VI. Conditions dincarcérationLe Burundi compte 11 prisons dans dix de ses 17 provinces et plus de cent cachots communaux et de la police dans tout le pays.68 Selon le Directeur Général des Affaires Pénitentiaires, au 31 décembre 2006, le système carcéral burundais tournait à plus du double de sa capacité, la prison centrale de Mpimba à Bujumbura, la plus grande de toutes, accueillant plus de trois fois la capacité prévue initialement. Sur un total de 8 336 prisonniers dans tout le pays, 401 étaient des mineurs âgés de 13 à 18 ans.69 Plus de 300 enfants sont actuellement des prévenus. Seuls 83 ont été condamnés.70 Il nexiste pas de prisons séparées pour les enfants et pendant la journée, ils se mêlent aux prisonniers adultes. Les prévenus sont logés avec les condamnés. Sept provinces ne disposent pas détablissements pénitentiaires, faisant peser un fardeau plus lourd encore sur les prisonniers de ces provinces qui se retrouvent en prison.71 Incarcérés loin de leur famille, ils ont rarement des visiteurs et ne reçoivent pas en cadeau les éventuels repas et vêtements sur lesquels peuvent compter les autres détenus pour compléter les maigres rations fournies par les prisons. Ce manque de soutien moral et matériel pèse particulièrement lourd sur les enfants emprisonnés loin de chez eux. Tous les centres de détention du Burundi sont extrêmement surpeuplés. Selon un enfant emprisonné en 2005, à lépoque il partageait une chambre pour mineurs avec un autre garçon et un adulte. A la mi-2006, il partageait la même pièce avec 17 autres garçons.72
Les prisons fournissent des repas mais pas beaucoup plus. La plupart des prisonniers sorganisent pour répondre à leurs besoins matériels, par exemple au niveau des matelas, des couvertures et des ustensiles de cuisine. Ils nont souvent pas de vêtements de rechange. Il nexiste aucune possibilité déducation formelle et, dans la plupart des prisons, aucune activité nest organisée, hormis des services religieux à la chapelle.73 La plupart des prisons du Burundi sont organisées autour dune grande cour rectangulaire avec des chambres de taille variable disposées sur trois côtés de ce préau.74 La majorité de ces établissements ont une petite salle commune utilisée pour les services religieux et pour les cours informels donnés par les prisonniers adultes instruits. Toutes les prisons disposent au moins dun robinet deau mais, dans certains cas, il ne fonctionne que pendant un nombre limité dheures. Chaque prison compte une cuisine commune mais la plupart des prisonniers cuisinent et réchauffent leurs propres repas, les préaux étant alors envahis dune épaisse fumée noire qui empêche tout le voisinage de respirer. Des directeurs de prison ont déclaré aux chercheurs de Human Rights Watch quils reconnaissaient que linhalation de fumée pouvait nuire à la santé des prisonniers.75 A lintérieur de la prison, un prisonnier adulte est choisi par chaque directeur détablissement pour gérer la plupart des aspects de la vie. Connu sous le nom de « Général », ce prisonnier est de facto le dirigeant suprême de la population de la prison ainsi que le représentant des détenus. Il y a également des chefs dans chaque chambre, choisis habituellement par les occupants de la chambre mais à loccasion, ils sont désignés par le Général.76 Ces personnes exercent un énorme contrôle sur les conditions de vie des autres prisonniers car cest le Général qui distribue les tâches à faire dans chaque chambre et éventuellement, il punit les prisonniers pour mauvaise conduite, tandis que le chef de chambre est souvent chargé de distribuer les rations de nourriture et de récolter de largent pour acheter des ampoules électriques, des bougies ou dautres produits. Les chefs peuvent contrôler laccès aux privilèges, par exemple un espace convoité pour dormir, et ils peuvent vendre ces privilèges aux autres. Dans certaines prisons visitées en 2006, les enfants plus âgés étaient chefs de chambre dans le quartier des mineurs mais dans dautres cas, ce sont des adultes qui remplissaient ce rôle.77 Jean-Claude K. a été choisi par dautres garçons pour être chef de chambre lorsquil avait 16 ans. Il en a aujourdhui 20. Il a continué à assumer le rôle de chef de chambre des mineurs bien quil soit devenu adulte. Jean-Claude K. a expliqué :
Violation du droit à la dignité et à lhygièneEn raison de la forte surpopulation carcérale, certains enfants nont pas lespace suffisant ou adéquat pour dormir. A la prison de Ruyigi, Jean-Bosco S. a confié aux chercheurs de Human Rights Watch : « Cest très difficile de dormir car nous sommes environ 27 dans une seule pièce. Certains doivent rester assis toute la nuit ».79 Dans au moins six prisons visitées par les chercheurs de Human Rights Watch en 2006, les enfants navaient pas dargent pour « acheter » le droit à de meilleures conditions pour dormir.80 Certains avaient été forcés de dormir en dehors de la chambre des mineurs, dans le préau.81 A la prison de Muyinga, Ferdinand S., un orphelin, a raconté quil était forcé de dormir dehors, dans la cour, avec quelque 13 autres mineurs, car il ne disposait pas des 2 000 FBU (2$) nécessaires pour se payer une place à lintérieur de la chambre des mineurs. « Je nai pas de couverture ni de matelas mais jai une veste militaire que jutilise pour me couvrir », a expliqué Ferdinand S.82 Dans la même prison, Pascal N. a confié quil était parvenu à négocier le prix de 500 FBU (0,5$) pour dormir à même le sol en béton dans la chambre des mineurs, où se trouvaient environ neuf autres enfants. Il a fabriqué un matelas à partir de sacs en plastique remplis dherbe. Il avait pu verser largent uniquement parce que son père le lui avait apporté lors dune visite.83 Dans la prison de Bubanza, les enfants ont expliqué quils devaient payer 1 000 FBU (1$) pour dormir sur un matelas naturel rempli dherbe dans la chambre des mineurs, mais pour 5 000 FBU (5$), ils pouvaient dormir sur les lits faits de planches de bois surélevées. « Il y a 13 enfants dans ma chambre », a décrit Gabriel M., accusé davoir volé une chèvre à un voisin. « Il y en a cinq qui peuvent se permettre de dormir sur les planches et les autres, nous dormons par terre ».84 A la prison de Ngozi, les enfants ont dit quil y avait des lits vides dans la chambre des mineurs mais selon Benoît N., « on ne peut pas y toucher si on ne verse pas dargent ». 85 Certains enfants ont acheté des matelas aux prisonniers qui étaient sur le point dêtre libérés. Dans les prisons visitées par les chercheurs de Human Rights Watch, les prix variaient de lune à lautre mais dans tous les cas, le montant était beaucoup plus élevé que ce que la plupart des enfants pouvaient se permettre de payer. Plusieurs ont dit quils avaient vendu une partie ou la totalité de leur ration quotidienne de nourriture afin de sassurer une place pour dormir dans les chambres réservées aux enfants.86 Les chercheurs de Human Rights Watch ont trouvé au moins un point deau disponible dans toutes les prisons visitées mais dans bon nombre de pièces où dormaient les enfants, ils nont pas trouvé deau disponible. Une fois que les portes sont fermées au moment du couvre-feu, les enfants qui se trouvent dans ces pièces ne peuvent plus avoir deau à boire. Plusieurs ont demandé aux chercheurs de Human Rights Watch des bouteilles ou un seau pour quils puissent aller chercher de leau et se faire une réserve pour boire pendant la nuit.87 Dans toutes les prisons visitées par les chercheurs de Human Rights Watch, les enfants ont montré aux chercheurs quils présentaient sur le corps des piqûres de punaises et des éruptions cutanées, conséquences probables du manque dhygiène.88 Ceux qui dormaient dehors, mais également beaucoup de ceux qui dormaient à lintérieur des bâtiments, étaient exposés aux piqûres de moustiques, situation qui augmentait la probabilité de contracter la malaria. Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a fourni aux prisons des moustiquaires mais certains enfants ont dit quils les avaient vendues pour acheter de la nourriture. Le CICR effectue régulièrement des visites dans les prisons et les cachots dans tout le pays mais il nassure pas les secours durgence et ne fournit pas de soins médicaux directs aux prisonniers. Les représentants du CICR travaillent en collaboration avec les infirmiers des prisons afin de promouvoir et de préserver des conditions acceptables dans ces lieux de détention et ils attirent lattention des autorités pénitentiaires sur certains cas particuliers quils ont découverts. En 2006, le CICR a payé les factures pour les traitements achetés par les pharmacies situées dans les prisons, assurant ainsi un accès aux médicaments pour les prisonniers. Ce programme a pris fin en décembre 2006 et aujourdhui, cela relève de la responsabilité de ladministration pénitentiaire.89 Celle-ci doit également couvrir les soins médicaux des prisonniers blessés ou gravement malades, ce qui implique lenvoi de ces détenus dans un hôpital local. Human Rights Watch a relevé un cas en 2006 où un ex-combattant des FNL, âgé de seize ans, avait été blessé par balle à la hanche lannée précédente, lors dune escarmouche avec les forces gouvernementales. Il navait jamais été soigné pour sa blessure et présentait des signes dinfection sétendant de la hanche au genou et à la partie inférieure de la jambe.90 Son opération a finalement été payée par une organisation non gouvernementale (ONG) locale. Absence de séparation avec les adultesSous la pression des ONG réclamant le respect du droit international et de la constitution burundaise en ce qui concerne les quartiers séparés pour les enfants, les autorités pénitentiaires du pays ont commencé, il y a quelques années, à installer des quartiers séparés pour les mineurs dans la plupart des prisons.91 Dans chacune des dix prisons visitées par les chercheurs de Human Rights Watch en 2006, une pièce au moins était désignée comme étant une chambre de mineurs, mais la nuit, la séparation nétait pas toujours appliquée. Pendant la journée, soit environ de 6 heures du matin à 17 heures, dans la plupart des prisons, les enfants sont en contact avec les prisonniers adultes, ce qui les expose aux exactions. Les enfants ont souvent confié aux chercheurs de Human Rights Watch quils avaient peur des prisonniers adultes. Daniel N., en attente de son procès pour avoir volé des haricots verts à son voisin il y a deux ans, a raconté que dernièrement, un prisonnier adulte lavait frappé avec un grand morceau de bois. « Il était ivre et en colère lorsquil ma frappé et il est devenu vraiment agressif. Jai simplement essayé de méchapper mais il ma frappé et un morceau de bois mest rentré dans lil », a-t-il expliqué.92 Les chercheurs de Human Rights Watch ont constaté que son il était injecté de sang et infecté et une infirmière itinérante a confirmé la nature de ses blessures. Certains enfants ont raconté quils étaient passés maîtres dans lart déviter la confrontation et de garder les choses pour eux. Innocent N., 16 ans, a expliqué, « Les adultes cherchent parfois à nous faire des choses. Quand on mange, ils viennent près de nous et nous frappent ou volent notre nourriture. Je pense quen nous frappant, ils se sentent mieux ». 93 Gaspard N., un garçon de 15 ans accusé de vol et ex-enfant soldat [dans les FNL], a confié à Human Rights Watch:
Même après létablissement de quartiers séparés, les autorités pénitentiaires ont continué, en certaines circonstances et pour diverses raisons, de permettre aux adultes de partager la chambre avec les enfants. En 2006, à la prison de Bubanza, il était impossible que tous les enfants dorment dans des quartiers séparés en raison du manque despace. Une seule pièce était exclusivement réservée aux enfants mais une autre chambre accueillait à la fois des adultes et des enfants. Lambert N., autrefois enfant soldat dans les rangs des FNL, a expliqué que lorsquil était arrivé à la prison, il avait demandé de dormir dans la chambre des mineurs mais « le Général » lui avait dit quil ny avait pas de place et quil devrait attendre.95 Depuis lors, il a eu 18 ans. A la prison de Ruyigi, le directeur a déclaré aux chercheurs de Human Rights Watch quil avait installé quelques-uns des adultes les plus âgés dans le quartier des enfants afin de les guider et de les surveiller. « Jai mis cinq hommes plus âgés dans la chambre des mineurs. De cette façon, ils ont limage du père présente à leurs côtés en prison», a-t-il expliqué.96 Dans une autre prison, Raphaël N., 15 ans, a raconté aux chercheurs de Human Rights Watch quil avait avoué avoir participé à un complot tramé par trois adultes pour tuer son père. En raison de la gravité du délit, on la installé dans le quartier des adultes, dans la même pièce que dautres accusés dans la même affaire. Après avoir témoigné au tribunal contre les adultes, ces derniers ont menacé de le tuer pendant la nuit. Lorsque Raphaël a parlé des menaces aux autorités pénitentiaires, il a été transféré dans la chambre des mineurs.97 A la prison de Muramvya, Patrick H., accusé de tentative dévasion, a été envoyé par « le Général » dans le quartier des adultes. Patrick a confié aux chercheurs de Human Rights Watch quil était souvent harcelé par les prisonniers adultes et quil était obligé de laver leur linge pour éviter davoir des problèmes avec eux.98 A la différence des cas susmentionnés où les autorités pénitentiaires étaient au courant et autorisaient le partage des quartiers, il y avait dautres cas où les autorités ignoraient que les adultes se rendaient sans permission dans le quartier des enfants. A la prison de Rutana, des enfants ont déclaré aux chercheurs de Human Rights Watch que de temps à autre, un adulte sintroduisait furtivement dans la chambre des mineurs juste avant le couvre-feu et quil passait la nuit à solliciter les garçons pour avoir des rapports sexuels avec eux. Lorsque les chercheurs ont soulevé cette question auprès dun administrateur de la prison, ce dernier a dit quil nétait pas conscient du problème mais quil mènerait une enquête à ce propos.99 Même dans les prisons où les enfants dorment séparément, ils doivent parfois partager les toilettes et les douches avec les adultes. A Ruyigi, le directeur de la prison a informé les chercheurs de Human Rights Watch que les prisonniers de sexe masculin étaient enfermés dans leur quartier de 11h30 à 14 h afin de permettre aux détenues dutiliser la seule douche de la prison. Mais aux dires des enfants, aucun arrangement de ce type nexistait pour permettre aux enfants dutiliser séparément les sanitaires.100 « Il ny a pas de douches ni de toilettes séparées pour nous, les enfants », a dénoncé Jean-Bosco S. « Ca craint pour les enfants quand les adultes sont aux toilettes. Je vérifie pour voir qui sy trouve avant daller prendre ma douche ».101 Violence sexuelle et prostitutionAlors même que les rapports sexuels entre hommes consentants sont considérés par la société burundaise comme étant inacceptables, des dizaines denfants prisonniers ont pourtant parlé dactivités sexuelles forcées ou contraintes, notamment entre hommes et garçons, à la prison.102 Dans chaque prison visitée par Human Rights Watch, au moins quelques enfants ont dit quun prisonnier adulte leur avait offert de largent, de la nourriture, de lalcool ou de la drogue en échange de services sexuels ou quils connaissaient quelquun qui avait accepté de largent ou dautres avantages en échange de ce genre de services. Emmanuel H. a déclaré que deux prisonniers adultes de la prison de Bururi étaient connus pour donner de la marijuana aux garçons contre des services sexuels. Il a affirmé que les autorités pénitentiaires étaient au courant mais quelles ne punissaient pas les auteurs de ces actes.103 Un garçon de 15 ans, accusé davoir volé du manioc dans un champ, a confié aux chercheurs de Human Rights Watch que deux prisonniers étaient venus le trouver pour avoir des rapports sexuels avec lui. « Jai vraiment besoin dune assiette et dune casserole pour pouvoir manger mais je ne veux pas avoir de rapports sexuels pour ces choses-là, parce que ce nest pas bien ».104 Abdoul N., un garçon de 16 ans qui a été condamné à dix ans de prison pour viol, a expliqué:
Certains garçons ont raconté aux chercheurs de Human Rights Watch quils connaissaient des cas où des garçons avaient été violés. Néanmoins, très peu ont admis avoir eux-mêmes été victimes de viol. Adolphe M., qui purge actuellement une peine de cinq ans demprisonnement pour avoir volé 150$, a dit aux chercheurs de Human Rights Watch quil avait été violé trois fois à la prison de Rutana lorsquil avait 17 ans. Il a confié:
Interrogés à propos du problème de la violence sexuelle et de la prostitution dans les prisons, tant lancien que lactuel Directeur Général des Affaires Pénitentiaires ont admis avoir conscience de ces problèmes et ils ont déclaré quils ne connaissaient aucun cas où quelquun avait été poursuivi pour viol ou pour racolage sur mineurs pendant son incarcération.107 Nourriture insuffisante et nutrition inadaptéeA limage de trop de Burundais, les enfants emprisonnés ont dit aux chercheurs de Human Rights Watch quils avaient faim. La nourriture fournie aux enfants dans les prisons du pays est insuffisante tant sur le plan de la quantité calorifique que de la valeur nutritionnelle. Vu que ladolescence correspond à un moment crucial de la croissance, il sagit dun problème particulièrement grave.108 Les enfants mal nourris pendant ces années de développement ne pourront jamais pallier les effets de longues périodes de malnutrition. Le problème de lalimentation est tout particulièrement grave dans les cachots communaux et de la police où les autorités ne nourrissent pas les détenus. La famille et les amis sont censés apporter à manger aux personnes détenues dans ces endroits mais beaucoup de prévenus sont gravement sous-alimentés, surtout sils passent une longue période au cachot.109 Les orphelins et les enfants de la rue, qui ne peuvent compter sur aucune aide familiale, survivent généralement grâce aux repas que partagent avec eux dautres détenus ou grâce aux aliments quapportent à loccasion des groupes religieux ou des ONG. Adrien N., 16 ans et accusé de viol, a passé deux semaines au cachot sans nourriture. Lorsquun policier la fait venir pour un interrogatoire, il était trop épuisé pour répondre. « Je lui ai dit quil valait mieux me tuer que de me renvoyer [en cellule] sans manger », a dit Adrien.110 Une fois transféré en prison, les enfants reçoivent les mêmes rations alimentaires que les adultes, soit 350 grammes de haricots et 350 grammes de farine de manioc par jour.111 Ils sont également censés recevoir des petites rations de sel et dhuile de palme mais daprès les enfants interrogés, ces aliments sont rarement distribués. Certains enfants ont déclaré quà loccasion, ils navaient absolument rien eu à manger car les prisonniers responsables de la distribution navaient pas réparti correctement la nourriture ou sétaient servi plus que leur part.112 Les prisonniers peuvent recevoir des aliments supplémentaires ou autres provisions de la famille ou des amis qui leur rendent visite, mais parmi les enfants interrogés, peu avaient la chance de pouvoir compter sur ce type dextra. Aux dires des prisonniers, les haricots sont habituellement insuffisamment cuits et devraient cuire davantage pour être digestes. La farine de manioc doit également être cuite pour être mangée. Cuire les aliments signifie quil faut avoir ou emprunter une casserole et trouver du charbon de bois ou des morceaux de bois comme combustible. Plusieurs enfants ont expliqué aux chercheurs de Human Rights Watch quils travaillaient pour des prisonniers adultes, par exemple ils cuisaient leurs aliments et lavaient leurs vêtements, et en retour, ils pouvaient utiliser leurs casseroles et une partie de leur combustible.113 Juvenal C., 14 ans, avait récemment été libéré de la prison centrale lorsquil sest entretenu avec nous. Son histoire est un exemple typique des conditions vécues par de nombreux enfants que Human Rights Watch a interrogés. Il nous a confié : « Javais des problèmes de vertige et jétais tout le temps fatigué à cause du manque de nourriture en prison. Je restais simplement assis par terre et je me sentais atrocement mal. Je ne recevais pas toujours la même ration que les autres. Je devais vendre une partie de ma nourriture pour pouvoir cuire le reste ».114 Manque daccès à léducationLors de la campagne présidentielle de 2005, le candidat Pierre Nkurunziza avait promis la gratuité de lenseignement primaire pour tous les enfants burundais.115 Une fois élu, il a tenu cette promesse pour lensemble de la population, bien que cela ait entraîné de sérieux problèmes logistiques, le système étant mis à rude épreuve avec larrivée dun nombre impressionnant de nouveaux étudiants.116 Salué pour cette importante réforme,117 le Président Nkurunziza na malheureusement pas offert les mêmes chances aux enfants se trouvant en prison. Tous les enfants ont droit à léducation, notamment à lenseignement primaire gratuit.118 Selon les informations fournies par les 136 enfants qui étaient incarcérés à la prison centrale de Mpimba début février 2007, avant leur arrestation seuls neuf dentre eux avaient poursuivi leur scolarité au-delà de la sixième année primaire. Vingt pour cent navaient absolument jamais été à lécole.119 Bon nombre denfants interrogés par les chercheurs de Human Rights Watch ont exprimé le vif souhait dapprendre quelque chose pendant leur emprisonnement. Incapables de subvenir à leurs besoins ou à ceux de leur famille en gagnant de largent, les enfants considèrent que ce temps passé en prison est le moment dapprendre. Mais les prisons noffrent aucune possibilité déducation formelle. Dans certains établissements, des prisonniers adultes ont organisé des cours informels de lecture, de mathématiques et de français. Un garçon de 13 ans incarcéré à la prison de Gitega a dit quil avait demandé à des adultes de lui enseigner ce quils avaient appris à lécole. Il navait jamais été scolarisé car depuis son plus jeune âge, il avait travaillé comme gardien de troupeau pour un salaire de 4 000 FBU (4$) par mois. Il a trouvé un prisonnier disposé à lui apprendre à lire la Bible, ce qui ne satisfaisait pas lenfant. Il a expliqué : « Je veux apprendre à écrire mais il veut seulement menseigner la parole de Dieu ».120 68 La province de Ngozi a deux prisons, lune pour hommes, lautre pour femmes. Il sagit de la seule prison de femmes de tout le pays. 69 Bien que cela dépasse le cadre du présent rapport, il convient de signaler quil y a de nombreux bébés dans les prisons du Burundi. Les détenues sont autorisées à garder leurs enfants auprès delles jusquà ce que lenfant ait environ cinq ans. Au 31 décembre 2006, on recensait 58 bébés dans les onze prisons du Burundi. 70 Statistiques fournies par le Directeur Général des Affaires Pénitentiaires, Bujumbura, Burundi, 30 janvier 2007. 71 Cest le cas de Cibitoke, Makamba, Cankuzo, Karuzi, Kirundo, Kayanza, et Mwaro. Bien que la Province de Bujumbura Rural ne dispose pas de prison séparée, la prison centrale de Bujumbura est très proche. 72 Entretien de Human Rights Watch avec Athanase N., prison de Muramvya, 17 août 2006. 73 La description donnée dans ce paragraphe se base sur les visites effectuées dans dix prisons du Burundi en mai, juin et août 2006. 74 Les prisons les plus grandes, à savoir la prison centrale de Mpimba à Bujumbura et la prison de Rumonge dans la province de Bururi, ont plus quun seul préau et elles disposent de couloirs avec des chambres. Ces prisons sont construites pour héberger 800 prisonniers mais au 31 décembre 2006, elles en accueillaient respectivement 2 789 et 1 286. 75 Entretiens de Human Rights Watch, visites dans dix prisons du Burundi, en mai, juin et août 2006. 76 Visites de Human Rights Watch dans dix prisons du Burundi, en mai, juin et août 2006. Entretien de Human Rights Watch avec Pierre-Claver Mbonimpa, 23 février 2007. 77 Visites de Human Rights Watch dans dix prisons du Burundi, en mai, juin et août 2006. 78 Entretien de Human Rights Watch avec Jean-Claude K, Mpimba, 12 juin 2006. 79 Entretien de Human Rights Watch avec Jean-Bosco S., prison de Ruyigi, 25 mai 2006. 80 Entretiens de Human Rights Watch, prison centrale de Mpimba, 16 mai, 12 et 15 juin 2006; prison de Ngozi, 6 juin 2006; prison de Bubanza, 13 juin 2006; prison de Muyinga, 8-9 juin 2006; prison de Muramvya, 17 août 2006; prison de Rumonge, 23-24 août 2006. 81 Entretiens de Human Rights Watch, prison centrale de Mpimba, 16 mai, 12 et 15 juin 2006; prison de Muyinga, 8-9 juin 2006. 82 Entretien de Human Rights Watch avec Ferdinand S., prison de Muyinga, 8 juin 2006. 83 Entretien de Human Rights Watch avec Pascal N., prison de Muyinga, 8 juin 2006. 84 Entretien de Human Rights Watch avec Gabriel M., prison de Bubanza, 13 juin 2006. 85 Entretien de Human Rights Watch avec Benoît N., prison de Ngozi, 6 juin 2006. 86 Entretiens de Human Rights Watch avec Juvénal C., Bujumbura, 1er août 2006 et entretiens à la prison de Muyinga, à la prison centrale de Mpimba et à la prison de Ngozi. 87 Visites de Human Rights Watch dans dix prisons du Burundi en mai, juin et août 2006. 88 Entretien de Human Rights Watch avec Benoît N., prison de Ngozi, 6 juin 2006, et visites dans dix prisons du Burundi en mai, juin et août 2006. 89 Entretiens de Human Rights Watch avec le CICR, Bujumbura, 19 et 23 février 2006. 90 Entretien de Human Rights Watch avec un enfant en détention, prison centrale de Mpimba, Bujumbura,16 mai 2006. 91 Constitution du Burundi, art. 46, « Tout enfant a le droit dêtre séparé des détenus de plus de 16 ans et de faire lobjet dun traitement et de conditions de détention adaptés à son âge ». 92 Entretien de Human Rights Watch avec Daniel N., lieu omis, 25 mai 2006. 93 Entretien de Human Rights Watch avec Innocent N., prison de Bubanza, 13 juin 2006. 94 Entretien de Human Rights Watch avec Gaspard N., prison de Ruyigi, 25 mai 2006. 95 Entretien de Human Rights Watch avec Lambert N., prison de Bubanza, 13 juin 2006. 96 Entretien de Human Rights Watch avec le directeur de la prison de Ruyigi, 26 mai 2006. 97 Entretien de Human Rights Watch avec Raphaël N., lieu omis, 28 août 2006. 98 Entretien de Human Rights Watch avec Patrick H., prison de Muramvya, 17 août 2006. 99 Entretiens de Human Rights Watch, prison de Rutana, 28 août 2006. 100 Entretien de Human Rights Watch avec le directeur de la prison de Ruyigi, 26 mai 2006. 101 Entretien de Human Rights Watch avec Jean-Bosco S., prison de Ruyigi, 25 mai 2006. 102 En 2002, Amnesty International a fait état de la même situation. Lorganisation écrivait, « Les détenus manifestent de la réticence à admettre qu'ils ont été victimes de sévices sexuels, mais danciens prisonniers ont été plus loquaces, confirmant l'existence d'agressions sexuelles, y compris le viol, et de prostitution ». Amnesty International, Burundi - Pauvres, isolés, maltraités : les mineurs face à la justice, p 19. 103 Entretien de Human Rights Watch avec Emmanuel H., prison de Bururi, 23 août 2006. 104 Entretien de Human Rights Watch avec Joseph B., prison de Gitega, 23 mai 2006. 105 Entretien de Human Rights Watch avec Abdoul N., prison de Gitega, 23 mai 2006. 106 Entretien de Human Rights Watch avec Adolphe M, prison de Gitega, 23 mai 2006. 107 Entretiens de Human Rights Watch avec Salvator Doyidoyi, 14 juin 2006 et Anaclet Gasamirwa, 30 janvier 2007. 108 Selon lOrganisation Mondiale de la Santé, les besoins nutritionnels augmentent de façon significative au cours de ladolescence pour répondre aux besoins physiologiques de croissance et de développement rapides. Chez ladolescent, la croissance a lieu à plus de quatre-vingts pour cent au début de ladolescence, entre 10 et 15 ans. La croissance peut être ralentie ou retardée si le régime alimentaire est sérieusement restreint. Organisation Mondiale de la Santé, Adolescent Nutrition: A Review of the Situation in Selected South-East Asian Countries, Chapter 5: Nutritional Needs During Adolescence, mars 2006. p. 12-19. 109 Un détenu adulte a été hospitalisé début 2007 après avoir mangé de lherbe car il navait rien dautre. Entretien de Human Rights Watch avec un représentant de la Section des droits de lhomme du BINUB, 8 février 2007. 110 Entretien de Human Rights Watch avec Adrien N., prison de Ruyigi, 26 mai 2006. 111 Certains enfants ont dit que cette quantité de farine correspondait à une boule de « fufu » plus ou moins grande comme leur poing. 112 Entretiens de Human Rights Watch avec Antoine B., prison centrale de Mpimba, Bujumbura, 15 juin 2006; et avec Jean de Dieu N., prison de Muramvya, 18 août 2006. 113 Entretien de Human Rights Watch avec Jean-Jacques N., prison centrale de Mpimba, Bujumbura, 15 juin 2006, et entretiens dans toutes les prisons. 114 Entretien de Human Rights Watch avec Juvénal C., Bujumbura, 1er août 2006. 115 Esdras Ndikumana, Burundi schools await free education scramble, Agence France Presse, 15 septembre 2005, http://www.reliefweb.int/rw/rwb.nsf/db900SID/VBOL-6G9E52?OpenDocument (consulté le 6 février 2007). 116 Burundi: Free schooling starts with huge logistical problems, IRIN News, 19 septembre 2005, http://www.irinnews.org/report.asp?ReportID=49129. (consulté le 6 février 2007). 117 « Le Gouvernement du Burundi face au défi des droits humains, Pas à pas: Bulletin dinformation des institutions », No 007, 21 novembre 2006, http://www.info-burundi.net/modules.php?name=Downloads&d_op=getit&lid=118 (consulté le 6 février 2007). 118 Convention relative aux droits de lenfant, art. 28; Charte africaine, art. 11; Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC), adopté le 16 décembre 1966, G.A. Res. 2200A (XXI), 21 U.N. GAOR Supp. (No. 16) at 49, U.N. Doc. A/6316 (1966), 993 U.N.T.S. 3, entré en vigueur le 3 janvier 1976, art. 13. 119 Voir Annexe. 120 Entretien de Human Rights Watch avec Donatien C., prison de Gitega, 23 mai 2006. |