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I. INTRODUCTION
II. RECOMMANDATIONS
Le conflit qui éclatait au Congo en août dernier en est aujourd'hui
arrivé à son septième mois. La région d'Afrique
centrale, peu à peu, s'est enfoncée dans un cycle apparemment
sans fin d'abus, de violations des droits de l'homme et d'impunité
pour les responsables. Le gouvernement congolais a violé les droits
de ses citoyens par différents moyens, allant de l'incitation à
la haine raciale, qui a eu pour résultat la mort de plusieurs centaines
de personnes et l'internement de tutsis, aux arrestations et procès
injustes, en passant par la suppression de toute vie politique, via la
censure, les arrestations arbitraires, et l'interdiction faite aux congolais
d'exercer leurs libertés d'association et de réunion. Les
rebelles du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD), dont
les troupes opèrent en conjonction avec des militaires ruandais
et ougandais, ont eux commis des crimes de guerre, notamment des massacres
de civils, des "disparitions" et des arrestations arbitraires et injustes.
L'inertie internationale face à ces violations des droits de l'homme,
copie conforme de la réaction aux massacres de 1996-97 au Congo,
a eu pour effet de convaincre les dirigeants politiques et les chefs de
milices qu'ils pouvaient commettre des abus de ce type en toute impunité.
A la fin du mois de juillet 1998, le Président congolais Laurent-Désiré
Kabila renvoya chez eux tous les soldats ruandais mettant ainsi fin officiellement
à toute relation avec un des alliés qui, avec l'Ouganda,
lui avait permis de prendre le pouvoir dans le pays quatorze mois plus
tôt. Le Ruanda et l'Ouganda réagissaient en envahissant le
Congo et en s'alliant avec une branche rebelle des Forces armées
congolaises (FAC) basée à Goma et Bukavu.
Le RCD, composé notamment d'anciens membres tutsis du gouvernement
Kabila, d'anciens mobutistes et d'un certain nombre d'intellectuels devint
rapidement le leader politique de cette coalition. Le conflit prit de l'ampleur
tout au long des mois d'août et de septembre et l'on vit d'autres
états de la région y prendre une part active. Ainsi, l'Angola,
le Zimbabwe, la Namibie et le Tchad s'engageaient aux côtés
du gouvernement, tandis que le Burundi s'alliait lui à la coalition
composée du Ruanda, de l'Ouganda, du RCD et des dissidents des FAC.
Le Ruanda et l'Ouganda affirmèrent avoir envoyé des troupes
au Congo afin de se protéger des attaques dont ils faisaient l'objet,
attaques menées selon eux par plusieurs groupes armés basés
dans l'est du Congo et agissant sans être le moins du monde gênés
par les autorités congolaises. Le Burundi nia lui à plusieurs
reprises son implication dans le conflit, malgré le fait que des
soldats burundais aient été régulièrement vus
au sud Kivu. Le RCD déclara avoir pour objectif de déposer
Kabila, les alliés de celui-ci affirmant eux vouloir protéger
un gouvernement légitime, victime d'une agression étrangère.
Les observateurs étrangers estimèrent eux que la possibilité
de pouvoir, par la suite, exploiter les énormes richesses minérales
du Congo avait sans doute pesé lourd dans la décision prise
par ces pays d'intervenir chez leur voisin. Un certain nombre de milices
et de groupes rebelles s'ajoutèrent aux acteurs déjà
présents, les alliances entre les différentes parties en
présence n'étant d'ailleurs pas toujours des plus claires.
Dans le présent rapport, Human Rights Watch, comme à son
habitude, ne prend pas position sur les mérites des uns et des autres
mais examine la conduite des différentes parties impliquées
dans le conflit, en mettant l'accent sur les violations du droit humanitaire
international susceptibles d'avoir été commises.
Les deux parties impliquées dans le conflit, obnubilées
par la prise du pouvoir ou leur maintien aux commandes de l'état,
se montrèrent incapables de protéger les civils des abus
et se rendirent parfois coupables de graves violations de leurs droits.
Lorsque le gouvernement congolais fut attaqué en août, certains
officiels de haut rang encouragèrent les comportements de haine
raciale et firent naître parmi la population un sentiment de peur
vis-à-vis des congolais d'origine tutsie, qu'ils relièrent
aux ruandais, aux burundais et même aux ougandais, membres selon
eux de la famille ethnique plus large tutsi-hima. En appelant à
ce qu'ils appelèrent "l'autodéfense populaire", ils encouragèrent
en fait les congolais à s'attaquer aux tutsis ou à ceux qui,
simplement, "avaient l'air" d'être des tutsis. Des centaines de tutsis
placés en détention ou internés dans des territoires
sous contrôle gouvernemental, simplement à cause de leur origine
ethnique, sont ainsi aujourd'hui des cibles à la merci de possibles
représailles du gouvernement ou de mouvements de colère de
foules excitées par les messages incitant à la haine raciale.
Le gouvernement Kabila a en effet pris l'option d'interner les tutsis,
selon lui pour les protéger, au lieu de prendre les mesures qui
auraient permis d'assurer leur protection.
Kabila continua à affirmer sa volonté de démocratiser
le pays et d'organiser des élections en avril 1999. Cependant, au
même moment, son gouvernement proclamait l'état d'urgence
sur une grande partie du territoire, accordant de ce fait à l'armée
toute une série de pouvoirs, notamment en matière de justice
et de gestion de l'administration civile. Plusieurs procès furent
tenus devant la Cour d'ordre militaire, hiérarchiquement supérieure
aux tribunaux civils, sans que les règles de justice ne soient respectées.
Divers criminels et prisonniers politiques furent ainsi condamnés
à mort et exécutés immédiatement, sans avoir
eu la moindre possibilité de faire appel de l'arrêt du tribunal.
Malgré un décret-loi du 29 Janvier garantissant le pluralisme
politique , les procédures requises pour l'enregistrement des partis
politiques allaient effectivement barrer un bon nombre parmi eux de participer
au processus politique. Les arrestations de civils et d'hommes politiques
de premier plan augmentaient au début de 1999.
Le conflit se poursuivit et la situation dans l'est du pays devint de
plus en plus explosive. Les troupes alliées au RCD massacrèrent
de nombreux civils, de différentes origines ethniques, provoquant
ainsi une réaction de ressentiment à l'encontre du RCD, de
ses alliés militaires et des tutsis en général. Les
tueries étaient souvent des actes de représailles visant
des villageois suspectés de soutenir des membres de milices locales
connues sous le nom de "mai-mai" ou encore des membres des anciennes Forces
Armées ruandaises (ex-FAR) ou miliciens Ruandais appelés
les Interahamwe. Les soldats du RCD arrêtèrent de nombreux
individus suspectés d'être des opposants, les détenant
souvent dans des prisons non-officielles auxquelles les familles ou agences
humanitaires n'avaient pas accès. Plusieurs des individus ainsi
arrêtés ne furent plus jamais revus par la suite.
Le terme "mai-mai", jusqu'à récemment, a été
utilisé pour décrire des milices indigènes qui, depuis
l'ère coloniale, ont participé à plusieurs mouvements
de révolte dans la Région des Grands Lacs. Les combattants
mai-mai passent souvent par des rites traditionnels d'initiation destinés
à les rendre invulnérables au balles et autres armes utilisées
par leurs ennemis. Aujourd'hui, ce terme couvre en fait de nombreux groupes
et milices ethniques différentes, actifs dans l'est du Congo et
opposés au RCD et à ses alliés. Il semble que de tels
groupes ne soient pas bien organisés et que ce soient les difficultés
économiques qui encouragent de nombreux jeunes hommes à rejoindre
leurs rangs. Certains soldats des Forces Armées Congolaises (FAC)
qui, dans l'est, ne s'allièrent pas aux forces du RCD, ainsi que
certains anciens membres des Forces Armées Zaïroises (ex-FAZ)
feraient aujourd'hui partie des certaines milices Mai-Mai.
Le mouvement Interahamwe était lui composé de diverses
milices et créé à l'origine par le parti politique
de l'ancien président ruandais Juvenal Habyarimana. Pendant le génocide
ruandais, ces milices furent transformées en bandes d'assassins.
Après le génocide, beaucoup des Interahamwes fuirent le pays
pour se réfugier au Congo. Les autorités congolaises ont
aujourd'hui pris l'habitude d'appeler Interahamwe tous les combattants
hutus de l'est du Congo, y compris les hutus qui vivent dans le pays depuis
plusieurs générations. Beaucoup des résidents de l'est
du Congo affirment que les Interahamwes ont conclu une alliance avec les
mai-mai, et luttent ensemble contre la coalition composée du RCD,
du Ruanda, de l'Ouganda et du Burundi, confondant ce faisant la véritable
nature de ces milices.
Les deux parties au conflit ont déclaré s'engager à
garantir le respect des droits de l'homme dans les territoires sous leur
contrôle, et à prendre des mesures limitées afin de
protéger certaines populations. Le RCD, en plus des déclarations
publiques dans lesquelles il affirmait adhérer aux normes humanitaires
inscrites dans les principaux traités internationaux, a également
créé une branche "droits de l'homme" au sein de son Département
de la Justice et des Droits de l'homme. Ce département enquêta
sur les violations des droits de l'homme commises par les forces de Kabila
-des programmes télévisés furent même produits
sur ce sujet-, mais sa promesse d'enquêter sur les abus commis par
les troupes du RCD, tels que ceux ayant eu lieu à Kasika, dans le
sud Kivu, ne se matérialisa jamais. Au début de l'année
1999, le gouvernement congolais, après avoir empêché
l'ONU d'enquêter pendant une grande partie des deux années
précédentes, invitait le rapporteur spécial de l'ONU
sur la situation des droits de l'homme au Congo à enquêter
sur le massacre de réfugiés hutus, dont se seraient rendues
coupables les forces ruandaises, et sur d'autres violations des droits
de l'homme. Nul ne sait encore aujourd'hui si les déclarations faites
de part et d'autre se concrétiseront et donneront lieu à
des poursuites et des enquêtes sérieuses à l'encontre
des propres agents des deux parties qui auraient commis de tels actes.
La communauté internationale, avec à sa tête l'OUA
et la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC),
a elle tenté de promouvoir une solution négociée au
conflit, mais sans succès jusqu'à présent. Les droits
de l'homme et la responsabilité des individus coupables d'avoir
commis des violations furent totalement absentes des négociations.
Bien que les pays donneurs d'aide ait appelé de manière publique
et avec vigueur au respect des droits de l'homme, et que ces appels aient
donné des résultats limités, tels que la fin apparente
des massacres de tutsis en août, la communauté internationale
a surtout agi par le biais de la diplomatie silencieuse et en grande partie
limité son intervention à l'envoi de missions d'évaluation
ou à de vagues condamnations des abus, sans jamais insister sur
la nécessité de poursuivre en justice les responsables de
ceux-ci. Il apparaît aujourd'hui que le gouvernement congolais aurait
participé au recrutement de combattants dans les camps de réfugiés
des pays voisins, y compris dans ceux hébergeant des membres des
anciennes Forces armées ruandaises (ex-FAR) et des milices Interahamwe,
responsables du génocide ruandais de 1994 et en exil depuis lors.
Certains de ceux qui ont été recrutés dans ces camps
et ont ensuite apparemment été envoyés au front pourraient
avoir participé au génocide.
Avec la désintégration générale de l'autorité
de la loi, tant au Congo qu'ailleurs dans la région, le Congo est
devenu le champ de bataille où s'affrontent tant les pays voisins
que l'élite politico-militaire du pays, tout cela se faisant aux
dépens de la population civile. Dans ce contexte, ni le gouvernement
congolais, ni le RCD et ses alliés, ni les myriades de milices et
de groupes rebelles n'ont fait du respect des droits de l'homme une priorité.
Si les protagonistes de stature internationale, qu'il s'agisse d'états
ou d'institutions de la région et d'ailleurs, ne prennent pas des
mesures fermes, il est plus que probable que la situation au Congo se dégradera
encore davantage et que le nombre d'abus ne cessera d'augmenter.
Le présent rapport est le fruit de missions réalisées
en Novembre et Décembre 1998 à l'est comme a l'ouest du Congo,
ainsi que dans d'autres pays de la région. Nous gardons l'anonymat
de nos sources d'information afin de leur épargner les dangers réels
qui pèsent sur les témoins et les défenseurs des droits
de l'homme au Congo.
II. RECOMMANDATIONS
Aux Forces Actives dans l'Ouest du Congo :
Human Rights Watch appelle le gouvernement congolais à :
-
Ordonner à tous les soldats congolais de protéger les populations
civiles et de respecter les dispositions du droit humanitaire international.
Enquêter sur les accusations d'exécutions délibérées
de civils par les soldats de l'armée congolaise et poursuivre les
coupables de tels actes.
-
Enquêter sur et poursuivre les individus qui, tant au sein du gouvernement
qu'en dehors de celui-ci, utilisent les médias pour promouvoir la
haine et inciter à la violence. Le gouvernement doit prendre toutes
les mesures nécessaires afin d'assurer la sécurité
de tous les civils -y compris ceux en détention-, sur l'ensemble
du territoire qu'il contrôle.
-
Libérer immédiatement les individus ayant fait l'objet d'une
détention arbitraire et basée uniquement sur des critères
ethniques ou politiques. Tous les détenus doivent être inculpés
d'un crime ou délit reconnaissable ou remis en liberté.
-
Garantir le droit au retour chez eux des congolais vivant actuellement
en dehors du pays. Le gouvernement doit également continuer à
faciliter le départ en toute sécurité des tutsis ou
autres civils désireux de quitter le territoire congolais.
-
Abolir la Cour d'ordre militaire spéciale et mettre en place un
système judiciaire indépendant qui respecte les normes ayant
cours en matière d'administration de la justice. Les tribunaux militaires
classiques doivent juger les cas de militaires en détention, dans
le respect des normes internationales établies et du code congolais
de justice militaire, notamment le droit de faire appel d'une décision
de justice et le droit de disposer d'un défenseur. Le gouvernement
doit garantir l'indépendance des tribunaux tant civils que militaires
et s'assurer qu'aucun civil ne soit jugé par un tribunal militaire.
Les juges, les procureurs et tous les autres intervenants du monde judiciaire,
tant dans les tribunaux civils que militaires, ne peuvent en aucun cas
et à cause de la nature de leur activité être la cible
d'actes d'intimidation ou de harcèlement.
-
Cesser d'enrôler des enfants soldats âgés de moins de
dix-huit ans et procéder à la démobilisation de ceux
qui sont déjà engagés.
-
Ne pas recruter des réfugiés dans les camps situés
dans les états voisins; respecter la nature strictement civile et
humanitaire des camps ou lieux abritant des réfugiés.
-
Examiner avec soin les candidatures des possibles nouvelles recrues et
exclure tous les candidats susceptibles d'avoir été impliqués
dans des crimes de guerre ou contre l'humanité, y compris le génocide
ruandais. Si des éléments d'information prouvant qu'un individu
s'est rendu coupable de tels crimes sont recueillis, celui-ci doit faire
l'objet de poursuites ou être déféré devant
le Tribunal Pénal International d'Arusha.
-
Garantir la liberté d'expression et d'association de tous les congolais.
Ceci inclut la levée de la réglementation restrictive des
activités politiques et l'abandon de tous les actes de harcèlement
et d'intimidation dont sont la cible les défenseurs des droits de
l'homme et les journalistes.
-
Respecter sa promesse d'autoriser les agences humanitaires à accéder
et à fournir une assistance neutre à toutes les populations
dans le besoin situées sur le territoire qu'il contrôle.
-
Respecter l'obligation qui lui incombe de réaliser une enquête
impartiale sur les massacres et autres crimes contre l'humanité
commis pendant la guerre au Congo de 1996-1997. Le gouvernement congolais
doit ensuite rendre public les conclusions d'une telle enquête et,
dans la mesure du possible, poursuivre les responsables, même si
certains sont des membres de l'ADFL. D'autre part, le gouvernement doit
également concrétiser sa décision du 11 janvier d'autoriser
Roberto Garretón, rapporteur spécial de l'ONU sur la situation
des droits de l'homme au Congo, à revenir au Congo afin d'enquêter
à la fois sur les massacres de 1996-97 et sur la crise actuelle.
Monsieur Garretón doit bénéficier de la coopération
des autorités et d'une liberté totale dans le cadre de cette
enquête indépendante.
-
Accorder aux enquêteurs indépendants un accès non limités
pour leur permettre d'enquêter sur les abus des droits de l'homme
et des violations du droit humanitaire international.
Human Rights Watch appelle les gouvernements du Zimbabwe, de l'Angola
et des autres états soutenant le gouvernement congolais à :
-
Respecter les dispositions du droit humanitaire international et garantir
la mise en œuvre de procédures d'enquête en cas de violation
de ces règles, notamment en cas d'assassinat de non-combattants,
de viol, de pillage et de destruction d'infrastructures essentielles au
bien-être public. Toutes les opérations militaires, y compris
les tirs d'artillerie et les bombardements aériens, doivent être
réalisées de manière à limiter leur impact
sur les civils et les infrastructures civiles conformément aux règles
de la guerre. Les informations permettant de vérifier le bon respect
des normes internationales doivent être rendues publiques. Des instructions
claires et précises doivent être données aux soldats
afin d'éviter que des abus ne soient commis.
-
Faire pression sur le gouvernement congolais afin que celui-ci respecte
davantage les principes des droits de l'homme et de la démocratie.
Parmi ces principes, citons la protection de tous les citoyens contre les
exécutions sommaires, les arrestations et les détentions
arbitraires; la garantie des libertés d'expression et d'association;
la levée de l'interdiction des activités politiques; la garantie
à donner aux organisations de la société civile de
pouvoir opérer sans faire l'objet d'actes de harcèlement
ou d'intimidation; l'établissement d'un système judiciaire
indépendant qui respecte les normes ayant cours en matière
d'administration de la justice; et la mise en œuvre d'un processus transparent
et global de transition démocratique.
Aux Forces Actives dans l'Est du Congo :
Human Rights Watch appelle le Rassemblement Congolais pour la Démocratie,
le gouvernement du Ruanda, le gouvernement de l'Ouganda et le gouvernement
du Burundi à :
-
Mettre fin aux massacres de civils dans les territoires contrôlés
par le RCD. Les autorités du RCD, ainsi que les gouvernements ruandais,
ougandais et burundais doivent donner à leurs troupes l'instruction
claire de ne plus provoquer la mort de civils et de respecter les dispositions
du droit humanitaire international. Les individus suspectés d'avoir
commis des abus doivent être faire l'objet d'une procédure
d'enquête, arrêtés et sanctionnés lorsque cela
s'avère possible.
-
Enquêter sur les allégations de violations graves des droits
de l'homme, notamment les massacres à grande échelle, les
exécutions sommaires, viols et "disparitions" forcées de
civils. Le RCD n'ayant pas jusqu'à présent enquêté
sur les massacres du mois d'août à Kasika, il doit mettre
en œuvre des mesures concrètes afin de renforcer les prérogatives
de son Ministère de la justice et des Droits de l'homme ou établir
une commission d'enquête indépendante habilitée à
enquêter et à rendre public les conclusions de ses travaux.
Outre les événements de Kasika, d'autres massacres doivent
ainsi être soumis à enquête, notamment les massacres
qui ont eu lieu dans la région de Makobola, au sud Kivu. Les autorités
du RCD et les gouvernements ruandais, ougandais et burundais doivent donner
à leurs forces militaires présentes au Congo l'ordre de coopérer
avec les organismes chargés de telles enquêtes et de sanctionner
les coupables lorsque cela s'avère possible.
-
Mettre fin aux arrestations arbitraires, détentions illégales
et "disparitions" forcées, fermer définitivement les centres
de détention privés et illégaux. Les individus arrêtés
doivent être détenus dans des conditions humaines, placés
dans des centres de détention reconnus, nourris de manière
correcte et avoir accès aux soins médicaux. Garantir que
les prisonniers soient détenus dans des lieux de détention
publiquement reconnus, et que des registres d'entrée soient maintenus
à jour dans chaque centre et au niveau central également.
De telles informations doivent être librement accessibles aux membres
de la famille et aux avocats des prisonniers, et à d'autres ayant
un intérêt légitime au cas.
-
Assurer aux prisonniers de guerre en détention la protection à
laquelle ils ont droit, conformément aux dispositions des Conventions
de Genève.
-
Cesser d'enrôler des enfants soldats âgés de moins de
dix-huit ans et procéder à la démobilisation de ceux
qui sont déjà engagés.
-
Garantir la liberté d'expression et d'association dans les territoires
contrôlés par le RCD.
-
Agir afin que les membres des organisations de la société
civile, notamment les défenseurs des droits de l'homme, les journalistes
et autres, ne fassent l'objet d'aucun acte de harcèlement ou d'intimidation.
-
Autoriser les agences humanitaires à accéder et à
fournir une assistance neutre à toutes les populations dans le besoin
situées sur le territoire sous leur contrôle. Agir pour éviter
le pillage de l'aide humanitaire ou son utilisation à des fins militaires.
-
Assurer la protection et fournir assistance aux populations ruandaises
et burundaises réfugiées dans l'est du Congo et dont la présence
sur place peut parfois remonter jusqu'à 1994. Les autorités
du RCD et leurs alliés militaires doivent coopérer étroitement
avec les organisations humanitaires internationales afin de protéger
et d'aider ces populations.
A la Communauté Internationale :
Human Rights Watch appelle l'Organisation des Nations unies (ONU),
l'Organisation de l'unité africaine (OUA), la Communauté
de développement de l'Afrique australe (SADC) et les autres parties
impliquées dans les négociations portant sur la situation
au Congo à :
-
Garantir que les négociations de paix entre les parties en guerre
ne provoquent pas une situation d'impunité encore plus grande, dans
la région des Grands Lacs. Toute solution négociée
doit inclure des dispositions visant à placer face à leurs
responsabilités les dirigeants politiques et membres des armées
et milices qui se seraient rendus coupables de violations des droits de
l'homme pendant le conflit.
-
Insister auprès des parties au conflit pour que celles-ci ordonnent
à leurs troupes de respecter les dispositions du droit humanitaire
international et ordonnent que des procédures d'enquête soient
mises en œuvre lorsque des violations semblent avoir eu lieu. Appeler en
particulier le RCD à respecter sa promesse d'enquêter sur
les massacres de Kasika et de Makobola et de punir les responsables. Appeler
le gouvernement congolais à mettre fin aux abus envers les civils
-notamment les arrestations arbitraires-, tel que la récente rafle
de civils, principalement des tutsis, organisée au Centre Béthanie
à Kinshasa.
-
Soutenir le Bureau au Congo du Bureau du haut-commissaire aux droits de
l'homme de l'ONU et développer davantage les programmes d'assistance
technique et de suivi. En particulier, le Bureau des Nations unies doit
bénéficier du soutien nécessaire afin de pouvoir envoyer
des agents sur le terrain, à la fois dans les zones contrôlées
par le RCD et dans celles sous contrôle gouvernemental. Ces agents
seraient chargés du suivi et devraient, entre autres prérogatives,
être habilités à contrôler et à enregistrer
les programmes de radio incitant à la haine raciale et à
la violence.
-
Le Conseil de Sécurité de l'ONU doit assurer le suivi de
sa demande de juillet 1998, invitant le Congo et le Ruanda à enquêter
sur les crimes de guerre et contre l'humanité commis au Congo pendant
la guerre de 1996-97 et à poursuivre les individus s'étant
rendus coupables de violations des droits de l'homme.
Human Rights Watch appelle le Haut-commissariat aux réfugiés
de l'ONU, les pays hôtes et la communauté internationale à :
-
Prendre des mesures afin de préserver la nature exclusivement civile
et humanitaire des camps de réfugiés, notamment par le biais
de mécanismes visant à désarmer et à séparer
les éléments armés des réfugiés civils,
particulièrement ceux qui quittent les camps pour rejoindre des
unités combattantes. Prendre également des mesures afin d'exclure
du régime de protection internationale des réfugiés
tous les individus suspectés d'avoir participé à des
crimes de guerre ou contre l'humanité, enquêter sur ces crimes
et poursuivre les responsables, lorsque cela s'avère possible, conformément
aux normes internationales.
Human Rights Watch appelle les États-Unis, l'Union Européenne,
les institutions financières internationales et les autres donneurs
d'aide à :
-
Subordonner la fourniture de l'aide bilatérale ou multilatérale
à un meilleur respect des droits de l'homme, de l'autorité
de la loi et des principes démocratiques.
-
Dénoncer publiquement et avec vigueur les violations des droits
de l'homme et du droit humanitaire international commises par l'ensemble
des parties au conflit. Ceci suppose la condamnation d'actes spécifiques,
commis par n'importe quelle partie au conflit, et non le simple fait d'insister
de manière générale sur l'importance des droits de
l'homme.
-
Appeler avec insistance au lancement de procédures d'enquête
approfondies sur les différentes violations des droits de l'homme
commises par les parties au conflit, y compris les militaires étrangers
impliqués au Congo. Appeler en particulier le RCD à respecter
sa promesse d'enquêter sur les massacres de Kasika et de Makobola
et de punir les responsables. Appeler le gouvernement congolais à
mettre fin aux abus envers les civils.
-
Conditionner la fourniture de toute aide militaire ou programme de formation
militaire aux différentes parties au lancement d'enquêtes
portant sur les abus commis par les militaires à leur service.
-
Le gouvernement américain doit respecter les dispositions de la
Section 570 de la Loi d'Autorisation des Opérations Étrangères,
connue sous le nom d'amendement Leahy, en s'assurant qu'aucune assistance
américaine ne sera fournie à des unités de forces
de sécurité s'il existe des preuves crédibles démontrant
que ces unités ont commis de graves violations des droits de l'homme,
sauf si les responsables de tels actes ont été remis à
la justice. De manière plus générale, les États-Unis
doivent renforcer leur suivi des forces militaires qui bénéficient
de l'aide américaine.
-
Soutenir le Bureau au Congo du Bureau du haut-commissaire aux droits de
l'homme de l'ONU et développer davantage les programmes d'assistance
technique et de suivi. En particulier, le Bureau des Nations unies doit
bénéficier du soutien nécessaire afin de pouvoir envoyer
des agents sur le terrain, à la fois dans les zones contrôlées
par le RCD et dans celles sous contrôle gouvernemental. Ces agents
seraient chargés du suivi et devraient, entre autres prérogatives,
être habilités à contrôler et à enregistrer
les programmes de radio incitant à la haine raciale et à
la violence.
-
Apporter une aide morale, financière et technique aux organisations
de la société civile. Mettre l'accent en particulier sur
les besoins humanitaires et les projets de développement, ainsi
que sur les initiatives mises en œuvre dans le domaine des droits de l'homme
et de la promotion de la démocratie.
-
Appeler avec insistance les différentes parties au conflit à
protéger les organisations de la société civile, notamment
les défenseurs des droits de l'homme, les journalistes et autres
individus, de toutes les tentatives de harcèlement et d'intimidation
dont ils peuvent faire l'objet. Les libertés d'expression et d'association
doivent être garanties; la communauté internationale doit
également insister pour que les restrictions sur les activités
politiques soient levées et pour que des représentants de
la société civile et de l'opposition politique puisses prendre
part au processus de transition démocratique.
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