Des failles dans le système

La situation des personnes en garde à vue en Tunisie

 

 

 

Résumé

En Tunisie, comme dans de nombreux autres pays, les suspects placés en garde à vue par la police sont soumis à des risques d'abus. Ce qui se passe pendant les premières heures et les premiers jours qui suivent l'arrestation peut s'avérer déterminant pour l'issue de l'ensemble du processus judiciaire. Ce rapport examine le traitement des détenus, les failles dans le système de protection juridique contre les mauvais traitements, ainsi que les conditions de détention au cours de la période qui commence avec l'arrestation d'un suspect et s'achève avec le contrôle juridictionnel initial de la détention.

Lorsque les agents de la police tunisienne ou de la Garde Nationale arrêtent des personnes, ils les interrogent généralement au poste de police, avant de les transférer vers des centres de garde à vue situés au sein d'importants complexes policiers, ou dans des bâtiments distincts. Dans le droit tunisien, un détenu peut rester en garde à vue jusqu'à six jours suivant son arrestation, aux termes desquels il est soit relâché, soit inculpé.

Contrairement aux prisons, qui sont soumises au contrôle et à la gestion du Ministère de la Justice, les centres de garde à vue sont contrôlés et administrés par le Ministère de l'Intérieur. En février et septembre 2012, Human Rights Watch a visité quatre de ces centres carcéraux gérés par le Ministère de l'Intérieur, afin d'enquêter sur les conditions de détention.

Jusqu'au soulèvement de janvier 2011 en Tunisie, qui a conduit au renversement du Président Zine el-Abidine Ben Ali, il était pratiquement impossible aux organisations de défense des droits humains de mener des enquêtes sur les conditions de vie dans les centres de détention tunisiens, quels qu'ils soient. Les nouvelles autorités de la Tunisie se sont cependant montrées bien plus ouvertes. Si, comme nous l'avons conclu, la situation des lieux de garde à vue que nous avons visités est loin d'être idéale, il existe une fenêtre d'opportunité pour améliorer cette situation et pour réformer le cadre juridique déficient qui donne trop souvent lieu à des mauvais traitements et à des abus infligés aux suspects.      

Sur la base de notre analyse du cadre juridique, des visites menées dans quatre centres de détention, et d'entretiens réalisés avec des détenus et des membres du personnel de ces centres, Human Rights Watch a identifié des failles importantes dans le droit tunisien et dans les politiques qui définissent la garde à vue ; de mauvaises conditions matérielles de détention ; des violations fréquentes des droits garantissant une procédure équitable ; et des cas de graves mauvais traitements infligés pendant l'arrestation ou l'interrogatoire.

 

Cadre juridique et politique

La nouvelle Constitution

Le quatrième projet de Constitution, présenté le 1er juin 2013 pour être débattu à l'Assemblée Nationale Constituante, définit un cadre pour la protection des personnes privées de leur liberté. Il prévoit différentes garanties pour les détenus, notamment la présomption d'innocence, l'interdiction de la torture, le droit à un avocat ainsi que d'être informé de ses droits au moment de l'arrestation, et le droit d'être traité de façon humaine et dans le respect de sa dignité. Cependant, le projet de Constitution ne prévoit pas de limite de temps avant qu'un détenu soit présenté devant un juge, et ne précise pas non plus que le droit à un avocat s'applique dès le début de la détention.

La séparation entre les fonctions d'enquête et les fonctions carcérales de la police

La politique du Ministère de l'Intérieur dans les régions que nous avons visitées semble être de séparer les fonctions d'enquête et les fonctions carcérales de la police. Une branche distincte du ministère, l'Administration de la Voie Publique dans chaque région, gère les centres de détentions. Si un(e) détenu(e) est appelé(e) à l'interrogatoire, il ou elle est déplacé(e) du lieu de détention vers un poste de police. Certains postes de police et centres de détention sont complètement séparés, tandis que d'autres sont situés au sein d'un même complexe. Si la séparation entre les fonctions d'enquête et les fonctions carcérales est une bonne pratique, Human Rights Watch n'a pas pu évaluer si elle est appliquée de manière systématique dans l'ensemble du pays, ni déterminer si la Garde Nationale, qui opère également des arrestations et gère ses propres centres de garde à vue, l'applique également.

 Des périodes de garde à vue prolongées

Dans le cadre du droit tunisien, les officiers de police judiciaire peuvent arrêter une personne soupçonnée d'un délit et la garder en détention jusqu'à six jours avant de devoir la transférer devant un juge d'instruction, qui ordonnera sa libération ou son incarcération dans une prison jusqu'au procès. Cette période de détention n'est pas conforme au droit international, qui prévoit le droit d'être amené rapidement devant un juge. En plus, sur les 70 détenus interrogés, Human Rights Watch a constaté que dix étaient restés en garde à vue pendant une période de plus de six jours. Human Rights Watch a reçu des informations contradictoires concernant les raisons de la prolongation de ces périodes de garde à vue. Les autorités qui détenaient ces personnes ont affirmé agir en accord avec une procédure prévue par le Code de Procédure Pénale (CPP), autorisant la prolongation de la garde à vue pour une période de six jours supplémentaires si le juge d'instruction ordonne à la police judiciaire de mener des investigations supplémentaires, dans le cadre d'une procédure connue sous le nom de commission rogatoire. Le Ministère de l'Intérieur a cependant démenti qu'une telle pratique soit autorisée par le CPP.

L'absence d'un avocat

Une faille importante du droit tunisien en matière de protections contre les mauvais traitements est l'absence de droit à une assistance juridique dès le début de la détention. Le CPP permet la présence d'un avocat à partir du moment où un suspect est présenté pour la première fois devant un juge d'instruction. Avant ce moment, il est probable que le ou la suspect(e) ait signé, sans la présence d'un avocat, une déposition à la police qui peut avoir été extorquée par la force, et risque d'être utilisée contre lui ou contre elle au cours du procès.

Mécanismes de contrôle

L’Assemblée Nationale Constituante a adopté le 9 octobre 2013 une loi créant une Autorité nationale de prévention de la torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. La Tunisie est le premier pays de la région Moyen-Orient et Afrique du nord à créer un mécanisme national indépendant pour éliminer la torture, en conformité avec les dispositions du Protocole facultatif se rapportant à la Convention des Nations Unies contre la torture (OPCAT), que la Tunisie a ratifié en juin 2011. Cet organe sera composé de 16 experts à plein temps élus par le Parlement, qui seront habilités à visiter tous les lieux de privation de liberté du pays afin de documenter les actes de torture et les mauvais traitements, à ordonner des enquêtes pénales et administratives et à recommander des mesures pour éliminer la torture et les mauvais traitements. La loi autorise les responsables à refuser la demande d'accès de cette Autorité dans certaines circonstances définies de façon très larges, en contradiction avec les mécanismes envisagés par le Protocole.

Les conditions matérielles

De la nourriture insuffisante et une alimentation inadaptée

Human Rights Watch a constaté dans les centres de détention visités que les autorités pénitentiaires ne nourrissaient pas les détenus de façon adéquate. Les prisonniers ont décrit la nourriture comme “insuffisante”, et “n'ayant de nourriture que le nom”. Beaucoup d'entre eux ont déclaré avoir constamment faim. Dans certains établissements pénitentiaires, les détenus ont rapporté que les repas n'étaient servis que deux fois par jour. Ces repas sont composés de sandwiches avec de la salade et de la sauce, et, dans le meilleur des cas, de fines tranches de viande froide ; ou encore de soupes à l'eau, contenant des pâtes ou du riz mais pas de protéines. A l'exception de la salade dans les sandwichs, les prisonniers ne reçoivent ni fruits ni légumes.

De mauvaises conditions sanitaires

Les conditions d'hygiène et de santé sont apparues mauvaises dans les quatre centres de détention visités par Human Rights Watch. Les détenus ont raconté comment ils luttaient pour rester propres, en raison d'un accès insuffisant à l'eau courante et à des produits nettoyants, y compris du savon. Dans certains centres, les détenus n'ont pas accès directement à l'eau courante, et doivent demander aux gardiens à chaque fois qu'ils veulent ouvrir le robinet. De plus, les bâtiments anciens des centres de détention créent des problèmes de gestion des déchets. Dans la totalité des centres visités, les détenus ont déclaré ne pas voir accès à des douches. 

L'absence de séparation systématique entre les mineurs et les adultes

Dans les centres visités par Human Rights Watch, les autorités ne séparent pas toujours les mineurs et les adultes, en violation des normes internationales.

La petite taille des cellules et la surpopulation

Les normes internationales exigent que les cellules policières soient d'une taille raisonnable pour le nombre de personnes accueillies. En raison des constantes arrivées et sorties de détenus, il est difficile d'estimer la surpopulation de façon certaine. Human Rights Watch a cependant remarqué que le nombre de détenus pouvait augmenter de façon conséquente pendant les périodes d'agitation sociale. Par exemple, les chercheurs de Human Rights Watch ont visité le centre de détention de Bouchoucha trois fois, et ont compté, dans une même cellule de neuf mètres de long sur six de large, 21 détenus lors de leur première visite, puis 45 à la seconde visite, et 50 la troisième fois. Dans le centre de détention de Sfax, visité par Human Rights Watch le lendemain d'émeutes dans la ville, de nombreux détenus ont raconté avoir dû dormir près des toilettes en raison du manque de place.

L'interdiction arbitraire d'avoir une activité

Au cours de la garde à vue, qui peut durer jusqu'à six jours, et parfois 12 jours dans le cadre de la procédure appelée “commission rogatoire” -c'est-à-dire l'enquête complémentaire menée par la police judiciaire sur ordre du juge d'instruction-, les détenus des centres visités par Human Rights Watch n'ont rien à faire de toute la journée. Seul l'un des centres visités propose régulièrement aux détenus un temps de sortie en extérieur.

L'accès aux soins de santé

A l'exception du centre de détention du gouvernorat de Tunis, Bouchoucha, aucun des établissements visités par Human Rights Watch ne dispose de centre médical ou de médecin dans son personnel. Dans ces établissements, les autorités carcérales envoient les détenus qui ont besoin de soins médicaux dans les hôpitaux voisins. Les détenus interrogés ont cependant affirmé n'avoir pas été informés de leur droit à voir un médecin.

Des protections insuffisantes contre les mauvais traitements

L'examen médical et la consignation des dommages corporels

Les autorités carcérales semblent en règle générale se conformer à l'obligation de ne pas admettre des suspects qui présentent des dommages corporels visibles sans examen médical préalable. Pourtant, dans les centres de détention visités - à l'exception de celui de Sfax-, ni les registres généraux ni les registres médicaux ne consignent la nature des symptômes ou du diagnostic porté sur les détenus, même quand ils ont subi un examen médical. Ces registres contiennent uniquement les informations relatives à la date à laquelle le détenu a vu un médecin ou a été envoyé à l'hôpital, et à la nature du traitement. Ces documents sont insuffisants et ne décrivent pas de façon adéquate la cause des dommages corporels que présente un détenu, leur type, localisation et caractéristiques, autant de détails qui pourraient servir non seulement à évaluer la cohérence des plaintes déposées pour torture, mais aussi à écarter le risques de fausses allégations contre la police. De plus, Human Rights Watch a rencontré au moins un cas où des dommages corporels présentés par un détenu n'apparaissaient pas dans le registre.

Le droit à être informé

Beaucoup des détenus interviewés par Human Rights Watch ont affirmé que les policiers ne les avaient pas informés de leur droits au cours de leur arrestation et de leur interrogatoire, tels que celui de prévenir les membres de leur famille, et celui de demander un examen médical.

Le respect général du délai maximal avant l'inculpation

En interrogeant des détenus et en examinant les registres tenus par les centres de détention, Human Rights Watch a constaté que, dans les centres visités, les autorités respectaient généralement la limite de temps imposée par la loi pour présenter les personnes placées en garde à vue devant un juge d'instruction.

Les mauvais traitements au cours de l'arrestation et de l'interrogatoire

Si les détenus ont rarement témoignés de mauvais traitements de la part des gardiens des centres de détention, 40 sur 70 des prisonniers interviewés par Human Rights Watch ont raconté que les policiers les avaient maltraités au cours de leur arrestation et de leur interrogatoire. Parmi ces divers mauvais traitements figurent des insultes, des humiliations, des menaces de viol, des bousculades, des gifles, des coups de poing, des coups de pied, et des passages à tabac à l'aide de barres et de bâtons. Dans les 40 cas en question, les détenus ont affirmé que les policiers les avaient soumis à ces mauvais traitements alors qu'ils étaient arrêtés ou déjà en garde à vue, mais qu'ils ne manifestaient alors aucune résistance.

Des aveux forcés

Vingt-sept des 70 détenus interviewés par Human Rights Watch ont affirmé avoir signé des déclarations préparées pour eux par les policiers sans les avoir lues, soit parce que les agents les avaient empêchés de le faire, ou parce qu'ils n'avaient pas osé demander à les lire. Certains ont rapporté que la police avait recouru à la violence physique en les interrogeant, ou en leur demandant de signer leur déclaration.

Peu d'allégations de mauvais traitements physiques dans les centres de détention

A l'exception de la prison de Nabeul, les détenus des centres visités par Human Rights Watch n'ont pas témoigné de mauvais traitements physiques de la part des gardiens, bien que ceux-ci puissent occasionnellement les rudoyer ou les insulter. Cependant, Human Rights Watch a été informé  au centre de détention de Nabeul d'allégations de mauvais traitements physiques et d'humiliations qui auraient été commis par des gardiens pendant la veille de nuit, et ce à plusieurs reprises.

Alors que la Tunisie connaît une transition vers la démocratie, il existe une importante fenêtre d'opportunité pour améliorer les garanties pour les détenus et leur protection contre de potentiels abus en réformant la loi, et en adoptant une Constitution garantissant les droits à une procédure équitable dès les premiers moments de l'arrestation et de la détention. Il existe également la latitude nécessaire pour améliorer les conditions matérielles dans les centres de détention de façon à respecter la dignité, le bien-être et la sécurité des personnes arrêtées. La communauté internationale peut renforcer cet effort en soutenant les propositions de réforme, et en offrant une assistance pour améliorer les conditions matérielles et les infrastructures dans ce domaine particulièrement sensible. Les recommandations listées ci-dessous sont conçues pour aider à réformer ce secteur afin de protéger les droits des personnes placées en garde à vue.

Recommandations

Au gouvernement tunisien

Sur le cadre juridique

La Constitution

  • S'assurer que la nouvelle Constitution de la Tunisie énonce clairement les droits des personnes privées de leur liberté, et notamment la durée maximale de la garde à vue avant le contrôle juridictionnel, et le droit à un avocat dès l’arrestation.

Législation

  • Réviser le Code de Procédure Pénale (CPP) pour réduire la durée maximale de la garde à vue avant le contrôle juridictionnel à quarante-huit heures, sauf si des circonstances exceptionnelles l'empêchent.
  • Stipuler dans le CPP que même dans les cas où les juges d’instruction ordonnent à la police judiciaire de mener des investigations supplémentaires, la personne arrêtée ne peut être renvoyée en détention préventive dans un centre de garde à vue, mais doit au lieu de cela être transférée vers une prison.
  • Introduire une nouvelle législation pour garantir que toutes les personnes privées de liberté aient droit à l’assistance d’un avocat, dès le début de la privation de liberté. De plus, si un détenu ne dispose pas d’un avocat de son choix, il doit avoir le droit de s’en voir désigner un, et bénéficier d’une assistance juridique gratuite s’il n’a pas les moyens de payer.
  • Réviser la définition de la torture dans le Code Pénal pour inclure la pénalisation de tout acte d’incitation, de consentement ou d’acceptation de la torture par des représentants de l’État ou tout autre personne exerçant des fonctions officielles. Cela concerne notamment les responsables qui ordonnent à des subordonnés de torturer, ou couvrent des actes de torture après les faits. La définition de l’acte criminel devrait inclure le cas des personnes exerçant une autorité supérieure sur des subordonnés qui commettent des actes de torture, alors que ces responsables savent ou devraient savoir que de tels actes ont lieu ou sont susceptibles d'avoir lieu, et qu’ils n’ont pris aucune des mesures de prévention raisonnables et nécessaires.
  • Amender le CPP pour stipuler qu'en cas d'allégations de torture ou de mauvais traitements, la charge de la preuve incombe à l'accusation, qui doit prouver que tous les aveux ont été obtenus par des moyens légaux, conformément à la recommandation du Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, dans son rapport pays de février 2012 sur la Tunisie.

Sur les conditions matérielles de détention

  • Procurer aux détenus une nourriture en quantité et en qualité nutritionnelle suffisantes pour préserver leur santé et leur forme.
  • Améliorer les installations sanitaires dans les centres de détention de façon à ce qu'elles soient suffisantes pour permettre à tous les prisonniers de satisfaire aux besoins de la nature de façon propre, décente, et en temps voulu. Les personnes privées de leur liberté devraient avoir régulièrement accès à des douches et, la nuit, à des matelas. Les cellules devraient être nettoyées régulièrement par le personnel du poste de police ou par des détenus travaillant comme volontaires sous la supervision des gardiens. 
  • Là où c'est possible, offrir aux personnes détenues au poste de police pendant plus de 24 heures la possibilité de sortir de leur cellule au moins une heure par jour, dans un espace suffisamment grand pour leur permettre de faire de l'exercice.
  • Détenir les enfants arrêtés ou emprisonnés – c'est-à-dire toutes les personnes âgées de moins de 18 ans – dans des cellules séparées de celles des adultes.
  • Réaliser un audit national de l'état matériel des centres de détention de la police, et établir un plan d'action pour les moderniser, de façon à les mettre en conformité avec les normes internationales en matière d'installations sanitaires, de literie, de nutrition, de ventilation, d'eau courante et de possibilités de faire de l'exercice.

Sur les protections fondamentales

Mécanismes de contrôle

  • S'assurer que des experts qualifiés et indépendants soient nommés au sein de l'Autorité nationale de prévention de la torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants
  • Doter cet organe de moyens suffisants et lui assurer le soutien politique dont il a besoin pour accomplir son mandat de façon efficace.
  • Garantir que les autorités pénitentiaires autorisent l'accès de l'Autorité aux lieux de détention en toutes circonstances, et n'interprètent pas la clause de sécurité nationale et de défense de façon à limiter cet accès de façon excessive.

Protections médicales

  • S'assurer que tous les examens médicaux de routine soient menés en utilisant un formulaire standard incluant (a) l'historique médical (b) une déclaration de la personne examinée au sujet de toute violence qu'il ou elle aurait récemment subie, et (c) les résultats d'un examen physique complet, y compris une description des dommages corporels. Le dossier médical devrait être accessible pour les détenus ou pour leurs avocats, sur demande.

Pratiques policières et judiciaires

  • S'assurer que la pratique actuelle consistant à transférer les personnes arrêtées vers des centres de détention autres que les cellules gérées par la police judiciaire soit appliquée de façon systématique et constante dans toutes les régions et districts du pays, et que les arrestations et placements en détention par la Garde Nationale appliquent également cette pratique. 
  • Donner pour instruction aux agents de police d'informer les détenus, au moment du placement en garde à vue, de leur droit de notifier une tierce personne, et de leur droit de subir un examen médical.
  • Produire une liste standard de tous les droits des personnes privées de leur liberté, et l'afficher dans les lieux de détention là où elle pourra être lue facilement par les personnes en garde à vue. Inclure ces mêmes informations dans un formulaire à signer par toute personne en garde à vue, et donner au détenu une copie de ce formulaire. S'assurer que les agents des forces de l'ordre appliquent leur obligation de notifier ces éléments et d'aider à l'exercice de ces droits de façon diligente, et dès le premier moment de la privation de liberté.
  • Prendre des mesures pour éliminer la coercition au cours des interrogatoires de suspects par la police judiciaire. Parmi les mesures possibles pour garantir que de telles déclarations soient volontaires figure par exemple l'enregistrement vidéo des interrogatoires de police.
  • Encourager les juges et les procureurs à demander systématiquement aux personnes arrivant de garde à vue comment elles ont été traitées, et à demander un examen médical indépendant en conformité avec le Protocole d’Istanbul, s'ils soupçonnent que les détenus ont subi des mauvais traitements ; une enquête d'office devrait être diligentée quand il existe des raisons raisonnables de croire qu'un aveu a été obtenu sous la torture ou par de mauvais traitements.

Aux gouvernements et aux institutions qui fournissent une aide à la Tunisie

Dans le cadre de la réforme du secteur de la justice et de la sécurité, et des programmes de soutien à l'État de droit qui sont actuellement envisagés ou mis en œuvre, encourager la Tunisie à appliquer les recommandations énumérées plus haut, et notamment celles qui sont conçues pour pousser les autorités à :

  • Garantir une réforme rapide et approfondie du Code Pénal et du Code de Procédure Pénale (CPP), pour inclure le droit d'accès à un avocat dès le premier moment de l'arrestation; exclure de façon explicite les preuves obtenues sous la torture et par de mauvais traitements, et réduire la limite de temps avant le contrôle juridictionnel de la décision d'arrestation.
  • Soutenir les efforts de la Tunisie pour améliorer les conditions matérielles dans les centres de détention.