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Présentation générale du conflit entre Hema et Lendu, dans les régions du Congo sous contrôle de l'Ouganda
Human Rights Watch, janvier 2001

Au cours des deux dernières années, les Ougandais ont recruté et formé aussi bien des Hema que des Lendu pour servir dans les forces du Rassemblement Congolais pour la Démocratie-Mouvement de Libération (RCD-ML), un groupe rebelle appuyé par l'Ouganda qui contrôle en théorie cette région. Cependant, au cours de l'année dernière, certains des militaires ougandais auraient favorisé les Hema :


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Ce qui rend ces attaques si dangereuses c'est la façon dont les deux groupes s'identifient maintenant aux catégories hutu et tutsi au cœur du génocide rwandais. Les Lendu se perçoivent désormais comme des parents des Hutu alors que les Hema s'identifient aux Tutsi. Les deux groupes se sont pendant longtemps livrés à une compétition pour le contrôle de la terre mais les identifications récentes et le lien qu'elles ont avec le génocide menacent de transformer cette lutte en un phénomène beaucoup plus dévastateur.

Suliman Ali Baldo, chercheur à la Division Afrique de Human Rights Watch


 
  • En juin 1999, le Brigadier Général James Kazini, alors commandant de la Force de Défense du Peuple Ougandais (UDPF), au Congo, ignora les objections du RCD-ML et créa la province séparée d'Ituri, avec Bunia pour capitale. Il nomma un Hema à la tête de cette nouvelle entité administrative. L'installation du nouveau gouverneur a coïncidé avec une explosion de violence entre Lendu et Hema [voir plus bas], les Lendu et d'autres considérant l'Ouganda et le RCD-ML comme de plus en plus proches des Hema. Dans les mois de violence qui suivirent, on estime à 7 000 le nombre de personnes qui ont été tuées, dans les deux groupes confondus. 200 000 personnes ont aussi fui leurs maisons.

  • Les commissions d'enquête nommées par le RCD-ML et l'administration locale ont conclu que les soldats de l'UDPF avaient fait peu d'efforts pour contenir la violence dans les régions qu'ils contrôlaient et que certains d'entre eux avaient apporté une aide active aux Hema, dans leurs attaques contre les Lendu. Bien que le gouvernement ougandais ait rejeté ces accusations, il aurait entamé une procédure judiciaire contre un capitaine accusé d'avoir apporté une telle assistance.

  • Même lorsque l'étendue du conflit entre Hema et Lendu est apparue au grand jour, les soldats de l'UPDF ont continué à former des recrues issues des deux camps. Plus récemment, des Lendu en cours de formation auraient déserté les forces du RCD-ML pour combattre à la place dans des milices implantées localement.

  • A la fin de 1999, le RCD-ML a remplacé le gouverneur hema de la province d'Ituri par une personne extérieure aux deux groupes rivaux. Dans les mois qui suivirent, les combats ethniques diminuèrent mais ils reprirent, il y a quelques semaines, après la nomination par le Colonel Muzoora d'un Hema comme chef intérimaire de la province et l'assignation en résidence surveillée du gouverneur nommé par le RCD-ML. Le Colonel a ensuite "déporté" à Kampala le gouverneur destitué. Les autorités ougandaises continuent à le retenir là bas, sans explication. Les Lendu ont d'abord attaqué les Hema à Nyankunde, un village au sud de Bunia dans lequel s'était récemment rendu le Colonel Muzoora, en compagnie du responsable hema nouvellement nommé. La milice lendu a ensuite attaqué d'autres villages au sud de Bunia, faisant de nombreuses victimes et contraignant environ 8 000 personnes à franchir la frontière avec l'Ouganda. Les troupes ougandaises sont intervenues pour mettre fin à ces combats.

Au cours de cette période, les chefs du RCD-ML, enfermés dans une lutte pour le pouvoir, se trouvaient à Kampala, à la demande des autorités ougandaises, pour tenter de résoudre leurs différends. Les hommes politiques congolais ne sont parvenus à un accord que la semaine dernière, lorsque les factions du RCD-ML se sont apparemment réconciliées et ont également accepté de se joindre au Mouvement Congolais de Libération (MLC) afin de former un nouveau front contre le gouvernement congolais. Jean-Pierre Bemba du MLC était supposé prendre la tête du nouveau groupe, le Front de Libération du Congo (FLC). Mais le professeur Wamba dia Wamba, chef du RCD-ML, a rechigné à accepter cet accord qu'il a déclaré être "imposé" par l'Ouganda. A Bunia, Wemba et son groupe sont perçus comme des alliés des Lendu et des autres groupes opposés aux Hema. L'autre faction du RCD-ML aurait célébré cette fusion comme une confirmation du statut de ses chefs, l'un d'entre eux étant un Hema très en vue. Dans une déclaration en date du 19 janvier, Bemba a rendu responsables de la violence, les rebelles "indisciplinés" qui soutiennent les Lendu. Il a affirmé que ses troupes, faisant probablement référence aux forces du RCD-ML soit disant désormais sous son autorité, rétabliraient prochainement l'ordre.

Suliman Baldo, chercheur à Human Rights Watch rentré le mois dernier de cette région, a mis en garde contre la gravité de la situation à Bunia. "Ce qui rend ces attaques si dangereuses," a déclaré Baldo, "c'est la façon dont les deux groupes s'identifient maintenant aux catégories hutu et tutsi au cœur du génocide rwandais. Les Lendu se perçoivent désormais comme des parents des Hutu alors que les Hema s'identifient aux Tutsi. Les deux groupes se sont pendant longtemps livrés à une compétition pour le contrôle de la terre mais les identifications récentes et le lien qu'elles ont avec le génocide menacent de transformer cette lutte en un phénomène beaucoup plus dévastateur." Les Lendu, qui regroupent environ 700 000 personnes dans la région, vivent principalement de leurs récoltes alors que les Hema, environ 150 000 personnes, tirent leur subsistance à la fois de l'élevage du bétail et de leurs cultures. Les deux groupes ethniques partagent la même langue et ont régulièrement contracté des mariages interethniques.

Human Rights Watch appelle à la fois les Nations Unies et les pays bailleurs de fonds qui ont une influence sur Kampala à faire tout leur possible pour persuader le Président Museveni de restaurer la discipline dans ses troupes et de s'assurer que les auteurs responsables de massacres et d'autres agressions contre les civils, dans le nord-est du Congo seront tenus pour responsables de leurs actes.