Africa - West

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    I. RESUME

Le gouvernement de transition installé au Burundi le 1er novembre a hérité d'une guerre civile de huit ans au cours de laquelle le gouvernement s'est heurté à deux mouvements armés d'opposition, les Forces pour la Défense de la Démocratie (FDD) et les Forces Nationales pour la Libération (FNL). Les groupes rebelles n'ont pas pris part aux négociations prolongées qui ont conduit à la formation du nouveau gouvernement, un compromis concocté avec soin parmi les partis politiques et entre les deux principaux groupes ethniques du Burundi, les Hutu, majoritaires et les Tutsi, minoritaires. Les FDD et les FNL sont en majeure partie hutu alors que le gouvernement, l'armée et le monde des affaires sont dominés par les Tutsi.

Le nouveau gouvernement a également hérité d'un programme "d'autodéfense" en pleine expansion supposé protéger les civils contre les attaques des rebelles. Ce programme comporte les Gardiens de la Paix, à base rurale, dont la plupart sont hutu et leurs homologues urbains des patrouilles civiles, certains hutu, d'autres tutsi, selon les quartiers où ils opèrent.

Depuis le début du programme, certains Gardiens de la Paix ont commis de graves violations des droits humains, notamment des meurtres et des viols et ont par ailleurs blessé des civils. Dans certains cas, les gardiens qui refusaient d'obéir aux ordres donnés de commettre de tels abus ont eux-mêmes été punis, parfois par des exécutions sommaires. L'un des participants au programme a raconté aux enquêteurs de Human Rights Watch : "Si vous refusiez de tuer des gens parce qu'il s'agissait de civils, de femmes et d'enfants, alors c'est vous qui étiez tué." Les Gardiens de la Paix et leurs homologues urbains ont aussi fréquemment volé ou extorqué de l'argent et des biens aux personnes même qu'ils étaient censés protéger. La plupart des victimes d'abus étaient hutu.

Les Gardiens de la Paix n'étaient pas enrôlés régulièrement dans les forces armées, selon un quelconque processus légal mais beaucoup ont néanmoins été obligés, sous la menace de sanctions, de servir pour des durées indéterminées. Ils n'ont pas reçu de salaires réguliers, ni d'uniformes, ni d'autres signes distinctifs. Leurs actions n'étant encadrées par aucune régulation spécifique, la plupart n'ont pas eu à répondre des abus qu'ils avaient commis.

Les Gardiens de la Paix et leurs homologues urbains ont participé à ces programmes pour une multitude de raisons : peur d'être punis par les responsables militaires ou administratifs ou peur de représailles de la part des combattants rebelles s'ils quittaient la sécurité de leurs unités ; désir de protéger leurs familles contre des attaques rebelles ou de se venger d'attaques antérieures et désir de continuer à exploiter les civils par habitude d'être armés et puissants.

Les autorités ont affirmé que les gardiens et leurs homologues urbains étaient des civils et étaient donc soumis aux lois civiles mais en fait, ces combattants étaient formés et armés par l'armée et opéraient sous ordre et protection militaires. Les gardiens et leurs homologues urbains sont des forces gouvernementales et les autorités burundaises sont responsables de leur respect du droit international en matière de droits humains et de droit humanitaire. Les membres de ces forces qui prennent une part directe dans les hostilités de la guerre civile en tant qu'auxiliaires des forces armées régulières burundaises sont aussi liés par le droit humanitaire international. Le Burundi est partie aux Conventions de Genève et à leur Protocole Additionnel II s'appliquant aux conflits armés intérieurs.1

Dans cette guerre, toutes les parties ont eu recours à des enfants, notamment pour des combats.2 Sous le couvert de "l'autodéfense civile", les autorités burundaises ont permis et dans certains cas, ordonné à des enfants de moins de quinze ans, de s'enrôler dans les Gardiens et dans des programmes similaires basés en ville, violant ainsi le Protocole II des Conventions de Genève et la Convention relative aux Droits de l'Enfant.3 Selon un témoignage recueilli par Human Rights Watch, un enfant de sept ans seulement a été formé pour devenir un gardien et trois autres, âgés de douze, quinze et dix-sept ans sont morts suite à des coups reçus lors de leur formation. Des centaines d'autres ont trouvé la mort lors d'opérations militaires, notamment au combat.

Ce rapport s'appuie sur des entretiens avec des Gardiens de la Paix et des membres des patrouilles urbaines, des autorités civiles burundaises, des autorités militaires et du personnel d'organisations non gouvernementales (ONG). Les informations concernant la date et le lieu des entretiens ne sont pas données dans certaines références afin de protéger l'identité des témoins.

1 L'article général 3 des Conventions de Genève exige que soient traitées avec humanité les personnes qui ne prennent pas part aux hostilités et le Protocole Additionnel II interdit spécifiquement les attaques contre les civils.

2 Pour les FNL, voir Human Rights Watch, Burundi: Neglecting Justice in Making Peace, un rapport de Human Rights Watch (Human Rights Watch Short Report), vol. 12, no. 2, avril 2000. Pour les FDD, voir le communiqué de presse de Human Rights Watch en date du 14 novembre 2001, "Burundi : enlèvements d'enfants pour des actions militaires."

3 Article 4(3) (c-d), Protocole Additionnel aux Conventions de Genève ; Article 38, Convention relative aux Droits de l'Enfant, U.N. G.A. Res. 44/25 du 20 novembre, 1989, 44 U.N. GAOR Supp (No. 49) à 167, U.N. Doc. A/44/49, entré en vigueur le 2 septembre 1999.

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