueil, la vérification et l’analyse des éléments de preuve ; l'enre­gis­trement et la conservation des documents ras­sem­blés ; le recueil et la vérification des infor­ma­tions et éléments de preuve pertinents ; et l'identification, dans la mesure du possible, des personnes et entités responsables afin qu’elles aient à répondre de leurs actes. Le mandat de la FFM comprend également la formulation de recommandations, en particulier sur les me­su­res de res­ponsabilisation, en vue de mettre fin à l'impunité et de s'attaquer à ses causes pro­fon­des. Elle est chargée de faire rapport au Conseil des droits de l’homme et à l’Assemblée géné­rale des Nations Unies, ainsi que de coopérer et de mettre en commun les meilleures pratiques avec d’autres initiatives internationales, régio­na­les et nationales en matière de responsabi­lité.

La FFM est actuellement le seul mécanisme inter­national doté du mandat, de l’expertise et de l’expérience nécessaires pour enquêter de manière indépendante et faire rapport sur les vio­lations commises sur l’ensemble du terri­toi­re soudanais depuis le 15 avril 2023, y compris leurs causes profondes. La Cour péna­le internationale (CPI) mène une enquête sur le Darfour, qui inclut les crimes commis depuis avril 2023, mais elle n’a pas de compétence en dehors de cette région. En août 2024, la Com­mis­sion africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) a adopté une résolution éta­blissant une Mission conjointe d’établissement des faits (avec le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine (UA)). Au moment de la ré­dac­tion du présent document, la Mission n’est pas encore opérationnelle, et il n’est pas cer­tain qu’elle ait la capacité de préserver les preuves recueillies, ni dans quelle mesure (voir section 5 ci-dessous).

Le recueil et la conservation d’éléments de preu­ve par la FFM, ainsi que sa capacité à iden­tifier les responsables, lui permettent d’être particulièrement bien placée pour établir les faits et promouvoir la redevabilité. Elle comp­lè­te les efforts régionaux, notamment la récente initiative de la CADHP, et peut collaborer aux enquêtes de la CPI.  

  • Comment la FFM peut-elle faire la différence ?

L’impunité est au cœur de la crise actuelle et des cycles de violence au Soudan. Elle est à la fois un facteur clef et un moteur des violations. Bien que la CPI ait émis des mandats d’arrêt pour les crimes commis au Darfour dès 2003, un seul cas a pour l’instant été jugé. L’absence de mise en œuvre des mandats d’arrêt de la CPI et des autres mesures visant à traduire en jus­tice les responsables d’atrocités similaires dans le passé, notamment il y a 20 ans au Dar­four, a encouragé les parties au conflit actuel à croire que les crimes contre les civils sont accep­ta­bles et qu’ils resteraient impunis. La crise actu­el­le montre que l’absence de reddition des comp­tes pour les atrocités commises contre les civils accroît le risque de récidive et compro­met les perspectives d’une sécurité durable et du res­pect des droits humains.

L’impunité étant l’un des principaux facteurs des cycles de violence au Soudan, promouvoir la redevabilité est une condition sine qua non pour combattre et prévenir les violations. À cet égard, le travail de la FFM a aussi un élément préventif dans la mesure où il permet de pré­ser­ver les chan­ces que les auteurs de violations et atteintes rendent des comptes.

Le travail de la FFM visant au recueil et à la conser­vation des éléments de preuve mini­mi­se le risque que ces preuves soient perdues en raison d’un manque d’enquêtes ou d’une des­truc­tion intentionnelle, ce qui compromettrait les chan­ces des victimes et des survivants d’ob­te­nir justice à l’avenir devant les tribunaux na­tio­naux ou internationaux.

Aux côtés de la CPI, la FFM est le seul méca­nis­me international qui accorde la priorité à la re­de­vabilité, contribuant ainsi de façon décisive aux efforts globaux visant à répondre à la crise et à la résoudre sur le long terme. Le travail de la FFM pourrait également contribuer à l’exercice de la compétence universelle devant les tribu­naux nationaux. 

4. La FFM peut-elle mener un travail efficace sans la coopération des autorités soudanaises ?

Oui. Au fil du temps, les mécanismes indé­pen­dants mis en place par les organes interna­tio­naux et régionaux de protection des droits hu­mains ont mis au point des méthodologies, des outils et des méthodes de travail pour do­cumenter, enquêter et établir les faits, les cir­cons­tances et les causes profondes des vio­la­tions, recueillir et conserver les éléments de preu­ve et identifier les auteurs, ce même sans avoir accès au territoire du pays concerné. Par exemple, ces mécanismes ont : (i) recueilli des informations de première main auprès des vic­times, des survivants, des témoins et d’autres sources clefs telles que les acteurs de la société civile, les journalistes, le personnel médical et les agences onusiennes ; (ii) mené des entre­tiens avec des réfugiés et des demandeurs d’a­si­le dans les pays voisins des pays concernés ; (iii) examiné des do­cu­ments et des données offi­ciels ; (iv) suivi la si­tu­ation à distance (« re­mo­te monitoring ») ; (v) ana­lysé le cadre juri­di­que et politique, ainsi que les pratiques et les sché­mas récurrents de vio­la­tions ; (vi) eu re­cours aux outils d’enquêtes en open source ; et (vii) utilisé l’analyse médico-légale.

Ces dernières années, les commissions d’en­quê­te et autres mécanismes indépendants mis en place par le Conseil des droits de l’homme ont pu produire des rapports détaillés mettant en lumière les violations des droits humains et les crimes de droit international commis, entre autres, au Burundi, au Myanmar, en Corée du Nord, en Syrie et au Yémen, et en imputer la res­pon­sabilité aux auteurs de ces actes.

Le refus des autorités soudanaises de coopérer avec la FFM et de lui accorder l’accès au ter­ritoire national n’empêchera pas les membres et le secrétariat de la FFM de mener à bien leur travail.

Cela étant, l’appartenance, en tant que Mem­bre, du Soudan au Conseil s’accompagne d’ob­li­gations, notamment d’« [observer] les nor­mes les plus strictes en matière de pro­mo­tion et de défense des droits de l’homme » et de « [co­opé­rer] pleinement » avec le Conseil et ses méca­nis­mes. La non-coopération ne doit être ni ré­com­pensée ni acceptée. La pression pour l’ac­cès, la coopération et la mise en œuvre des re­com­mandations de la FFM doit se poursuivre. 

5. Quels autres mécanismes existent et pourquoi ne sont-ils pas suffisants pour répondre à la crise ?

  • Les organes et mécanismes onusiens et régionaux existants

Les diverses initiatives régionales et interna­tio­nales visant à résoudre la crise au Soudan et à apaiser les souffrances du peuple soudanais sont importantes et complémentaires.

Plu­sieurs organismes et mécanismes onusiens et régionaux se sont impliqués, chacun avec des mandats et des responsabilités différents [liste non exhaustive] :

  • Le bureau pays du HCDH pour le Soudan (actuellement basé à Nairobi) a un man­dat large qui inclut la surveillance de la situ­a­tion, l’assistance technique et le renfor­ce­ment des capacités. Ses opérations sont basées sur un Accord signé en 2019 entre la Haute-Commissaire aux droits de l’hom­me et le Gouvernement tran­si­tionnel sou­da­nais. Toutefois, il ne mène pas d’en­quê­tes en vue de soutenir les processus de re­de­­vabilité actuels ou futurs.
  • L’Expert désigné du Haut-Commissaire pour les droits de l’homme au Soudan est chargé, avec l’aide et en étroite coopération avec le bureau pays du HCDH, de suivre la situation au Soudan et de dialoguer avec toutes les parties concernées sur l’évo­lu­tion de la situation des droits humains de­puis la prise de pouvoir militaire du 25 oc­tobre 2021. Son travail prendra fin lors­que un gouvernement dirigé par des civils sera rétabli. Il ne mène pas d’enquêtes ni d’acti­vi­tés de col­lecte et de conservation de preuves.
  • L’Envoyé personnel du Secrétaire général de l’ONU pour le Soudan se concentre sur les questions de paix et de sécurité. Il n’a pas pour mandat d’enquêter sur les vio­la­tions ou d’identifier leurs auteurs. Son bu­reau ne comprend pas actuellement d’ex­per­tise spécifique en matière de droits hu­mains, de protection des civils ou de vio­len­ces sexuelles liées aux conflits.
  • Le Groupe d'experts du Conseil de sécu­rité de l'ONU sur le Soudan assiste, entre au­tres, le Comité créé par la résolution 1591 (2005) dans la surveillance de l’appli­cation des mesures imposées par le Con­seil de sécurité et évalue les progrès ac­com­plis dans la réduction des violations de l'embar­go sur les armes, des violations du droit international humanitaire, et des vio­la­tions et atteintes aux droits de l'hom­me. Il n'a pas de fonctions de collecte et de conservation des preuves et ne prépare pas les dossiers en vue des poursuites.
  • Le Panel de haut niveau de l’UA sur le Sou­dan travaille avec toutes les parties pre­nantes soudanaises concernées pour fa­voriser un dialogue inclusif visant à met­tre un terme au conflit et à mettre en place un processus de paix durable dans le pays. Il n’a pas pour mandat d’enquêter sur les violations ou d’identifier leurs auteurs.
  • Le Conseil de paix et de sécurité de l’UA (CPS) a adopté des communiqués concer­nant la situation au Soudan, notamment le Communiqué 1218 du 21 juin 2024. Il met l’accent sur la paix et la sécurité, y compris la protection des civils. Il a néanmoins sou­tenu les enquêtes sur les violations, no­tam­ment menées par la CADHP. Il a éga­le­ment chargé son Sous-comité des sanc­tions d’« identifier tous les acteurs exté­rieurs qui soutiennent les factions belli­gé­ran­tes sur les plans militaire, financier et politique » et de « faire des propositions sur la manière d'endiguer l'action de chacun d'entre eux ».
  • En juin 2024, la CADHP a adopté la réso­lution Res.588 (LXXIX) 2024, par laquelle elle a exprimé « sa volonté de s’associer aux efforts de la communauté internationale, et en particulier à ceux des Nations unies et de son Conseil des droits de l'homme » et a envisagé « l’envoi d’une mission d'enquête en République du Soudan pour s’enquérir des violations des droits de l'homme et des violations du droit humanitaire depuis le 15 avril 2023 jusqu'à ce jour ». Le 2 août, elle a adopté la résolution Res.590 (LXXX) 2024, par laquelle elle a décidé d’entreprendre une Mission d’établissement des faits con­jointe avec le CPS de l’UA. Créée pour une période initiale de trois mois, la Mis­sion fonctionnera selon un format hybride. Elle mènera « une enquête sur place dans une zone désignée du Soudan ou des États voi­sins pendant une durée de deux semai­nes, si possible »[1]. Elle travaillera égale­ment à distance pendant deux semaines sup­plé­men­taires. S’agissant d’un nouveau mé­ca­­nis­me, sa capacité n’a pas encore été tes­tée, mais la durée envisagée pour l’enquête limite potentiellement sa profondeur et sa portée, et il n’est pas encore certain que – et dans quelle mesure – il préservera les preu­ves recueillies conformément aux nor­mes des tribunaux pénaux.
  • Enfin, les efforts de médiation visant à obtenir un cessez-le-feu et des pourparlers de paix se poursuivent. Si la priorité des acteurs poli­tiques est un cessez-le-feu im­médiat associé à des efforts importants pour pro­té­ger les civils et garantir un accès huma­ni­taire sans entrave, la médiation, les bons offices et les initiatives similaires n’ont his­toriquement pas mis l’accent sur la reddi­tion des comptes, notamment la tra­duc­tion des auteurs de violations graves devant la justice pénale. Pourtant, l’impu­nité est un facteur clef et un moteur des cycles de violence. Toute solution à long terme au Sou­dan doit être centrée sur la reddition des comptes pour les violations graves. Le travail de la FFM ne doit donc pas être vu comme distinct de ces efforts, mais com­me complémentaire à ceux-ci.

Ces organes et mécanismes n’empêchent en rien d’explorer les voies régionales et inter­na­tionales de promotion de la justice, ainsi que l’exercice de la compétence universelle, cha­que fois que c’est possible.

  • L’accent mis par la FFM sur la redevabilité

Des mécanismes d’enquête ou d’autres méca­nis­mes indépendants sont souvent mis en pla­ce sur décision d’organes onusiens ou régio­naux pour répondre à des crises ou à des situa­tions complexes en matière de droits humains. Ils jouent un rôle crucial dans la recherche des faits, en rendant compte publiquement des vio­la­tions du droit international commises par tou­tes les parties aux conflits. Ils documentent les violations à des fins de preuve, recueillent et conservent les éléments de preuve, analysent les crimes documentés et, lorsque cela est pos­si­ble, identifient les auteurs et contribuent à promouvoir la justice. Leurs travaux visent à rendre les informations recueillies utilisa­b­les pour appuyer les efforts futurs de reddi­tion des comptes (notamment par le biais de pro­cessus ou de mécanismes nationaux, régio­naux et internationaux), à faciliter la préparation des dossiers pour les procédures pénales, et ce con­for­mément aux normes internationales, tout en visant à atteindre un niveau d’exigence en matière de preuves (notamment en ce qui concerne les preuves qui relient des crimes spé­cifiques à leurs auteurs et la chaîne de conservation des preuves recueil­lies) aussi pro­ches que possible de celles utilisées par les juridictions internationales. Ils peuvent éga­le­ment jouer un rôle important de soutien aux ef­forts en faveur de la justice transitionnelle, eu égard à la recherche de la vérité et la préser­va­tion de la mémoire.

Parce qu’elle recueille des informations de pre­mière main sur les violations et des témoigna­ges de victimes et de survivants, de leurs fa­milles, de témoins et d’autres personnes ayant une connaissance directe de la situation au Sou­dan (comme les réfugiés et les défenseurs des droits humains), et parce qu’elle s’appuie sur une multiplicité de sources, tout en utilisant des méthodologies conformes à la pratique d’au­tres mécanismes d’enquête, la FFM pour le Soudan est idéalement placée pour docu­men­ter non seulement des cas spécifiques de violations, mais aussi des schémas récur­rents de viola­tions et de responsabilités. Cela comprend l’identification des violations au ni­veau de la responsabilité de commandement, l’établissement du caractère généralisé et/ou systématique de certains types de violations, et la démonstration du lien entre les nouvelles violations et les cycles antérieurs de violence et d’impunité.

En travaillant avec les victimes et les survivants (et en reconnaissant le préjudice qu’ils ont subi et leur droit à la vérité, à la justice et à des répa­rations), la société civile et les réseaux perti­nents, la FFM est bien placée pour promou­voir la vérité, la justice, les réparations et les garanties de non-répétition. Elle contribue éga­le­ment à la formulation de réponses politi­ques globales cohérentes, qui intègrent les ques­tions de droits humains dans les efforts politiques, humanitaires et autres.  

6. L'assistance technique à la Commission nationale d'enquête pourrait-elle constituer une alternative au travail de la FFM ?

Non. La Commission nationale d’enquête ne constitue pas une alternative crédible au man­dat indépendant de la FFM, qui consiste à documenter les crimes commis par toutes les parties au conflit et à faire en sorte que les auteurs des violations graves soient tenus de répondre de leurs actes. Elle n’a pas pour man­dat d’établir les faits, y compris leurs causes pro­fondes, relatifs à toutes les violations com­mi­ses au Soudan, de recueillir et de conserver les preuves, et de rendre compte publiquement à l’opinion publique, à l’ONU et aux États mem­bres de l’ONU.

Comme indiqué dans le « Document de position sur la réunion de mise à jour orale de la Mission d’établissement des faits pour le Soudan du 18 juin 2024 », préparé par les autorités souda­nai­ses en amont de la 56ème session du Conseil, ces autorités ont formé une Commission natio­nale d’enquête pour « enquêter sur les viola­tions et les atteintes commis par la milice rebel­le [RSF] et d’autres crimes », avec le procureur général comme président. Cette Commission a été créée par le décret présidentiel n° 143 du 21 juillet 2023 et se concentre entièrement sur les violations commises par les RSF et ses alliés. Elle n’enquête pas sur les violations commises par les SAF ou d’autres entités ou agents étati­ques, et n’agit donc pas comme un organe de contrôle indépendant du pouvoir exécutif, d’au­tant plus que les SAF elles-mêmes sont par­ties au conflit.

Dans leur document de position, les autorités sou­danaises ont également affirmé que « le prin­cipe de ‘‘complémentarité’’ devrait être ap­pli­qué de sorte que le rôle du Conseil des droits de l’homme et de ses mécanismes soit de com­pléter, [favoriser] et bâtir la capacité du mécanis­me national en vertu des dispo­si­tions du point 10 [de l’ordre du jour du Conseil] ».

7. En quoi la crise de liquidités de l'ONU a-t-elle affecté le travail de la FFM ?

Comme l’a indiqué la FFM dans sa première mise à jour au Conseil, en juin 2024, « la crise de liquidités à laquelle est confronté le Secrétariat de l’ONU et le gel des recrutements […] ont re­tardé de plusieurs mois la mise en place d’un secrétariat efficace pour nos travaux. […] Il est impératif de disposer de ressources adéquates pour nous acquitter efficacement de notre im­por­tant mandat. » Lorsque la société civile a lan­cé son appel au renouvellement du mandat de la FFM, en mai 2024 (soit sept mois après l’adop­tion de la résolution 54/2), celle-ci man­quait encore considérablement de personnel et il était prévu qu’elle soit raisonnablement fonc­tion­nelle (bien que toujours en sous-effectif) à la fin du mois de mai 2024. Elle a cependant commencé ses travaux, comme indiqué dans son premier rapport au Conseil.

Néanmoins, pour des raisons indépendantes de la volonté de la FFM (le temps et les ressources nécessaires ne lui ayant pas été accordés), le rapport écrit qu’elle présentera à la 57ème ses­sion du Conseil des droits de l’homme ne sera pas vraiment exhaustif. Alors que le conflit et les violations et atteintes qui y sont associés se pour­suivent, des enquêtes plus approfondies sont nécessaires, notamment par le biais de visites de terrain, pour recueillir des informa­tions de première main et vérifier les allégations de violations, dont certaines pourraient consti­tuer des crimes au regard du droit international.

En outre, le Conseil devrait donner suite à ses résolutions S-32/1, 50/1 et S-36/1 en deman­dant au Haut-Commissaire, avec l’aide de son expert désigné, de lui présenter des rapports sup­plémentaires au-delà de la 58ème session du Conseil (février-avril 2025). La période actu­elle de présentation de rapports par le Haut-Commissaire prend fin à la 58ème session du Conseil. 

 


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[1] La Résolution CADHP Res.590 (LXXX) 2024 ajoute : « À l’issue de l’enquête sur place, la Mission poursuivra ses travaux à distance pendant deux semaines supplémentaires. Cette période de trois mois pourra être prolongée si nécessaire. À la fin de chaque mandat, la Mission publiera un rapport sur ses activités » (traduction nôtre, la traduction officielle étant parcellaire). 

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