Rapports

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III. CONTEXTE

La Côte d'Ivoire est restée très largement stable pendant les trente ans qui ont suivi son indépendance de la France, en 1960. Sous le Président Félix Houphouët-Boigny, un Baoulé catholique, plus de soixante groupes ethniques ont coexisté avec plus de trois millions d’immigrés en provenance de la sous-région ouest-africaine, si ce n’est en harmonie, au moins sans mettre ouvertement en danger la fragilité de l’état ivoirien. Les tensions ethniques étaient indéniablement présentes et ont été occasionnellement réprimées avec violence sous le régime d’Houphouët-Boigny1 mais une politique migratoire de la porte ouverte a contribué à construire une économie agricole prospère. La relation privilégiée entre la Côte d'Ivoire et la France, qui a soutenu Houphouët-Boigny pendant toute la durée de sa présence au pouvoir et a assuré la sécurité de son régime, a également contribué à la relative stabilité du pays. Le Parti Démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI) d’Houphouët-Boigny a monopolisé l’activité politique dans un état à parti unique mais ses gouvernements PDCI ont nominalement reflété la composition ethnique et religieuse du pays. La Côte d'Ivoire était le moteur économique d’une région qui bien que riche en ressources, continuait à présenter de maigres résultats en matière de gouvernance et de responsabilités politiques.

La décomposition récente et apparemment rapide d’un pays autrefois désigné par le terme de « miracle ivoirien » est à chercher dans des facteurs qui remontent à plusieurs décennies : ambitions politiques longtemps bridées sous le régime autocratique à parti unique d’Houphouët-Boigny, récession économique liée à la dépendance des exportations de café et de cacao, accroissement de la compétition pour les ressources naturelles, système agricole fortement dépendant du travail des migrants et faiblesse des institutions étatiques. Le conflit a également des causes plus immédiates, spécifiquement, un discours politique basé sur l’appartenance ethnique et poussant à la division et l’impunité de plus en plus grande des forces de sécurité de l’état alors que leur responsabilité dans des violations des droits humains était clairement établie. Les facteurs régionaux dont la proximité du conflit libérien voisin, la circulation aisée d’armes et de mercenaires ainsi que la disponibilité du Burkina Faso à fournir un soutien au MPCI naissant, ont également contribué à entraîner la Côte d'Ivoire dans un bourbier régional complexe.

Récession économique et immigration

Dans les années 90, la Côte d'Ivoire était devenue le premier producteur mondial de cacao et faisait partie des cinq premiers producteurs de café, principalement grâce à l’ampleur de l’immigration de travailleurs agricoles en provenance de pays voisins – en particulier le Burkina Faso.2 Ces statistiques masquent un tableau économique moins rose alors que la Côte d'Ivoire luttait pour sortir d’une grave récession économique dans les années 80. L’impact de la récession économique et des mesures d’ajustement structurel imposées par les institutions financières internationales et les bailleurs ont affecté non seulement les secteurs du cacao et du café dans lesquels les prix des matières premières ont chuté et les subventions aux producteurs ont été réduites mais également la situation générale de l’emploi. De nombreux jeunes urbains instruits sont retournés au village, à la recherche d’un avenir mais sont à la place devenus des « chômeurs villageois. »3

La récession économique a coïncidé avec l’augmentation de la compétition pour les ressources naturelles dans plusieurs régions du pays : dans l’Ouest et le Sud-Ouest – traditionnellement des terres boisées – seuls 17 pour cent de la forêt ont été épargnés en 2000.4 Dans le Nord, les tensions foncières dans la ceinture cotonnière sont devenues une source de pression alors que dans l’Ouest, le cœur des plantations de cacao et de café, l’effondrement des prix des matières premières et des subventions aux producteurs de cacao a entraîné un accroissement des frictions entre les travailleurs immigrés des plantations et les villageois ivoiriens qui leur avaient vendu ou loué des terres.

Au cœur de la crise économique et confronté à une baisse de popularité avant les élections de 1990, en particulier parmi son électorat traditionnel du secteur agricole, le gouvernement d’Houphouët-Boigny a introduit des cartes de résidence pour les non-nationaux en 1990, dans le but d’obtenir davantage de revenus pour l’état et pour augmenter les voix du PDCI. Si la mesure a consolidé à court terme le soutien au PDCI, contribuant à faire gagner les élections à Houphouët-Boigny, la perception que les immigrés avaient bénéficié d’un statut illégitime grâce à des fraudes, devait contribuer à créer des problèmes considérables pour le futur. De nombreux Ivoiriens du Nord et immigrés burkinabé ont daté le début du harcèlement institutionnalisé et des extorsions pratiqués par les forces de sécurité de l’état à la délivrance de ces cartes de résidence en 1990.5 Pour de nombreux Ivoiriens du Nord, les contrôles de papier d’identité ont été particulièrement irritants parce que les forces de sécurité de l’état dominées par des gens du Sud ne faisaient pas la distinction entre les Ivoiriens du Nord et les résidents immigrés. De plus, de nombreux membres des forces de sécurité ont saisi l’opportunité des contrôles de papiers pour extorquer régulièrement de l’argent aux deux groupes.6

Ivoirité : discrimination ethnique pour des gains politiques

D’un point de vue ethnique, la Côte d'Ivoire peut être décrite comme un carrefour, la plupart des principaux groupes ethniques ayant migré des pays voisins au fil des siècles.7 Si ces populations se sont bien mélangées géographiquement, en particulier à Abidjan, Daloa et dans les autres centres urbains, le pays reste grossièrement divisé en blocs régionaux. Le Centre et l’Est sont principalement occupés par les Baoulé et les Agni, deux peuples qui font partie des migrations des Akan du Ghana. Le Nord héberge en grande partie deux groupes ethniques principaux : les Malinké et les Dioula (qui appartiennent au groupe des Mande du Nord) qui ont émigré de la Guinée et du Mali et les Senoufo et les Lobi (qui appartiennent au groupe des Gur) qui ont émigré du Burkina Faso et du Mali. L’Ouest est peuplé par le groupe des Mande du Sud – en bonne partie les groupes ethniques des Dan ou Yacouba et des Gouro, qui ont émigré de Guinée du Sud et de Sierra Leone. Enfin, le Sud-Ouest abrite les peuples Krou, dont les Bété et les Wê (aussi connus sous le nom des Gueré) qui seraient parmi les premiers immigrés de la côte sud-ouest, dont le Libéria.

Le décès d’Houphouët-Boigny en 1993 a marqué le début de tensions politiques ouvertes en Côte d'Ivoire et la fin du fragile équilibre ethnique qu’il avait maintenu.8 Les candidats représentant les principaux groupes ethniques clefs, dont le successeur baoulé d’Houphouët-Boigny, Henri Konan Bédié du PDCI, Laurent Gbagbo, le chef bété du Front Populaire Ivoirien (FPI) et Alassane Dramane Ouattara du Rassemblement des Républicains (RDR) ont commencé à rivaliser pour la présidence, dans les préparatifs des élections de 1995. La campagne de Bédié en 1995 a été basée sur un programme ethnique visant à saper le soutien du principal rival de Bédié, Ouattara, ancien Premier ministre sous Houphouët-Boigny et candidat du plus large parti d’opposition, le RDR très fortement soutenu par le Nord. Le RDR a boycotté les élections après l’interdiction de la candidature de Ouattara sous prétexte qu’il avait la nationalité burkinabé et n’était pas natif de Côte d'Ivoire. Bédié a remporté les élections.9

Suite à l’accession de Bédié à la présidence, la relation entre la communauté immigrée – principalement burkinabé – et le gouvernement ivoirien a changé pour deux raisons principales. Premièrement, il est rapidement devenu clair que la vision du nouveau Président, Henri Konan Bédié, sur le rôle et la position des immigrés en Côte d'Ivoire différait radicalement de celle de son prédécesseur qui avait adopté une stratégie de « coalition ethnique » impliquant les Baoulé et les habitants du Nord.10 Sous Bédié, l’introduction d’une loi sur la réforme foncière rurale fut le signe d’un changement clair de politique.11 Le second élément fut la façon dont Bédié a réagi à la création du parti d’opposition dirigé par l’ancien Premier Ministre, Alassane Ouattara, homme du Nord, musulman et son rival dans la course aux élections présidentielles. Le débat qui a suivi sur la nationalité et l’éligibilité de Ouattara à la présidence sont devenus un symbole des divisions très ancrées sur le sujet de « l’ivoirité », la question de l’identité ivoirienne et le rôle des immigrés dans la société ivoirienne.

Au cours des six années pendant lesquelles Bédié a été au pouvoir, les allégations de corruption et de mauvaise gestion se sont multipliées et il s’est de plus en plus appuyé sur l’appartenance ethnique comme tactique politique pour rassembler des soutiens dans un climat économique qui ne lui était pas favorable.12 En 1999, le Général Robert Guei, un Yacouba de l’Ouest, chef d’état major de Bédié, a pris le pouvoir par un coup d’état suite à une mutinerie de soldats. Initialement accueilli avec satisfaction par la plupart des groupes d’opposition comme un changement bienvenu après le long règne du PDCI et le régime corrompu de Bédié, les promesses de Guei d’éliminer la corruption et d’introduire un gouvernement de rassemblement ont vite été éclipsées par ses ambitions politiques personnelles et les mesures répressives utilisées contre l’opposition, réelle ou supposée.13 Tout au long de l’année 2000, une autre année d’élection, la politique ivoirienne s’est de plus en plus divisée le long de lignes ethniques et religieuses. La candidature de Ouattara est demeurée un point de contestation et des frictions de plus en plus importantes entre Guei et le RDR ont conduit au retrait du RDR du seul poste ministériel que lui avait accordé le gouvernement de transition de Guei en mai 2000.14

Les élections présidentielles et parlementaires de 2000

Les tensions politiques, économiques, religieuses et ethniques qui se sont cumulées dans les années 1990 ont violemment fait irruption pendant les élections présidentielles d’octobre 2000.15 La légitimité des élections a été sérieusement compromise par l’exclusion de quatorze des dix-neuf candidats à la présidence, dont Alassane Ouattara et le candidat du PDCI, l’ex-Président Bédié. Le Général Guei a fui le pays le 25 octobre 2000 quand des manifestations populaires de grande ampleur et la perte du soutien de l’armée ont fait suite à sa tentative d’ignorer complètement les résultats des élections et de saisir le pouvoir. Laurent Gbagbo a assumé les fonctions de président le lendemain mais les pertes humaines ont continué de croître alors que les partisans du RDR, appelant à de nouvelles élections, s’opposaient aux partisans du FPI et aux forces de sécurité du gouvernement.

Sous le régime du Président Gbagbo, les fractures ethniques et religieuses se sont creusées alors que les forces de sécurité et les groupes d’autodéfense se heurtaient de nouveau aux partisans du RDR dans la période qui a conduit aux élections parlementaires de décembre. Ouattara a de nouveau été disqualifié par une décision de la Cour Suprême mettant en question sa citoyenneté et le RDR a par la suite boycotté les élections. L’état d’urgence a été imposé après les violents affrontements d’Abidjan en décembre 2000 mais les élections parlementaires ont été maintenues partout, sauf dans douze districts du Nord.

Plus de 200 personnes ont été tuées et des centaines ont été blessées par la violence qui a accompagné les élections d’octobre et de décembre. Des manifestants ont été abattus dans les rues d’Abidjan par les forces de sécurité de l’état. Des centaines de membres de l’opposition, dont de nombreux habitants du Nord et des partisans du RDR, pris pour cibles sur la base de leur appartenance ethnique et de leur religion, ont été arbitrairement arrêtés, détenus et torturés. Les forces de sécurité de l’état ont commis des viols et d’autres violations des droits humains en complicité avec les partisans du FPI. Au cours du pire incident attribué aux gendarmes de la base Abobo à Abidjan, les corps de cinquante-sept jeunes hommes ont été découverts à Youpougon, dans les faubourgs d’Abidjan, le 27 octobre 2003, un massacre connu depuis sous le nom de Charnier de Youpougon. Une enquête des Nations Unies sur le massacre a conclu que la responsabilité du massacre relevait entièrement des gendarmes. Cependant, les personnes responsables de ces tueries et d’autres incidents violents liés aux élections n’ont toujours pas fait l’objet d’une investigation digne de ce nom et n’ont toujours pas été traduits en justice. Le procès de huit gendarmes paramilitaires en avril 2001 en lien avec le massacre de Youpougon a conduit à leur acquittement pour « manque de preuves. »16 Bien que le gouvernement de Côte d'Ivoire ait affirmé son intention de rouvrir l’enquête en 2002, cette initiative a été mise de côté depuis le début de la guerre en septembre 2002.

Fin 2001 et début 2002, le Président Gbagbo a organisé un forum de réconciliation qui a inclus des représentants des quatre partis politiques clefs : le FPI de Gbagbo, le RDR de Ouattara, Bédié du PDCI et l’Union pour la Démocratie et pour la Paix en Côte d'Ivoire (UDPCI) de Guei. En dépit de ce geste largement symbolique, la tension politique est restée élevée dans plusieurs régions du pays alors que les élections municipales locales approchaient en juillet 2002. A l’Ouest, où la campagne politique a mis le feu à des tensions foncières pré-existantes, de jeunes partisans du FPI, du PDCI et du RDR se sont affrontés à Daloa, fin juin 2002, entraînant la mort d’au moins quatre personnes et la destruction par le feu de deux mosquées et d’une église.17 La violence a également gagné les villages autour de Daloa où des groupes de jeunes villageois bété, guéré, burkinabé et ivoiriens du Nord ont mutuellement incendié leurs villages et leurs maisons. Des milliers de personnes ont été déplacées vers Daloa et Duékoué.

Septembre 2002 : de la « mutinerie » de l’armée à la guerre civile

En août 2002, le Président Gbagbo a annoncé un gouvernement de réconciliation nationale avec une représentation des quatre principaux partis politiques dans son cabinet. Cependant, le Général Guei a refusé d’accepter le portefeuille réservé à son parti, l’UDPCI. Peu de temps après, tôt dans la matinée du 19 septembre 2002, des tirs soutenus ont éclaté à Abidjan alors que des attaques simultanées se produisaient dans les villes de Korhogo et Bouaké, au Nord du pays.

Les spéculations initiales sur le soutien apporté à la tentative de coup se sont concentrées sur Guei. Cependant, le Général Guei, son épouse et Boga Doudou, le Ministre de l’Intérieur, ont tous été tués le 19 septembre à Abidjan. Il est vite apparu que le soulèvement avait été initié par des soldats qui avaient été recrutés dans l’armée par Guei et qui craignaient d’être démobilisés sous le Président Gbagbo. Il a également été rapidement clair que la « mutinerie » était en fait un mouvement rebelle organisé, le Mouvement Patriotique de Côte d'Ivoire (MPCI) dont l’origine était plutôt moins spontanée qu’il n’avait semblé au départ. La tentative de coup a été conduite par un certain nombre de jeunes officiers militaires qui avaient été au premier plan dans le coup d’état de 1999 mais avaient quitté le régime du Président Guei quand celui-ci s’est fait de plus en plus intransigeant. Plusieurs de ces officiers ont été détenus et torturés sous Guei et ont fui au Burkina Faso où ils ont certainement reçu une formation et probablement d’autres formes de soutien au cours des deux années entre leur exil de Côte d'Ivoire et leur retour le 19 septembre 2002. Le nombre total des troupes du MPCI dans les premières semaines de la mutinerie est estimé à environ huit cents au maximum et un recrutement de forces supplémentaires a eu lieu, en particulier au Mali et au Burkina Faso. Au moins cinq cents Maliens sont arrivés en septembre 2002, attirés par la promesse de toucher 10 000 CFA (environ US$17) par jour.18 Cependant, beaucoup sont repartis début 2003 après le tarissement des ressources financières. Le MPCI a également recruté des centaines de « dozos », des chasseurs traditionnels avec des fusils de chasse familiaux que l’on rencontre fréquemment en milieu rural en Côte d'Ivoire, au Mali et dans le Sud du Burkina Faso. Une partie au moins des dozos recrutés par le MPCI étaient des immigrés burkinabé et maliens résidant depuis longtemps en Côte d'Ivoire.

La réponse initiale du gouvernement à la rébellion a été de lancer une opération de sécurité dans la capitale économique, Abidjan. Ceci a impliqué des centaines de membres des forces de sécurité qui sont descendus dans les quartiers à bas revenus – les « quartiers précaires » ou bidonvilles – occupés par des milliers d’immigrés et d’Ivoiriens. Au cours de ces opérations, ces hommes auraient cherché des armes et des rebelles mais le plus souvent, ils ont simplement donné l’ordre aux habitants de sortir de chez eux et ont brûlé ou démoli leurs maisons. Conduits soi-disant pour préserver Abidjan d’une infiltration par des rebelles présumés, les raids ont entraîné le déplacement de plus de 12 000 personnes, la plupart des immigrés étrangers. Ces raids sont allés de pair avec de nombreux graves abus contre les droits humains, dont des arrestations arbitraires et des détentions, des « disparitions », des viols et des exécutions sommaires. De plus, les forces de sécurité se sont livrées à des extorsions de façon massive et fréquente.19 Des douzaines de quartiers ont été touchés jusqu’en octobre 2002 lorsque le gouvernement a officiellement suspendu l’opération suite aux protestations internationales. Officieusement cependant, les démolitions et les abus se sont poursuivis bien au-delà de décembre 2002.20

A la fin de septembre 2002, les rebelles du MPCI, regroupant essentiellement des « Dioula »21 ou des gens du Nord appartenant aux ethnies malinké, sénoufo ou autres, des recrues burkinabé et maliennes et des « dozos » contrôlaient la majeure partie du Nord de la Côte d'Ivoire (environ 50 pour cent du pays), dont les villes de Bouaké, Korhogo et Odienné. La facilité avec laquelle le MPCI a pris la zone est largement due au fait que le mouvement s’est heurté à une opposition minimale. Si de nombreuses questions restent sans réponse concernant les origines des mouvements rebelles ivoiriens, le groupe du MPCI est le plus organisé, le plus discipliné et le plus direct idéologiquement. Ses principaux objectifs déclarés étaient la révision de réformes militaires récentes, de nouvelles élections et le départ du Président Gbagbo dont la présidence était perçue comme illégitime compte tenu des élections biaisées qui s’étaient déroulées en 2000. Cependant, ce parti se faisait également la voix d’autres griefs dont le sentiment très répandu chez de nombreux Ivoiriens du Nord qu’ils avaient été délibérément exclus de la vie politique et systématiquement victimes de discrimination pendant la dernière décennie.22 Si le noyau du MPCI était composé d’Ivoiriens du Nord, comme des Sénoufo et des Malinké, ses membres, tant au niveau des soldats que des rangs politiques élevés incluaient la plupart des groupes ethniques ivoiriens, dont des Baoulé et des Bété.

Une offensive du gouvernement sur Bouaké, début octobre a donné lieu à des combats soutenus dans la ville et ses environs et a entraîné la fuite de milliers de civils mais le MPCI a conservé le contrôle de la ville. Une avance du MPCI dans l’Ouest a permis la prise de Vavoua le 7 octobre 2002 et de Daloa, le 12 octobre 2002. Les avances du MPCI dans le Nord et l’Ouest se sont accompagnées de rapports d’exécutions sommaires de gendarmes et de sympathisants présumés du gouvernement. Daloa, ville clef dans la ceinture cacaotière du pays et point de transit pour une bonne partie du cacao destiné au port côtier de San Pedro, a été reprise le 14 octobre 2002 par les forces gouvernementales qui ont alors passé la ville au peigne fin à la recherche de partisans des rebelles. Plusieurs jours plus tard, le gouvernement a signé un cessez-le-feu avec le MPCI. Des forces militaires françaises déjà présentes dans le pays dans le cadre d’un ancien accord de sécurité ont accepté de surveiller la ligne de cessez-le-feu.

Les négociations de paix ont eu lieu fin octobre 2002 à Lomé, au Togo. Les deux côtés ont accepté de s’abstenir de « recruter et utiliser des mercenaires, d’enrôler des enfants et de violer l’accord sur la cessation des hostilités. »23 Les états membres de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ont également promis de déployer une force de maintien de la paix en Côte d'Ivoire. En dépit du cessez-le-feu, le nombre de récits faisant état d’assassinats d’immigrés, de responsables et partisans du RDR et de sympathisants présumés des rebelles a continué à augmenter. Ces actes auraient été commis par des « escadrons de la mort » composés de membres des forces de sécurité et de groupes civils d’autodéfense à Abidjan.

La guerre se déplace vers l’Ouest : 28 novembre 2002

A la fin de novembre 2002, la prise de Man et de Danané et une attaque sur Toulepleu, toutes des villes relativement importantes dans l’Ouest du pays, près de la frontière avec le Libéria, ont marqué l’apparition de deux nouveaux groupes rebelles et d’un nouveau front militaire. Les nouveaux groupes, le Mouvement pour la Justice et la Paix (MJP) et le Mouvement Populaire Ivoirien du Grand Ouest (MPIGO), prétendaient rassembler des Ivoiriens cherchant à venger la mort du Général Guei.24 Cependant, le MPIGO était essentiellement composé de combattants libériens et sierra léonais, dont d’anciens membres du groupe rebelle sierra léonais, le Front Révolutionnaire Uni (RUF) et des forces libériennes liées au Président libérien, Charles Taylor. Alors que le MPCI a initialement nié être en lien avec les deux nouveaux groupes,25 des signes ont montré que l’offensive de l’Ouest du 28 novembre était coordonnée par ces trois groupes. Il est certain que l’émergence de deux nouveaux groupes à l’Ouest et l’ouverture d’un nouveau front militaire sont arrivées à un moment particulièrement opportun pour le MPCI qui avait signé un cessez-le-feu avec le gouvernement et ne pouvait plus poursuivre d’autres objectifs militaires sans violer cet accord.26

Le MPIGO s’est rapidement déplacé de Danané vers le Sud, le long de la frontière avec le Libéria, prenant Toulepleu le 2 décembre. Ce groupe s’est ensuite dirigé vers l’Est, en direction de Guiglo et a pris Blolékin le 7 décembre 2003. Pendant ce temps, les forces gouvernementales ont repris Man le 30 novembre. En décembre 2002, les deux côtés ont renforcé leurs troupes avec des recrues fraîchement arrivées, dont des Libériens supplémentaires du côté des rebelles et une nouvelle force de soldats libériens combattant du côté du gouvernement. La force militaire française qui surveillait la ligne initiale de cessez-le-feu connue sous le nom d’Opération Licorne a également reçu des renforts jusqu’à atteindre pratiquement 2 500 hommes à la fin décembre 2002. Les combats se sont poursuivis fin décembre et ont eu pour conséquence une contre-offensive rebelle qui a permis la reprise de Man et de Bangolo ainsi qu’une série d’affrontements entre les forces françaises et les rebelles de l’Ouest autour de Duékoué alors que les rebelles cherchaient à pousser leur offensive plus au Sud.

Janvier 2003 a amené des combats supplémentaires et un nombre croissant de récits faisant état d’abus contre les civils dans l’Ouest du pays. La diplomatie française a produit un second cessez-le-feu entre le gouvernement et les groupes rebelles de l’Ouest, le 13 janvier 2002 mais les négociations de paix qui se sont déroulées à l’appel du gouvernement français à Linas-Marcoussis ont été entachées par des rapports continuant de mentionner des combats le long de la frontière entre le Libéria et la Côte d'Ivoire.

Les négociations de Paris ont produit le cadre pour un nouveau gouvernement de réconciliation dans lequel le Président Gbagbo conservait la présidence tout en déléguant des pouvoirs considérables à un nouveau Premier ministre sélectionné par consensus. Dans un document annexe, les accords de Linas-Marcoussis ont également assigné comme tâche au nouveau gouvernement de réconciliation de produire une réforme législative sur les lois relatives à la nationalité, les procédures électorales et l’héritage foncier. Les préoccupations relatives aux droits humains occupaient une place de choix dans l’accord qui a requis la création immédiate d’une commission nationale des droits humains, l’établissement d’une enquête internationale sur les graves entorses faites aux droits humains et au droit international humanitaire. L’accord exigeait également la fin de l’impunité pour les personnes responsables d’exécutions sommaires, en particulier les membres des escadrons de la mort.

La signature des accords de paix de Linas-Marcoussis par toutes les parties en guerre, le 25 janvier 2002, a été suivie de quatre jours consécutifs de manifestations dans les rues d’Abidjan, principalement par les « jeunes patriotes », de jeunes partisans du FPI qui protestaient contre l’allocation faite oralement de deux ministères clefs – défense et intérieur – à des groupes rebelles. Le retour du Président Gbagbo à Abidjan a peu fait pour calmer les protestations. Les déclarations publiques dans lesquelles il affirmait que les accords étaient des « propositions » ont plutôt jeté des doutes sur son engagement en faveur de l’accord. Début février, le Conseil de Sécurité des Nations Unies a publié une déclaration de soutien aux accords et a donné une autorisation de type Chapitre VII aux troupes françaises et ouest-africaines pour protéger les civils, dans leurs zones d’opération.27 Suite aux protestations à Abidjan, le front politique s’est heurté à une impasse qui a duré pendant tout le mois de février et la plupart du mois de mars 2003, en dépit de nombreux efforts pour faire avancer le processus de paix. Un sommet à Accra début mars a entraîné l’attribution préliminaire de postes ministériels dans le nouveau gouvernement de réconciliation alors que les combats se poursuivaient dans l’Ouest du pays.

Alors que les discussions se poursuivaient sur les prochaines étapes du processus de paix, des récits de massacres sont arrivés de l’Ouest où il est apparu de plus en plus clairement que les forces gouvernementales comme celles des rebelles utilisaient des combattants libériens dans une guerre par procuration. Tout au long du mois de mars et jusqu’à début avril, les membres du gouvernement nommés par le MPCI ont refusé de prendre leurs fonctions à Abidjan avançant des arguments de sécurité. La sécurité dans la région de Toulepleu a diminué alors que les combattants libériens des deux côtés s’opposaient et lançaient des attaques sur le Libéria voisin. Des milliers de civils ont fui l’Ouest pour se réfugier au Libéria et en Guinée, deux endroits de moins en moins sûrs.

Les préoccupations internationales et locales relatives à la situation dans l’Ouest ont augmenté en avril et ont culminé avec la réunion entre le Président libérien, Charles Taylor et le Président Gbagbo au Togo, fin avril ainsi qu’avec un accord pour surveiller la frontière par le biais d’une force quadripartite composée de forces du gouvernement ivoirien, de forces rebelles, de forces libériennes et de forces françaises/CEDEAO.28 Un cessez-le-feu a été signé début mai alors que les membres du gouvernement de réconciliation prenaient leurs fonctions à Abidjan pour la première fois. Une mission des Nations Unies – la MINUCI – composée de personnel militaire de liaison et d’observateurs civils des droits humains a également été approuvée par le Conseil de Sécurité des Nations Unies, début mai. A la fin mai, la situation s’améliorait dans l’Ouest en matière de sécurité alors que nombre de combattants libériens quittaient la région mais la situation humanitaire restait très difficile, avec de nombreux civils sans accès à l’eau, à la nourriture et à des soins. Début juin, les forces françaises et celles de la CEDEAO ont avancé pour sécuriser les villes principales de l’Ouest et surveiller le cessez-le-feu. Le couvre-feu a été levé.



1 Certains observateurs avancent que les racines du débat ivoirien sur l’ethnicité et l’identité remontent au moins aux années 30 si ce n’est avant. La question de la place des étrangers dans la société ivoirienne n’est certainement pas nouvelle bien que les propres positions libérales d’Houphouët-Boigny sur l’immigration et la nationalité aient dominé la politique du gouvernement pendant des décennies. Plusieurs épisodes de répression contre les Ivoiriens « du Sud » se sont produits, notamment en 1966 contre les Agni et en 1970 contre les Bété. Voir Tiemoko Coulibaly, “Lente décomposition en Côte d’Ivoire,” Le Monde Diplomatique, novembre 2002 et Jean-Pierre Dozon, “La Côte d’Ivoire entre démocratie, nationalisme et ethnonationalisme,” Politique Africaine : Cote d’Ivoire, la tentation ethnonationaliste, No. 78, juin 2000, pp. 45-62.

2 Bien que la Côte d'Ivoire ait été le principal pays d’accueil des immigrés provenant de toute la région, les Burkinabé représentent la majorité des ressortissants ouest-africains en Côte d'Ivoire. Ceci s’explique en partie par le fait que le Sud du Burkina Faso et le Nord de la Côte d'Ivoire se partageaient plusieurs groupes ethniques ainsi qu’une unité administrative sous le système français d’administration coloniale. Sous le régime d’Houphouët-Boigny, l’immigration a été encouragée et il n’y avait pas d’obstacles légaux à l’utilisation de la terre par les immigrés. La politique souvent citée d’Houphouët-Boigny était que « la terre appartenait à ceux qui la mettent en valeur. » Les immigrés burkinabé ont contribué au développement de « la bourgeoisie des plantations » ivoirienne qui a constitué l’épine dorsale du soutien à Houphouët-Boigny.

3 Jean-Pierre Chaveau, “Question foncière et construction nationale en Côte d’Ivoire,” Politique Africaine : Cote d’Ivoire, la tentation ethnonationaliste, No. 78, juin 2000, p. 112.

4 Country Information on Côte d’Ivoire, site de la FAO (Food and Agriculture Organization) à www.fao.org/forestry/fo/country/index.jsp?geo_id=75&lang_id=1 (consulté le 25 juin 2003).

5 De nombreuses personnes interrogées par Human Rights Watch ont souligné ce point comme étant le début des années de harcèlement et d’extorsions par les forces de sécurité de l’état exigeant pots-de-vin et parfois détruisant ou confiscant les cartes d’identité.

6 Certains analystes vont encore plus loin et considèrent l’introduction des cartes de résidence comme l’institutionnalisation d’une division non seulement entre citoyens et étrangers mais également d’une division sociale entre le Nord et le Sud. Voir Ousmane Dembele, “Côte d’Ivoire : la fracture communautaire,” Politique Africaine : La Côte d’Ivoire en guerre, No. 89, mars 2003, p. 40.

7 Une personne étudiant la transition post-coloniale ivoirienne faisait remarquer : « Bien que le pays se situe au carrefour de quatre civilisations africaines, il n’est le centre de gravité d’aucune. Les groupes ethniques ont des affinités culturelles et sociales plus grandes avec les tribus vivant hors du pays qu’entre eux. » Aristide Zolberg, One-Party Government in the Ivory Coast, (Princeton: Princeton University Press, 1969), p.5.

8 Pour de nombreux Ivoiriens qui ont connu le long régime du PDCI, la domination de la vie politique ivoirienne par les groupes ethniques côtiers du Sud était une réalité pratiquement impossible à modifier. La notion d’un Président ivoirien du Nord ou de l’Ouest était inconcevable jusqu’à l’émergence de Ouattara – et de Robert Guei – comme de réelles options politiques dans les années 90, après le décès d’Houphouët-Boigny.

9 Le FPI de Laurent Gbagbo a également boycotté l’élection.

10 Cette stratégie excluait les Bété et d’autres groupes ethniques de l’Ouest.

11 Le PDCI de Bédié ne fut pas le seul à adopter la position selon laquelle les Ivoiriens indigènes devraient reprendre les terres aux populations immigrées. Pendant plus d’une décennie, le FPI de Laurent Gbagbo a maintenu une position ferme favorable à une réforme foncière qui rendrait la terre aux Ivoiriens, encouragerait la jeunesse ivoirienne à rentrer au village et réduirait efficacement le rôle des résidents immigrés de longue date sur la terre ivoirienne. Le FPI fut aussi l’une des voix les plus importantes pour dénoncer la fraude sur les cartes d’identité qui selon lui a été perpétrée sur une vaste échelle afin de donner à des non-Ivoiriens – principalement des immigrés francophones des pays voisins de la Guinée, du Mali et du Burkina Faso – des votes en faveur du RDR de Ouattara.

12 Alors que les Baoulé ont toujours dominé les gouvernements PDCI, même sous Houphouët-Boigny, la « baoulisation » du gouvernement est devenue si extrême sous le régime de Bédié que les groupes politiques d’opposition, dont le RDR et le FPI, ont formé une alliance. Appelée le Front Républicain, cette coalition a ensuite volé en éclats suite à des frictions internes.

13 Un certain nombre de soldats qui avaient amené Guei au pouvoir par le coup d’état de 1999 ont fui au Burkina Faso en 2000 après avoir été détenus et apparemment torturés par le régime de Guei. Certaines de ces personnes ont depuis fait leur apparition en tant que membres clefs du mouvement rebelle MPCI.

14 Marc Le Pape, « Chronologie politique de la Côte d’Ivoire, du coup d’état aux élections, » in Côte d’Ivoire : l’année terrible 1999-2000, p. 35.

15 Voir « Le nouveau racisme : manipulation politique de l’ethnicité en Côte d'Ivoire, » Human Rights Watch Report, Vol. 13, No.6(A), août 2001.

16 Le procès s’est déroulé dans la caserne de la gendarmerie d’Agban. Compte tenu du lieu et de l’absence de garanties de sécurité, il n’est guère surprenant que les deux survivants et d’autres témoins des événements aient été réticents à témoigner.

17 Timothé Dro, “Daloa : mosquée et église incendiées,” Soir Info, 26 juin 2002.

18 Entretien conduit par Human Rights Watch, Mali, 20 février 2003.

19 Voir “Government Abuses in Response to Army Revolt,” Human Rights Watch Report, Vol. 14, No.9(A), novembre 2002.

20 « Des centaines de soldats ont investi hier des bidonvilles », Le Jour, 12 décembre 2002, p.2.

21 Le terme « Djoula » ou « Dioula » est en fait un mot sénoufo qui veut dire commerçant. Il désigne également un petit groupe ethnique du Nord-Est. Cependant, il est le plus fréquemment utilisé pour désigner des gens de plusieurs groupes ethniques du Nord de la Côte d'Ivoire, dont les Malinké et les Sénoufo, qui n’appartiennent pas à l’ethnie dioula mais parlent parfois une forme familière de la langue. La forme simplifiée de la langue dioula est largement utilisée par de nombreux Ivoiriens – quelle que soit leur origine – comme le langage des affaires et du commerce, en particulier sur les marchés de Côte d'Ivoire, dominés par les habitants du Nord et les immigrés. Certains habitants du Nord perçoivent cette utilisation globalisante du terme comme péjorative. Dans ce rapport, Human Rights Watch utilise le terme Dioula comme il est fréquemment (mal) utilisé par de nombreux Ivoiriens – pour désigner des Ivoiriens qui, même s’ils habitent le Sud, sont originaires des groupes ethniques mande et gur du Nord, y compris des membres des ethnies malinké, sénoufo et bambara. Cependant, ceci n’inclut pas les Burkinabé qui en Côte d'Ivoire appartiennent largement au groupe ethnique des Mossi.

22 L’un des membres de la branche politique du MPCI a affirmé à Human Rights Watch : « Linas-Marcoussis a corrigé de nombreuses choses. On en avait assez de vivre dans la peur, de ne pas pouvoir sortir parce qu’ils allaient déchirer nos cartes d’identité. » Entretien conduit par Human Rights Watch, Bouaké, 31 mars 2003.

23 “Cote d’Ivoire: State, rebels agree to refrain from hostile acts,” Réseau Régional Intégré d’Information des Nations Unies (IRIN), 1er novembre 2003.

24 Un rapport récent de l’International Crisis Group souligne que le Général Guei était peut-être en train de préparer un coup d’état avec le soutien de Charles Taylor, bien avant les événements du 19 septembre et que cinq cents soldats étaient formés au Libéria avec le soutien de commandants libériens de haut rang et de mercenaires régionaux. Ceci pourrait expliquer les origines et le comportement du MPIGO.Voir International Crisis Group, “Tackling Liberia: the Eye of the Regional Storm,” 30 avril 2003, pp. 15-16.

25 La question de savoir si les liens entre les groupes sont antérieurs au 19 septembre 2002 reste peu claire. Si les partisans yacouba de Guei et les fondateurs du MPCI avaient pour but commun le départ du Président Gbagbo, certains des fondateurs du MPCI étaient probablement tout autant opposés à Guei sachant qu’ils avaient été torturés sous son régime. La mort de Guei a peut-être créé une alliance qui n’aurait peut-être pas vu le jour si ce dernier était resté en vie.

26 La reprise de Daloa par le gouvernement le 14 octobre a effectivement mis fin aux espoirs du MPCI quant à une offensive rapide de Daloa à San Pedro, un port stratégique. L’ouverture d’un second front à l’Ouest, particulièrement dans le but de couper la route vers San Pedro était donc cruciale.

27 Conseil de Sécurité des Nations Unies, Résolution 1464, 4 février 2003. S/RES/1464/2003. Une autorisation Chapitre VII permettait aux troupes ouest-africaines et françaises de « prendre les mesures nécessaires » pour garantir la sécurité et la liberté de mouvement de leurs troupes et « assurer …la protection des civils immédiatement menacés par de la violence physique … »

28 John Zodzi, “Ivory Coast, Liberia back force for chaotic border,” Reuters, 26 avril 2003.


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Août 2003