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« Leur combat contre l’éducation »

Attaques commises par des groupes armés contre des enseignants, des élèves et des écoles au Burkina Faso

Des écolières allongées par terre dans leur salle de classe pendant un exercice de simulation d’attaque tenu à Dori, dans la région du Sahel au Burkina Faso, le 3 février 2020.   (c) 2020 Olympia De Maismont/Getty Images

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Résumé

La panique s’est installée lorsque, début 2018, des hommes armés à moto ont ravagé une école du village de Béléhédé, dans la région du Sahel, au Burkina Faso. « J’étais en classe quand les terroristes sont venus. ... Ils ont tiré un coup et nous nous sommes enfuis pour nous sauver », a déclaré Boureima S. (pseudonyme), un élève alors âgé de 14 ans. « Après, quand on est repartis là-bas, j’ai vu qu’ils avaient incendié la moto du directeur... le bureau [de l’école]... et les cahiers des élèves. »

L’école de Boureima a été fermée après l’attaque de 2018, et n’a jamais été rouverte. Quand Human Rights Watch s’est entretenu avec lui en février 2020, il n’avait pas encore remis les pieds en classe. Tout comme pour des centaines de milliers d’élèves du Burkina Faso, l’éducation de Boureima a été interrompue par le conflit armé toujours plus grave qui sévit dans le pays.

Depuis que les premières attaques d’écoles burkinabè ont été enregistrées en 2017, le nombre et la gravité de ces attaques sont en hausse. Des groupes armés islamistes alliés à Al-Qaïda ou à l’État islamique ont incendié, pillé et détruit des dizaines d’écoles. « C’est leur combat contre l’éducation », a déclaré un enseignant.

Les groupes armés ont également intimidé des élèves, terrorisé des parents d’élèves afin qu’ils cessent d’envoyer leurs enfants à l’école, et tué, enlevé, brutalisé ou menacé des dizaines d’enseignants. Dans de nombreux cas, les agresseurs ont commis ces exactions devant des élèves terrifiés, enseignants et enfants se retrouvant ainsi marqués aussi bien physiquement que mentalement.

Si les groupes armés islamistes n’ont officiellement revendiqué qu’un petit nombre d’attaques, les agresseurs ont généralement justifié leurs actes en invoquant leur opposition à l’enseignement « français », insistant pour que les enfants n’étudient que l’arabe et le Coran, voire n’aillent plus du tout en cours.

Ces attaques, la terreur qui s’en est suivie et l’aggravation de l’insécurité ont entraîné une série de fermetures d’écoles à travers le pays, nuisant au droit à l’éducation des élèves. Début mars 2020, le ministère de l’Éducation nationale, de l’Alphabétisation et de la Promotion des langues nationales (« ministère de l’Éducation », ou MENAPLN) signalait que plus de 2 500 établissements scolaires avaient fermé en raison d’attaques ou de l’insécurité au Burkina Faso, affectant négativement près de 350 000 élèves et plus de 11 200 enseignants. Ce phénomène a été signalé avant l’épidémie de Covid-19 dans le pays, qui a provoqué la fermeture provisoire de tous les établissements scolaires dès la mi-mars.

Ce rapport s’appuie sur des entretiens menés par Human Rights Watch auprès de 177 personnes, dont 74 enseignants et administrateurs d’écoles, 35 élèves encore scolarisés ou ayant cessé de l’être, 12 parents d’élèves et d’autres témoins d’attaques, des membres des familles des victimes, des chefs communautaires, des experts, des travailleurs humanitaires et des fonctionnaires. Le rapport documente des attaques qui auraient été perpétrées contre des élèves, des professionnels de l’éducation et des écoles par des groupes armés islamistes dans six régions du Burkina Faso entre 2017 et 2020.

Des documents pédagogiques calcinés sur le bureau d’un instituteur à l’école primaire du village de Minima, dans la région du Centre-Nord au Burkina Faso, après une attaque lancée par des islamistes armés le 2 mai 2019. « Ils ont cassé [la porte du] bureau [de l’école] et mis le feu aux cahiers, aux devoirs des élèves, aux dossiers, aux documents—à tout », a déploré le directeur, Noufou Yampa. « Il n’y a plus d’archives pour l’école de Minima. » 13 juin 2019.   © 2019 Noufou Yampa

Le Burkina Faso est aux prises avec plusieurs groupes d’insurgés islamistes armés depuis l’émergence en 2016 d’Ansaroul Islam, un groupe local ayant des racines dans la région administrative du Sahel, située au nord du pays. Ansaroul Islam, ainsi qu’une mosaïque de groupes liés à Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) et à l’État islamique dans le Grand Sahara (EIGS), attaquent régulièrement des cibles militaires, des civils et des biens de caractère civil. Ces attaques auraient provoqué la mort de plus de 1 800 personnes.

L’année 2019 a été marquée par une forte augmentation des exactions perpétrées par ces groupes, notamment des attaques visant des enseignants, des élèves et des écoles. Les forces de sécurité burkinabè ont réagi en lançant des opérations antiterroristes qui se sont soldées par de nombreuses atteintes aux droits humains, dont la mort de civils. De janvier 2019 à avril 2020, le nombre de personnes déplacées depuis leurs communautés par le conflit a explosé, passant de 87 000 à plus de 830 000, d’après les Nations Unies. Des centaines d’enseignants comptaient parmi ceux qui se sont enfuis.

La majorité des attaques visant des enseignants, des élèves et des écoles se sont produites dans cinq des 13 régions administratives du pays : le Sahel, le Nord, le Centre-Nord, l’Est et la Boucle du Mouhoun. Cependant, la plus odieuse à ce jour—l’exécution de cinq enseignants dans une école en avril 2019—s’est déroulée dans la région du Centre-Est. Bien qu’Ansaroul Islam et l’EIGS se soient déclarés responsables d’un petit nombre d’attaques visant le secteur de l’éducation, la plupart d’entre elles n’ont pas été revendiquées.

Attaques et exactions documentées

Entre 2017 et 2020, Human Rights Watch a documenté en tout 126 attaques visant des élèves, des professionnels de l’éducation et des écoles. D’intimidantes descentes d’hommes armés ordonnant la fermeture d’écoles ou le départ d’enseignants (28 cas) sont comprises dans ce total. De nombreux autres incidents ont été signalés dans les médias et ailleurs, ce qui suggère que le nombre total d’attaques commises pendant cette période est vraisemblablement bien plus élevé.

Parmi les cas documentés figurent 107 attaques visant ou perpétrées dans des écoles, dont la moitié en 2019. Au moins 12 des attaques visant des écoles ont donné lieu à des actes de violence à l’encontre de travailleurs de l’éducation, et des élèves étaient présents lors d’au moins 31 incursions. Dans 84 cas, les assaillants ont endommagé, détruit ou pillé des infrastructures, des matériels, ou des vivres des écoles. (Pour une répartition de toutes les attaques documentées par année, par région et par catégorie, voir l’Annexe I.)

Lors de ces attaques, des hommes armés ont tué, battu, enlevé et menacé des professionnels de l’éducation ; intimidé et menacé des élèves ; incendié des salles de classe, des bureaux et des logements d’enseignants ; tiré des coups de feu en direction des fenêtres, des portes, des murs et des toits de ces bâtiments ; fait détoner des explosifs ; brûlé des documents scolaires et des ouvrages pédagogiques ; volé, endommagé ou détruit des biens appartenant à des employés d’écoles; et pillé des cantines scolaires et des magasins de vivres.

Ce rapport documente les meurtres ciblés de 12 enseignants et administrateurs d’écoles entre 2017 et mars 2020, ainsi que les meurtres de trois hommes chargés de la construction d’une école. Douze de ces quinze meurtres ont été commis en 2019.

Des enseignants et des villageois inspectent les dégâts dans l’école primaire du village de Sillaléba, situé dans la commune de Nasséré, dans la région du Centre-Nord au Burkina Faso, après une attaque en avril 2019. Les assaillants avaient mis le feu à trois salles de classe, endommagé cinq motos et volé trois motos et un ordinateur.   © 2019 Harouna Sawadogo

Ce rapport documente également des dizaines d’autres attaques visant des enseignants, dont des agressions et des enlèvements. Un parent d’élève arrivé à l’école peu après qu’une attaque y avait été perpétrée a décrit l’horreur dont il a été témoin : « À l’école nous avons trouvé les incendies qui brûlaient toujours. Nous avons trouvé les enseignants qui avaient été frappés, certains si gravement qu’ils ne pouvaient pas parler... Ils étaient sous le choc. » L’un des enseignants a déclaré : « Certains élèves... étaient toujours là quand ils nous frappaient... Ils pleuraient. » Lors d’un autre cas, un enseignant qui avait été enlevé, dévalisé et menacé a expliqué : « Ils m’ont attaché les bras, m’ont couvert le visage et m’ont emmené à moto. ... J’ai eu si peur. »

En mai 2020, le ministère de l'Éducation a signalé que selon les chiffres disponibles en fin avril 2020, au moins 222 travailleurs de l'éducation avaient été « victimes d'attaques terroristes ».

Si la violence perpétrée lors des attaques d’écoles n’a pas ciblé d’élèves, au moins une élève a été tué et un autre blessé par des balles perdues lors d’attaques perpétrées dans des écoles ou à proximité. Des élèves ont également été tués lors d’autres attaques visant des civils, dont sept qui, de retour de vacances, ont été tués en janvier 2020 lorsqu’un engin explosif a détoné en dessous de leur car de transport. « J’ai vu mes camarades restés [morts] dans le car », a déclaré un élève. Un autre a affirmé avoir perdu un ami lors de l’attaque : « Cela m’a touché au point que je ne peux même pas dormir... J’ai continué l’école, mais parfois je suis en train de suivre une leçon et je me perds totalement. »

Des élèves ont aussi été menacés et harcelés par des islamistes armés exigeant qu’ils cessent d’aller en classe. Human Rights Watch a documenté trois cas lors desquels des élèves ont été contraints d’assister à la destruction de leurs cahiers par des insurgés. Un élève de 16 ans a ainsi raconté : « Les djihadistes... ont saisi nos sacs à dos et en ont sorti les cahiers, et ils ont dit: ‘Il faut bien regarder !’ Et puis ils ont brûlé nos cahiers. »

Utilisation des écoles à des fins militaires

Human Rights Watch a documenté l’utilisation présumée de 10 écoles à des fins militaires par des membres des forces armées burkinabè, les Forces de défense et de sécurité (FDS), dans les régions du Centre-Nord et du Sahel en 2019, dont l’occupation de trois écoles qui auraient servi de bases militaires pendant six mois à un an. Dans au moins huit cas, les écoles auraient déjà été fermées pour cause d’insécurité avant l’occupation militaire. Dans un cas, des témoignages contradictoires ont été recueillis quant aux dates auxquelles les forces armées sont arrivées et l’école a fermé.

L’utilisation d’écoles à des fins militaires peut faire courir un risque de dégâts ou de destruction à d’importantes infrastructures éducatives si une attaque vise les militaires se trouvant à l’intérieur de l’école. Au moins quatre écoles ont été attaquées pendant ou immédiatement après l’occupation de ces écoles par les FDS.

En outre, des islamistes armés présumés ont exécuté un villageois dans une école de la région du Sahel en 2018, et auraient occupé au moins cinq écoles pour de courts séjours diurnes ou nocturnes dans la région du Centre-Nord en 2019.

Conséquences néfastes pour les élèves, les enseignants et la société

Le Burkina Faso était déjà confronté à des défis majeurs pour assurer l’éducation de tous les enfants en raison de facteurs tels que la pauvreté, l’inadéquation des infrastructures scolaires, le manque d’accès à l’éducation, des taux d’achèvement faibles et un nombre insuffisant d’enseignants formés, notamment en zone rurale. Parmi les autres obstacles se présentant aux filles figuraient l’inégalité des sexes, un taux élevé de mariages précoces et la perpétration de violences sexuelles et de harcèlement sur le chemin de l’école, ou à l’intérieur de l’école. Les attaques visant le secteur de l’éducation et l’insécurité générale—ainsi que l’épidémie de Covid-19—ont accentué ces défis, balayant les décennies de progrès qui avaient été accomplis en termes d’assiduité scolaire.

Les attaques d’écoles et les perturbations de la scolarité ont réduit la qualité de l’enseignement dispensé et provoqué des retards scolaires pour de nombreux élèves. Une élève a ainsi déclaré avoir échoué à son examen final après qu’une attaque avait contraint son école à fermer ses portes pendant plusieurs semaines, laissant la jeune fille dans l’incapacité de se préparer aux épreuves. Un autre élève a déclaré : « Cela me rend malheureux de ne pas pouvoir terminer, de devoir reprendre les classes encore, de ne même pas avoir de documents pour montrer que tu as suivi le cours. ... On ne peut même pas être sûr de pouvoir continuer ses études. »

Des élèves se serrent à cinq par table-banc, conçue pour deux enfants, dans l’une des salles de classe bondées pouvant compter jusqu’à 125 élèves, dans une école primaire de Kaya, une ville de la région burkinabè du Centre-Nord qui accueille des dizaines de milliers de personnes déplacées. 29 janvier 2020.   © 2020 Lauren Seibert/Human Rights Watch

 

Les attaques ont suscité un sentiment de peur qui s’est traduit par de nombreux retraits d’enfants de leurs écoles, ainsi que par des répercussions psychosociales de longue durée sur les élèves. « De nombreux élèves ne veulent même plus voir une école », a commenté un enseignant. « L’attaque [de mon école] m’a tout dérangé... Je n’ai plus l’esprit à aller à l’école », a commenté un ancien élève.

D’autres élèves, malgré d’innombrables embûches, sont déterminés à reprendre leur scolarité. « Je veux aller à l’école parce que c’est bien », a commenté une fille de 15 ans qui avait manqué toute une année scolaire. « Je veux devenir enseignante. »

Tenant à tout prix à retourner en cours, de nombreux enfants affectés par les fermetures d’écoles se sont inscrits dans l’école d’une ville éloignée. Certains ont dû parcourir de longues distances pour s’y rendre, d’où un risque sur la route. D’autres ont emménagé dans une nouvelle ville pour vivre en groupes d’enfants, sans adulte de leur famille, d’où un risque d’exploitation et de violence. Ces enfants vivent souvent dans des conditions sordides, peinant à s’acheter à manger et à s’acquitter de leurs frais de scolarité.

Ce rapport documente aussi des cas de travail d’enfants résultant des fermetures d’écoles, y compris des enfants déscolarisés qui travaillent dans des marchés, en tant qu’aides-ménagères, qu’orpailleurs dans des mines d’or artisanales ou que fabricants de briques. Il étudie également le fait que les filles sont moins susceptibles d’être réinscrites dans une école que les garçons et qu’elles s’exposent à un risque accru de mariage précoce une fois déscolarisées.

Les attaques ont eu des conséquences dévastatrices sur les enseignants, notamment des traumatismes, des troubles physiques et la perte de tous leurs biens. « Ils ont mis le feu à ma maison... j’ai trouvé tout calciné—il n’y avait plus rien », a affirmé un enseignant. « Ça fait mal à la tête... tout le corps, ça fait mal », a déclaré un autre. Au moins deux enseignantes enceintes ont fait une fausse couche suite à l’attaque de leur établissement.

Les attaques visant le secteur de l’éducation peuvent avoir des répercussions imprévisibles et durables sur la société. « Un grand nombre d’enfants va rater l’éducation nécessaire à leur développement cognitif et socio-émotionnel, ce qui les rendra vulnérables aux groupes armés terroristes. C’est ce que les terroristes veulent—des enfants ignorants, pour pouvoir les influencer et leur mettre dans la tête tout ce qu’ils veulent », a déclaré Jacob Yarabatioula, chercheur burkinabè spécialiste du terrorisme. « C’est cela que nous devons tous craindre. »

Protections juridiques

Lors d’un conflit armé comme celui qui frappe actuellement le Burkina Faso, le droit international humanitaire, ou les lois de la guerre, s’appliquent à la fois aux forces armées nationales et aux groupes armés non étatiques. Les attaques délibérées ou aveugles de civils, y compris d’enseignants et d’élèves, ainsi que de biens de caractère civil tels que des écoles, constituent une atteinte aux lois de la guerre. Les individus qui ont ordonné ou ont été impliqués dans ces attaques, y compris dans des exécutions sommaires, des actes de torture et d’autres formes de sévices, des détentions arbitraires et des actes de pillage, sont responsables de crimes de guerre.

Les attaques d’écoles peuvent aussi priver les élèves de leur droit à l’éducation, protégé en vertu du droit international des droits de l’homme, notamment le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et la Convention relative aux droits de l’enfant.

En 2017, le Burkina Faso a avalisé la Déclaration sur la sécurité dans les écoles, un accord politique au titre duquel les pays signataires s’engagent à prendre diverses mesures pour renforcer la prévention et la réponse apportée aux attaques d’élèves, d’enseignants et d’écoles. À ce titre, le Burkina Faso s’est engagé à recourir aux « Lignes directrices pour la protection des écoles et des universités contre l’utilisation militaire durant les conflits armés », qui prient les parties à un conflit armé de ne pas utiliser les écoles « pour quelque raison que ce soit à l’appui de leur effort militaire ».

Réponses et besoins

Le gouvernement burkinabè a pris des mesures importantes pour mettre en œuvre des initiatives conformes à la Déclaration sur la sécurité dans les écoles. Ces initiatives, dont celles qui visent la continuité pédagogique, ont notamment consisté à instaurer une Stratégie nationale et un Secrétariat technique sur l’éducation en situation d’urgence, à redéployer les enseignants, à œuvrer en faveur de la réouverture des établissements scolaires, à organiser des séances de rattrapage pour les élèves et à demander aux écoles l’inscription « systématique et sans frais aucun » des élèves déplacés.

Bien que le plan de réponse humanitaire international au Burkina Faso continue de pâtir d’un manque de ressources financières, les agences d’aide ont apporté un soutien essentiel aux efforts gouvernementaux et se sont associées à plusieurs initiatives, par exemple la création d’espaces d’apprentissage temporaire.

Ce rapport identifie plusieurs lacunes et besoins au niveau des mesures prises à ce jour, notamment l’insuffisance des moyens financiers, des personnels et des infrastructures octroyés aux écoles où s’inscrivent les élèves déplacés. « Les écoles sont saturées ! », a déclaré un agent local de la région du Centre-Nord avant les fermetures d’établissements en raison du Covid-19. « Il y a jusqu’à 150 élèves par classe », a signalé un enseignant.

Un autre problème est le manque d’accompagnement psychosocial des enseignants et des élèves qui ont subi des attaques visant le secteur de l’éducation, ainsi que les retards voire l’absence totale de dédommagement octroyé par le gouvernement aux enseignants qui ont perdu des biens lors d’attaques perpétrées par des groupes armés. « L’attaque m’a fait très mal, mais le fait qu’après l’attaque, on n’a pas été accompagnés… C’est ça qui me dérange toujours », a commenté un enseignant.

Parmi les autres problématiques figurent le manque de sécurité adéquate dans de nombreuses écoles de zones à risque, et le fait que le gouvernement n’a pas régulièrement recueilli et partagé des données suffisantes sur les attaques visant le secteur de l’éducation et sur l’occupation militaire des établissements scolaires, ce qui peut entraver les efforts d’intervention.

Le gouvernement burkinabè devrait immédiatement s’atteler à ces problématiques, et ses partenaires humanitaires et internationaux devraient envisager d’accroître leur soutien pour répondre aux besoins identifiés. Les autorités devraient s’intéresser aux différentes manières dont les fermetures d’écoles affectent les élèves selon qu’il s’agit de garçons ou de filles, et chercher à résoudre les défis particuliers relatifs à l’éducation des filles.

Un espace d’apprentissage temporaire dans une école primaire publique de Djibo, au Burkina Faso, incendiée le 13 mars 2020, lors d’une attaque qui aurait été perpétrée par des islamistes armés.   © 2020 Privé

Le gouvernement devrait aussi prendre des mesures concrètes pour dissuader l’utilisation militaire des écoles en s’inspirant des exemples de bonnes pratiques employées dans d’autres pays de l’Union africaine, et au minimum en appliquant les « Lignes directrices pour la protection des écoles et des universités contre l’utilisation militaire durant les conflits armés ».

Les groupes armés islamistes devraient totalement cesser d’attaquer les enseignants et les écoles et de commettre des exécutions extrajudiciaires, des enlèvements et d’autres graves atteintes aux lois de la guerre et aux droits humains.

Les élèves, les parents d’élèves et les enseignants ont grandement souffert des attaques visant l’éducation au Burkina Faso. Ce secteur est désormais l’une des premières victimes du conflit, des centaines de milliers d’enfants voyant leurs rêves d’un avenir meilleur brisés.

En période d’insécurité, il faut maintenir un accès à l’éducation. Si les enfants parviennent à rester dans un environnement sécurisé et protégé, les écoles peuvent apporter un important sentiment de normalité, essentiel pour le développement de l’enfant et son bien-être psychologique.

Il est crucial d’empêcher que toute une génération d’enfants au Burkina Faso ne perde son accès à l’éducation.

 

Recommandations

Au gouvernement burkinabè

  • Tant que les écoles resteront fermées à cause de la pandémie du Covid-19, accorder la priorité aux efforts visant la continuité pédagogique pour tous les élèves grâce aux programmes d’apprentissage à distance existants, tels que les émissions de radio et télévisées à but éducatif et des ressources pédagogiques en ligne, ainsi que des approches adaptées au contexte pour les localités ayant un accès limité à ses technologies.
  • Lorsque les écoles auront rouvert à l’échelle nationale après la levée des consignes de confinement liées au Covid-19, veiller à ce que tous les enfants puissent de nouveau accéder à l’éducation. En particulier :
    • Veiller à ce que les élèves privés d’un accès à l’éducation du fait d’un conflit armé puissent rapidement être scolarisés dans un autre établissement accessible.
    • Dans les zones où les enfants ne peuvent pas s’inscrire dans une école, veiller à la mise à disposition d’opportunités d’apprentissage alternatives telles que l’éducation communautaire, l’enseignement à distance et les espaces d’apprentissage temporaire.
    • Faire en sorte que toutes les campagnes post-Covid-19 de retour à l’école, ainsi que les cours de rattrapage, soient ouverts aux enfants qui avaient précédemment arrêté leurs études à cause des attaques d’écoles, de l’insécurité ou de leur propre déplacement; et poursuivre et élargir les programmes d’étude à distance créés en réponse au Covid-19 afin qu’ils bénéficient aussi à ces enfants.
    • Encourager les parents qui avaient retiré leurs enfants de l’école par crainte des attaques à les réinscrire ou à utiliser les programmes d’étude à distance ou les espaces d’apprentissage temporaires.
    • Envisager le lancement de programmes éducatifs spéciaux de proximité pour les enfants déplacés qui n’ont jamais été scolarisés, y compris des enfants des communautés peules nomades.
  • Reconstruire et rééquiper le plus vite possible les établissements scolaires endommagés ou détruits.
  • Accroître le soutien octroyé aux « écoles d’accueil » surpeuplées acceptant un grand nombre d’élèves déplacés, dans le but d’étendre leurs capacités, notamment en construisant des salles de classe supplémentaires, en déployant d’autres enseignants et en fournissant davantage de tables-bancs, de matériels et de vivres pour les cantines.
  • Prendre davantage de mesures afin de protéger les écoles qui opèrent dans les zones à risque, notamment en instaurant des mesures de prévention (cartographie des risques et systèmes d’alerte précoce) ainsi que des systèmes rapides de signalement et de réponse aux attaques visant les établissements scolaires. Il devrait notamment s’agir d’ouvrir une permanence téléphonique ou « numéro vert » permettant aux enseignants et aux parents d’élèves de signaler rapidement les menaces ou attaques dont les écoles font l’objet aux forces de sécurité locales et aux autorités responsables de l'enseignement public.
  • Prendre des mesures concrètes—par exemple à travers une législation, des règlements intérieurs et une formation—pour dissuader l’utilisation des écoles à des fins militaires, en s’inspirant des exemples de bonnes pratiques employées dans d’autres pays de l’Union africaine, et au minimum en appliquant la Déclaration sur la sécurité dans les écoles et les « Lignes directrices pour la protection des écoles et des universités contre l’utilisation militaire durant les conflits armés ».
  • Développer et étendre les travaux et la capacité du Secrétariat technique de l’Éducation en situation d’urgence.
  • Envisager de permettre aux enseignants d’indiquer une description alternative de leur profession sur leur carte d’identité, afin de réduire leur risque d’être pris pour cible.
  • Chercher à éliminer les obstacles à l’éducation des filles, notamment en mettant en œuvre des programmes nationaux permettant aux filles d’aller à l’école et en s’assurant que les réponses apportées au titre de « l’éducation en situation d’urgence » remplissent les besoins spécifiques des filles enceintes et des jeunes mères en âge d’être scolarisées.

Aux Forces de défense et de sécurité burkinabè

  • Renforcer les mesures visant à assurer la protection et la sécurité des écoles opérant en zones à haut risque, notamment en augmentant le nombre de patrouilles, tout en minimisant les activités pouvant faire des écoles des cibles militaires.
  • Évacuer toutes les écoles occupées servant de bases militaires s’il existe des alternatives viables ; dans le cas contraire, veiller à identifier ou créer des alternatives viables. Accroître la planification et les fournitures logistiques afin de minimiser le besoin de recourir aux écoles, et envisager d’utiliser des arrangements temporaires, par exemple des tentes.
  • Ordonner aux commandants de ne pas utiliser les bâtiments ou les biens d’écoles opérationnelles à des fins militaires pour en faire des camps, des casernes, ou des lieux de déploiement. S’inspirer des exemples de bonnes pratiques employées dans d’autres pays de l’Union africaine et mettre en œuvre les « Lignes directrices pour la protection des écoles et des universités contre l’utilisation militaire durant les conflits armés », auxquelles le Burkina Faso s’est engagé à recourir en avalisant la Déclaration sur la sécurité dans les écoles en 2017.
  • Intégrer des mesures pour protéger les écoles d’une utilisation militaire dans la doctrine militaire, les ordres opérationnels, les formations et les autres moyens de diffusion de l’information pour assurer leur respect à tous les niveaux de la chaîne de commandement.
  • Veiller à ce que la doctrine et les formations qui s’appliquent aux forces armées burkinabè déployées dans les missions de maintien de la paix des Nations Unies reflètent l’exigence stipulée dans le Manuel pour les bataillons d’infanterie publié en 2012 par l’ONU selon laquelle « Les militaires ne doivent pas utiliser les écoles dans le cadre de leurs opérations ».

Au ministère de l’Éducation

(Ministère de l’Éducation nationale, de l’Alphabétisation et de la Promotion des langues nationales)
  • Veiller à la disponibilité et à l’accessibilité des écoles, assurer une mise en œuvre efficace de la Déclaration sur la sécurité dans les écoles, et collaborer avec les autorités des établissements scolaires, les dirigeants communautaires et les parents d’élèves afin de garantir une meilleure sécurité dans les écoles des régions affectées par le conflit.
  • Veiller à ne pas exercer de pressions sur les enseignants et les administrateurs pour qu’ils rouvrent les écoles dans les zones non sécurisées s’il existe des menaces crédibles à leur sécurité, en l’absence de mesures de sécurité adaptées.
  • Veiller à ce que les écoles publiques observent les consignes du ministère concernant l’élimination des frais de scolarité pour les élèves déplacés.
  •  Créer un fonds pour soutenir les écoles qui accueillent les élèves déplacés, et veiller à ce qu’elles disposent de personnels, d’infrastructures et d’équipements adéquats.
  • Élargir les espaces d’apprentissage temporaire (aussi bien les salles de classe provisoires servant à un enseignement formel que les espaces « amis des enfants ») et d’autres programmes « d’éducation en situation d’urgence » à un plus grand nombre de villes et sites accueillant de nombreuses personnes déplacées, en accordant la priorité à celles qui n’ont pas bénéficié de ces programmes.
  • Assurer dans les meilleurs délais le dédommagement des professionnels de l’éducation qui ont perdu des biens ou été blessés dans des attaques ciblées, et prendre des mesures pour faire circuler l’information et accroître la communication concernant les droits des agents des écoles publiques dans ce domaine.
  • Élargir les travaux de collecte de données afin d’inclure les critères suivants, en les ventilant par sexe :
    • Attaques visant des élèves, des enseignants et des écoles : date et lieu ; type d’établissement scolaire ; victimes et auteurs présumés ; nombre d’élèves affectés.
    • Utilisation militaire d’écoles : lieu et type d’établissement scolaire utilisé ; objectif et durée d’utilisation ; unité ou groupe utilisant l’école ; si l’école avait déjà cessé de fonctionner avant l’occupation militaire ; fréquentation par les élèves avant, pendant et après la période d’utilisation militaire.
Soutien aux écoles dans les zones à forts défis sécuritaires
  • Renforcer les mesures de protection des écoles opérant en zone à haut risque, notamment en mettant en œuvre des protocoles et un mécanisme de signalement et de réponse rapide (assorti d’une permanence téléphonique ou « numéro vert ») dédiés aux attaques d’écoles, afin que les autorités pertinentes soient informées et qu’une assistance soit apportée dans les meilleurs délais.
  • Élargir la formation à l’atténuation des risques et à la réponse à apporter en cas d’urgence afin qu’elle couvre toutes les écoles situées dans les zones à haut risque, et aider les écoles à élaborer des plans individualisés.
  • Améliorer les infrastructures scolaires et ériger des murs ou des clôtures autour des écoles si nécessaire, afin d’améliorer leur protection.
  • Doter tous les établissements scolaires, y compris ceux qui ont été reconstruits ou réaménagés suite à une attaque, d’installations adéquates en vue de la prise en charge de l’hygiène menstruelle.

Aux ministères de l’Éducation et de l’Action humanitaire

(Ministère de l’Éducation nationale, de l’Alphabétisation et de la Promotion des langues nationales; Ministère de la Femme, de la Solidarité nationale, de la Famille et de l’Action humanitaire)
 
Soutien aux victimes et aux témoins d’attaques
  • Veiller à ce que tous les enseignants et administrateurs d’établissements scolaires victimes d’attaques reçoivent un soutien médical et psychosocial rapide, adapté et subventionné, et s’assurer que ce soutien comprenne leur suivi.
  • Envoyer des experts médicaux et psychosociaux là où se trouve la victime, ou le plus près possible, pour veiller à ce que celle-ci n’ait pas à parcourir de longues distances pour recevoir des soins. Si la victime doit se déplacer, veiller à prendre en charge les frais de transport, d’hébergement et autres.
  •  Informer tous les enseignants d’établissements publics de la manière dont ils peuvent bénéficier de services de soutien gratuits.
  • Instaurer un système de suivi auprès des élèves qui ont assisté à une attaque pour évaluer leur bien-être psychologique et émotionnel, et fournir des services de conseil ou d’autres traitements si nécessaire.
Réduction des impacts négatifs sur les enfants
  • Élaborer et mettre en œuvre des mesures pour remédier à l’impact disproportionné des fermetures d’écoles sur les filles, y compris en cherchant à réduire les mariages précoces et en adoptant des mesures pour aider les filles qui n’ont plus accès à l’éducation.
  • Assurer un suivi des cas signalés d’enfants qui vivent seuls pour pouvoir poursuivre leur scolarité, afin que ces enfants soient placés sous la garde d’un parent ou d’un tuteur adulte.
  • Mettre en œuvre des programmes pour aider les enfants déscolarisés et réduire la main-d’œuvre infantile.
  • Poursuivre le plus rapidement possible l’instauration des « Cellules communautaires de protection de l’enfant », et veiller à ce qu’elles soient mises en œuvre dans les camps et sites accueillant des personnes déplacées.

Au ministère de la Justice

  • En toute impartialité, enquêter sur et poursuivre en justice de manière appropriée les dirigeants de groupes armés islamistes impliqués dans des attaques illégales d’élèves, d’enseignants et d’écoles, ainsi que dans le cas de toute autre atteinte aux droits humains et au droit humanitaire internationaux.

Aux groupes armés islamistes opérant au Burkina Faso

  • Cesser toutes les atteintes aux lois de la guerre, y compris les attaques de civils et de structures civiles liées à l’éducation, telles que le meurtre, l’enlèvement, l’agression, le braquage et l’intimidation d’enseignants, d’administrateurs d’établissements scolaires et d’élèves ; et le pillage, la destruction par le feu et la dégradation d’écoles.
  • Cesser de commettre des atteintes aux droits humains à l’encontre des élèves et des enseignants, ainsi que de proférer des menaces qui nuisent au droit à l’éducation des enfants.
  • Cesser le recours sans discernement aux engins explosifs, y compris sur les routes empruntées par les véhicules civils.
  • S’abstenir de recourir aux écoles à des fins militaires.

Aux partenaires internationaux et régionaux du Burkina Faso

  • Exhorter le gouvernement et les forces militaires burkinabè à adopter les recommandations ci-dessus et à appuyer leur mise en œuvre.
  • Continuer à soutenir et envisager d’étendre les programmes « d’éducation en situation d’urgence » au Burkina Faso, notamment au profit des enfants encore non atteints qui sont touchés par les fermetures d’écoles liées au conflit, ainsi que pour renforcer les capacités des « écoles d’accueil » acceptant un grand nombre d’élèves déplacés.
  • Soutenir la réadaptation des victimes au Burkina Faso, notamment la prise en charge psychosociale des enseignants et des élèves victimes d’attaques.

Aux Nations Unies

  • Le Secrétaire général de l’ONU devrait inclure le Burkina Faso dans le rapport annuel sur les enfants et le conflit armé qu’il présente au Conseil de sécurité de l’ONU, en soulignant dans un premier temps qu’il s’agit d’une situation préoccupante, en attendant l’instauration d’un mécanisme de surveillance et de communication de l’information.
  • En attendant l’instauration d’un mécanisme formel de surveillance et de communication de l’information sur les enfants et les conflits armés, l’équipe pays de l’ONU devrait activement documenter et vérifier les dossiers relatifs à la commission de graves atteintes contre des enfants, y compris des attaques visant des élèves, des enseignants et des écoles, et transmettre cette information au représentant spécial du secrétaire général pour les enfants et les conflits armés. Par ailleurs, le représentant spécial devrait activement réclamer cette information.
 

 

Méthodologie

Ce rapport s’appuie sur des entretiens personnels réalisés dans les villes de Ouagadougou et de Kaya pendant quatre semaines entre décembre 2019 et février 2020, ainsi que sur des entretiens téléphoniques effectués entre décembre 2019 et avril 2020. Les attaques documentées ont eu lieu entre janvier 2017 et mars 2020.

Human Rights Watch a interrogé 177 personnes, dont 74 professionnels de l’éducation, 35 élèves encore scolarisés ou ayant cessé d’être scolarisés, et 12 parents d’élèves. Les 35 actuels ou anciens élèves étaient 22 enfants (13 filles et 9 garçons) âgés de 10 à 17 ans, et 13 jeunes adultes (9 femmes et 4 hommes) âgés de 18 à 26 ans. Les autres entretiens ont été réalisés avec des témoins d’abus, des membres des familles des victimes, des membres de la société civile, des chefs communautaires, des travailleurs humanitaires, des analystes de la sécurité, des fonctionnaires du ministère de l’Éducation et des fonctionnaires locaux.

Parmi les personnes interrogées figuraient des résidents, actuels ou anciens, de sept régions : Boucle du Mouhoun, Centre, Centre-Est, Centre-Nord, Est, Nord et Sahel.

Les entretiens ont été menés en français, en mooré (langue de l’ethnie mossie) et en fulfuldé (langue de l’ethnie peule). Les entretiens en mooré et en fulfuldé se sont déroulés en présence d’interprètes.

Pour maintenir la sécurité des personnes interrogées, tous les entretiens ont eu lieu à Ouagadougou, la capitale, ou à proximité de celle-ci, ainsi qu’à Kaya, ville de la région du Centre-Nord. Certains individus se sont rendus dans une de ces villes pour leur entretien, tandis que d’autres s’y trouvaient déjà, ayant précédemment fui des épisodes de violence.

La quasi-totalité des survivants d’attaques et de témoins d’abus perpétrés par des groupes armés islamistes ont déclaré être très anxieux à l’idée que leur identité puisse être dévoilée. Par conséquent, les noms et informations permettant d’identifier de nombreuses personnes interrogées ne sont pas divulgués afin de protéger leur sécurité. Les noms des enfants n’ont pas été donnés, ou ont été remplacés par un pseudonyme.

La chercheuse de Human Rights Watch a informé toutes les personnes interrogées de la nature et de l’objectif des travaux de recherche, et de l’intention de Human Rights Watch de publier un rapport à partir des informations recueillies. La chercheuse a obtenu un consentement oral lors de chaque entretien et a donné à chaque personne interrogée la possibilité de refuser de répondre à des questions. Les personnes interrogées n’ont pas reçu de compensation en échange de leur entretien avec Human Rights Watch, mais leurs frais de déplacement ont été remboursés.

Le 20 avril 2020, Human Rights Watch a transmis par courriel trois lettres au gouvernement burkinabè, adressées respectivement au ministère de l'Éducation, au ministère de l'Action humanitaire, et à l'ambassadeur du Burkina Faso aux États-Unis. Human Rights Watch a également prié l’ambassadeur de bien vouloir transmettre des copies de la lettre au Premier ministre, ainsi qu’aux ministères de la Défense, de la Sécurité, de la Justice et des Droits de l'homme. Ces lettres présentaient les conclusions préliminaires du rapport, et comprenaient des questions sur les réponses du gouvernement aux attaques visant le secteur de l’éducation, et sur l’utilisation militaire d’écoles dans le pays.

Le 18 mai 2020, Human Rights Watch a reçu deux lettres, l’une du ministère de l'Éducation et l'autre du ministère de l'Action humanitaire, comprenant des réponses détaillées à nos questions. Certains éléments de ces réponses ont été intégrés dans notre rapport, et les deux lettres figurent en intégralité en Annexes II et III.

(c) 2020 John Emerson/Human Rights Watch

 

Terminologie

Élèves : Le mot « élève » peut faire référence à un enfant (de moins 18 ans) ou à un adulte (18 ans et plus). Au Burkina Faso, de nombreux élèves commencent l’école sur le tard, ou quittent l’école avant d’y retourner, ce qui fait que les élèves du primaire au secondaire peuvent être âgés de 6 à environ 25 ans, ou quelquefois plus âgés.

Enseignants : Au Burkina Faso, les enseignants des écoles primaires sont également appelés instituteurs ou maîtres ; ceux des écoles post-primaires et secondaires sont également appelés professeurs.

Directeurs/directrices d’écoles et de collèges, et proviseurs de lycées : Un grand nombre d’entre eux donnent également des cours, et peuvent donc être considérés à la fois comme des enseignants et des administrateurs.

Administrateurs d’école : Au Burkina Faso, des directeurs d’écoles, proviseurs, surveillants généraux, chargés de la vie scolaire, économes, intendants et autres.

Professionnels de l’éducation : Enseignants, administrateurs d’école, membres de syndicats d’enseignants ou agents locaux de l’enseignement (par exemple les inspecteurs chefs des circonscriptions d’éducation de base).

Année scolaire au Burkina Faso : D’octobre à juin.

Niveaux scolaires au Burkina Faso :

  • Enseignement primaire – Classes : CP1, CP2, CE1, CE2, CM1, CM2. Établissement : école primaire.
  • Enseignement post-primaire – Classes : 6ème, 5ème, 4ème, 3ème. Examen : BEPC. Établissement : collège d’enseignement général (CEG).
  • Enseignement secondaire – Classes : Seconde, Première, Terminale. Examen : Baccalauréat. Établissement : lycée.
  • N.B. : certaines écoles assurent à la fois les enseignements post-primaire et secondaire.

                                                        

I. Conflit et éducation au Burkina Faso

Propagation de l’activité des islamistes armés

À travers la zone sahélienne de l’Afrique de l’Ouest—le Sahel étant une vaste région semi-aride au sud du Sahara—le conflit armé et la violence entre groupes armés non étatiques et forces armées nationales, mis en évidence par la présence croissante de groupes armés islamistes, ont provoqué une crise humanitaire et sécuritaire. Au Mali, au Niger et au Burkina Faso, plus de 4 000 personnes ont été tuées ne serait-ce qu’en 2019, d’après les estimations, et plus de 1,1 million de personnes étaient déplacées début 2020.[1]

En janvier 2020, les Nations Unies ont décrit les niveaux de violence comme étant « sans précédent ».[2] Parmi les auteurs de violences à l’encontre de civils figurent des groupes armés islamistes alliés à Al-Qaïda ou à l’État islamique ; des groupes séparatistes ou d’autodéfense ethniques ; et des forces de sécurité de l’État. Human Rights Watch a précédemment signalé que des opérations abusives de lutte contre le terrorisme et des homicides illégaux de suspects placés en garde-à-vue, ainsi que des groupes d’autodéfense aux pratiques abusives, auraient fort probablement incité un grand nombre d’individus à venir gonfler les rangs des groupes armés islamistes.[3]

Des membres du groupe islamiste armé burkinabé Ansaroul Islam photographiés en 2017. Plusieurs membres d'Ansaroul Islam et d'autres groupes islamistes armés présents au Burkina Faso sont impliqués dans de nombreuses atrocités commises contre des civils, notamment des exécutions extrajudiciaires et des attaques contre des écoles et des enseignants.   © 2017 Héni Nsaibia/ MENASTREAM

D’une démocratie largement pacifique—bien qu’imparfaite—en 2016, le Burkina Faso, nation enclavée de 20 millions d’habitants, est devenu un pays qui, en 2020, peine à prendre en charge plus de 830 000 personnes déplacées de leur domicile, 2,2 millions de personnes (dont 1,2 million d’enfants) ayant besoin d’une aide humanitaire,[4] et des attaques d’une fréquence variable perpétrées par des insurgés armés dans au moins sept

de ses 13 régions. En janvier 2020, l’état d’urgence a été étendu à des provinces de six régions pour une année supplémentaire.[5] Le nombre de meurtres a été multiplié par environ 80 en 2016, le bilan en 2019 dépassant les 1 800 morts, d’après l’ONU.[6]

La présence croissante de groupes armés au Burkina Faso est liée à l’insécurité qui sévit au Mali voisin, où les régions du nord sont tombées aux mains des groupes séparatistes armés touaregs et liés à Al-Qaïda en 2012.[7] À partir de 2015, les groupes armés islamistes ont étendu leur influence au centre du Mali et, depuis 2016, avec l’émergence d’Ansaroul Islam, au Burkina Faso.[8] Au départ, les attaques étaient concentrées dans la région du Sahel du Burkina Faso, puis l’activité islamiste armée s’est propagée vers les régions du Nord, de l’Est, de la Boucle du Mouhoun et du Centre-Nord, qui ont ensemble subi le gros des attaques, ainsi que vers les régions du Centre-Est et du Centre-Sud. D’autres attaques se sont également produites dans d’autres régions.[9]

De nombreux attentats ont été commis—et revendiqués—par divers groupes aux allégeances changeantes et qui se chevauchent, notamment le groupe armé islamiste burkinabè Ansaroul Islam, l’État islamique dans le Grand Sahara (EIGS), et Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) et des groupes affiliés, notamment le Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans (JNIM).[10]

L’éducation au Burkina Faso

La loi burkinabè sur l’éducation de 2007 fait de l’éducation « une priorité nationale », garantit à tous le droit à l’éducation et rend l’école obligatoire pour les enfants âgés de 6 à 16 ans. Elle garantit la gratuité de l’enseignement de base public, à l’exception des frais d’inscription.[11]

Dans la pratique, l’enseignement public au Burkina Faso n’est pas gratuit. Les communautés se chargent souvent de construire les bâtiments d’écoles primaires et les logements d’enseignants ou d’approvisionner les établissements en fournitures scolaires. Par conséquent, les associations communautaires de parents d’élèves, qui gèrent une grande partie de l’entretien des écoles locales, imposent souvent des frais d’inscription aux élèves. Cela demeure un obstacle financier à l’éducation pour de nombreuses familles.[12]

Les établissements scolaires du Burkina Faso comprennent des écoles publiques, des écoles privées accréditées par l’État et des écoles privées non accréditées. Les écoles coraniques traditionnelles, ou « foyers coraniques », ne sont pas intégrées dans le système éducatif officiel.

Une salle de classe d’une école primaire bondée à Kaya, dans la région du Centre-Nord au Burkina Faso, 29 janvier 2020.   (c) 2020 Lauren Seibert/Human Rights Watch

 

Même avant que n’éclate la crise sécuritaire, le système éducatif du Burkina Faso était confronté à de sérieux défis, notamment le manque d’enseignants qualifiés, des classes surpeuplées, l’insuffisance des infrastructures et des matériels pédagogiques, des taux d’achèvement faibles et une inégalité de genre.[13]

De nombreux bâtiments scolaires ne sont pas terminés, manquent de murs de clôture pour assurer la protection des élèves et personnels, et n’ont pas assez de salles de classe, de tables-bancs ou de matériels. Dans les zones rurales, la classe est souvent faite à l’extérieur, sous paillotte.[14] Les enseignants du public sont fréquemment déployés hors de leur région d’origine, et de nombreuses écoles tiennent à leur disposition des logements dans l’enceinte de l’école ou à proximité. Cependant, dans des écoles qui ne disposent pas de logements, certains enseignants passent leurs nuits dans des salles de classe, dans des bureaux ou dans des magasins des écoles.[15]

Le gouvernement a réalisé des progrès notables pendant la décennie qui a précédé le conflit en améliorant l’accès des filles à l’éducation. Par exemple, les taux nets d’inscription[16] en primaire pour l’année scolaire 2001-2002 étaient de 30 % pour les filles et de 42 % pour les garçons ; les taux d’achèvement étaient de 23 % pour les filles et de 34 % pour les garçons. Dès l’année scolaire 2015-2016, soit avant que le conflit n’éclate, les taux d’inscription nets étaient de 71 % pour les garçons comme pour les filles ; les taux d’achèvement étaient de 61 % pour les filles et de 55 % pour les garçons. Quant à l’enseignement post-primaire, les filles avaient également atteint la parité avec les garçons en termes de taux d’inscription, et la quasi-parité en termes de taux d’achèvement.[17]

Néanmoins, au Burkina Faso, les filles restent confrontées à des obstacles particuliers qui influent sur leur éducation, notamment un taux élevé de mariages précoces, la mutilation génitale féminine, et les violences sexuelles et actes de harcèlement sur le chemin de l’école ainsi qu’au sein-même de l’école.[18] Bien que le gouvernement ait adopté une stratégie pour empêcher les grossesses des adolescentes, certains responsables scolaires continueraient d’interdire aux filles enceintes d’aller en cours en raison des normes sociales et de la stigmatisation.[19]

Les disparités de genre ont persisté en termes d’accès à l’enseignement secondaire tant avant que pendant le conflit, le taux d’inscription des filles en secondaire étant légèrement inférieur à celui des garçons, cette différence étant encore plus marquée concernant le taux d’achèvement dans le secondaire.[20]

Conséquences néfastes du conflit sur le système éducatif

Le conflit et les attaques visant l’éducation ont grandement aggravé les défis qui existaient déjà et accentué la dégradation des infrastructures éducatives. Souvent, les attaques d’enseignants ou d’écoles ont non seulement entraîné la fermeture de l’établissement en question, mais aussi provoqué toute une série de fermetures d’écoles et la fuite paniquée d’enseignants des communautés voisines.[21] En outre, au moins 62 écoles servaient de refuge à des personnes déplacées en 2019.[22]

Le 10 mars 2020, le ministère de l’Éducation a signalé que 2 512 écoles étaient fermées du fait de l’insécurité—soit une hausse de plus de 1 000 écoles depuis la fin de la précédente année scolaire—affectant 349 909 élèves et 11 219 enseignants.[23] Cela signifie qu’environ 13 % des écoles (préscolaire au secondaire) du Burkina Faso étaient déjà fermées à cause des attaques ou de l’insécurité avant même l’arrivée de l’épidémie de Covid-19, laquelle a entraîné la fermeture de toutes les écoles dès la mi-mars 2020.[24]

Sur les cinq régions les plus affectées par les fermetures d’écoles dues au conflit, la région du Sahel était en tête de liste début mars, 947 écoles étant signalées comme ayant fermé (soit 80 % des écoles de la région), suivie par l’Est avec 556 écoles fermées (38 %), le Centre-Nord avec 366 (21 %), le Nord avec 357 (18 %), et la Boucle du Mouhoun avec 239 (13 %). Les autres écoles fermées se trouvaient dans le Centre-Est (46) et le Centre-Sud (1).[25]

Si les taux d’inscription et d’achèvement des établissements primaires, post-primaires et secondaires au Burkina Faso ont augmenté chaque année entre 2015 et 2018, ils ont baissé pour l’année 2018-2019 en ce qui concerne les écoles primaires et post-primaires,[26] probablement du fait de la flambée des attaques enregistrées sur cette période.

Avant la crise du Covid-19, le gouvernement burkinabè avait rouvert au moins 840 établissements scolaires dès début mars 2020,[27] et pris d’autres mesures pour assurer la continuité pédagogique pour les enfants déplacés ou affectés par les fermetures d’écoles. Ces mesures sont examinées dans la section VIII.

 

Burkina Faso: Taux d’inscription et d'achèvement scolaire pendant le conflit

Année scolaire 2017-2018

 

 

Primaire

Post-primaire

Secondaire

Filles

Garçons

Garçons et filles

Filles

Garçons

Garçons et filles

Filles

Garçons

Garçons et filles

 Taux d’inscription net

74,1 %

74,4 %

74,3 %

29 %

26,2 %

27,6 %

4,7 %

6,1 %

5,4 %

 Taux d’inscription brut

90,9 %

90,6 %

90,7 %

54,6 %

49,6 %

52 %

14,5 %

20,6 %

17,6 %

 Taux d’achèvement

67,6 %

58,8 %

63 %

42,1 %

39,2 %

40,6 %

11,9 %

17,7 %

14,8 %

Année scolaire 2018-2019

 

 

Primaire

Post-primaire

Secondaire

Filles

Garçons

Garçons et filles

Filles

Garçons

Garçons et filles

Filles

Garçons

Garçons et filles

 Taux d’inscription net

72,7 %

72,8 %

72,7 %

28,4 %

24,9 %

26,6 %

6,1 %

7,1 %

6,6 %

 Taux d’inscription brut

89,2 %

88,4 %

88,8 %

54,1 %

47,1 %

50,5 %

19 %

24,2 %

21,6 %

 Taux d’achèvement

66,3 %

57,4 %

61,7 %

41,7 %

36,3 %

39 %

12,9 %

17,8 %

15,4 %

 *Les taux en rouge montrent une baisse par rapport à l’année précédente, probablement attribuable
à une hausse de l’insécurité et du nombre d’attaques d’écoles.

Source de données : MENAPLN, « Annuaires Statistiques 2018/2019 » de l’enseignement primaire, post-primaire et secondaire.

 

 

II. Auteurs d’attaques visant des enseignants, des élèves et des écoles

La plupart des attaques visant des élèves, des enseignants et des écoles documentées par Human Rights Watch n’ont pas été revendiquées. Cependant, l’État islamique dans le Grand Sahara (EIGS) et Ansaroul Islam se sont identifiés ou ont revendiqué leur responsabilité dans un petit nombre de cas.

Lors d’une attaque lancée en novembre 2018 contre un collège de Toulfé, dans la région du Nord, pendant laquelle cinq enseignants ont été fouettés et l’école a été incendiée, les assaillants ont déclaré verbalement qu’ils faisaient partie d’Ansaroul Islam et ont laissé une note signée.[28]

L’EIGS aurait revendiqué l’enlèvement en avril 2018 de l’instituteur Issouf Souabo dans la province du Soum, région du Sahel.[29] De plus, dans une vidéo diffusée en 2019—et qui apparemment montre l’incendie perpétré le 19 octobre 2017 par des islamistes armés d’une école dans la commune de Tem (province du Soum, région du Sahel)—les assaillants parlaient fulfulde et arabe et « se sont identifiés comme ‘soldats de l’État islamique au Burkina Faso et au Mali,’ c’est-à-dire l’EIGS », selon un analyste de MENASTREAM, une organisation de recherche sur la sécurité au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.[30]

Des images extraites d’une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux début 2019 montrent l’incendie d’une école perpétré par des islamistes armés au Burkina Faso. Des combattants dans la vidéo « se sont identifiés comme ‘soldats de l’État islamique au Burkina Faso et au Mali’ », selon MENASTREAM, une organisation de recherche sur les questions de sécurité.  

Pendant une attaque perpétrée en 2018 contre une école primaire de la région du Centre-Nord, d’après un témoin oculaire, des hommes armés ont brandi un drapeau noir avec des lettres en arabe similaire aux drapeaux d’Al-Qaïda et de l’État islamique.[31]

Lors d’une attaque en 2020 ciblant une école de la région de l’Est, des hommes armés ont déclaré aux enseignants « être des djihadistes » et leur ont ordonné de cesser de faire cours.[32]

Des témoins, des membres des communautés et des sources sécuritaires ont largement présumé que des groupes armés islamistes—notamment Ansaroul Islam, mais aussi l’EIGS et le Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans (JNIM)—se trouvaient derrière les attaques non revendiquées visant le secteur de l’éducation à travers le pays.

Une analyse d’images satellite (à gauche) effectuée par MENASTREAM, une organisation de recherche sur les questions de sécurité, suggère que des images issues d’une vidéo diffusée en 2019 (à droite), montrant des islamistes armés en train d’incendier une école, correspondent à une attaque menée le 19 octobre 2017 contre une école à Tem, dans la région du Sahel au Burkina Faso.  

Dans des dizaines de cas documentés par Human Rights Watch, des survivants ont raconté que les auteurs—généralement munis d’armes d’assaut militaire de type Kalachnikov, portant soit un uniforme militaire soit un long habit traditionnel (boubou) et souvent un turban leur couvrant le visage—ont fait de grandes déclarations avant, pendant ou après leurs attaques, affirmant leur position à l’encontre de l’éducation et les menaces qui s’ensuivraient. Dans la quasi-totalité des cas, les assaillants ont affirmé être contre « l’enseignement français », « l’éducation classique » ou l’éducation des « Blancs » ; ils ont aussi déclaré que les enseignants « ne devraient enseigner que l’arabe » ou le Coran.[33]

Les assaillants ont généralement proféré la même menace mais de différentes manières, comme l’ont raconté des dizaines de témoins : « Si nous revenons et que nous retrouvons n’importe qui [à l’école] » ou « quiconque en train de faire cours en français », « nous vous tuerons ». Ils ont souvent dénoncé « tout ce qui est lié au gouvernement », aux « Blancs » ou aux « Européens ».[34] Toutes ces menaces reflètent l’idéologie des groupes armés islamistes.

                                                                                                                     

III. Attaques visant des enseignants et des professionnels de l’éducation

Les attaques et les exactions perpétrées à l’encontre d’enseignants, de directeurs d’écoles et de proviseurs, de personnels d’écoles et d’autres professionnels de l’éducation—quiconque est perçu comme promouvant au Burkina Faso un enseignement français, dirigé par l’État—ont régulièrement augmenté depuis 2017, lorsque le premier directeur d’école, Salifou Badini, a été tué dans la région du Sahel. Ces attaques qui, pour la plupart, ciblaient des enseignants, ont inclus des meurtres ; des agressions violentes ; des contraintes physiques, par exemple les victimes étant attachées, enchaînées ou ayant les yeux bandés ; des vols et la destruction de biens personnels ; et des menaces et des mesures d’intimidation. Les directeurs d’écoles et les proviseurs, dont beaucoup enseignent également, étaient souvent la cible de traitements particulièrement durs.

Human Rights Watch a documenté les meurtres s’apparentant à des exécutions commis entre 2017 et 2020 de 15 personnes qui auraient été ciblées par les groupes armés islamistes en raison des liens qu’elles entretenaient avec le monde éducatif. Human Rights Watch a aussi documenté l’agression, l’enlèvement ou la détention de 20 professionnels de l’éducation par des islamistes armés présumés entre 2018 et 2020. Les enlèvements ont duré d’un jour à deux mois.

Les incidents se sont produits dans six régions : Sahel, Nord, Centre-Nord, Boucle du Mouhoun, Est et Centre-Est. Lors de sept attaques, les assaillants ont également endommagé ou détruit des infrastructures d’écoles ou des matériels pédagogiques. Sept attaques ont été perpétrées devant des élèves.

Lors de dizaines d’autres cas documentés par Human Rights Watch, des enseignants et des employés d’écoles ont été menacés, souvent de mort, et ordonnés de cesser de faire cours en français ou de quitter la localité. Dans certains cas, des enseignants ont également été dévalisés ou leurs biens personnels ont été détruits.

Parmi les cas documentés, tous les professionnels de l’éducation ciblés par les attaques les plus graves—meurtres, violences, enlèvements—étaient des hommes. Les enseignants victimes de menaces, d’intimidations, de vols et de destruction de biens étaient aussi bien des hommes que des femmes. D’après des survivants et des témoins, les victimes étaient de diverses origines ethniques, notamment Mossi, Peuls, Gourmantché, Bobo et Foulsé, tandis que les assaillants parlaient dans la plupart des cas le fulfuldé (langue parlée par les Peuls), puis le mooré (parlé par les Mossi), le gourmantché, le dioula, le français et, dans au moins un cas, le tamasheq (la langue des Touaregs ou des Bella).

Dans une lettre adressée à Human Rights Watch en mai 2020, le ministère de l'Éducation a signalé qu’en fin avril 2020, les chiffres officiels indiquaient que 222 travailleurs de l'éducation avaient été « victimes d'attaques terroristes », dont 12 tués et d’autres ayant subi des agressions, des vols ou la destruction de leurs biens.[35]

Meurtres ciblés

Personne n’a revendiqué les 15 meurtres documentés par Human Rights Watch. Les victimes étaient 12 professionnels de l’éducation tués lors de sept attaques entre 2017 et février 2020, et trois hommes (un entrepreneur et deux maçons) chargés de la construction d’une école et qui ont été tués dans cet établissement scolaire en avril 2019. Les attaques se sont déroulées dans les régions du Sahel (six morts), du Centre-Est (cinq morts), du Nord (trois morts) et de l’Est (un mort).

Sur les 12 professionnels de l’éducation tués, neuf travaillaient à l’époque dans un établissement scolaire public ; deux étaient des enseignants qui étaient en service dans une circonscription de l’éducation de base ; et un homme était un chef de village et enseignant retraité qui donnait des cours à titre bénévole. Dix individus ont été tués par balle, et deux hommes ont été décapités. Sept d’entre eux ont été tués devant leurs élèves.

Plusieurs enseignants et chefs communautaires ont suggéré à Human Rights Watch que deux meurtres d’enseignants qui s’étaient produits plus tôt, en 2017, auraient pu être des actes de représailles d’Ansaroul Islam à l’encontre d’enseignants qui avaient rejoint Al-Irchad, l’une des premières associations religieuses établies par le Malam Dicko, fondateur d’Ansaroul. Ils ont suggéré que certains enseignants auraient pu recevoir d’Al-Irchad des avantages en nature—tels que des terres, des maisons et un remboursement de leurs dettes—mais qu’ils avaient peut-être refusé de soutenir le groupe lorsque celui-ci s’était transformé en insurrection armée.[36]

Cependant, des membres des familles, des témoins, des analystes et des professionnels de l’éducation ont attribué un grand nombre des meurtres d’enseignants commis par la suite au programme général des islamistes armés consistant à arrêter l’enseignement « français » et à débarrasser le territoire de ses fonctionnaires, bien que les attaques aient aussi pu s’appuyer sur d’autres motifs.[37]

Février 2020 (Nord) : Un surveillant enlevé et tué

La dépouille d’Ali Zorome, surveillant au Lycée Provincial de Loroum, à Titao, a été découverte par des membres des forces armées près du village de Samboulga, dans la commune de Sollé, le 22 février 2020.[38] Un enseignant de l’établissement de Zorome a déclaré : « [Zorome] était allé rendre visite à sa famille à Sollé, et il en était reparti le 8 février. En cours de route, il a été enlevé. ... Le lendemain, quand sa famille l’a appelé au téléphone, quelqu’un d’autre a répondu, et c’est comme ça qu’ils ont su qu’il s’était passé quelque chose. [Les ravisseurs] l’ont gardé pendant deux semaines. »[39]

Bien que l’on ignore le motif de ce meurtre, notons que des écoles et des enseignants avaient déjà fait l’objet d’attaques à Loroum dans les provinces voisines, ce qui suggère que la profession de Zorome aurait pu être un facteur. Deux jours plus tard, dans la province voisine du Yatenga, deux cas d’enseignants « brutalisés » et « intimidés » par des hommes armés ont été signalés dans les localités de Tangaye et de Bossomnoré.[40]

Décembre 2019 (Est) : Un chef de village qui était aussi enseignant bénévole, tué

Le soir du 28 décembre 2019, des islamistes armés ont attaqué l’enclos familial du chef de village de la communauté Gourmantché dans le village de Nadiabonli, commune de Partiaga, province de la Tapoa. Le chef, Kondjoa Marcellin Tankoano, qui était également enseignant et donnait des cours de soutien à titre bénévole, a été tué par balle. « Nous, la famille, savons que cette [attaque] était liée à l’éducation, parce qu’il était le seul intellectuel du village... et il faisait cours à ceux qui avaient besoin d’aide... et [les islamistes armés] étaient contre ça », a affirmé un parent.[41]

Le chef, âgé d’environ 75 ans, avait précédemment été enseignant dans la région des Cascades, d’après des membres de sa famille. À sa retraite, il était revenu dans son village, avait supervisé la construction d’un collège financé par des donateurs privés et y avait fait la classe à titre bénévole, en plus de donner des cours de soutien aux enfants le soir.[42] Un membre de sa famille a déclaré :

Les écoles de la commune faisaient déjà l’objet de menaces... Ne serait-ce qu’à deux ou trois kilomètres de là, [des Islamistes armés] avaient enlevé des enseignants. ... Fin 2019, le CEG [collège d’enseignement général] fonctionnait de manière irrégulière. ... Le chef venait souvent à l’école pour aider à faire la classe, puisqu’il y avait souvent des enseignants absents. Le soir, il aidait les enfants qui n’avaient pas compris les leçons.
Ce soir-là, vers 21 heures, il était en train de donner des exercices de maths, physique et chimie aux élèves de 3ème et 4ème. Il était dans la cour [de son enclos familial], assis sur sa terrasse, là où il avait un tableau pour écrire les leçons. Les enfants étaient sur les bancs qu’il avait confectionnés lui-même. Soudain, des hommes armés ont fait irruption dans la cour royale en criant : « Le chef, le chef, il est où ? » Il y a eu une lutte, et ils lui ont tiré une balle dans la tête, devant les élèves. Ils sont encore traumatisés.[43]

Un autre membre de la famille de la victime a observé : « Ils avaient incendié des écoles [à Partiaga], et ça l’avait piqué de voir des jeunes filles et garçons là déscolarisés. Quand les enseignants se sont mis à fuir, il a dit qu’il continuerait de faire cours. ... C’était quelqu’un qui avait vraiment le cœur à l’éducation. »[44] Un représentant d’un syndicat d’enseignants a affirmé qu’un grand nombre d’établissements scolaires dans la commune avaient fermé après que sept d’entre eux ont été attaqués en 2019. « Le chef avait encouragé les enseignants à ne pas partir », a-t-il commenté. « Après son meurtre, toutes les écoles de la commune ont fermé pendant un mois. »[45]

Octobre 2019 (Sahel/Nord) : Un directeur d’école enlevé et tué

Le 26 octobre 2019, la dépouille de Souleymane Ouedraogo, directeur d’une école primaire de Pobé-Mengao, dans la province du Soum, a été découverte dans le village de Rounga, commune de Ouindigui, province du Loroum. D’après un communiqué du gouvernement, « de retour d’une conférence pédagogique des enseignants, tenue à Djibo, [Ouedraogo] a été enlevé le vendredi 25 octobre 2019 par un groupe d’individus armés, aux environs de 14 heures ».[46] Un membre de la milice d’autodéfense Kogleweogo à Ouindigui a expliqué avoir vu le corps d’Ouedraogo :

Nous avons entendu des coups de feu la veille au soir, vers 18 heures, et nous avons attendu jusqu’au lendemain matin. Une partie de la population nous a envoyé un message pour que nous venions... Alors on est allés au village de Rounga, une vingtaine de membres de la milice Kogleweogo. ... Nous avons vu le corps à deux mètres de la voie, sur la place du marché de Rounga. On lui avait tiré une balle dans la tête. Il était couché sur le ventre... toute une partie de sa tête avait été enlevée.[47]

Avril 2019 (Centre-Est) : Cinq enseignants tués dans une école

L’attaque d’enseignants la plus meurtrière s’est produite le 26 avril 2019 dans le village de Maytagou, province de Koulpélogo, lorsque des hommes armés ont tué par balles cinq enseignants de l’école primaire publique. Parmi les victimes figuraient le directeur et deux enseignants—Désiré Bancé, Dieudonné Sandwidi et Pakiemdan Sabdano—ainsi qu’Alassane Yougbaré et Hamad Bouda, deux enseignants du Centre à passerelle (centre de réinsertion des enfants dans le système éducatif), dont les cours avaient lieu dans une des salles de classe.[48] Un témoin a déclaré qu’un sixième enseignant avait été épargné afin de servir de « messager et de dire à tout le monde au Burkina qu’[ils] ne veulent pas qu’on enseigne le français ».[49]

Le témoin a précisé qu’une dizaine d’hommes armés étaient arrivés à moto en fin d’après-midi, alors que les élèves étaient encore en classe. Ils portaient une tenue militaire, et le visage de certains était couvert d’un turban. Ils parlaient le français, le mooré et le fulfuldé. Les enseignants ont tenté de s’enfuir, mais ils se sont fait prendre, et les agresseurs ont tiré des coups de feu en l’air en signe d’avertissement.[50] Le témoin a expliqué :

Quand ils sont arrivés, certains élèves se sont enfuis, mais les djihadistes ont rassemblé d’autres élèves pour les amener dans les classes... Il y avait une cinquantaine d’élèves, âgés de 6 à 16 ans. ... L’un des enseignants, M. Yougbaré... puisqu’il [résistait], ils l’ont laissé tomber [dans la cour de l’école] et lui ont tiré dessus trois fois–à la tête, au ventre et à la cuisse. Il était le premier à être tué. ... [Les assaillants] ont rassemblé des papiers, des documents, des vêtements, et ils ont mis le feu à tout ça dans le magasin... Puis ils ont ordonné aux autres enseignants de faire sortir leurs motos et de les leur donner. ... Ils ont dit : « Vous n’avez pas entendu que nous avions dit à la population qu’on ne voulait pas que vous enseigniez le français ? ... Vous n’avez pas suivi la télévision ou la radio ? » ...
 
Ils ont emmené le directeur et deux enseignants en face du magasin... Ils ont pris M. Bouda à part en face du bâtiment où se trouvaient les classes des CP1, CP2 et CE1. Un [assaillant] s’est mis à tirer sur M. Bouda. Il a tiré trois coups, et à chaque tir, il disait « Allahu Akbar ». Puis trois autres ont commencé de tirer sur le directeur et les deux enseignants—ils leur ont également tiré dessus trois fois, à la tête, au ventre et à la cuisse, toujours en disant « Allahu Akbar ». ... Quand ils ont tué M. Bouda, c’était devant des salles de classe où se trouvaient des élèves. Certains regardaient. Les plus petits pleuraient.[51]

Un parent d’élève a déclaré :

Le lendemain matin, je suis allé à l’école et j’ai trouvé cinq corps à même le sol... Ils avaient reçu des balles dans la tête et dans le corps. Mon fils [de 8 ans] et les enfants de mon frère [7 et 13 ans] avaient été à l’école ce jour-là... Les enfants étaient traumatisés... L’école a fermé, et ils n’ont pas pu achever leur scolarité.[52]

Avril 2019 (Sahel) : Trois hommes chargés de la construction d’une école tués

Le 19 avril 2019, des hommes armés ont tué trois hommes qui construisaient des logements d’enseignants pour l’école primaire du village de Djika, commune d’Arbinda, province du Soum.[53] Un villageois qui était chez lui, à quelque 300 mètres de là, dit avoir vu entre 20 et 30 hommes armés pénétrer dans l’école. « Ils ont trouvé trois personnes dans l’école et ils les ont tuées. Il s’agissait d’un entrepreneur de 26 ans et de deux maçons âgés de 35 et 32 ans », a-t-il déclaré. « Le lendemain matin, à 6 heures, je suis allé à l’école et j’ai vu les corps. Ils avaient tous reçu des balles dans la tête. ... J’ai aussi vu qu’ils avaient incendié le hangar de l’école, forcé les portes, et mis le feu aux tables-bancs et aux bureaux des enseignants. »[54]

Mars 2019 (Sahel) : Deux instituteurs enlevés et tués

Le 19 mars 2019, les corps décapités de deux instituteurs, Judicaël Ouedraogo et Al-Hassane Cheickna Sana, ont été découverts sur la voie près de Koutougou, dans la province du Soum. Ces enseignants avaient été enlevés le 11 mars alors qu’ils se rendaient à moto de Kongoussi, dans la région du Centre-Nord, à Djibo, dans la région du Sahel, où ils travaillaient.[55] Ouedraogo avait précédemment enseigné dans une école primaire d’une localité de la commune de Djibo jusqu’à fin 2018, avant de travailler pour la Circonscription de l’Éducation de Base Djibo 2.[56]

Un membre de la milice d’autodéfense Kogleweogo à Koutougou a décrit la découverte de ces corps sur la route :

Le 18 mars, vers 18 heures, j’ai entendu des coups vers le CSPS [centre de santé] de Koutougou, qui est à peu près à 800 mètres de la sortie du village. J’ai pensé que c’étaient les FDS qui tiraient, mais le lendemain entre 6 et 7 heures du matin... nous avons vu juste à côté du CSPS deux corps inconnus couchés sur la voie. Ils avaient été égorgés—ils avaient enlevé les têtes et les avaient posées sur le dos de chaque corps. Tous les deux étaient positionnés visage au sol, les mains attachées par un turban derrière le dos, et les pieds attachés aussi.[57]

Un autre résident de Koutougou, qui a apporté son aide lors de l’enterrement, a commenté : « Ils avaient leur carte d’identité sur eux... C’est comme ça qu’on a appris qu’il étaient des enseignants. »[58]

Rigobert Ouedraogo, le père de Judicaël, a affirmé :

[Judicaël] avait 28 ans et il avait beaucoup d’ambition. Il voulait continuer ses études... Il devait bientôt se marier, et il laisse derrière lui une fillette de 18 mois... Je crois qu’ils sont tombés dans une embuscade destinée à un autre véhicule... Mais il avait sa carte d’identité, son ordinateur, des papiers qui montraient sa profession... S’il n’avait pas été instituteur ou n’avait pas travaillé pour l’État, peut-être qu’ils l’auraient laissé partir. Après l’attaque, de nombreux enseignants ont fui la zone.[59]

Un enseignant de la localité de Djibo a déclaré : « Après, toutes les écoles de la province du Soum ont fermé pendant deux mois. J’étais à Djibo quand j’ai appris la nouvelle, et puis j’ai pris un bus pour Ouagadougou... Je n’en suis pas reparti. »[60]

Novembre 2017 (Nord) : Trois professeurs ciblés par des tirs, l’un d’entre eux tué

Le soir du 26 novembre 2017, des hommes armés ont attaqué les résidences de plusieurs professeurs de lycée à Kain, province du Yatenga, tuant Souleymane Koumaya, professeur de français et d’histoire-géographie, et blessant deux autres enseignants. L’attaque a provoqué la fuite de fonctionnaires locaux et la fermeture de plusieurs établissements scolaires.[61]

Des témoins de l’attaque et un représentant du lycée ont déclaré que le motif restait inconnu mais qu’ils soupçonnaient des islamistes armés, principalement parce que la ville se situe tout près de zones maliennes où une présence des groupes armés islamistes était bien établie. Un témoin a indiqué :

Vers 22h15, j’ai vu quelques professeurs discuter devant chez eux. Souleymane était à l’intérieur, il préparait ses cours. Soudain, il y a eu un bruit de moto… des tirs ont éclaté, les hommes armés ont tiré sur la maison des enseignants, les vitres se sont brisées. Ils sont entrés dans la maison, tuant Souleymane et blessant deux autres hommes. En repartant, les hommes armés ont volé deux motos.[62]

Mars 2017 (Sahel) : Un directeur d’école tué

Le premier meurtre d’instituteur à avoir été signalé au Burkina Faso s’est produit le 3 mars 2017 dans la province du Soum. Des islamistes armés présumés ont tué par balle Salifou Badini, le directeur de l’école primaire de Kourfayel, ainsi qu’un autre villageois, Hamadoum Tamboura.[63] Un témoin a déclaré :

Je prenais le thé chez un ami, à 100 mètres de l’école, quand nous avons entendu des coups de fusil. ... [Les élèves] étaient sortis pour la récréation. ... Certains élèves jouaient dans la cour... J’ai vu deux hommes armés enturbannés entrer dans la cour de l’école à moto. Ils ont tiré des coups de feu en l’air et se sont dirigés vers le directeur. ... Badini était un ami de mon ami. Tamboura était un parent d’élève—je le connaissais, il avait deux enfants à l’école. ... Ils prenaient le thé chez Badini, à une cinquantaine de mètres de l’école. ... [Les assaillants] lui ont tiré dessus en premier, puis sur Tamboura. ... Ils ont proclamé [en arabe] « La illaha illallah » avant de tirer cinq ou six fois dans le bas-ventre.[64]

Enlèvements et agressions

Human Rights Watch a documenté neuf attaques lors desquelles 17 enseignants, directeurs d’écoles, proviseurs ou employés d’établissements scolaires ont été enlevés ou agressés par des islamistes armés présumés entre 2018 et 2020. Huit individus ont été sévèrement battus ; au moins sept ont été attachés, enchaînés ou ont eu les yeux bandés. Sept ont été enlevés pour une période allant d’un jour à deux mois. Huit attaques se sont produites dans le périmètre des écoles ; un directeur a été enlevé sur la route.

Dans six de ces cas, les assaillants ont également endommagé ou détruit des infrastructures scolaires ou des matériels pédagogiques. Quatre attaques ont été perpétrées devant des élèves. Dans la quasi-totalité des cas, des hommes armés ont menacé les professionnels de l’éducation en leur ordonnant de cesser d’enseigner en français ou de quitter la région.

Janvier 2020 (Est) : Deux enseignants enlevés, dévalisés et battus

En janvier 2020, vers midi, des hommes armés ont fait irruption dans l’école d’un village dans la région de l’Est pendant que les élèves étaient en classe.[65] Les assaillants ont tiré des coups de feu en l’air, effrayant les enfants qui ont commencé à s’enfuir de leur salle. Un enseignant dit avoir vu dix hommes armés dans la cour : « Ils avaient des Kalachnikovs [fusils d’assaut], et certains étaient en kaki, comme les uniformes de police... Certains étaient enturbannés. »[66] Les hommes ont capturé deux enseignants, les ont dépouillés de leurs biens et ont pillé l’école, emportant motos, téléphones, argent, sacs, et quelques sacs à dos que les enfants avaient abandonnés.[67] Un enseignant a déclaré :

Ils m’ont intercepté... Un [assaillant] s’est approché et a dit en fulfuldé : « Il faut l’égorger. » Mais un autre a dit : « Emmène-le. » Alors il a enlevé son turban et s’en est servi pour m’attacher les mains derrière le dos. ... Il y avait un hangar entre deux des bâtiments de l’école, et ils l’ont incendié. ... L’un d’eux a prélevé l’essence d’un moto-tricycle et l’a jeté dans ma classe, sur mes papiers, et y a mis le feu.
 
Après avoir allumé ces incendies, ils nous ont dit de monter sur leurs motos. Chacun d’entre nous était encadré de deux types. ... En route, nous nous sommes arrêtés et ils m’ont bandé les yeux. Puis nous avons continué et nous nous sommes arrêtés une seconde fois, dans la brousse. ... Ils ont demandé, « C’est quel type d’enseignement que vous donnez aux élèves, français ou arabe ? »... Ils ont commencé à frapper [mon collègue] d’abord, puis moi. ... Je n’y voyais rien, parce que j’avais toujours les yeux bandés, mais ils ont utilisé un type de fouet... les coups nous ont frappés au dos. ... Ils ont dit : « Vous saviez que nous ne voulions pas que vous fassiez cours ici, et vous avez quand même osé continuer... Vous nous avez défiés. » Ils ont dit que s’ils revenaient et qu’ils nous prenaient une deuxième fois, ce serait pour nous enlever la tête.[68]

Le second enseignant nous a livré un récit similaire. « Ils m’ont battu avec un fouet, dix coups sur le dos. ... Ça me fait mal, même maintenant », a-t-il déclaré en février.[69] L’attaque a entraîné la fermeture de plusieurs établissements scolaires dans la région.

Décembre 2019 (Boucle du Mouhoun) : Deux employés d’une école menacés, l’un d’entre eux battu

Les fenêtres et portes incendiées d’une école villageoise dans la commune de Tougan, région de la Boucle du Mouhoun, Burkina Faso, suite à une attaque lancée par des hommes armés la nuit du 10 décembre 2019. Les assaillants ont menacé, attaché et battu le gardien de l’école ; menacé un administrateur de l’établissement ; et mis le feu à des documents et des livres à l’intérieur de l’école. « L’un [des agresseurs] a dit : ‘Sous le pouvoir de Roch Kaboré [le président], il n’y aura pas d’école’ », a déclaré l’administrateur.   © 2019 Privé

Lors d’une attaque visant une école villageoise de la commune de Tougan, province du Sourou, le soir du 10 décembre 2019, des hommes armés auraient battu le gardien de l’école, menacé un administrateur chez lui et mis le feu dans certains endroits de l’école.[70]

L’administrateur a déclaré avoir vu une vingtaine d’hommes armés arriver à l’école, vêtus d’une tenue militaire et munis de talkie-walkies ; le visage de certains était couvert d’un turban. Il a expliqué :

Ils ont cassé la porte [de ma maison]... et sont entrés. ... Ils m’ont demandé où se trouvaient les enseignants. J’ai dit qu’ils logeaient dans le village, mais que je ne savais pas où exactement. ... Ils m’ont demandé s’il y avait un magasin où on stocke les vivres. ... Ils m’ont fait ouvrir la porte [du bâtiment administratif]... mais il n’y avait presque rien dans le magasin, seulement deux sacs du riz...
 
Dans mon bureau... ils ont rassemblé tous les livres et les documents dans un tas par terre, versé un bidon d’essence, et l’ont allumé. Après ils ont mis le feu dans le magasin et dans [un autre] bureau. ... Ils m'ont dit de dire aux enseignants qu'ils ne voulaient voir personne enseigner là-bas. ... L’un d’eux a dit : « Sous le pouvoir de Roch Marc Christian Kaboré [le président], il n’y aura pas d’école. »
Le plafond, les fenêtres et les portes incendiés d’une école villageoise de la commune de Tougan, région de la Boucle du Mouhoun, au Burkina Faso, suite à une attaque lancée par des hommes armés le 10 décembre 2019 au soir. © 2019 Privé

Alors que les hommes le forçaient à sortir, l’administrateur a remarqué que le gardien « était ligoté, avec les mains derrière le dos ». Avant que le groupe ne reparte, il les a entendus battre le gardien.[71] Trois mois plus tard, l’école restait fermée, la plupart de ses 383 élèves se trouvant toujours dans le village.[72]

Novembre 2019 (Boucle du Mouhoun) : Un proviseur enlevé

Fin novembre 2019, des hommes armés ont enlevé le proviseur du lycée du village de Biron, dans la commune de Bourasso, province de la Kossi. Une institutrice de l’école primaire de Biron a signalé que des hommes armés à moto s’étaient introduits dans les deux établissements scolaires du village le jour de l’enlèvement, provoquant la fuite d’élèves et d’enseignants. Le proviseur aurait été enlevé alors qu’il se rendait à son domicile à pied, et libéré quelques jours plus tard à Koudougou, à quelque 160 kilomètres de là. « Le mardi suivant [à son retour à Biron], je lui ai parlé, mais... il ne pouvait pas répondre. ... Il semblait traumatisé », a expliqué l’enseignant.[73]

Octobre 2019 (Sahel) : Deux instituteurs agressés et des écoles incendiées

Un soir d’octobre 2019, lors d’attaques dans l’enceinte de deux écoles primaires villageoises dans la province du Yagha, deux instituteurs ont été immobilisés et l’un d’entre eux a été battu.[74] Une dizaine d’hommes armés ont surpris le premier instituteur à son domicile dans l’enceinte scolaire à 23h30. Les hommes l’ont menacé de mort, ont allumé plusieurs incendies et ont volé les téléphones et motos des enseignants. L’instituteur a raconté :

Ils ont pris mes bras [et] m’ont attaché les bras derrière le dos, avec une corde. ... [Ils] sont entrés dans la maison et ont rassemblé mes biens—des documents scolaires, mon diplôme, mes vêtements, tout... et y ont mis le feu. ...Ils ont également incendié les logements des deux autres enseignants... Ils m’ont demandé, est-ce que je continuais d’enseigner le français ou non ? Je leur ai dit oui, et ils m’ont dit qu’ils voulaient que je n’enseigne que l’arabe... ils ont dit qu’il fallait que je me convertisse pour devenir musulman. ... Quand ils avaient fini de tout brûler, ils m’ont libéré et sont partis. Depuis, l’école est fermée.[75]

Dans le second établissement, vers minuit, les assaillants ont trouvé l’enseignant en train de dormir dans une salle de classe, l’école ne disposant pas de logements pour son personnel. L’enseignant a déclaré :

J’ai entendu le bruit de motos dehors... Ils m’ont ordonné de sortir en montrant les mains... Ils étaient une dizaine, lourdement armés—même les policiers que j’ai vus n’ont pas ce type d’armes ! Ils avaient des ceintures avec beaucoup de balles, des lance-roquettes, des Kalachnikovs, des couteaux. Un [d’entre eux] avait même trois fusils... Ils m’ont attrapé les bras et les ont enchaînés derrière mon dos avec la chaîne de la porte. Ils sont entrés en disant : « On va te tuer, mais d’abord, on va voir ce qu’il y a dans la maison »... Je me suis dit : « Aujourd’hui, c’est la fin de mes jours. » ... Ils ont tout pris—ma moto, mes sacs, mes portables, mes vêtements, les vivres, tout—et puis ils ont rassemblé tous les documents dans la salle de classe et y ont mis le feu.
 
Ils m’ont dit d’aller m’asseoir... et le chef s’est approché... ils savaient que j’étais musulman... Ils ont dit que j’avais pris un mauvais chemin, et qu’au lieu d’enseigner le français, je devrais enseigner en arabe. ... Ils ont dit... que puisque j’avais demandé au nom de Dieu, ils ne m’égorgeraient pas—mais me frapperaient de dix coups de fouet. Mais s’ils me revoient dans cette école, ou dans une autre école, ils me tueront. Ils ont pris les fils des plaques solairesun [d’entre eux] m’a frappé dix fois, et un autre a pris la relève en me frappant une onzième fois, mais un autre a bloqué sa main en disant : « Laisse maintenant. »[76]

Le directeur d’école, absent le jour de l’attaque, a noté que l’école avait fermé le lendemain en raison de « la peur et la psychose ».[77]

Avril 2019 (Est) : Trois instituteurs enlevés

Le 19 avril 2019, trois instituteurs d’une école primaire villageoise de la commune de Partiaga, province de la Tapoa, auraient été enlevés et détenus pendant trois jours.[78] Un représentant d’un syndicat d’enseignants de Partiaga qui avait enquêté sur l’incident a décrit les faits :

Vers 17 heures, les djihadistes sont arrivés à l’école primaire. ... Ils ont rassemblé trois [instituteurs]... et les ont emmenés à moto dans la brousse. Certains élèves ont vu ce qui s’est passé... [Les enseignants] ont passé trois jours et deux nuits avec les djihadistes… On leur a volé leurs motos, leurs vêtements, leurs bouteilles de gaz et leurs téléphones. ... Au retour, quand [les islamistes armés] les ont déposés encore à l’école, ils les ont fouettés. ... Après cela, nous avons suspendu toutes les activités [scolaires] à Partiaga pendant un mois.[79]

Novembre 2018 (Nord) : Cinq employés d’un collège passés à tabac

Dans l’après-midi du 12 novembre 2018, des hommes armés se sont infiltrés dans un collège d’enseignement général (CEG) du village de Toulfé, dans la commune de Titao, province du Loroum. Ils sont arrivés alors que les enseignants et les collégiens étaient en cours, ont forcé cinq employés de l’établissement—le directeur, deux administrateurs et deux enseignants—à sortir de leurs salles de classe et de leurs bureaux, en les réprimandant et en les battant. Les assaillants parlaient fulfuldé et français. Un survivant a raconté :

On vivait déjà dans la psychose—on savait qu’un jour ou l’autre, les djihadistes arriveraient, alors les élèves regardaient constamment par la fenêtre. Ils ont vu quand les hommes sont arrivés ce jour-là. Les enfants se sont mis à crier, à sauter par les fenêtres de leur classe, à courir... Un [assaillant] a pointé son arme sur moi—il portait un AK47 [Kalachnikov] et une tenue militaire burkinabè. Il était masqué, mais il a enlevé son turban avant de parler. Il a dit qu’il faisait partie du groupe Ansaroul Islam, et qu’il était là pour le djihad. Il a dit... qu’ils avaient déjà demandé de ne plus enseigner le français, donc pourquoi est-ce qu’on continuait d’enseigner le français ? ...
 
Il a sorti de sa poche un papier, un message, et nous a demandé de le transmettre aux autorités burkinabè. ... Le message disait qu’ils ne veulent plus de l’enseignement français dans les provinces du Soum et du Loroum. ...
 
Ils ont sorti un type de fouet ou de ceinture... Ils nous ont battus chacun à notre tour, très fort... Tout le monde a été battu, de nous cinq. Après, il y a eu des traces, et j’avais mal en me couchant. ... Certains élèves de 4ème n’ont pas eu le temps de s’enfuir—les djihadistes leur avaient dit de se coucher rapidement ou ils tireraient, donc ils étaient toujours là quand ils nous frappaient. ...Ils pleuraient.[80]

Avant de partir, les hommes ont mis le feu à l’un des bureaux du collège. Un parent d’élève arrivé sur place peu de temps après a commenté : « À l’école, nous avons trouvé les incendies qui brûlaient toujours. Nous avons trouvé les enseignants qui avaient été frappés, certains si gravement qu’ils ne pouvaient parler... Ils étaient sous le choc. »[81] Le collège est resté fermé après l’attaque.

Lors d’une attaque lancée en novembre 2018 contre un collège d’enseignement général (CEG) du village de Toulfé, dans la région du Nord au Burkina Faso, des hommes armés sont arrivés alors que les élèves se trouvaient en cours, ont passé à tabac cinq employés du collège et incendié un bureau. Les hommes armés ont remis aux victimes une note à « transmettre aux autorités burkinabè », a précisé un survivant. On peut y lire, en français : « Ansaroul Islam interdit [l’]école dans la province du Soum et dans la province de Loroum. Après cette avertissement, si on trouve un enseignant [en train d’]enseigner on va le tué. Démocratie barré. »   © 2018 Privé

Mai 2018 (Centre-Nord) : Un directeur d’école agressé, sa résidence incendiée

En mai 2018, des hommes armés ont attaqué le directeur d’une école primaire villageoise, dans l’enceinte de l’établissement, situé dans la province du Sanmatenga.[82] Deux autres enseignants se sont enfuis.[83] Le directeur a déclaré :

Il était environ 15 heures un mercredi, qui est une demi-journée, alors nous avions déjà libéré les élèves à midi. ... Je préparais mes cours pour le lendemain [quand] ils m’ont surpris à la résidence, qui est également mon bureau. ... Je suis sorti, et ai découvert six hommes armés sur trois motos. Ils avaient des armes de guerre—des Kalachnikovs, je pense, avec des ceintures de balles. Ils portaient un turban et une tenue militaire, et ils avaient un drapeau noir avec l’écriture blanche en arabe. ...
 
Je suis musulman, alors j’ai commencé à réciter des sourates du Coran. … Ils m’ont bandé les yeux et m’ont fait coucher par terre... L’un d’eux m’a donné un coup de pied à la tête... Ils ont demandé où était mon argent, la clé de ma moto, mes téléphones. ... Ils ont dit : « Toi, tu as le savoir du Coran, pourquoi tu ne l’as pas utilisé pour enseigner ? » ... Ils m’ont dit d’arrêter d’enseigner le français, et qu’ils ne voulaient plus me voir à l’école. ... Ils ont mis le feu à ma maison. Après que les motos sont parties, je suis resté sur le sol pendant deux heures... Quand je me suis relevé, j’ai trouvé tout calciné—il n’y avait plus rien dans la maison.[84]

Après l’attaque, l’école a fermé, et ses 303 élèves n’ont pas pu terminer leur année. Elle a rouvert fin 2018 mais a dû refermer ses portes début 2019 à cause de l’insécurité. [85]

Avril 2018 (Sahel) : Un enseignant enlevé et détenu pendant deux mois

Le 12 avril 2018, Issouf Souabo, enseignant dans le village de Bouro, commune de Nassoumbou, province du Soum, a été enlevé dans l’école par six hommes armés, lors d’une attaque qui a également entraîné la mort de l’élève Sana Sakinatou, tuée par balle alors qu’elle n’était pas ciblée.[86] L’État islamique dans le Grand Sahara a revendiqué l’enlèvement le 17 avril, en faisant savoir aux médias que Souabo avait été ciblé car il faisait cours en français.[87]

Plusieurs sources, dont deux témoins, ont décrit ce qui s’était passé à Human Rights Watch. Un témoin a ainsi raconté : « Vers 16 heures, alors que les enfants étaient en classe, environ cinq hommes armés sont arrivés dans l’école. Ils ont tiré une série de coups de feu en l’air—tout le monde s’est mis à courir dans tous les sens. ... [Souabo] n’a pas pu s’échapper—il a été emmené de force par les assaillants… ils sont partis en direction du Nord. »[88] Un autre a déclaré : « Nous avons entendu des coups de feu dehors, et les enfants ont commencé à crier et à courir. ... [Les hommes armés] ont attrapé [Souabo]... Ils ont dit qu’ils avaient ordonné aux enseignants de quitter la zone, mais qu’ils étaient restés, et c’est pourquoi ils étaient venus. »[89]

Les assaillants ont forcé Souabo à les mener jusqu’à chez lui, lui ont dérobé ses biens, et l’ont emmené à moto vers un lieu inconnu où il est resté les yeux bandés et les bras attachés derrière le dos pendant près de deux mois. Ils l’ont libéré en juin 2018, mais il a subi une souffrance physique de longue durée du fait de l’attaque. Il n’enseigne plus.[90]

Menaces et mesures d’intimidation

Dans des dizaines d’autres cas documentés par Human Rights Watch, des islamistes armés présumés ont menacé, harcelé et intimidé des professionnels de l’éducation pour qu’ils cessent de faire cours en français ou qu’ils quittent la localité. Ces cas se sont produits lorsque les individus se sont fait intercepter sur la route lors de déplacements, à leur domicile, lors de diatribes lancées par des hommes armés aux populations villageoises, et dans les écoles lors d’attaques ou de visites menaçantes. Les cas d’enseignants menacés en présence de leurs élèves lors d’attaques d’écoles sont décrits dans la section V.

Détentions sur la route

Outre les quatre cas ci-dessus d’enseignants enlevés sur la route et tués, Human Rights Watch a documenté trois cas où des professionnels de l’éducation ont été détenus et menacés par des hommes armés sur la route. Deux se sont déroulés en mai 2019 dans les régions de l’Est et du Centre-Nord.[91] En décembre 2018, des hommes armés ont détenu un enseignant dans la région du Centre-Nord sur la route entre Bollé et Pissila. Cet enseignant a déclaré :

Ils étaient trois hommes—enturbannés avec des foulards noirs, masqués. Je ne voyais que les yeux... Ils m’ont demandé si j’étais enseignant. Je tremblais et je suais. J’ai dit non, que je suis un commerçant.... Ils m’ont dit de me mettre à genoux et je me suis dit : « Voilà, c’est le jour de ma mort. » Mais après une minute de silence... ils ont dit : « Tu as de la chance de ne pas être un étudiant, sinon on allait venir ramasser ta carcasse ici. » Puis ils m’ont laissé partir.[92]

Visites de résidences

Des douilles jonchent le sol après une attaque lancée par des hommes armés contre le domicile de l’inspecteur chef de la circonscription d’éducation de base à Tankougounadié, dans la région du Sahel au Burkina Faso, fin octobre 2019. L’inspecteur ne se trouvait pas chez lui lors de cette attaque. « Nous pensons que sa maison a été spécifiquement ciblée », a déclaré le Secrétaire général du Syndicat national des encadreurs pédagogiques du premier degré (SNEP/PD).   © 2019 SNEP/PD

Dans plusieurs cas, des hommes armés se sont rendus au domicile de professionnels de l’éducation pour proférer des menaces ou commettre des attaques. Le soir du 19 avril 2019, dans la commune de Déou, située dans la province d’Oudalan dans la région du Sahel, des hommes armés ont rendu visite à un professeur de lycée à son domicile. Celui-ci a raconté : « Ils m’ont dit : ‘Nous vous connaissons très bien, nous savons où vous habitez, et nous voulons que vous cessiez d’enseigner. On vous donne 72 heures pour quitter la localité.’ » Il a quitté la ville quelques jours plus tard.[93]

Fin octobre 2019, dans la commune de Tankougounadié, située dans la province du Yagha qui fait partie de la région du Sahel, des hommes armés sont arrivés et ont tiré des coups de feu en direction de la maison de l’inspecteur chef de la circonscription d’éducation de base, qui dormait ailleurs. « Nous pensons que sa maison a été spécifiquement ciblée », a déclaré le secrétaire-général d’un syndicat de professionnels de l’éducation.[94]

Menaces devant des villageois

Début avril 2019, un groupe d’islamistes armés présumés s’est rendu dans les villages de Goenega et de Yatenga, dans la commune de Barsalogho, région du Centre-Nord. Dans les deux villages, ils ont convoqué les villageois au marché afin d’y prononcer une diatribe, faisant part de leur mécontentement face à l’enseignement français. Un enseignant qui a assisté à l’incident a déclaré :

Vers 17 heures le vendredi... environ 17 hommes sont arrivés à moto. Ils étaient enturbannés, avec la tenue qui ressemblait à celle des militaires ou des policiers… Ils étaient lourdement armés, avec des lance-roquettes, des Kalachnikovs, des balles chargeurs. ... Les armes que j’ai vues devant moi ce jour-là, je n’en avais jamais vu de ma vie, sauf à la télévision. Ils ont encerclé le marché... Ils ont dit qu’ils étaient venus promouvoir l’Islam, et qu’ils n’étaient pas d’accord avec l’enseignement en français... Ils ont déclaré que les enseignants avaient 72 heures pour partir ou enseigner l’Islam ; sinon, s’ils revenaient et qu’ils les trouvent en train d’enseigner autre chose que l’Islam, ils « savent ce qui leur arriverait ».[95]

Les enseignants des deux villages ont fui peu de temps après. [96]

IV. Attaques et exactions visant des élèves

Des dizaines de cas documentés par Human Rights Watch montrent que des groupes armés islamistes ont menacé, intimidé et harcelé des élèves, afin de les forcer à abandonner leur scolarité. Dans plusieurs cas, aussi bien dans l’enceinte de l’établissement scolaire qu’en dehors, des agresseurs ont brûlé les livres, les documents, ou les cahiers des élèves devant eux. Human Rights Watch n’a pas relevé de cas d’enfants délibérément ciblés par la violence lors des attaques d’écoles. En effet, de nombreux professionnels de l’éducation, parents d’élèves et experts de la sécurité ont déclaré à Human Rights Watch que les élèves n’étaient « pas la cible » des groupes armés islamistes.[97] Néanmoins, en 2019, au moins deux élèves ont été blessés ou tués par des balles perdues lors d’attaques perpétrées contre des écoles ou à proximité. Des élèves ont aussi été tués lors de plusieurs attaques en dehors de l’école, même si les motifs de ces meurtres sont inconnus.

Des élèves tués et blessés lors d’attaques

Janvier 2020 (Boucle du Mouhoun) : Sept élèves tués lors d’une attaque à l’EEI

La plus grave attaque qui ait affecté des élèves s’est produite le 4 janvier 2020 dans la province du Sourou. Alors qu’un convoi de trois cars de transport public roulait sur la route reliant les villes de Toéni et Tougan, l’un des cars a percuté un engin explosif improvisé (EEI), tuant 14 personnes à bord, dont 7 élèves. Au moins 19 autres ont été blessées dans l’explosion, dont plusieurs élèves. Le convoi transportait 160 passagers, dont un grand nombre d’élèves. Personne n’a revendiqué cette attaque. [98]

En décembre 2018, des menaces et des attaques de la part d’islamistes armés visant des écoles de Toéni avaient entraîné leur fermeture, ce qui a poussé des centaines d’élèves à s’inscrire dans des établissements à Tougan et ailleurs. Le jour de l’attaque, les élèves du convoi retournaient à leurs écoles situées à Tougan ou dans d’autre villes, après avoir passé leurs vacances auprès de leurs familles à Toéni.[99]

Un élève de 16 ans montre son genou blessé en février 2020. Cet adolescent a été blessé lors d’une attaque à l’engin explosif improvisé (EEI) qui visait un convoi de cars de transport public dans la région de la Boucle du Mouhoun, au Burkina Faso, et qui a fait 14 morts, dont 7 élèves, le 4 janvier 2020. « J’ai été jeté dans les airs. ... J’ai été blessé au genou et à la main. J’ai vu mes camarades restés [morts] dans le car. »   © 2020 Lauren Seibert/Human Rights Watch

Un enseignant qui connaissait cinq des sept élèves tués a déclaré :

Jacqueline Djerma, âgée de 17 ans, était en [classe de] 3ème à Dédougou... Elle était bonne en cours, elle participait beaucoup. Sirina Sawadogo, 19 ans—elle faisait sa Terminale à Ouagadougou. C’est une fille qui adorait la littérature... Welhore Sidibe avait 22 ans ; elle était en première année à l’université de Koudougou. Harouna Djerma, 23 ans, était en Première à Bobo[-Dioulasso]. Ousmane Koussoubé, 13 ans, poursuivait sa 5ème à Tougan.[100]

L’enseignant a précisé qu’un sixième élève, Issaka Teri, avait été victime de cette attaque et que le septième corps, dont on présumait qu’il s’agissait aussi d’un élève, n’avait pas été identifié.[101]

Un lycéen de 22 ans, blessé lors de cette attaque, a commenté : « J’étais en haut du véhicule, sur le toit avec les bagages. ... J’ai entendu un gros bruit, et je me suis retrouvé en l’air. ... Quand j’ai repris connaissance, je me suis retrouvé sous les affaires en bas... Il y avait de la poussière noire mélangée à de la fumée... J’ai été blessé au pied et à la tête. »[102] Son ami Harouna faisait partie des élèves tués : « C’était un homme très gentil, courtois, quelqu’un qui faisait rire à chaque fois... Ça m’a touché au point que je ne peux même pas dormir », a-t-il déclaré.[103]

Un élève de 16 ans qui se trouvait aussi en haut du car a affirmé : « J’ai été jeté dans les airs. Le car a été coupé en deux, et il est tombé... J’ai été blessé au genou et à la main. J’ai vu mes camarades restés [morts] dans le car. »[104]

Des fonctionnaires et des professionnels de l’éducation locaux avaient des avis divergents sur la question de savoir si les élèves avaient été la cible de l’attaque. Un fonctionnaire local a ainsi affirmé que la route était souvent empruntée par des véhicules militaires, qui auraient pu être la cible.[105]

Cependant, plusieurs professionnels de l’éducation locaux estiment que les élèves étaient bel et bien visés. « Ils devaient savoir que les élèves rentraient tous de vacances—ils ont choisi d’attaquer juste au moment où les élèves revenaient à l’école », a précisé un représentant régional de la Coalition Nationale pour l’Éducation Pour Tous (CNEPT/BF). « De mon point de vue, c’était intentionnel. »[106]

L’enseignant qui connaissait cinq des élèves tués a souligné que plusieurs élèves dans le convoi avaient été interceptés et harcelés par des islamistes armés en décembre, alors qu’ils se rendaient de Tougan à Toéni—ce qui indiquait, d’après lui, que les islamistes armés savaient que les élèves reviendraient :

Cette fois-ci, la cible était les élèves, pas l’armée ! [Les islamistes armés] avaient dit plusieurs fois aux enfants de ne pas aller à l’école, ils les avaient retenus et ils étaient prêts à tout pour les dissuader. ... Les djihadistes ont spécifiquement piégé la voie parce qu’ils savaient que ces cars [de transport] venaient prendre les élèves... La gendarmerie prenait souvent cette route, mais étant donné que [l’attaque] a eu lieu juste après le passage des cars vides [qui allaient récupérer les élèves], il me semble évident qu’ils visaient ces cars dont ils savaient qu’ils seraient pleins d’élèves.[107]

Avril 2019 (Boucle du Mouhoun) : Un élève blessé lors d’une attaque près d’une école

Le 2 avril 2019, lors d’une attaque perpétrée par des assaillants armés contre la gendarmerie de Gomboro, province du Sourou, une balle perdue a pénétré dans l’école primaire B, à environ 200 mètres. Cette balle a blessé l’élève Judicäel Tao, âgé de 10 ou 11 ans. Le directeur de l’école a déclaré : « Il était autour des 8 heures du matin et nous étions en classe. Les tirs ont commencé et, effrayé, chacun a cherché à se sauver. ... Les élèves couraient par ci, par là. ... [Tao] courait dans la cour de l’école quand il a reçu une balle à la cheville... Après, je suis allé le voir à l’hôpital. »[108] Tao s’est remis de sa blessure, mais l’école est restée fermée.[109]

Avril 2018 (Sahel) : Une élève tuée lors d’une attaque dans une école

Sana Sakinatou, élève de primaire âgée d’environ 14 ans, a été tuée par une balle perdue lors d’une attaque dans une école du village de Bouro, province du Soum, en avril 2018.[110] Un témoin a déclaré : « Vers 16 heures, alors que les enfants étaient en classe, environ cinq hommes armés sont arrivés dans l’école. Ils ont tiré une série de coups de feu en l’air—tout le monde s’est mis à courir dans tous les sens. Dans la panique, la confusion, une élève de CM2 a reçu une balle. »[111]

Intimidation et harcèlement d’élèves

Lors d’une attaque perpétrée le 9 janvier 2020 contre une école primaire du village de Touodjamoanli, commune de Logobou, région de l’Est, des hommes armés ont menacé des élèves et ont détruit leurs possessions. Un témoin a déclaré :

J’ai vu cinq hommes arriver sur deux motos… Ils ont réuni les élèves des trois classes dans une seule salle. Ils sont ensuite rentrés et ont parlé aux élèves... J’ai appris plus tard qu’ils avaient dit que l’enseignement qu’ils recevaient à l’école n’était pas « un enseignement de qualité »... [et] qu’ils étaient là... « pour tout brûler ». ... Ils ont ordonné à tous les élèves de mettre leurs sacs, leurs livres, leurs cahiers et leurs documents sur un grand tas dans la cour. Ils ont aussi demandé aux enseignants de mettre leurs documents sur ce tas. Puis ils ont versé un bidon d’essence et y ont mis le feu.[112]

En décembre 2019, des islamistes armés ont intercepté plusieurs groupes d’élèves qui se rendaient de Tougan à Toéni pour les vacances scolaires.[113] Un élève de 16 ans a raconté :

Nous étions dans un groupe de quatre, à vélo. Les djihadistes nous ont arrêtés—ils étaient cinq, sur trois motos. ... Ils étaient tous armés avec des fusils... Ils ont saisi nos sacs à dos et en ont sorti les cahiers, et ils ont dit : « Il faut bien regarder ! » Et puis ils ont brûlé nos cahiers... J’avais peur. Je pensais, est-ce qu’ils vont nous laisser ?[114]

L’établissement dans lequel cet élève avait d’abord été scolarisé à Toéni avait fermé à cause des menaces proférées par les islamistes armés contre les écoles de la région ; il avait donc été contraint d’aller vivre à Tougan pour poursuivre sa scolarité. Après que ses cahiers avaient été incendiés, une attaque par EEI l’a blessé et a détruit le vélo qu’il utilisait pour se rendre en classe. Ces différents déboires ont commencé à se faire sentir : « S’ils ne trouvent pas une solution... on risque d’abandonner [l’école]. »[115]

Le 29 mai 2019, tard dans la soirée, des hommes armés ont attaqué le lycée de Kassoum, dans la région de la Boucle du Mouhoun. Découvrant des lycéens qui travaillaient tard en vue de leurs examens finaux, les assaillants auraient demandé où étaient les enseignants, réuni et brûlé les cahiers et papiers d’identité des élèves, et incendié le magasin de vivres du lycée.[116]

 

 

V. Attaques visant des écoles

Les attaques d’écoles au Burkina Faso sont allées de visites ou « descentes » menaçantes—lors desquelles des groupes armés islamistes ont ordonné la fermeture de l’école, et dans bien des cas ont tiré des coups de feu en l’air pour intimider les enseignants et les élèves—à un déchaînement de violence, de pillages et de destruction. Des assaillants ont incendié des salles de classe, des bureaux et des logements d’enseignants ; tiré des coups en direction des fenêtres, des portes, des murs et des toits d’écoles ; utilisé des explosifs pour détruire des bâtiments scolaires ; brûlé des archives scolaires, des matériels pédagogiques et des cahiers d’élèves ; volé, endommagé ou détruit des biens appartenant à des enseignants ; et pillé les magasins de vivres.

De nombreuses attaques d’écoles se sont produites dans des écoles qui continuaient de fonctionner, tant pendant les heures de cours en présence d’élèves et d’enseignants qu’en dehors de ces horaires. Cependant, les assaillants ont également endommagé et pillé des écoles qui étaient fermées, soit pour les vacances, soit à cause de l’insécurité.

Ces attaques se sont étendues géographiquement et se sont aussi multipliées chaque année depuis les premières attaques de 2017, qui se concentraient alors essentiellement dans la région du Sahel, au nord du pays. Human Rights Watch a documenté les incendies de deux écoles, une attaque violente dans une école, et six autres descentes menaçantes dans des écoles de la région du Sahel en 2017. Les médias ont aussi signalé qu’au moins cinq autres établissements scolaires avaient été incendiés, et d’autres attaques sont susceptibles de ne pas avoir été déclarées.

Entre 2017 et 2020, les attaques d’écoles ont fortement augmenté, au point de toucher au moins huit régions. Cinq régions ont subi la majorité des attaques—les régions du Sahel, du Nord, de l’Est, du Centre-Nord et de la Boucle du Mouhoun—tandis que quelques autres attaques et menaces se seraient produites dans les régions du Centre-Est, des Hauts-Bassins et du Centre-Sud.

Human Rights Watch a documenté 25 attaques d’écoles en 2018, dont 17 lors desquelles des infrastructures ou des matériels scolaires ont été endommagés ; et 57 attaques d’écoles en 2019, dont 50 ont provoqué des dégâts, des destructions ou des pillages.

De janvier à mars 2020, Human Rights Watch a documenté 16 attaques d’écoles, dont au moins 15 ont fait des dégâts. Des dizaines d’autres attaques d’écoles ont été signalées, mais Human Rights Watch n’a pas été en mesure de les vérifier.

Dans un rapport publié en octobre 2019, le ministère de l’Éducation a attribué les dégâts causés à au moins 157 établissements scolaires sur une période non spécifiée à des attaques ou des incendies déclenchés par des groupes armés.[117]

Des tables-blancs incendiées dans une école primaire publique désormais abandonnée, dans le village de Minima, commune de Zimtenga, région du Centre-Nord au Burkina Faso, le 13 juin 2019. Des islamistes armés présumés ont attaqué l’école le 2 mai 2019. « Ils ont frappé aux portes des logements des enseignants mais n’ont trouvé personne », a déclaré le directeur de l’établissement, Noufou Yampa. À l’école, ils ont incendié des documents pédagogiques, « pris les vivres, arraché les fils des panneaux solaires, et brûlé les tables-bancs ».   © 2019 Noufou Yampa
 
Des documents pédagogiques calcinés (à gauche) et une porte endommagée (à droit) à l’école primaire du village de Minima, dans la région du Centre-Nord, Burkina Faso, après une attaque lancée par des islamistes armés le 2 mai 2019.   © 2019 Noufou Yampa
 
Les portes de l’école primaire du village de Minima, dans la région du Centre-Nord, au Burkina Faso, ont été endommagées lors d’une attaque lancée en mai 2019 par des islamistes armés, qui ont également volé des vivres et incendié des tables-bancs et des documents pédagogiques. 13 juin 2019.  © 2019 Noufou Yampa

Attaques pendant les heures de cours

Des élèves étaient présents lors d’au moins 31 des attaques d’écoles documentées par Human Rights Watch entre janvier 2017 et mars 2020. Parmi elles, des élèves ont assisté au meurtre ou au passage à tabac d’enseignants lors d’au moins 6 attaques (voir la section III) ; et des élèves ont été directement menacés ou tués dans au moins 10 cas (voir la section IV).

Les attaques d’écoles en présence d’enfants sont particulièrement effroyables, les élèves risquant fort d’être blessés ou tués, et du fait de la peur extrême, de la panique et des conséquences psychologiques à long terme qu’elles entraînent. De nombreux élèves ont raconté à Human Rights Watch combien ils s’étaient sentis terrorisés dans ces moments et après-coup, tandis que des enseignants et des témoins ont décrit des scènes d’élèves criant et pleurant, courant et trébuchant, sautant par la fenêtre ou escaladant des murs pour échapper aux intrus armés.[118]

Janvier 2020 (Est) : Cinq écoles attaquées

Du 9 au 11 janvier 2020, des islamistes armés présumés ont attaqué au moins cinq écoles de quatre villages de la commune de Logobou, province de la Tapoa.[119] Dans les villages de Moridéni, Touodjamoanli et Diabonli, des hommes armés ont incendié deux écoles, menacé des enseignants et des élèves, volé des motos et des téléphones et pillé des cantines.[120] Dans le village de Nagaré, des hommes armés ont menacé des enseignants et mis feu à leurs documents et bureaux. Un enseignant, décrivant cinq hommes arrivés à moto, a raconté :

Il était 10 heures du matin, j’étais en train de corriger un devoir [en classe]… J’ai senti un mouvement parmi les élèves, alors je me suis retourné pour leur demander quel était le problème. J’ai regardé par la fenêtre et ai aperçu un homme enturbanné, on ne voyait que ses yeux, avec un Kalachnikov... Les élèves se sont tous mis à sortir en courant en même temps... À la porte, un homme a émis trois tirs en haut, en ordonnant aux élèves de ne pas fuir, mais ils ont continué de courir.[121]

Les hommes armés ont capturé deux enseignants, leur ont pris leurs téléphones, leurs sacs et les clés de leurs motos, et les ont menacés. « Ils ont expliqué qu’ils étaient des djihadistes. Ils ont déclaré que dans plusieurs localités, ils avaient déjà dit de ne plus faire cours, mais ils avaient appris que depuis l’année dernière, nous avions continué les cours », a affirmé l’enseignant. « Ils ont dit que s’ils reviennent trouver quelqu’un dans l’école en train d’enseigner, ils allaient égorger tout le monde. » En février, l’école restait fermée.[122]

Octobre 2019 (Boucle du Mouhoun) : Deux écoles attaquées

Des assaillants ont incendié des documents pédagogiques et deux logements d’enseignants, pillé le magasin de vivres et endommagé les tables-bancs de l’école du village de Soumakuy, commune de Sanaba, dans la région de la Boucle du Mouhoun au Burkina Faso, la nuit du 12 février 2020. © 2020 SYNATEB

Dans la matinée du 20 octobre 2019, des hommes armés se sont introduits dans deux écoles primaires publiques des villages de Donon et Niassari, commune de Bï, province du Sourou. « Les élèves se trouvaient là. Ils leur ont dit de rentrer chez eux », a affirmé un professionnel de l’éducation d’un village voisin. Ce même professionnel de l’éducation a expliqué ce qui s’était passé à l’école de Niassari :

Ils ont appelé l’enseignant par son nom, l’ont fait s’agenouiller et lui ont demandé si dans le magasin il y avait des vivres. Il a dit non, sur-le-champ un d’entre eux a chargé son Kalachnikov, mais de loin un autre s’est opposé à sa mort, en disant qu’il sera un messager. Ils ont forcé le magasin, ramassé les vivres, et brûlé [le bâtiment de] l’administration et le magasin. ...Ils lui ont dit d’informer sa hiérarchie qu’il n’y aurait pas de cours dans la province du Sourou.[123]

Avril 2019 (Centre-Nord) : Attaque contre un lycée

Le 15 avril 2019, en fin de journée, des hommes armés sont arrivés au Lycée Privé de Nebkieta, un établissement situé à Pissila, province du Sanmatenga. Alors que les lycéens et les professeurs prenaient la fuite, les hommes armés ont menacé un administrateur et fait détoner un EEI, endommageant ainsi des équipements de l’établissement. L’administrateur a décrit ce qui s’était produit après qu’il avait vu sept hommes armés arriver à moto :

La plupart des élèves venaient de finir leurs cours et s’en allaient... Certains ont croisé les djihadistes qui arrivaient par la route. D’autres se trouvaient dans la cour, et d’autres n’avaient pas encore quitté leur salle de classe—ils ont entendu d’autres élèves crier et se sont enfuis en courant... Ils se sont mis à escalader les murs pour s’échapper—les professeurs aussi. J’ai essayé de courir jusqu’à mon bureau, mais ils m’ont dit que si je continuais de courir, ils m’abattraient.
 
L’un d’eux m’a demandé si j’étais enseignant ou élève... Je n’ai pas répondu. ... Il m’a visé avec son arme et m’a dit : « Un enfant, qui que ce soit, fille ou garçon, s’il a 12 ans seulement, c’est le Coran qu’il devrait apprendre, et pas le français. » ... Le deuxième type a fait descendre le drapeau national et l’a piétiné. Ils sont ensuite entrés dans le bâtiment de l’administration, ont pris nos téléphones et le sac de la secrétaire...
 
Devant le bâtiment de l’administration, il y a une salle informatique où les élèves suivent des cours. Ils sont entrés dans cette salle et ont déposé un explosif artisanal sur la table d’un ordinateur. ... J’ai entendu une explosion, BOUM... J’ai eu trop peur.[124]

Personne n’a été blessé dans cette attaque. Le fondateur de l’école a déclaré : « Cinq ordinateurs ont été endommagés, deux tables abîmées, le plafond s’est effondré et le choc a fait se briser les vitres. »[125] L’établissement, qui comptait environ 700 lycéens, est resté fermé pendant l’année scolaire 2019-2020.[126]

Un gendarme tient un fragment d’engin explosif improvisé (EEI), détoné lors d’une attaque lancée le 15 avril 2019 contre le Lycée Privé de Nebkieta à Pissila, dans la région du Centre-Nord au Burkina Faso. L’explosion a endommagé des ordinateurs, brisé des fenêtres et fait s’effondrer le plafond de la salle informatique.   © 2019 Joseph Ouedraogo
 
Une attaque à l’EEI lancée le 15 avril 2019 a endommagé des ordinateurs, brisé des fenêtres et fait s’effondrer le plafond de la salle informatique du Lycée Privé de Nebkieta à Pissila, région du Centre-Nord. Le lycée reste fermé pendant l’année scolaire 2019-2020.   © 2019 Joseph Ouedraogo

Avril 2018 (Sahel) : Attaque contre un collège

Le 5 avril 2018, vers 11 heures du matin, entre quatre et six hommes armés ont attaqué le collège d’enseignement général (CEG) du village de Béléhédé, dans la commune de Tongomayel, province du Soum. Tandis que des hommes montaient la garde depuis la route, d’autres sont entrés dans la cour de l’établissement en tirant des coups de feu en l’air. Alors que les collégiens et les professeurs prenaient la fuite, les hommes ont tiré en direction du bâtiment ; incendié un bureau, des documents administratifs et des cahiers d’élèves ; et endommagé la moto du directeur.[127]

Un collégien qui avait environ 14 ans au moment de l’attaque a déclaré : « Ils ont croisé quelques élèves dehors qui partaient et leur ont dit de retourner au collège... Quand les élèves ont refusé, ils ont tiré un coup de feu... Nous nous sommes enfuis pour nous sauver. »[128] En raison de cette attaque, les collégiens n’ont pas pu terminer leur année scolaire. L’établissement est resté fermé en 2019 et 2020.[129]

Des descentes menaçantes pendant les cours

Human Rights Watch a documenté 20 cas lors desquels des islamistes armés présumés sont entrés dans des établissements scolaires pendant les heures de cours pour proférer des menaces et ordonner des fermetures d’écoles. L’arrivée d’hommes lourdement armés a terrorisé de nombreux élèves, certains d’entre eux ayant déclaré à Human Rights Watch qu’ils croyaient qu’on allait les tuer. Les cas documentés se sont déroulés dans les régions du Centre-Nord, du Sahel, du Nord et de la Boucle du Mouhoun.[130]

En mars et avril 2019, des islamistes armés ont fait deux incursions dans des écoles de Namissiguima, région du Centre-Nord, pendant les heures de cours.[131] Un employé d’une école a ainsi décrit l’incident du mois de mars :

Il était environ midi... Je quittais tout juste l’administration, et il y avait des élèves qui étaient toujours en classe. J’ai vu quatre personnes arriver sur deux motos... armées de Kalachnikovs... Ils ont demandé : « Où sont les enseignants ? »... J’ai répondu que je ne savais pas... Ils sont entrés dans la classe et ont posé la même question aux élèves... Ils ont attrapé un élève, qui leur a dit que les enseignants étaient partis. Ils ont tiré des coups de feu en l’air et demandé que l’on dise aux enseignants que la prochaine fois qu’ils trouveront des gens ici, ils les tueront... Ce soir-là, j’ai fait mon sac et je suis parti.[132]

Une écolière de 13 ans, vivant à Gorel, dans la commune d’Arbinda, région du Sahel, a affirmé que des islamistes armés étaient venus dans son école primaire en mars 2019 : « Ils sont arrivés au moment où nous étions en composition... J’étais là, en classe... J’ai vu sept, ils étaient enturbannés et armés... Je pensais qu’ils allaient me tuer, donc j’ai couru. ... Puis après nous sommes partis, ils ont parlé avec les maîtres. Nous regardons à côté... ils ont dit : ‘Si nous revenons [encore], nous allons tuer les enseignants.’ »[133]

L’ancien directeur d’une école villageoise de la commune de Bourzanga, région du Centre-Nord, a décrit une incursion dans son école vers 10h45 le 7 février 2019 : « Ils étaient 14, tous armés à feu... De nombreux élèves ont commencé à partir par les fenêtres, mais certains sont restés... Ils m’ont transmis leur message : l’école des Blancs ne les intéressait pas. Ce qu’ils voulaient, c’était l’enseignement coranique. »[134]

En novembre 2018, des islamistes armés sont arrivés dans un CEG au village de Poughkijibawo, dans la commune de Kelbo, région du Sahel. « Tout le monde courait ensemble, professeurs et élèves », a raconté un témoin. Une professeure, qui était enceinte, est tombée en tentant de s’enfuir.[135] Un administrateur de l’établissement a observé : « Avant de partir, [les islamistes armés] ont attrapé [un autre administrateur] et lui ont ordonné de transmettre leur message: s’ils revenaient et qu’ils trouvent qui que ce soit, ils les tueraient. »[136]

Dans le village de Silgadji, commune de Tongomayel, région du Sahel, des islamistes armés ont perturbé le fonctionnement d’établissements scolaires au moins trois fois en 2017 et 2018, d’après cinq élèves.[137] Une élève de 14 ans a décrit un incident qui s’était produit en octobre 2017 : « J’étais en classe, j’écrivais la leçon de grammaire. Nous avons entendu le bruit de leurs motos. ...puis on courait, on criait... j’avais peur, tellement peur... Je les ai vus, ils ont mis des choses, comme des masques, sur leurs visages—tu ne pouvais pas les voir sauf les yeux... Ils avaient des fusils... Nous, avec le professeur, chacun a couru pour se sauver. Notre maîtresse... elle était enceinte, et elle est tombée. Elle a perdu le bébé après. » Cette élève a précisé que son enseignante lui avait par la suite expliqué que ces hommes « ne veulent plus voir les élèves et enseignants à l’école ».[138]

D’autres écoles détruites, endommagées et pillées

Un grand nombre d’autres écoles ont été attaquées la nuit ou après avoir fermé leurs portes pour les vacances ou en raison de l’insécurité. Par exemple, en décembre 2018, des assaillants s’en sont pris à l’école primaire de Djibo Secteur 6 (région du Sahel) un soir vers 19 heures, d’après un résident. Le lendemain, celui-ci s’est rendu à l’école pour constater les dégâts : « Nous avons vu des cartouches partout... Ils avaient tiré sur les portes et les fenêtres... Devant l’école, ils avaient brûlé tous les documents et papiers qu’ils avaient trouvés dans les salles de classe. » L’école restait fermée, affectant quelque 200 élèves.[139]

Un homme tient des douilles trouvées dans une école primaire publique de la ville de Boron, commune de Dédougou, dans la région de la Boucle du Mouhoun au Burkina Faso. Le 20 janvier 2020, dans la soirée, des assaillants sont entrés dans l’école, ont tenté de forcer les portes et les fenêtres et ont tiré des coups de feu en direction de la résidence du directeur.   © 2020 SYNATEB

En juillet 2019, des islamistes armés présumés ont attaqué l’école primaire, qui avait déjà fermé, du village de Goenega, commune de Barsalogho, région du Centre-Nord. Un villageois a décrit la scène : « Toute l’école était endommagée, brûlée... Les fenêtres, les portes, les murs tellement gâtés qu’ils étaient irréparables... Ils avaient tiré des coups de feu en direction du bâtiment, brûlé des documents et des tables-bancs, vidé le magasin, mis le feu à l’intérieur de la maison du directeur, et gâté les logements des enseignants. »[140] Un ancien enseignant a précisé : « Elle a été si détruite qu’on ne parle même plus de l’école. »[141]

Dans certains cas, des élèves et des enseignants ont pris la fuite juste avant l’arrivée des assaillants. C’est ce qui s’est produit lors d’une attaque perpétrée le 29 avril 2019 vers 16h45 dans le village de Sillaléba, commune de Nasséré, région du Centre-Nord, d’après un instituteur. Le lendemain, l’instituteur a découvert que les assaillants avaient démarré des incendies dans trois salles de classe, endommagé cinq motos et volé trois motos et un ordinateur. « Nous sommes revenus pour essayer d’éteindre le feu, parce que les tables-bancs brûlaient toujours—mais je n’ai pas pu sauver un seul document de classe », a-t-il déclaré. « Toutes les archives, les cahiers des élèves, mes documents—tout est resté dans le feu. C’était terrible. »[142]

Des écoles endommagées par des explosifs

Human Rights Watch a documenté quatre cas lors desquels les assaillants—dont des témoins présument qu’il s’agissait d’islamistes armés—ont fait détoner des explosifs dans des écoles, ainsi qu’un cinquième incident lors duquel un engin explosif n’a pas détoné. Deux de ces incidents sont documentés ailleurs dans ce rapport.[143]

Le 31 janvier 2019, des assaillants ont fait exploser le bâtiment administratif de l’école primaire publique de Djibo Secteur 5.[144] Un résident local a déclaré : « Cela s’est passé vers 18 ou 19 heures. J’étais chez moi… et on a entendu une explosion... [Le lendemain], j’y suis allé et j’ai vu que tout le toit était clairement parti, les tôles étaient posées par terre. La maison était clairement déchirée... [Les assaillants avaient] pris les vivres et, après, dynamité le bâtiment, situé 50 mètres derrière ma maison. » L’école qui, d’après les estimations, comptait quelque 120 ou 140 élèves, restait fermée.[145]

En mars 2019, dans la même localité, des assaillants ont dynamité une école franco-arabe privée,[146] qui comptait entre 90 et 100 élèves âgés de 8 à 10 ans.[147] Un résident vivant à proximité a commenté :

Vers 18h30, quatre motos sont arrivées à côté de mon domicile, se remorquant deux-deux. Ils étaient enturbannés, en tenue militaire, avec des fusils, et ils tenaient des sacs à dos... À 19h30, j’ai entendu une détonation... on entendait des bruits de motos qui revenaient... quand ils passaient, ils disaient « Allahu Akbar »... [Le lendemain matin], j’étais sur les lieux ; le bâtiment a été totalement détruit. Les tôles et plafonds étaient sur les tables-bancs.[148]

Dans le village de Béléhédé, région du Sahel, une école primaire a été endommagée par un explosif le 20 novembre 2018. Un résident local a déclaré :

J’étais chez moi... Ils ont commencé de tirer à 21 heures, alors nous n’avons pas pu dormir... Ils ont passé trois heures dans l’école... Vers minuit, ils ont explosé le magasin de l’école. ... Ma maison se trouvait à une centaine de mètres de l’école, donc on a clairement entendu. ... Ils ont aussi incendié le bureau du directeur et tous les matériels dans l’école, et ils ont pris tous les vivres.[149]

Les ruines du bâtiment administratif d’une école primaire publique de Djibo, dans la région du Sahel au Burkina Faso, suite à une attaque à l’explosif lancée par des islamistes armés présumés le 31 janvier 2019. « J’y suis allé et j’ai vu que tout le toit était clairement parti, les tôles étaient posées par terre. La maison était clairement déchirée », a déclaré un résident local. Depuis, l’école reste fermée. © 2019 Minute.BF

 

Une école franco-arabe privée détruite par des explosifs en mars 2019 à Djibo, dans la région du Sahel au Burkina Faso. Un résident local a déclaré avoir vu des hommes armés passer devant l’école avant et après la détonation en proclamant « Allahu Akbar » (« Dieu est grand »). « Le bâtiment a été totalement détruit. Les tôles et plafonds étaient sur les tables-bancs », a déclaré le résident. L’école, qui comptait entre 90 et 100 élèves, reste fermée. © 2019 Privé

Messages de menaces

En octobre 2018, des instituteurs de l’école primaire A de Solhan, dans la région burkinabè du Sahel, un trouvé un message rédigé à moitié en arabe, à moitié en français à peine lisible. Un enseignant en a donné une traduction approximative : « Les élèves, faites attention parce que si on vient, on ne sait pas qui est élève et qui est enseignant. On va tous vous tuer. » © 2018 Privé

Human Rights Watch a documenté trois cas lors desquels des établissements scolaires ont reçu des messages de menaces, deux d’entre eux non signés.

En mars 2019, dans une école du village de Tébéré, commune de Pissila, région du Centre-Nord, les enseignants ont trouvé un message en arabe sur un papier, écrit au Bic rouge, d’après un fonctionnaire local. « Il disait quelque chose comme ‘nous allons revenir vous tuer’ », a-t-il précisé. « Rapidement les enseignants ont quitté les lieux. »[150]

En février 2019, des professeurs du Lycée Provincial de Kongoussi, région du Centre-Nord, ont trouvé contre le mur de l’école une note en français tapée à la machine : « Je suis le chef de [file] djihadiste El-Djibril Sy. Je vous donne un bref délai de 72h pour enseigner l’arabe dans cet établissement ... ou arrêter complètement les cours [;] sinon la suite vous le connaissez déjà. »[151]

En février 2019, des professeurs du lycée provincial de Kongoussi, dans la région du Centre-Nord au Burkina Faso, ont trouvé une note dactylographiée en français fixée au mur de l’école. Ce message menaçant et décousu indiquait notamment : « Je suis le chef de file [sic] djihadiste El-Djibril Sy. Je vous donne un bref délai de 72h pour enseigner l’arabe dans cet établissement ... ou arrêter complètement les cours [;] sinon la suite vous le connaissez déjà. » © 2019 Privé

En octobre 2018, des instituteurs de l’école primaire A de Solhan, région du Sahel, ont trouvé un message rédigé à moitié en arabe, à moitié en français à peine lisible. Un enseignant a donné une traduction approximative de ce message : « Les élèves, faites attention parce que si on vient, on ne sait pas qui est élève et qui est enseignant. On va tous vous tuer. »[152]

 

 

VI. Utilisation d’écoles à des fins militaires

Human Rights Watch a documenté l’utilisation d’au moins 10 écoles par les Forces de défense et de sécurité (FDS) burkinabè en tant que bases militaires temporaires en 2019. Il s’agissait de neuf écoles dans la région du Centre-Nord et d’une dans la région du Sahel. Les FDS ont occupé sept écoles pour des durées allant d’un jour à plusieurs mois, tandis que trois ont été occupées pendant six mois à un an, d’après des résidents, des professionnels de l’éducation, et des fonctionnaires locaux.

Au moins quatre écoles ont été attaquées par des groupes armés islamistes pendant ou après leur occupation militaire. Human Rights Watch a aussi documenté six cas lors desquels des groupes armés islamistes auraient brièvement utilisé ou occupé des écoles vacantes, une dans la région du Sahel et cinq dans celle du Centre-Nord.

L’utilisation d’une école à des fins militaires peut empêcher les enfants de reprendre leur scolarité, et peut entraîner des dommages des infrastructures éducatives, soit à cause du comportement des soldats à l’intérieur de l’école, soit parce que l’école devient ainsi une cible pour les attaques ennemies. Et même une fois que l’occupation cesse, l’école peut rester dangereuse pour les enfants si les troupes y ont laissé des munitions inutilisées.

La Déclaration sur la sécurité dans les écoles (voir Annexe IV) et les « Lignes directrices pour la protection des écoles et des universités contre l’utilisation militaire durant les conflits armés » (« Lignes directrices » ; voir Annexe V), que le Burkina Faso a avalisées en 2017, prient les parties à un conflit armé « de ne pas utiliser les écoles... pour quelque raison que ce soit à l’appui de leur effort militaire », tout en reconnaissant que certaines utilisations—notamment quand les forces de sécurité n’ont « aucune alternative viable »—ne seraient pas contraires à la loi du conflit armé.[153] Le Conseil de sécurité de l’ONU a engagé tous les États membres à prendre des mesures concrètes pour empêcher l’utilisation des écoles à des fins militaires,[154] et le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine a appelé tous ses États membres à « s’assurer que les écoles ne soient pas... utilisées à des fins militaires ».[155]

Dans huit cas documentés, les personnes interrogées ont déclaré que les forces armées burkinabè occupaient des écoles qui avaient déjà fermé en raison de l’insécurité, et que, par conséquent, aucun n’élève n’y était plus scolarisé. Human Rights Watch n’a pas été en mesure de confirmer si une école, qui avait servi de base militaire pendant les vacances, avait précédemment fermé à cause de l’insécurité. Quant au dixième cas, des récits contradictoires ont été recueillis sur le fait que les forces armées aient ou non occupé la cour de l’école pendant un certain temps alors que l’école continuait de fonctionner.

Des témoins ont affirmé que, selon eux, les forces armées restaient campées dans la cour, sans entrer dans les salles de classe, dans trois des écoles utilisées. Des salles de classe auraient servi de casernes pour les forces armées dans au moins cinq écoles. Dans deux cas, les personnes interrogées ne savaient pas quelles parties de l’établissement étaient utilisées.

Dans la quasi-totalité des cas, des résidents locaux ont déclaré à Human Rights Watch que les localités en question avaient désespérément besoin d’être protégées, et qu’un grand nombre d’habitants avaient accueilli favorablement la présence des forces armées.[156] À la mi-2019, les islamistes armés avaient intensifié leurs attaques dans la région du Centre-Nord, poussant des dizaines de milliers d’individus à fuir leur domicile. De nombreuses occupations d’écoles à cette période se sont produites dans le contexte de la réponse militaire appelée « Opération Doofu ».[157]

Dans quatre cas, les personnes interrogées ont déclaré que la localité ne disposait pas des infrastructures nécessaires pour loger les forces armées ailleurs, et que l’école représentait la seule option. Cela semble être conforme aux Lignes directrices, qui prévoient que les écoles abandonnées ou évacuées pendant un conflit armé ne doivent pas être utilisées « sauf dans des circonstances aggravantes », lorsque les forces de sécurité n’ont « aucune alternative viable ».[158]

En mai 2020, le ministère de l'Éducation a indiqué qu’en mars 2020, deux écoles dans la région Centre-Nord étaient occupées à des fins militaires, sans toutefois fournir de détails supplémentaires. Le ministère a noté que « ces établissements occupés étaient déjà fermés pour raisons d'insécurité ».[159]

Alors que le ministère de l'Éducation semble collecter des données sur l'occupation militaire des écoles, des fonctionnaires ont indiqué à Human Rights Watch fin 2019 et début 2020 que le gouvernement n'avait pas encore mis en œuvre un dispositif permettant un suivi détaillé de ces informations. Ils ont ajouté qu’à leur connaissance, il n’existait pas de législation nationale ou de protocoles militaires réglementant l’utilisation d’écoles à des fins militaires.[160] Une fonctionnaire a ainsi affirmé :

Il est vrai que nous l’avons signée [la Déclaration sur la sécurité dans les écoles], mais... en réalité, pour suivre cela [l’occupation militaire des écoles], on a besoin d’un comité interministériel– avec les ministères de la Sécurité, de l’Éducation, de l’Administration territoriale, de l’Action humanitaire, et tout le monde... Nous n’avons pas vraiment encore entrepris d’actions dans ce sens… Mais on y pense.[161]

Le gouvernement burkinabè devrait prendre des mesures concrètes pour dissuader l’utilisation militaire des écoles et encourager l’adoption de pratiques appropriées à tous les niveaux de la chaîne de commandement, notamment en intégrant les « Lignes directrices pour la protection des écoles et des universités contre l’utilisation militaire durant les conflits armés » dans la doctrine militaire, les formations et les ordres opérationnels.[162] L’Annexe VI fournit des exemples de bonnes pratiques appliquées par des pays de l’Union africaine afin de protéger les écoles d’une utilisation militaire.

Utilisation d’écoles par les forces de défense et de sécurité burkinabè

Région du Centre-Nord

Barsalogho

Human Rights Watch a documenté l’occupation militaire de quatre écoles dans des villages de la commune de Barsalogho, province du Sanmatenga : Bangrin, Guenbila,[163] Yantega et Goenega.

Dans le village de Bangrin, d’après un professionnel de l’éducation déplacé et un fonctionnaire local de Barsalogho, les FDS sont arrivées dans l’école primaire publique entre le début et la moitié de l’année 2019, et y sont restées pendant près d’un an.[164] « Quand ils se sont installés là-bas, c’était en urgence pour sécuriser la population », a déclaré le fonctionnaire. « C’est le seul bâtiment administratif du village. »[165] Les récits ont divergé quant à savoir si les forces armées avaient campé dans la cour pendant une courte durée tandis que les élèves continuaient d’aller en classe—avant la fermeture de l’école en raison de l’insécurité autour du mois d’avril 2019—ou si les forces armées étaient arrivées après la fermeture de l’école.[166]

Dans le village de Guenbila, les forces armées ont occupé l’école « continuum » (primaire au post-primaire) pendant environ six semaines à la mi-2019, d’après un villageois. Celui-ci a déclaré qu’après que sa communauté s’était enfuie en juin suite aux attaques de villages voisins, « l’école servait de camp militaire à la saison des pluies, pendant environ 40 de jours, d’août à septembre—ils nous ont informés de leur présence ».[167] Un fonctionnaire de Barsalogho, qui était d’avis que l’école avait été occupée pendant un certain temps sur la période juillet-octobre, a quant à lui affirmé : « Ils se sont servis des salles de classe pour s’abriter, ont fait un grillage... Il n’y avait pas d’autre infrastructure pour les accueillir... Il n’y avait personne à Guenbila. Quand [les forces armées] sont arrivées... certaines personnes ont eu le courage de retourner... Quand elles sont reparties, avant la rentrée scolaire, la population n’est pas restée. La rentrée n’a pas eu lieu. »[168]

Dans le village de Yantega, d’après ce même fonctionnaire, les forces armées ont occupé une école primaire publique pendant plusieurs mois, à partir de juillet ou août jusqu’au mois de novembre 2019. À sa connaissance, les forces militaires dormaient dans les salles de classe et sous des tentes dressées dans la cour, et avaient construit un grillage tout autour de l’école.[169] Human Rights Watch n’a pas pu confirmer si l’école avait fermé à cause de l’insécurité avant les vacances, qui s’étalent de juillet à septembre, mais une grande partie de la population du village aurait fui pendant ces mois à cause des attaques islamistes armées commises dans la zone.[170]

Dans le village de Goenega, d’après un fonctionnaire et un villageois, des membres des forces militaires ont occupé l’école primaire pendant une nuit d’août 2019, avant de continuer à Yantega.[171]

Dablo

Les forces de sécurité ont occupé le Lycée Départemental de Dablo pendant au moins un mois autour du mois d’août 2019, d’après un résident local et un professionnel de l’éducation précédemment basé dans la localité.[172] Chaque jour, « ils faisaient des patrouilles dans les villages voisins de Dablo et revenaient dans leur base, le lycée », a déclaré le résident, qui ignorait quelles parties des établissements avaient été occupées. Toutes les écoles de Dablo sont restées fermées dès février 2020, a-t-il précisé.[173] Avant cela, une attaque lancée en mai 2019 par des islamistes armés contre une église de Dablo avait tué six personnes et provoqué la fuite d’une grande partie de la population.[174]

Pensa

Les forces militaires ont établi des bases dans au moins deux écoles de la commune de Pensa, d’après des résidents locaux et des enseignants, qui ont déclaré que les écoles avaient fermé à cause de l’insécurité et des attaques commises localement avant l’arrivée des forces militaires.[175] À leur arrivée en août 2019, les forces militaires ont construit un grillage et occupé les salles de classe, la cour et les logements des enseignants du Lycée Départemental de Pensa pendant au moins six mois, a précisé un résident local, ajoutant : « Ici à Pensa, il n’y a pas de bâtiments où ces gens puissent loger, à part le lycée. »[176]

En décembre 2019, les forces de sécurité auraient passé environ deux semaines dans un collège public du village de Zinibeogo. « Ils étaient dans la cour seulement, pas dans les salles de classe », a expliqué un villageois. « J’ai vu une cinquantaine de forces militaires. Ils dormaient dehors, sous les arbres, pas dans des tentes. Ils faisaient des patrouilles, allaient et venaient toute la journée. » Il a noté que des membres des forces armées avaient également logé dans le centre de santé local.[177] 

Namissiguima

En août 2019, les forces militaires ont établi une base dans le Lycée Départemental de Namissiguima, province du Sanmatenga, et y sont restées au moins six mois, d’après deux anciens résidents et un fonctionnaire local.[178] Le fonctionnaire a signalé que plus de 600 membres des forces militaires avaient occupé les salles de classe et la cour. « Nous n’avons pas l’infrastructure pour abriter les militaires », a-t-il indiqué. « Le lycée est un peu en dehors de la ville, à environ 1,5 kilomètre. Avec leur équipement, ils ne peuvent pas être dans le centre-ville. Nous avons préféré les loger là-bas. »[179]

Bourzanga

Dans le village de Namssiguia, commune de Bourzanga, province du Bam, les FDS auraient occupé l’école primaire publique Namssiguia A pendant deux à trois semaines en juillet ou août 2019. Un professionnel de l’éducation local a ainsi déclaré : « Je les ai vus—tous les jours ils étaient dans l’école, ils se rendaient dans la brousse et au village pour faire leurs patrouilles... Ils étaient peut-être une centaine dans l’école. Ils ont mis leurs effets dans les salles de classe, et dans la cour. Ils ont occupé toute la cour... ils ont interdit à la population d’y aller. »[180]

Région du Sahel

Tongomayel

Pendant environ une semaine de juin 2019, durant l’Opération Doofu, les forces militaires ont occupé la cour de l’école primaire publique du village de Béléhédé, dans la commune de Tongomayel, province du Soum, d’après deux témoins.[181] Un villageois a estimé qu’au moins cent militaires se trouvaient dans l’école, précisant : « Ils ne sont pas entrés dans le bâtiment de l’école. » Il a noté : « Ils sortaient pour des patrouilles, et quand ils revenaient, ils étaient dans [la cour de] l’école. »[182]

Des écoles attaquées en raison de leur utilisation à des fins militaires

Dans la région du Centre-Nord, des groupes armés islamistes ont attaqué trois écoles occupées par les forces armées, et au moins une après le départ des forces armées, dans ce qui semblerait constituer un acte de représailles. Les attaques ont endommagé plusieurs écoles, qui sont restées fermées ou occupées après l’attaque.

Un professionnel de l’éducation local a ainsi décrit l’attaque perpétrée contre l’école primaire A de Namssiguia :

C’était le jour du départ [des FDS], la nuit-même, quand [des islamistes armés] sont venus attaquer l’école [après le départ des FDS]... Je me trouvais à Namssiguia ce jour-là en août 2019. J’étais à la maison, couché, quand ils sont venus à l’école et ont ouvert le feu vers 22 ou 23 heures... Nous avons entendu des tirs venant de la direction de l’école, à 700 mètres de notre maison... Le lendemain, la gendarmerie est allée faire son constat et a dit à la population que [les islamistes armés] avait placé un explosif dans l’école, mais Dieu merci, il n’a pas explosé.
Le lendemain, quand j’ai eu le courage d’entrer dans la cour de l’école... j’ai vu qu’ils avaient tiré sur le bâtiment. Nous avons vu les cartouches vides par terre et des balles un peu partout... Nous avons vu le logement du directeur et la cuisine percés par les balles... Dans au moins deux salles [de classe], les toits étaient touchés... l’école reste fermée à ce jour.[183]

En janvier 2020, des islamistes armés ont attaqué le détachement militaire qui se trouvait dans le lycée de Pensa, d’après un résident local. « Les terroristes sont arrivés, mais les FDS ont repoussé l’attaque... J’étais [chez moi], au lit, quand nous avons entendu des coups de feu vers 4 ou 6 heures du matin », a-t-il commenté. Un membre des forces militaires a été mortellement blessé. Le témoin ne savait pas si le bâtiment de l’école avait été endommagé.[184]

Le 21 novembre 2019, des islamistes armés présumés ont lancé une attaque contre le détachement militaire présent dans le lycée de Namissiguima, d’après un fonctionnaire local. Un militaire a été tué lors de cette attaque, et le bâtiment de l’école a été endommagé. « Ils ont tiré [des coups de feu] sur plusieurs bâtiments—le bureau des professeurs, les salles de classe », a déclaré le fonctionnaire. « Le bâtiment n’a pas été totalement endommagé, mais il y a eu des fissures. »[185]

Autour du mois de novembre 2019, les forces militaires logeant dans l’école primaire de Yantega ont été ciblées par une attaque, a déclaré un fonctionnaire local. Il a précisé que l’école avait subi des dégâts mineurs ; notamment plusieurs tables-bancs—déplacées jusque sous les tentes militaires—avaient été incendiées pendant l’attaque. Les forces militaires avaient ensuite fermé la base et s’étaient retirées de Yantega.[186]

Utilisation d’écoles par des groupes armés islamistes

Des groupes armés islamistes auraient utilisé au moins six écoles pour de courtes durées, dont une dans la région du Sahel en 2018 et cinq dans la région du Centre-Nord en 2019.

Le 20 décembre 2018, dans le village de Manssifigui (situé dans la commune de Tin-Akoff, province d’Oudalan, région du Sahel), des hommes suspectés d’être des islamistes armés auraient enlevé le conseiller municipal Ismaël Ag Ahmid, âgé de 65 ans. Ils l’auraient emmené dans une école locale où ils l’ont exécuté, d’après un témoin.[187]

Dans la commune de Barsalogho, région du Centre-Nord, des islamistes armés auraient utilisé quatre écoles courant 2019. Après que des islamistes armés avaient menacé la communauté du village de Goenega en avril 2019, un enseignant a déclaré que les villageois lui avaient dit : « Samedi, [les islamistes armés] ont passé la nuit à l’école, et dimanche ils étaient toujours là. »[188] Un fonctionnaire local a signalé que des islamistes armés avaient utilisé trois autres écoles pendant une certaine période entre le milieu et la fin de l’année 2019 : ils passaient la nuit dans l’école primaire de Sago et dans l’école « continuum » de Guenbila, et se servaient de l’espace offert par l’école primaire de Budissin pour préparer la nourriture, a-t-il précisé.[189]

Dans la commune de Zimtenga, région du Centre-Nord, un enseignant de la localité a déclaré que suite à une attaque lancée le 2 mai 2019 contre une école primaire du village de Minima : « Nous avons appris par la suite [par un parent d’élève] que les terroristes avaient pris leur siège dans l’école primaire du village de Nordé [situé non loin de Minima]. Ils y sont allés le soir du 2 mai 2019 et y ont dormi. »[190]

VII. Conséquences néfastes pour des élèves et des enseignants

Les conséquences néfastes des attaques sur des élèves, des enseignants et des écoles vont au-delà des fermetures d’écoles, affectant de nombreux aspects du quotidien des élèves et des enseignants, d’après des professionnels de l’éducation, des parents d’élèves, des travailleurs humanitaires et des chefs communautaires interrogés par Human Rights Watch.

De nombreux élèves qui ont subi des attaques ont connu des traumatismes, ce qui a affecté leurs études et leur qualité de vie, ont indiqué les personnes interrogées. Celles-ci ont constaté que les attaques d’écoles, la peur de nouvelles attaques et la scolarité perturbée avaient eu des répercussions néfastes sur la qualité de l’éducation d’un grand nombre d’élèves, ainsi que sur leurs résultats scolaires. Des professionnels de l’éducation qui ont survécu aux attaques ont fait part de pertes matérielles, de difficultés financières, et de troubles psychosociaux et physiques.[191]

Les enfants qui parcourent de longues distances ou qui vivent loin de chez eux pour pouvoir poursuivre leur scolarité ont été exposés à des risques et ont peiné à payer leurs frais de scolarité, leur logement ou leur nourriture. Les cas de travail d’enfants ont augmenté du fait des fermetures d’écoles. Enfin, les filles peuvent faire l’objet d’un risque accru de mariage précoce, de violence et d’exploitation sexuelle, de grossesses non planifiées et de violence au foyer en raison de leur déscolarisation.[192]

Conséquences psychosociales, physiques et financières pour des enseignants

De nombreux professionnels de l’éducation ont déclaré à Human Rights Watch avoir subi d’importantes pertes financières ou de biens lors d’attaques, telles que des logements incendiés ou des possessions détruites ou volées. D’autres ont fait part de douleurs physiques ou de troubles médicaux continus.[193] « [L’attaque] m’a causé des douleurs et des problèmes physiques jusqu’à présent », a commenté un enseignant.[194]

Des dizaines d’entre eux éprouvaient de l’anxiété, une peur et une panique persistantes, une dépression ou d’autres troubles psychologiques et émotionnels associés à un traumatisme du fait d’attaques.[195] « J’ai des migraines quand j’en parle », a affirmé un enseignant en se rappelant l’attaque dont il avait fait l’objet.[196] « Après ça, je ne pouvais même pas dormir une heure. J’étais vraiment traumatisé », a indiqué un autre.[197]

Human Rights Watch a documenté trois cas lors desquels des enseignantes enceintes ont souffert de complications liées à leurs grossesses, dont deux fausses couches, suite à des attaques visant des écoles. Deux seraient tombées alors qu’elles tentaient de s’échapper lors de l’attaque, tandis qu’une troisième avait souffert de stress.[198]

Dans la plupart des cas documentés par Human Rights Watch, les professionnels de l’éducation qui avaient survécu à une attaque avaient reçu un accompagnement psychosocial limité, voire inexistant, de la part du gouvernement. Ce point est analysé dans la section VIII du présent rapport.

Les enseignants qui se trouvent encore dans des zones non sécurisées ont du mal à faire cours dans un climat de peur et d’incertitude constantes. « On est obligé d’avoir un œil sur sa classe et un œil dehors », a déclaré Souleymane Badiel, le secrétaire général d’une fédération de syndicats nationaux des travailleurs de l’éducation.[199] « En classe on ne peut pas être calme, on ne peut pas se concentrer quand des motos passent », a commenté un enseignant qui a subi une attaque.[200]

Les enseignants d’écoles publiques auraient continué de toucher leur salaire malgré la fermeture de leur établissement, et ont souvent été redéployés, mais de nombreux enseignants d’écoles privées se sont retrouvés sans emploi suite aux attaques et aux fermetures.[201]

Conséquences psychosociales pour des élèves

Des enfants déplacés assis sur le sol poussiéreux dans la banlieue de l’Arrondissement 9 de la capitale du Burkina Faso, Ouagadougou, où vit une communauté de plus de 600 personnes originaires du village de Silgadji, dans la région du Sahel. Sur les 300 enfants que compte cette communauté de personnes déplacées, 145 n’étaient toujours pas scolarisés en février 2020. « Chaque semaine, je fais le tour des écoles, en essayant de leur trouver des places », a affirmé Ali Tapsoba, le chef communautaire. 9 février 2020. © 2020 Lauren Seibert/Human Rights Watch.

Entre 2017 et 2020, des centaines de milliers d’élèves au Burkina Faso ont subi une attaque liée au secteur de l’éducation. Un grand nombre d’entre eux ont été menacés et contraints de regarder leur école ou leurs cahiers mis à feu, et leurs accomplissements  partir en fumée. D’autres ont assisté au passage à tabac ou au meurtre de leurs enseignants. Des parents d’élèves, des enseignants et des experts ont indiqué que ces expériences avaient eu des répercussions psychosociales graves et durables sur les élèves, et en particulier sur les enfants en bas âge.[202]

« Beaucoup de mes élèves étaient traumatisés... ce qu’ils ont vécu, devant leurs propres yeux... voir des gens entrer dans l’école avec des armes et menacer—cela en a poussé, et continuera d’en pousser, beaucoup à abandonner [l’école] », a commenté Frank Belemouisgo, ancien directeur d’une école primaire qui a fermé après que des islamistes armés avaient proféré des menaces. « Il n’y a pas eu de prise en charge psychosociale. ... Un grand nombre d’entre eux ne veulent même plus revoir une école. »[203]

Le chef d’une communauté déplacée de la région du Sahel a déclaré : « Les enfants ont commencé à penser que s’ils allaient à l’école, on les attaquerait. Ils ont peur d’aller à l’école. »[204] Un ancien élève de 26 ans qui avait pris la fuite lorsque son école secondaire avait été attaquée a affirmé : « L’attaque m’a tout dérangé et je ne suis pas retourné [à l’école]. Je n’ai même pas l’intention de reprendre encore. »[205]

Un élève qui a survécu à l’attaque par EEI d’un car de transport a commenté : « Je ne fais rien que penser à ça [l’attaque]... J’ai continué l’école, mais parfois je suis en train de suivre une leçon et je me perds totalement... Parfois je regarde le professeur et ne réussis pas à percevoir ce qu’il dit. Les choses dans la tête me dérangent. »[206] Un enseignant a ainsi décrit un autre élève qui a survécu à la même attaque : « Il est là, mais il n’est pas présent... S’il y a même un petit bruit, il se lève rapidement. »[207]

Retraits des écoles provoqués par un sentiment de peur

En raison d’une peur généralisée que l’école ne soit attaquée, de nombreux parents ont choisi d’en retirer leurs enfants.[208] « Certains parents ne veulent plus envoyer leurs enfants à l’école à cause de ce qu’ils ont vécu. Ils ne veulent pas les exposer », a déclaré un enseignant dont l’établissement avait été attaqué.[209]

Un enseignant qui a été attaqué par des islamistes armés devant ses élèves a observé : « La scolarisation des enfants était déjà difficile. Pour avoir des élèves, il faut tourner, négocier avec les parents... On ne peut pas rouvrir cette année... Étant donné que les enfants ont vu ce qui s’était passé, je doute que les parents les laissent revenir. »[210]

Les établissements scolaires qui ont tenté de rester ouverts ont souvent perdu un grand nombre d’élèves. Par exemple, à la suite d’attaques autour de Matiacoli, région de l’Est, en 2019, le nombre d’élèves du lycée de Matiacoli a chuté de 800 ou 900 à 300, d’après un enseignant.[211]

Baisse de la qualité de l’enseignement et retards scolaires

La fuite de centaines d’enseignants, ainsi que l’omniprésence de la peur dans les écoles de zones affectées par le conflit, ont eu une incidence néfaste sur la qualité de l’enseignement des enfants.

Un enseignant a ainsi commenté : « Je continue d’enseigner, mais il est difficile de se concentrer... tu es obligé de regarder constamment par la fenêtre pour voir s’il y a un danger... Les élèves ont du retard dans le programme à cause des deux mois de fermeture... et l’année dernière, nous n’avons pas pu enseigner certaines matières, parce que quelques enseignants étaient partis. » Il a ajouté qu’à cause de cette peur, de nombreux enseignants ne venaient en cours que de manière sporadique : « Certains font cours pendant une semaine, puis se mettent à l’abri quelque part, puis continuent. »[212]

Un autre enseignant, avant la fermeture de son établissement, avait cessé de faire cours en personne : « J’ai commencé à aller mettre le texte pour les élèves au niveau du tableau le matin avant de m’en aller à la maison. Les élèves pouvaient venir lire le texte et apprendre, parce que c’est moi qu’ils cherchaient, et donc c’était plus prudent si je n’étais pas là. »[213]

Que ce soit du fait des fermetures d’établissements, de la baisse de la qualité de l’enseignement ou d’expériences traumatisantes, des milliers d’élèves accusent un retard dans leur scolarité ou ont échoué à leurs examens.[214]

Après qu’un lycée de Kongoussi avait été menacé en 2019, les lycéens ont été pris de « psychose », a commenté le proviseur : « Chaque fois que deux ou trois personnes passent à moto, ils ont peur... ils ne peuvent plus se concentrer. Le stress est bien plus élevé... De nombreux élèves ne venaient plus, et c’était évident dans nos résultats [aux examens]–certains ont échoué. »[215]

À Pissila, après plusieurs fermetures d’écoles, le gouvernement a envoyé les forces de sécurité protéger les élèves pendant qu’ils passaient leurs examens finaux en juin 2019. Cependant, le fondateur d’une école privée attaquée en avril 2019 a précisé que 80 % de ses élèves avaient échoué à l’examen, probablement parce qu’ils avaient manqué des cours et qu’ils ressentaient une détresse psychosociale. « Psychologiquement, beaucoup sont affectés », a-t-il déclaré. « Pendant les examens, tout le monde avait peur en entendant une moto. »[216]

Une élève du secondaire a affirmé qu’après le passage d’islamistes armés dans son école, elle n’avait pas eu la possibilité de préparer son examen final : « On est partis à l’école, et on [les enseignants] nous a dit qu’il n’y aurait pas de cours... Une ou deux semaines après, on était en classe d’examen... si tu as fait une semaine, ou plus de 14 jours même, sans rien faire, qu’est-ce que tu vas faire le jour de l’examen là ?... Quand les résultats sont sortis, j’avais échoué. »[217]

Accès aux écoles alternatives : risques pour les enfants qui se déplacent et vivent seuls

Quand les écoles ont fermé, des enfants ont perdu tout accès à leur scolarité, tandis que d’autres se sont mis à parcourir au quotidien de longues distances à pied ou à vélo pour fréquenter l’école d’une autre ville, s’exposant ainsi aux dangers de la route. Par exemple, après l’attaque de l’école primaire du village de Minima en mai 2019, le directeur d’école a déclaré que de nombreux élèves s’étaient réinscrits dans la commune de Zimtenga, à huit kilomètres ; d’autres, cependant, ont arrêté l’école plutôt que de parcourir cette longue distance.[218]

En outre, des enseignants et des travailleurs humanitaires ont signalé que des enfants avaient commencé à s’installer dans des villes éloignées afin de se réinscrire dans une école, vivant en groupes dans des logements de location, sans parent ni tuteur.[219] Début 2020, un expert en protection de l’enfance de l’UNICEF a estimé qu’il y avait 700 écoliers non accompagnés à Tougan et 300 à Ouagadougou.[220] Un enseignant a également affirmé avoir observé ce phénomène dans la région de l’Est :

Certains enfants sont partis dans des villes–Partiaga, Fada, Diapaga–sans tuteur, et ils souffrent clairement. Ils louent des maisons à deux ou trois, juste pour pouvoir continuer d’aller en cours... Ils ont des difficultés. Je connais dix à vingt élèves dans ces villes, qui sont en location tout seuls... des enfants…de 11 à 17 ans... Il y a même des enfants plus petits, de CM2 [école primaire].[221]

Dans la région de la Boucle du Mouhoun, après la fermeture de tous les établissements d’enseignement de Toéni, des centaines d’élèves ont emménagé à Tougan ou dans d’autres villes.[222] Un élève de 16 ans a déclaré qu’il lui était difficile de vivre seul avec d’autres élèves : « Il y a le problème de nourriture, on y pense beaucoup », a-t-il commenté, ajoutant qu’ils manquaient souvent d’argent et qu’il n’avait pas payé ses frais de scolarité.[223] Le professeur d’un collège de Tougan a déclaré : « Ces enfants, ils dorment par exemple à 24 dans une maison, sans tuteur. Souvent ils n’ont pas d’électricité—même pas de lampe pour apprendre. »[224]

Des enseignants ont expliqué que les élèves qui se retrouvent dans une telle situation s’exposent à plusieurs dangers, en plus de leurs conditions de vie souvent difficiles. Ainsi, dans la région du Nord, des enseignants ont affirmé à Human Rights Watch que trois collégiennes âgées environ de 17 à 19 ans avaient été agressées sexuellement en 2019 alors qu’elles louaient une maison à Titao. Leur précédente école, à Toulfé, avait fermé suite à une attaque d’enseignants en 2018. « Un type est rentré par effraction et a tenté de les violer », a commenté un enseignant qui aidait les jeunes filles. « Elles sont venues me dire qu’un homme était entré pendant la nuit, et qu’il avait commencé à déshabiller l’une d’entre elles, la plus jeune... Elle a crié et le groupe s’est réveillé... l’homme a fui. »[225]

Travail des enfants à la hausse

Que ce soit pour survivre, pour aider leur famille ou pour régler leurs frais d’inscription dans une nouvelle école, de nombreux enfants ont commencé à travailler après la fermeture des écoles. Des enfants, des enseignants et des parents d’élèves de quatre régions ont déclaré à Human Rights Watch que des élèves déscolarisés s’étaient mis à travailler en tant que vendeurs ambulants, aides-ménagères, fabricants de briques ou orpailleurs dans des mines d’or artisanales.[226]

« J’ai croisé dix de mes élèves [de primaire] à Kaya... Ils vendaient des gâteaux et n’étaient pas à l’école, ni sur un site d’apprentissage temporaire », a commenté un enseignant déplacé à Kaya, région du Centre-Nord.[227]

Le directeur d’un collège qui avait fermé après une attaque a déclaré à Human Rights Watch : « Une jeune fille m’a appelé aujourd’hui, une de mes élèves, qui avait reçu une bourse... Elle est à Ouagadougou pour le travail, pour faire le ménage. Elle a 14 ans... Je connais peut-être 20 filles [dans cette situation]. Parfois, quand je les vois, j’ai envie de pleurer. »[228]

Après la fermeture des écoles, certains garçons ont fini par exercer des travaux dangereux d’enfants, par exemple en travaillant dans des mines d’or artisanales ou en fabriquant des briques.[229] Un ancien élève de 16 ans, qui avait subi une attaque d’école dans la province du Soum, région du Sahel, en 2018, a déclaré qu’il était parti en 2019 avec son plus jeune frère et trois autres garçons, âgés de 13 à 14 ans, pour travailleur comme orpailleur dans une mine d’or :

Après la fermeture de notre école, j’ai essayé d’obtenir une place dans une autre école, mais les frais de scolarité posaient problème... En 2019, je suis allé sur le grand site d’or de Boromo [province des Balé, région de la Boucle du Mouhoun]. Nous avons creusé des trous de plusieurs mètres, mais c’était trop difficile, la pierre était trop dure. L’or ne sortait pas.[230]

Un professionnel de l’éducation de la province du Loroum, région du Nord, a affirmé : « J’ai rencontré des parents qui ont dit que leurs enfants sont allés aux sites aurifèresau moins sept garçons, de 12 à 15 ans. » Il a ajouté que les garçons « avaient été des élèves vraiment excellents » dans son école, avant sa fermeture à cause d’une attaque en 2018.[231]

Un enseignant basé à Kongoussi, région du Centre-Nord—dont l’ancienne école avait fermé en 2019 suite aux menaces reçues par des écoles voisines—a déclaré avoir vu ses anciens élèves, « des garçons qui n’ont que sept ou huit ans », fabriquer des briques à vendre.[232]

Un impact disproportionné sur les filles

Une jeune fille de 15 ans, déplacée du village de Silgadji, région du Sahel, au Burkina Faso, n’a pas été rescolarisée et vend des gâteaux depuis que des islamistes armés ont menacé et fait une descente sur son école en 2018. « Nous n’avons pas terminé l’année scolaire », a-t-elle commenté. « Ici [à Ouagadougou]... il n’y avait pas de places [dans les écoles publiques]. Maintenant, tous les jours, je vends des gâteaux... Je préférerais continuer d’aller à l’école. » Bien que ses parents aient inscrit ses deux petits frères dans une école privée, ils « n’ont pas les moyens pour que nous y allions tous », a-t-elle dit. 9 février 2020.   © 2020 Lauren Seibert/Human Rights Watch.

Au Burkina Faso, certaines normes sociales et formes de discrimination contre les filles dans le secteur éducatif, qui affectaient déjà la fréquentation scolaire et d’autres aspects de la vie des filles, engendrent des risques particuliers pour les filles déscolarisées.[233] « Les écoles constituent au moins un refuge pour les filles contre les mariages et grossesses précoces », a commenté Zoénabou Ouedraogo, secrétaire générale du chapitre burkinabè du Forum for African Women Educationalists (FAWE), organisation non gouvernementale panafricaine qui cherche à promouvoir l’éducation des femmes et des filles.[234]

Guy Andang, spécialiste de l’éducation en situation d’urgence pour l’organisation humanitaire Plan International, a déclaré que lors d’un focus group à Kongoussi, des

jeunes filles déscolarisées et déplacées avaient fait part de leur peur d’un mariage précoce et de ce que leurs parents accordaient la priorité à l’éducation de leurs fils. « Nous leur avons demandé ce qu’elles voulaient, et elles ont dit : d’abord, rentrer chez elles, et ensuite, retourner à l’école », a commenté Andang.[235]

Si les taux d’inscription des filles ont augmenté à l’échelle nationale, certaines régions—notamment les cinq les plus affectées par le conflit—continuent d’accuser du retard. Par conséquent, a précisé Ouedraogo du FAWE, « Si les parents doivent réinsérer leurs enfants [à l’école], leur priorité, c’est les garçons. Parce que déjà avant, la scolarisation des filles n’était pas une priorité dans ces zones ».[236]

Une jeune fille de 15 ans de Silgadji, déplacée à Ouagadougou, a affirmé ne pas être retournée à l’école depuis que des islamistes armés avaient menacé son école en 2018. « J’ai deux petits frères à l’école privée », a-t-elle précisé. « Mes parents n’ont pas les moyens pour que nous y allions tous. »[237]

Les femmes et les filles sont confrontées à des risques élevés de violence sexuelle et de genre durant les conflits armés, et un nombre croissant de cas a été signalé au Burkina Faso en 2019.[238] La violence sexuelle a une incidence sur la capacité des filles à aller à l’école, notamment en raison de la stigmatisation associée au viol, des impacts des viols sur leur santé, ou du manque d’options en matière de garde d’enfants. Les filles déscolarisées courent un risque encore plus élevé de faire l’objet de violences sexuelles, d’être exploitées ou de connaître une grossesse précoce, ont indiqué des activistes de la société civile.[239] L’un des exemples cités est celui d’une élève déplacée à Kaya qui est tombée enceinte alors qu’elle travaillait en tant qu’aide-ménagère, n’ayant pas pu obtenir de place dans une école.[240]

D’après l’UNICEF, le Burkina Faso se classe en cinquième position au niveau mondial en termes de taux de mariage précoce, 52 % des filles étant mariées avant leurs 18 ans.[241] Bien que le gouvernement ait adopté une stratégie nationale pour la période 2016-2025 afin de mettre fin au mariage infantile, le problème persiste.[242] Save the Children, l’UNICEF et des activistes de la société civile burkinabè ont déclaré à Human Rights Watch que les filles faisaient face à un risque accru de mariage précoce dans le contexte d’urgence, les parents considérant qu’il s’agissait là d’une stratégie pour « ‘protéger’ leurs filles ».[243]

Un expert en protection de l’enfance de l’UNICEF a expliqué que si « le mariage des enfants était une pratique qui existait déjà », de nouvelles évaluations rapides révélaient que le risque était « élevé », notamment dans la région du Sahel.[244] Des parents d’élèves et des enseignants de quatre régions (Sahel, Nord, Est et Centre-Nord) ont indiqué que ce risque était le résultat de la fermeture des écoles.[245]

Zoénabou Ouedraogo du FAWE a insisté sur ce risque accru : « Maintenant qu’il n’y pas de classes pour les accueillir, [de nombreux] parents des filles vont aller leur chercher un mari. »[246] Mamounata Sawadogo, activiste dans le secteur de la scolarisation des filles et coordinatrice du FAWE à Kaya, a déclaré qu’au moins trois familles déplacées lui avaient parlé de leur intention de marier leurs filles déscolarisées.[247]

Human Rights Watch a documenté un cas lors duquel une jeune fille a été mariée à l’âge de 17 ans suite à la fermeture forcée de son école par des islamistes armés dans la province du Soum. Elle a précisé que l’attaque avait contribué à sa décision : « Je ne vais plus en cours. Je suis mariée et j’ai un enfant... J’aimais l’école, mais j’en ai peur [maintenant]. »[248]

 

 

VIII. Réponses, lacunes et besoins

Le gouvernement burkinabè a pris des mesures importantes pour répondre aux attaques visant des élèves, des enseignants et des écoles, notamment en avalisant la Déclaration sur la sécurité dans les écoles en 2017. Les pays qui avalisent cette déclaration s’engagent à prendre toute une série de mesures pour renforcer la prévention et la réponse apportée à ces attaques. Il s’agit notamment de collecter des données fiables sur les attaques d’écoles et l’utilisation des écoles à des fins militaires ; d’aider les victimes d’attaques ; d’enquêter sur les allégations d’atteintes au droit national et international et de poursuivre en justice les auteurs de ces atteintes de manière appropriée ; et d’élaborer des programmes éducatifs « qui tiennent compte des conflits ».

Au moins un participant présumé à une attaque commise visant le secteur de l’éducation—qui avait ciblé un professionnel de l’éducation dans l’enceinte d’une école en 2018—aurait été capturé par des milices Koglweogo, livré aux forces de sécurité burkinabè et poursuivi en justice. Human Rights Watch n’a pas été en mesure d’obtenir des informations sur l’évolution de cette affaire au moment de la rédaction de ce rapport, car la victime de l’attaque n’avait pas reçu de mise à jour sur l’évolution du dossier.[249]

Conformément à la Déclaration sur la sécurité dans les écoles, le gouvernement burkinabè a mis en œuvre diverses mesures visant à maintenir l’accès des enfants à l’éducation, des donateurs et des agences humanitaires finançant et soutenant un grand nombre de ses initiatives.[250] Cependant, plusieurs lacunes et besoins persistent, notamment l’insuffisance du soutien octroyé aux « écoles d’accueil » surpeuplées et l’insuffisance de l’accompagnement psychosocial fourni aux enseignants et élèves ayant vécu des attaques.

Efforts du gouvernement

Le gouvernement a pris une mesure significative en adoptant, en février 2019, la « Stratégie nationale de scolarisation des élèves des zones à forts défis sécuritaires au Burkina Faso » (SSEZDS) 2019-2024. Les initiatives envisagées sont notamment les suivantes : insertion des enfants déplacés dans des écoles ouvertes, mise en place d’espaces d’apprentissage temporaire, élaboration de curricula scolaires condensés, organisation de programmes modulaires de rattrapage scolaire, renforcement de la sécurité dans les écoles, création de plans de préparation et de réponse, remise en état des écoles, formation des enseignants afin qu’ils puissent apporter un accompagnement psychosocial aux élèves, et mise à disposition d’une aide psychosociale aux enseignants.[251]

Le même mois, le gouvernement a établi un nouveau Secrétariat technique de l’Éducation en situation d’urgence (ST-ESU), relié au ministère de l’Éducation (MENAPLN).[252] D’après sa secrétaire technique Angéline Neya-Donbwa, le rôle du Secrétariat est de faire appliquer la Stratégie nationale, de collecter des données, de superviser et coordonner les interventions de l’État et des acteurs humanitaires en matière d’éducation en situation d’urgence et de présider le Groupe de travail de l’éducation en situation d’urgence.[253]

Collecte de données : L’une des premières initiatives du ST-ESU a été de commencer à collecter des données sur les écoles fermées à cause de l’insécurité et sur les élèves et enseignants affectés, données qu’il a régulièrement mises à jour et publiées. Cependant, ces données n’incluaient pas encore de détails sur les attaques visant des élèves, des enseignants et des écoles, et ne recensaient pas tous les cas d’occupation d’écoles à des fins militaires, bien que le ministère de l'Éducation ait indiqué qu'il a collecté certaines données dans ces domaines.[254]

Sécurité lors des examens et sessions de rattrapage : En juin 2019, le gouvernement a accru les dispositifs de sécurité afin de permettre aux élèves de passer leurs examens finaux dans plusieurs communes des cinq régions les plus rudement frappées. Pendant les vacances de juillet à septembre 2019, le gouvernement et des agences humanitaires ont regroupé plusieurs milliers d’élèves d’établissements désormais fermés, en leur dispensant deux mois de cours de rattrapage et une session spéciale d’examen. Ceux-ci se sont déroulés dans certaines villes de quatre régions (Sahel, Nord, Centre-Nord et Est).[255] S’il s’agit là de mesures importantes, ces efforts n’ont pas permis d’atteindre tous les élèves affectés par les fermetures d’écoles.

Redéploiement des enseignants : Le ministère de l’Éducation redéploie périodiquement les enseignants d’écoles qui ont fermé, lorsque la situation sécuritaire empêche leur réouverture, vers des établissements qui continuent de fonctionner. En février 2020, les médias ont signalé que sur la totalité des enseignants, estimés à 10 000, qui avaient été affectés par les fermetures d’écoles, 2 194 avaient été redéployés.[256] Le ministère a notamment commencé à augmenter le nombre d’enseignants présents dans certains « établissements d’accueil » qui acceptent un grand nombre d’élèves déplacés.[257]

Inscription des élèves déplacés dans des « établissements d’accueil » : En novembre 2019, le ministère de l’Éducation a adressé un courrier aux directions locales de l’éducation en leur demandant d’inscrire les élèves déplacés de manière « systématique et sans frais aucun ». Il a invité les écoles d’accueil à faire savoir au ministère de quelles fournitures et salles de classe ils avaient besoin.[258] Cependant, les consignes n’ont pas été suivies de manière régulière, ou, dans certains cas, n’auraient pas été reçues.[259] D’après le ministre de l’Éducation, plus de 50 000 élèves déplacés ou touchés par les fermetures d’établissements avaient été réinscrits dans des écoles d’accueil à la fin février 2020.[260] Des agences d’aide et les gouvernements locaux ont apporté leur soutien à certains établissements d’accueil sous la forme de tables-bancs, de matériels et de construction de salles de classe.[261] Néanmoins, de nombreux établissements d’accueil restaient surpeuplés et manquaient de ressources.

Remise en état et réouverture des écoles : Début mars 2020, le ministère de l’Éducation a déclaré avoir rouvert 840 écoles.[262] Dans certains cas, les forces de sécurité ont accru les patrouilles qu’elles effectuaient à proximité des écoles afin de les protéger.[263] Dans d’autres cas, le gouvernement a collaboré avec des agences d’aide pour relocaliser les personnes déplacées qui occupaient les écoles—en février 2020, le nombre d’établissements libérés se montait ainsi à 62.[264] Cependant, certains rapports ont indiqué que des personnes déplacées de leurs communautés auraient par la suite occupé d’autres écoles.[265]

Curricula condensés : Le ministère de l’Éducation a réalisé des progrès en 2019 en élaborant des curricula condensés pour les niveaux primaire et post-primaire, pour permettre aux élèves de rattraper les longues périodes de cours qu’ils avaient manquées.[266] « Nous voulons surtout nous en servir dans les écoles qui ont rouvert », a déclaré un fonctionnaire de l’éducation. « Nous commencerons probablement en 2020. »[267]

L’intérieur d’un « espace d’apprentissage temporaire » déployé par l’UNICEF à Dori, dans la région du Sahel au Burkina Faso, le 18 janvier 2020. © 2020 Laciné Sawadogo

Soutien humanitaire

Plusieurs agences de l’ONU et organisations d’aide nationales et internationales ont joué un rôle primordial dans les efforts de prévention, d’atténuation et de réponse liés aux attaques d’enseignants et d’écoles. Ces organismes ont contribué au financement

d’initiatives gouvernementales, réalisé des projets communs et tenté de combler les lacunes.

Des agences d’aide ont instauré des espaces d’apprentissage temporaire dans plusieurs sites accueillant de nombreuses personnes déplacées, essentiellement dans les régions du Centre-Nord et du Sahel. Qu’il s’agisse de tentes, de hangars ou de bâtiments, ces espaces servent soit à agrandir les salles de classe dans les écoles surpeuplées, soit à conférer des espaces « amis des enfants », en offrant des activités pédagogiques informelles pour maintenir une routine éducative jusqu’à ce que les enfants puissent reprendre leur scolarité. Le gouvernement a déployé des personnels pédagogiques et de protection de l’enfance pour assurer la gestion de ces espaces, supervisés par les directions régionales de l’éducation.[268]

Le gouvernement et les agences humanitaires ont aidé plusieurs écoles des cinq régions les plus rudement frappées à élaborer des plans de préparation et de réponse en situation d’urgence, en renforçant leur capacité à réagir à des attaques potentielles. Cependant, ces initiatives n’ont atteint qu’une faible proportion des écoles des régions affectées par les attaques, un grand nombre restant vulnérables.[269]

L’un des autres efforts conjoints a reposé sur le lancement de programmes éducatifs diffusés à la radio en guise d’alternative à l’éducation formelle des enfants vivant dans des régions non sécurisées. Enfin, les agences d’aide ainsi que le gouvernement ont aidé certaines écoles accueillant des élèves déplacés en couvrant leurs frais de scolarité, en distribuant des kits scolaires aux enfants, en construisant des salles de classe, et en fournissant des tables-bancs, des matériels et des vivres supplémentaires.[270]

Lacunes et besoins

Malgré ces mesures positives, Human Rights Watch a identifié plusieurs besoins urgents qui n’ont pas encore été traités de manière adéquate. Ces problèmes ont par ailleurs été exacerbés par le sous-financement du Plan de réponse humanitaire de l’ONU au Burkina Faso : en décembre 2019, seule la moitié environ des besoins estimés (187 millions de dollars US) avait été financée,[271] un faible pourcentage d’aide ayant été attribué à l’éducation en situation d’urgence.[272] Pour 2020, les besoins ont connu une hausse, atteignant désormais, d’après les estimations, 312 millions de dollars.[273]

Des écoles d’accueil surpeuplées et qui manquent de ressources

Tandis que le nombre de personnes déplacées de leurs communautés montait en flèche en 2019 et 2020, les écoles publiques des villes d’accueil sont devenues extrêmement surpeuplées. En octobre 2019, le ministère de l’Éducation a déclaré que 870 établissements avaient accepté des élèves déplacés.[274] La taille des classes étant arrivée à la limite des capacités—jusqu’à 100-150 élèves par classe—, les écoles d’accueil n’ont pas pu accepter tous les élèves qui espéraient s’inscrire,[275] malgré les consignes du ministère de l’Éducation.[276]

Une élève lève la main pour répondre à une question de son institutrice dans une salle de classe bondée d’une école primaire publique à Kaya, une ville de la région burkinabè du Centre-Nord qui accueille des dizaines de milliers de personnes déplacées. En janvier 2020, l’établissement comptait 748 élèves, dont 113 déplacés. « Chaque jour, des élèves déplacés viennent... Nous ne refusons pas d’inscriptions, mais s’il n’y a pas de places, ils ne peuvent pas commencer », a déploré le directeur de l’école.   © 2020 Lauren Seibert/Human Rights Watch

 

Si l’épidémie de Covid-19 à la mi-mars 2020 a entraîné la fermeture provisoire de tous les établissements scolaires du Burkina Faso,[277] la surpopulation dans les écoles d’accueil et leur manque de moyens financiers avaient été identifiés comme étant problématiques par les enseignants, les chefs communautaires et les fonctionnaires locaux en janvier, février et début mars, soit tout récemment. Ceux-ci ont constaté que le soutien apporté à certaines écoles d’accueil par les agences d’aide et les conseils municipaux n’était pas encore à la hauteur des besoins, à savoir que des centaines d’écoles avaient besoin de salles de classe, d’enseignants, de tables-bancs, de matériels pédagogiques et de vivres supplémentaires.[278]

En janvier 2020, Brice Ouedraogo, le maire de Pibaore, dans la région du Centre-Nord, a déclaré : « Les écoles sont saturées ! Les écoles primaires ont [jusqu’à] 100 enfants par classe, avec un enseignant. Certains enfants sont assis à même le sol pour suivre leurs cours. Le gouvernement nous a dit d’estimer les besoins de l’école, ce que nous avons envoyé au ministère, mais il n’y a pas encore eu de soutien. »[279] En février, Wendiatta Sawadogo, maire de Pissila, région du Centre-Nord, a noté : « Le gouvernement a envoyé la circulaire à toutes les écoles en disant qu’elles devaient accueillir tous les enfants déplacés sans frais de scolarité, mais il n’a pas envoyé de financement pour combler les lacunes. »[280]

De nombreux enseignants ont expliqué à Human Rights Watch que, début 2020, leurs écoles étaient gravement surpeuplées en raison d’élèves supplémentaires, notamment dans les régions du Centre-Nord (à Kaya, Kongoussi, Bourzanga et Zimtenga), de la Boucle du Mouhoun (Dédougou) et du Nord (Titao). Le soutien apporté à ces écoles était irrégulier : certaines s’étaient vu attribuer des enseignants supplémentaires, et d’autres pas. Quelques-unes disposaient désormais de tables-bancs ou de fournitures scolaires supplémentaires grâce aux agences d’aide ou aux conseils municipaux, mais même celles-ci étaient en quantité insuffisante, ont-ils commenté.[281]

En février, un instituteur d’une école primaire publique de Bourzanga a déclaré que son établissement comptait environ 950 élèves, dont quelque 600 étaient des enfants déplacés : « Le nombre d’élèves a [plus de] doublé. Désormais, une classe a jusqu’à 150 élèves... Un grand nombre sont assis à même le sol... Je ne sais pas pourquoi jusqu’à présent il n’y pas de solution. »[282]

À Titao, un administrateur d’école a déclaré que les enseignants disponibles étaient nombreux, en raison de la fermeture des écoles voisines, mais que « le problème est l’infrastructure » et un manque d’espace dans les salles de classe.[283]

Début 2020, la petite ville de Kaya continuait d’accueillir des dizaines de milliers de personnes déplacées, et ses écoles publiques tournaient largement au-delà de leurs capacités.[284] Lors d’une visite dans une école primaire publique de Kaya en janvier, Human Rights Watch a constaté que les élèves devaient se serrer à quatre ou cinq par table-banc prévue pour deux élèves, dans des classes pouvant compter jusqu’à 125 élèves. « Chaque jour, des élèves déplacés viennent... Nous ne refusons pas d’inscriptions, mais s’il n’y a pas de places, ils ne peuvent pas commencer », a déploré le directeur de l’école. Le gouvernement avait envoyé six enseignants supplémentaires, mais pas de fournitures ou de tables-bancs, a-t-il précisé.[285]

Suite à la réouverture des écoles dans tout le pays après la levée des consignes de confinement liées au Covid-19, le gouvernement burkinabè et ses partenaires devraient de toute urgence accroître leur soutien aux établissements qui accueillent des élèves déplacés ou affectés par la fermeture d’écoles liée au conflit, afin d’assurer la continuité pédagogique pour ces enfants.

Manque de soutien psychosocial et matériel pour les victimes

Human Rights Watch a identifié que le manque de soutien régulier et opportun à l’attention des victimes d’attaques liées au secteur de l’éducation constituait une autre problématique majeure. De nombreux enseignants victimes d’attaques ou de menaces ont dit ne jamais avoir reçu d’accompagnement psychosocial de la part du gouvernement. D’autres ont déclaré que le soutien qu’ils avaient reçu était superficiel et inadéquat, sans aucun suivi sur le long terme. Un grand nombre d’entre eux souffraient encore de troubles émotionnels ou psychologiques. Des enseignants ont affirmé se sentir abandonnés ou sous-évalués, et que l’on attendait d’eux qu’ils reprennent le travail à l’issue de redéploiements malgré un manque de soutien psychosocial, financier et matériel.[286]

« Ils devraient penser aux enseignants victimes », a commenté un enseignant qui avait subi un passage à tabac grave et n’avait jamais consulté de psychologue.[287] Un autre, que des islamistes armés avaient attaché et menacé et dont la maison avait été incendiée, n’avait lui non plus jamais été contacté au sujet d’un accompagnement psychosocial. « Le gouvernement ne m’a pas aidé », a-t-il déploré. « Je continue d’enseigner, mais je ne peux oublier. Parfois, la nuit, quand j’entends des motos, ça me fait peur. »[288]

Un administrateur d’école blessé physiquement lors d’une attaque a expliqué : « L’attaque m’a fait beaucoup de mal, mais le fait qu’après l’attaque, nous n’ayons pas été soutenus, c’est ça qui me dérange toujours... On devrait accompagner ceux qui étaient victimes, pour réduire les douleurs un peu, mais nous avions l’impression que nous étions abandonnés à nous-mêmes. »[289]

Un enseignant, qui a survécu à l’une des attaques d’écoles les plus graves, a expliqué souffrir de fortes migraines et décrit ainsi les promesses de prise en charge psychologique non tenues :

L’État n’a pas aidé... Un mois après l’attaque, le chef de la gendarmerie m’a expliqué que le ministère [de l’Action humanitaire] avait dit qu’ils enverraient un psychologue, mais ils n’ont jamais appelé. Quelques mois plus tard, quelqu’un du ministère a appelé en disant : « Venez à Ouagadougou. » À ce moment, j’étais sous le choc, et j’avais peur que [des islamistes armés] me tuent si je me déplaçais. Alors je n’ai pas pu y aller. Le ministère m’a ensuite dit d’aller dans [une autre ville], et que le psychologue viendrait. J’y suis allé et j’ai appelé... il a dit qu’il me rappellerait... mais il ne l’a jamais fait.[290]

Même les enseignants qui ont reçu un soutien après une attaque ont affirmé que la réponse était insuffisante. L’un d’eux a ainsi évoqué « un petit entretien de cinq minutes » avec quelqu’un du ministère de l’Action humanitaire pour voir s’il était « normal ».[291] Un autre, le survivant d’une grave agression, a indiqué : « Je ne sais pas exactement si c’était quelqu’un du ministère de l’Action humanitaire ou d’une ONG, mais nous avons eu un entretien. Ils m’ont posé des questions, comme : ‘Comment vous sentez-vous ?’ J’ai répondu : ‘Quand je m’en rappelle, j’ai [vraiment] peur.’ Ils m’ont donné quelques petits conseils. C’est tout. Aucun suivi, aucun soutien. »[292]

Un enseignant qui avait été enlevé, battu et dévalisé a raconté que les autorités de l’éducation locales « nous ont emmené voir un infirmier pour des soins psychologiques, pas un spécialiste ».[293] Un autre enseignant qui avait été enlevé et attaché pendant une longue période a quant à lui affirmé : « Mon supérieur m’a emmené voir un psychologue une fois... Pour le [traitement] médical, c’est moi qui paie les ordonnances... J’ai eu beaucoup de problèmes physiques. »[294]

De nombreux enseignants ont également signalé n’avoir reçu aucune aide financière ou matérielle en tant qu’agents publics suite à leur perte de biens personnels lors des attaques. Cinq enseignants qui avaient subi des pertes significatives ont déclaré ne pas avoir encore reçu de dédommagement de la part du gouvernement, même si quatre d’entre eux ont précisé que les papiers pour ces démarches étaient en cours.[295]

Après que les islamistes armés avaient incendié tous ses biens, un enseignant a déclaré que des collègues lui avaient donné un peu d’argent, mais qu’il n’avait rien reçu du gouvernement. « Ils ont tout détruit—mes livres, mes papiers, tous mes biens... J’ai dû tout remplacer moi-même », a-t-il expliqué.[296] Un autre enseignant a précisé : « On demande le soutien du gouvernement pour les biens perdus, pour nous permettre de reprendre le travail. »[297]

Un professionnel de l’éducation, dont les biens ont été détruits lors d’une attaque en 2018, a essayé, par des voies administratives ainsi que judiciaires, d’obtenir un dédommagement. Après avoir vu traîner pendant plus d’un an une action en justice impliquant l’un des auteurs présumés de l’attaque, il a déposé début 2020 une demande écrite d’indemnisation par l’intermédiaire du ministère de l’Éducation. En avril 2020, il n’avait pas encore reçu de réponse du gouvernement.[298]

Le secrétaire général d’un syndicat de professionnels de l’éducation a reconnu que le manque de soutien aux victimes restait un problème grave : « La prise en charge psychosociale, ça manque... les gens n’ont pas l’assistance qu’il faut. Il y en a qui sont gravement traumatisés... certains ont aussi perdu leurs biens, leur maison, leur moto... Il faut que l’État prenne en charge les victimes qui étaient dans leurs zones [travaillaient pour le gouvernement]. »[299]

 

Indemnisation des victimes d’attaques dans le secteur de
l’enseignement public du Burkina Faso

Les pertes de biens personnels, les blessures corporelles et les dégâts psychologiques causés par les attaques peuvent avoir des conséquences financières désastreuses pour les victimes et leurs familles. De récentes décisions du gouvernement ont offert la promesse—pas toujours suivie d’effet—d’un soutien de l’État aux agents publics, dont les enseignants, qui ont subi des attaques.

Décret exécutif de 2019

En janvier 2019, le Conseil des ministres a annoncé la prise prochaine d’un décret—ensuite émis le 15 avril 2019 (décret no. 2019-0306)—portant « modalités d’indemnisation de l’agent public de l’État... ayant subi des préjudices dans l’exercice ou en raison de l’exercice de leurs fonctions lors d’attaques terroristes ».[300] Selon les médias locaux, « le ministre de la Communication... [a déclaré que] les agents de l’État, victimes d’attaques terroristes (cas de décès, blessures ou destruction de biens personnels), doivent pouvoir bénéficier d’une prise en charge ».[301] Dans une lettre de mai 2020, la ministre de l’Action humanitaire a précisé que ce décret prévoit également « la prise en charge des soins médicaux des agents publics, [et] une allocation financière... aux ayants droit des agents publics concernés ».[302]

Lettre du ministère de l’Éducation en 2020

En janvier 2020, le ministre de l’Éducation a envoyé une lettre aux autorités régionales et provinciales de l’éducation, dans laquelle il déclarait : « Au cours du Conseil de Cabinet extraordinaire élargi sur l’éducation en situation d’urgence tenu les 23 et 24 janvier 2020 à Ouagadougou, une des mesures recommandées à prendre... [était] le dédommagement des victimes des attaques terroristes dans le secteur de l’éducation. ...je vous invite à faire la situation des acteurs de l’éducation, victimes des attaques terroristes suivant le canevas joint en annexe. » Un tableau attaché en annexe sollicitait des informations sur les victimes, sur la « nature du préjudice », la « nature du dommage – physique / matériel » et la « valeur » des pertes subies.[303]

En mai 2020, le ministre de l’Éducation a affirmé dans une lettre adressée à Human Rights Watch que « MENAPLN a entrepris depuis janvier 2020, la documentation des évènements en vue du dédommagement des victimes conformément au décret 2019-0306[...] », en précisant que  « le processus de dédommagement sera normalement bouclé en cette année 2020 ».[304]

Voies à suivre pour obtenir une indemnisation

Les enseignants et les administrateurs des écoles publiques qui ont subi des préjudices physiques ou matériels dans des attaques ciblées peuvent chercher à obtenir un dédommagement par deux voies : la voie administrative (en déposant une demande auprès des autorités provinciales ou régionales de l’éducation, qui doivent faire suivre la demande au ministère de l’Éducation pour traitement) ; et la voie judiciaire (en sollicitant des dédommagements lors des procès des auteurs présumés des attaques, ou en déposant une plainte en justice si les demandes soumises par la voie administrative n’ont pas été traitées dans un délai raisonnable).[305]

 

Certaines agences d’aide auraient apporté un accompagnement psychosocial à des enseignants et des élèves, mais des lacunes subsistent.[306] « Certains enseignants ont été formés pour pouvoir détecter un traumatisme chez les élèves », a indiqué un spécialiste de l’éducation en situation d’urgence de l’UNICEF. « Mais l’accompagnement psychologique des enseignants ? Non. Les enseignants sont presque abandonnés à eux-mêmes. »[307]

Une fonctionnaire du ministère de l’Éducation a déclaré que son ministère collaborait avec celui de l’Action humanitaire et les FDS, qui offrent tous deux ces services. Elle a cependant reconnu certaines défaillances : « Les premiers soins au moins sont assurés. Ils sont reçus. Mais après, peut-être qu’il n’y a pas de suivi. ... Il n’y a pas vraiment de système formel en place pour répondre aux cas des enseignants victimes, mais d’habitude tout le monde est mobilisé. Mais le suivi après la première réponse mériterait probablement d’être amélioré. »[308]

La ministre de l’Action humanitaire a déclaré dans une lettre que « [son] ministère... à travers sa structure dénommée ‘Fonds National de Solidarité,’ assure la prise en charge des frais médicaux, d'évacuations sanitaires et de soutiens psychologiques aux victimes d'attaques terroristes ». Elle a également noté que les familles de 10 enseignants « décédés du fait du terrorisme en 2018 et 2019 » ont reçu « un appui financier » de ce fonds.[309]

L’accompagnement psychosocial des enseignants affectés fait partie des priorités de la Stratégie nationale. Le gouvernement devrait de toute urgence agir pour améliorer, élargir et standardiser ses efforts, et les enseignants qui ont survécu à une attaque ne devraient pas avoir à attendre plusieurs mois ou à se rendre loin de chez eux pour recevoir des soins. La mise en œuvre d’un mécanisme de réponse et de communication de l’information dédié aux attaques d’écoles pourrait permettre aux victimes de recevoir une assistance opportune.

La lettre envoyée en janvier 2020 par le ministère de l’Éducation, dans laquelle les autorités locales de l’éducation sont invitées à lui soumettre les demandes de dédommagement des victimes, constitue un pas en avant, conforme à l’engagement
d’« apporter une assistance... aux victimes » pris par le gouvernement dans la Déclaration sur la sécurité dans les écoles. Le ministère devrait respecter son engagement à assurer le versement de dédommagements en 2020 en traitant rapidement les demandes, et il devrait également informer les professionnels de l’éducation de leurs droits à cet égard.

Les enseignants et les travailleurs humanitaires ont également souligné que le manque d’accompagnement psychosocial des élèves affectés par un traumatisme était un problème constant. Bien que des initiatives de cet ordre aient été lancées par des agences d’aide dans certaines régions, elles n’ont pas réussi à atteindre un grand nombre d’enfants, ont-ils déclaré.[310]

« Ils ont oublié les enfants », a affirmé le directeur d’une école qui a été attaquée.
« Personne n’a pensé à vérifier si les élèves étaient touchés psychologiquement [après l’incident]. On a besoin d’un accompagnement psychosocial des élèves qui ont été témoins d’attaques. »
[311]

En réponse à une question de Human Rights Watch sur ce que le gouvernement a fait pour assurer un soutien psychosocial aux élèves affectés, la ministre de l’Action humanitaire a évoqué le « déploiement d'une équipe de psychologues sur certains sites des Personnes Déplacées Internes [PDI] », et la mise en place dans trois régions de 217 « espaces amis des enfants animés par les travailleurs sociaux » qui « contribue[nt] à apporter un soutien psychosocial aux enfants en détresse ».[312] Le ministère de l'Éducation a cité « l’appui des psychologues dans certains établissements [scolaires] », et la formation des enseignants de trois régions « à l'appui psychosocial des élèves affectés ».[313]

Ces efforts constituent des pas positifs, en conformité avec les engagements que le Burkina Faso a pris dans le cadre de sa Stratégie nationale (SSEZDS) et de la Déclaration sur la sécurité dans les écoles. Cependant, ces initiatives devraient être étendues afin qu’elles puissent toucher davantage d’écoles affectées, et des services d’assistance psychologique devraient être offerts à un plus grand nombre d’élèves qui ont vécu des attaques dans leurs écoles.

« S’il n’y a pas un soutien de quelque part [pour ces enfants], je ne sais pas comment ils vont grandir avec ce qu’ils ont vécu dans la tête », a précisé un enseignant.[314]

Remerciements

Ce rapport a été rédigé par Lauren Seibert, chercheuse auprès de la division Droits des enfants de Human Rights Watch, suite aux recherches qu’elle a menées à ce sujet.

Jonathan Pedneault, chercheur auprès de la division Crises et conflits, a apporté son assistance en matière de recherche. Le rapport a été révisé et édité par Bede Sheppard, directeur adjoint de la division Droits des enfants ; Corinne Dufka, directrice adjointe de la division Afrique ; et Agnes Odhiambo, chercheuse senior auprès de la division Droits des femmes. James Ross, directeur juridique et politique, et Tom Porteous, directeur de programme adjoint, ont assuré l’examen juridique et programmatique du rapport, respectivement. L’aide à la production a été prise en charge par Alex Firth et Delphine Starr, collaborateurs de la division Droits des enfants ; par Travis Carr, coordinateur de publications ; et par Fitzroy Hepkins, responsable administratif.

Human Rights Watch tient à remercier les nombreux professionnels de l’éducation, élèves, témoins, et membres des familles des victimes qui ont bien voulu lui relater leurs récits pour les besoins du présent rapport, souvent en prenant d’importants risques personnels, ainsi que les organisations et individus qui l’ont aidée à se mettre en relation avec eux et lui ont servi d’interprètes. Nous adressons des remerciements particuliers aux membres de la Coalition nationale pour l’éducation pour tous du Burkina Faso (CN-EPT/BF), du Syndicat national des travailleurs de l’éducation de base (SYNATEB) et de la Fédération des syndicats nationaux des travailleurs de l’éducation et de la recherche (F-SYNTER), ainsi qu’à Save the Children Burkina Faso.

Nous remercions aussi les fonctionnaires du gouvernement, les travailleurs humanitaires, les activistes de la société civile et les chefs communautaires qui nous ont fait part de leur vécu et de leurs opinions. Pour des raisons de sécurité, nous ne saurions remercier les différents individus nommément mais leur soutien et leur courage ont grandement facilité nos recherches.

Le rapport a été traduit en français par Catherine Dauvergne-Newman, et relu par Lauren Seibert et Peter Huvos.

 

 

[1] Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA), « Displacement and humanitarian needs rise in the Sahel », 27 février 2020, https://www.unocha.org/story/displacement-and-humanitarian-needs-rise-sahel (consulté le 23 mars 2020) ; Eric Schmitt, « Terrorism Threat in West Africa Soars as U.S. Weighs Troop Cuts », New York Times, 27 février 2020, https://www.nytimes.com/2020/02/27/world/africa/terrorism-west-africa.html (consulté le 15 mars 2020).

[2] UN News, « ‘Unprecedented terrorist violence’ in West Africa, Sahel region », 8 janvier 2020, https://news.un.org/en/story/2020/01/1054981 (consulté le 15 mars 2020).

[3] Voir Corinne Dufka (Human Rights Watch), « Les atrocités commises au Burkina Faso au nom de la sécurité risquent de grossir les rangs des terroristes », tribune parue dans le Washington Post, 12 juin 2019, https://www.hrw.org/fr/news/2019/ 06/12/les-atrocites-commises-au-burkina-faso-au-nom-de-la-securite-risquent-de-grossir-les ; Jonathan Pedneault (Human Rights Watch), « Le pays des hommes intègres à la croisée des chemins », tribune parue dans Le Monde, 18 mars 2020, https://www.hrw.org/fr/news/2020/03/17/le-pays-des-hommes-integres-la-croisee-des-chemins.

[4] OCHA, « Burkina Faso: Aperçu de la situation humanitaire », 15 avril 2020, https://reliefweb.int/report/burkina-faso/burkina-faso-aper-u-de-la-situation-humanitaire-au-15-avril-2020 (consulté le 25 avril 2020) ; UNICEF, « Humanitarian Action for Children 2020 - Burkina Faso », 3 décembre 2019, https://reliefweb.int/report/burkina-faso/humanitarian-action-children-2020-burkina-faso (consulté le 22 mars 2020).

[5] « Terrorisme : L’Afrique de l’Ouest au milieu du gué », Le Point, 6 janvier 2020, https://www.lepoint.fr/afrique/terrorisme-l-afrique-de-l-ouest-au-milieu-du-gue-06-01-2020-2356260_3826.php (consulté le 22 mars 2020).

[6] UN News, « ‘Unprecedented terrorist violence’ in West Africa, Sahel region ».

[7] Entretiens de Human Rights Watch avec des analystes de la sécurité, Bamako, Sévaré et Ouagadougou, 2016-2019.

[8] Voir Human Rights Watch, « Mali : Les abus s’étendent dans le sud du pays », 19 février 2016, https://www.hrw.org/fr/news/2016/02/19/mali-les-abus-setendent-dans-le-sud-du-pays ; et International Crisis Group, « Nord du Burkina Faso : ce que cache le jihad », https://www.crisisgroup.org/fr/africa/west-africa/burkina-faso/254-social-roots-jihadist-violence-burkina-fasos-north (consulté le 23 avril 2018).

[9] Voir Human Rights Watch, « Le jour, nous avons peur de l’armée, et la nuit des djihadistes » : Abus commis par des islamistes armés et par des membres des forces de sécurité au Burkina Faso, 21 mai 2018, https://www.hrw.org/fr/report/2018/05/21/le-jour-nous-avons-peur-de-larmee-et-la-nuit-des-djihadistes/abus-commis-par-des ; Hermann Boko, “In Burkina Faso, the terrorist threat is spreading to the east,” France 24, 9 août 2019, https://www.france24.com/en/20180908-burkina-faso-terrorism-threat-spreading-east-g5-sahel-mali-aqim-gsim-al-qaeda-jihad (consulté le 6 mars 2019),

[10] Caleb Weiss, « Analysis: Within a span of week, the jihadist group claimed seven attacks on Malian and Burkinabe military targets, as well as local militia groups », Long War Journal, 30 janvier 2019, https://www.longwarjournal.org/ archives/2019/01/al-qaeda-group-claims-series-of-attacks-across-sahel.php (consulté le 6 mars 2019).

[11] Burkina Faso, Loi no. 013-2007/AN portant Loi d’orientation de l’éducation, disponible à l’adresse https://planipolis.iiep.unesco.org/en/2007/loi-no-013-2007an-portant-loi-dorientation-de-l%C3%A9ducation-4372 (consulté le 15 mars 2020), articles 3-6.

[12] Entretien de Human Rights Watch avec Alexice Tô-Camier, directrice Afrique de l’Ouest, Fondation TuaRes, Ouagadougou, 13 décembre 2019 ; entretien avec le directeur d’une école primaire, Kaya, 29 janvier 2020 ; US Department of Labor, « 2005 Findings on the Worst Forms of Child Labor—Burkina Faso », 29 août 2006, disponible à l’adresse https://www.refworld.org/country,COI,USDOL,ANNUALREPORT,BFA,,48d748df23,0.html (consulté le 14 mars 2020).

[13] Groupe de Travail sur l’Éducation en Situation d’Urgence (GT-ESU) au Burkina Faso, « L’Éducation au Burkina Faso—Bref Aperçu », novembre 2019 (dans les dossiers de Human Rights Watch) ; entretiens de Human Rights Watch avec des spécialistes de l’éducation en situation d’urgence de Plan International, l’UNICEF et Save the Children, Ouagadougou, janvier à février 2020.

[14] Entretien de Human Rights Watch avec François Yameogo, secrétaire général, Syndicat National des Travailleurs de l’Éducation de Base (SYNATEB), Ouagadougou, 12 décembre 2019.

[15] Entretiens de Human Rights Watch avec des enseignants dans les régions du Sahel, du Centre-Est et du Centre-Nord, janvier-mars 2020.

[16] Le taux d’inscription net représente le nombre d’enfants en âge scolaire—à l’exclusion des enfants en dessous ou au-dessus de l’âge normal—par rapport à la population en âge scolaire.

[17] Pour l’année scolaire 2015-2016, les taux d’inscription nets en post-primaire étaient de 26,5 % pour les filles et de 25,2 % pour les garçons, et les taux d’achèvement de 28,6 % pour les filles et de 29,8 % pour les garçons. Ministère de l’Éducation nationale, de l’Alphabétisation et de la Promotion des langues nationales (MENAPLN), « Annuaire Statistique de l’Éducation Préscolaire 2018/2019 », août 2019 (dans les dossiers de Human Rights Watch) ; MENAPLN, « Annuaire Statistique de l’Enseignement Primaire 2018/2019 », septembre 2019 (dans les dossiers de Human Rights Watch) ; MENAPLN, « Annuaire Statistique de l’Enseignement Post-Primaire et Secondaire 2018/2019 », septembre 2019 (dans les dossiers de Human Rights Watch).

[18] UNICEF, « Burkina Faso: Artist Smarty is committed to fight child marriage », 5 juillet 2019, https://www.unicef.org/wca/press-releases/burkina-faso-artist-smarty-committed-fight-child-marriage (consulté le 15 avril 2020) ; Sabine Terlecki, « In Burkina Faso, girls speak out against the security and learning crises », 18 mars 2019, https://www.globalpartnership.org/blog/burkina-faso-girls-speak-out-against-security-and-learning-crises (consulté le 16 avril 2020).

[19] Voir Human Rights Watch, Ne marginaliser aucune fille en Afrique : Discrimination dans l'éducation contre les filles enceintes et les mères adolescentes, 14 juin 2018, https://www.hrw.org/fr/report/2018/06/14/ne-marginaliser-aucune-fille-en-afrique/discrimination-dans-leducation-contre-les.

[20] Pour l’année scolaire 2015-2016, les taux d’inscription nets en secondaire étaient de 4,1 % pour les filles et de 5,7 % pour les garçons, et les taux d’achèvement de 7,6 % pour les filles et de 12,1 % pour les garçons. MENAPLN, « Annuaires Statistiques 2018/2019 ».

[21] Entretiens de Human Rights Watch avec des professionnels de l’éducation, des témoins et des parents d’élèves, Burkina Faso, décembre 2019 – mars 2020.

[22] MENAPLN, « Rapport sur les statistiques de rentrée de l’éducation en situation d’urgence », 19 octobre 2019 (dans les dossiers de Human Rights Watch) ; entretiens de Human Rights Watch avec des enseignants, des directeurs d’écoles, des proviseurs et des élèves au Burkina Faso, janvier-mars 2020.

[23] MENAPLN, « Rapport hebdomadaire sur les données ESU à la date du 10 mars 2020 », 16 mars 2020 (archivé à Human Rights Watch); MENAPLN, « Rapport sur les statistiques. »

[24] Ibid.; Wakatsera, « Coronavirus au Burkina: les écoles fermées », 14 mars 2020, https://www.wakatsera.com/coronavirus-au-burkina-les-ecoles-fermees/ (consulté le 28 mars 2020).

[25] MENAPLN, « Rapport hebdomadaire sur les données ESU à la date du 10 mars 2020 ».

[26] MENAPLN, « Annuaires Statistiques 2018/2019. »

[27] MENAPLN, « Rapport hebdomadaire sur les données ESU à la date du 10 mars 2020 ».

[28] Entretien de Human Rights Watch avec une victime, province du Loroum, région du Nord, 16-17 février 2020.

[29] « Burkina Faso : le groupe jihadiste EIGS revendique le rapt d’un enseignant », RFI Afrique, 18 avril 2018, http://www.rfi.fr/afrique/20180418-burkina-faso-le-groupe-jihadiste-eigs-revendique-le-rapt-enseignant (consulté le 10 mai 2018) ; « Jihadists abduct Burkina teacher ‘for speaking French’ », Expatica, 17 avril 2018, https://www.expatica.com/fr/news/country-news/Burkina-attack-kidnapping_1815096.html (consulté le 23 avril 2018).

[30] Correspondance par courriel de Human Rights Watch avec Héni Nsaibia, directeur de MENASTREAM, 4 mai 2020. Voir aussi: conversation (« thread ») de MENASTREAM sur Twitter, 2 février 2019, https://twitter.com/MENASTREAM/status/1091782860875403265 (consulté le 5 mai 2020).

[31] Entretien de Human Rights Watch avec un enseignant de la province de Sanmatenga, région du Centre-Nord, 9 février 2020.

[32] Entretien de Human Rights Watch avec un enseignant de la province de la Tapoa (région de l’Est), Ouagadougou, 11 février 2020.

[33] Entretiens de Human Rights Watch avec des enseignants, des élèves, des victimes et des témoins, Burkina Faso, décembre 2019 à mars 2020.

[34] Ibid.

[35] MENAPLN, lettre adressée à Human Rights Watch, Objet : « Éléments de réponse aux préoccupations de Human Rights Watch sur les attaques visant des enseignants, des élèves et des écoles au Burkina Faso », 18 mai 2020 (voir Annexe II).

[36] Voir Human Rights Watch, « Le jour, nous avons peur de l’armée, et la nuit des djihadistes », p. 23 ; International Crisis Group, « The Social Roots of Jihadist Violence in Burkina Faso’s North », rapport n° 254, 12 octobre 2017, https://www.crisisgroup.org/africa/west-africa/burkina-faso/254-social-roots-jihadist-violence-burkina-fasos-north (consulté le 30 mars 2020).

[37] Entretiens de Human Rights Watch avec des témoins, des parents de victimes, des analystes de la sécurité et des professionnels de l’éducation, Burkina Faso, décembre 2019 – mars 2020.

[38] Entretien de Human Rights Watch avec un enseignant du lycée provincial de Loroum, Titao (région du Nord), 2 mars 2020. Voir aussi « Ouahigouya : le corps sans vie d’un attaché d’éducation retrouvé après une attaque terroriste », Fasozine, 24 février 2020, http://www.fasozine.com/actualite/societe/8311-ouahigouya-le-corps-sans-vie-d-un-attache-d-education-retrouve-apres-une-attaque-terroriste.html (consulté le 1er mars 2020).

[39] Entretien de Human Rights Watch avec un enseignant du Lycée Provincial de Loroum, Titao, 2 mars 2020.

[40] Correspondance de Human Rights Watch avec un expert de la sécurité, Ouagadougou, 28 février 2020 ; correspondance avec un professionnel de l’éducation, région du Nord, 27 février 2020.

[41] Entretien de Human Rights Watch avec un membre de la famille, lieu non divulgué, 27 février 2020.

[42] Entretien de Human Rights Watch avec des parents, lieu non divulgué, février 2020 ; entretien avec un représentant d’un syndicat d’enseignants, Partiaga, région de l’Est, 17 février 2020. Voir également Karina Fofana, « Burkina Faso : Qui est Marcellin Tankoano, le martyr du savoir tué par les terroristes ? », Afrik Soir, 31 décembre 2019, https://www.afriksoir.net/burkina-faso-qui-est-marcellin-tankoano-le-martyr-du-savoir-tue-par-les-terroristes/ (consulté le 10 février 2020).

[43] Entretien de Human Rights Watch avec un membre de la famille, lieu non divulgué, 27 février 2020.

[44] Entretien de Human Rights Watch avec Justine Kielem, présidente, Groupe d’Action pour la Promotion, l’Éducation et la Formation de la Femme et de la Jeune Fille (GAPEF), Ouagadougou, 4 février 2020.

[45] Entretien de Human Rights Watch avec un représentant d’un syndicat d’enseignants, Partiaga, région de l’Est, 17 février 2020.

[46] MENAPLN, Communiqué No. 19-007/MENAPLN/CAB, 28 octobre, 2019, disponible à l’adresse https://lefaso.net/spip.php?article92817 (consulté le 27 février 2020).

[47] Entretien de Human Rights Watch avec un témoin, Ouindigui, région du Nord, 26 janvier 2020.

[48] Entretien de Human Rights Watch avec un témoin, lieu non divulgué, 23 février 2020 ; MENAPLN, Communiqué No. 19-003/MENAPLN/CAB, April 27, 2019, disponible à l’adresse https://www.facebook.com/ministereduc.burkina/posts/1375605335926403 (consulté le 27 février 2020).

[49] Entretien de Human Rights Watch avec un témoin, lieu non divulgué, 23 février 2020.

[50] Ibid.

[51] Ibid.

[52] Entretien de Human Rights Watch avec un parent d’élève de l’école primaire de Maytagou, région de l’Est, Burkina Faso, 2 mars 2020.

[53] Entretien de Human Rights Watch avec un administrateur d’une école d’un village voisin, Kaya, 29 janvier 2020 ; entretien avec un témoin du village de Djika (commune d’Arbinda, province du Soum, région du Sahel), Djibo, 25 février 2020.

[54] Entretien de Human Rights Watch avec un témoin du village de Djika, Djibo, 25 février 2020.

[55] Entretien de Human Rights Watch avec un témoin, Koutougou, province du Soum, région du Sahel, 26 janvier 2020 ; entretien avec un enseignant de Djibo, Ouagadougou, 10 décembre 2019 ; MENAPLN, Communiqué No. 19-002/MENAPLN/CAB, 19 mars 2019 (dans les dossiers de Human Rights Watch).

[56] Entretien de Human Rights Watch avec Rigobert Ouedraogo, père de la victime, lieu non divulgué, 27 février 2020.

[57] Entretien de Human Rights Watch avec un témoin de Kogleweogo, Koutougou, 27 février 2020.

[58] Entretien de Human Rights Watch avec un témoin, Koutougou, 26 janvier 2020.

[59] Entretien de Human Rights Watch avec Rigobert Ouedraogo, père de la victime, lieu non divulgué, 27 février 2020.

[60] Entretien de Human Rights Watch avec un enseignant, Ouagadougou, 11 décembre 2019.

[61] Voir Human Rights Watch, « Le jour, nous avons peur de l’armée, et la nuit des djihadistes », p. 22.

[62] Ibid ; entretien téléphonique de Human Rights Watch avec un témoin, Ouagadougou, 26 avril 2018.

[63] Voir Human Rights Watch, « Le jour, nous avons peur de l’armée, et la nuit des djihadistes », p. 21-22.

[64] Entretien de Human Rights Watch avec un témoin, région du Sahel, 27 février 2020.

[65] Date et lieu spécifiques non divulgués pour des raisons de sécurité.

[66] Entretien de Human Rights Watch avec un enseignant, région de l’Est, 12 février 2020.

[67] Ibid.

[68] Entretien de Human Rights Watch avec un enseignant, région de l’Est, 12 février 2020.

[69] Entretien de Human Rights Watch avec un enseignant (2), région de l’Est, 12 février 2020.

[70] Entretien de Human Rights Watch avec un proviseur, Tougan, région de la Boucle du Mouhoun, 9 mars 2020.

[71] Entretien de Human Rights Watch avec un administrateur de l’école, Tougan, 10 mars 2020.

[72] Entretien de Human Rights Watch avec un proviseur, Tougan, 9 mars 2020.

[73] Entretiens de Human Rights Watch avec une enseignante, province de la Kossi, région de la Boucle du Mouhoun, 10 et 17 janvier 2020.

[74] Date et lieu précis non divulgués afin de protéger les survivants.

[75] Entretien de Human Rights Watch avec un enseignant ayant précédemment travaillé dans la province du Yagha, lieu non divulgué, 24 février 2020.

[76] Entretien de Human Rights Watch avec un enseignant ayant précédemment travaillé dans la province du Yagha, lieu non divulgué, 3 février 2020.

[77] Entretien de Human Rights Watch avec un directeur d’école ayant précédemment travaillé dans la province du Yagha, lieu non divulgué, 3 février 2020.

[78] Entretiens et correspondance de Human Rights Watch avec un membre de la Coalition nationale pour l’éducation pour tous (CN-EPT/BF), région de la Boucle du Mouhoun, février 2020.

[79] Entretien de Human Rights Watch avec le représentant d’un syndicat d’enseignants pour Partiaga, province de la Tapoa, région de l’Est, 17 février 2020.

[80] Entretiens de Human Rights Watch avec un ancien employé du CEG de Toulfé (province du Loroum, région du Nord), lieu non divulgué, 16-17 février 2020.

[81] Entretien de Human Rights Watch avec un parent d’élève, Ouahigouya, région du Nord, 5 février 2020.

[82] Date et lieu non divulgués pour des raisons de sécurité.

[83] Entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire local, Kaya, région du Centre-Nord, 5 février 2020 ; entretien avec l’ancien directeur d’une école de la province de Sanmatenga, région du Centre-Nord, 9 février 2020.

[84] Entretien de Human Rights Watch avec l’ancien directeur d’une école de la province de Sanmatenga, région du Centre-Nord, 9 février 2020.

[85] Ibid.

[86] Voir section IV du présent rapport, « Attaques et exactions visant des élèves » ; voir également Human Rights Watch, « Le jour, nous avons peur de l’armée, et la nuit des djihadistes », pp. 20-21.

[87] RFI Afrique, « Burkina Faso : le groupe jihadiste EIGS revendique le rapt d’un enseignant ».

[88] Entretien de Human Rights Watch avec un témoin, Bourou, 17 avril 2018. (Voir Human Rights Watch, « Le jour, nous avons peur de l’armée, et la nuit des djihadistes », pp. 20-21.)

[89] Entretien de Human Rights Watch avec un témoin, lieu non divulgué, février 2020.

[90] Ibid.

[91] Entretien de Human Rights Watch avec un ancien enseignant du lycée de Kompienga, région de l’Est, 1 mars 2020 ; entretien avec un responsable de l’éducation, province du Bam, région du Centre-Nord, 1 février 2020.

[92] Entretien de Human Rights Watch avec un enseignant du village de Bollé (région du Centre-Nord), Kaya, 28 janvier 2020.

[93] Entretien de Human Rights Watch avec un professeur de mathématiques déplacé du lycée de Déou (région du Sahel), Ouagadougou, 12 décembre 2019.

[94] Entretien et correspondance de Human Rights Watch avec le secrétaire général du Syndicat national des encadreurs pédagogiques du premier degré (SNEP/PD), Ouagadougou, 5 et 18 février 2020.

[95] Entretien de Human Rights Watch avec un enseignant du village de Goenega, Kaya, 28 janvier 2020.

[96] Ibid.

[97] Entretiens de Human Rights Watch avec des professionnels de l’éducation, des travailleurs humanitaires et des experts de la sécurité, Burkina Faso, décembre 2019 – février 2020.

[98] Entretiens de Human Rights Watch avec des élèves et un enseignant de la province du Sourou (région de la Boucle du Mouhoun), Ouagadougou, 12 février 2020 ; ministère de la Communication et des Relations avec le Parlement, Burkina Faso, « Communiqué du Gouvernement », 4 janvier 2020, disponible à l’adresse https://www.sig.bf/wp-content/uploads/ 2020/01/Communique_gouvernement_car_t-ouch%C3%A9_par_IED_axe_Toeni_Tougan.pdf (consulté le 15 février 2020).

[99] Entretien de Human Rights Watch avec un enseignant de la province du Sourou, Ouagadougou, 12 février 2020.

[100] Ibid.

[101] Ibid.

[102] Entretien de Human Rights Watch avec un élève âgé de 22 ans de la province du Sourou, Ouagadougou, 12 février 2020.

[103] Ibid.

[104] Entretien de Human Rights Watch avec un élève âgé de 16 ans de la province du Sourou, Ouagadougou, 12 février 2020.

[105] Entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire local, Tougan, région de la Boucle du Mouhoun, 13 février 2020.

[106] Entretien de Human Rights Watch avec un représentant régional de la Boucle du Mouhoun, Coalition Nationale pour l’Éducation Pour Tous (CN-EPT/BF), Dédougou, 13 janvier 2020.

[107] Entretien de Human Rights Watch avec un enseignant de la province du Sourou, Ouagadougou, 12 février 2020.

[108] Entretien de Human Rights Watch avec l’ancien directeur de l’école primaire B de Gomboro, région de la Boucle du Mouhoun, 12 février 2020.

[109] Ibid. ; entretien de Human Rights Watch avec l’ancien proviseur du Lycée Départemental de Gomboro, région de la Boucle du Mouhoun, 26 janvier 2020 ; entretien avec un membre de la famille de Judicaël Tao, région de la Boucle du Mouhoun, 16 février 2020.

[110] Voir Human Rights Watch, « Le jour, nous avons peur de l’armée, et la nuit des djihadistes », pp. 20-21.

[111] Ibid. ; entretien téléphonique de Human Rights Watch avec un témoin, Bourou, 17 avril 2018.

[112] Entretien de Human Rights Watch avec un témoin, Ouagadougou, 15 février 2020.

[113] Entretien de Human Rights Watch avec un enseignant et des élèves de la province du Sourou, Ouagadougou, 12 février 2020.

[114] Entretien de Human Rights Watch avec un élève âgé de 16 ans de la province du Sourou, Ouagadougou, 12 février 2020.

[115] Ibid.

[116] Entretien de Human Rights Watch avec un professionnel de l’éducation de Lanfièra, région de la Boucle du Mouhoun, 17 février 2020 ; correspondance avec un représentant de la CN-EPT/BF, région de la Boucle du Mouhoun, 12 février 2020. Voir également : « Sourou: Le Lycée départemental Kassoum et le poste forestier de attaqués », Net Afrique, 31 mai 2019, https://netafrique.net/sourou-lycee-departemental-kassoum-et-le-poste-forestier-de-attaques/ (consulté le 2 mars 2020).

[117] MENAPLN, « Rapport sur les statistiques » ; Alain Didier Compaore, « Sécurité: le MENAPL[N] lance une souscription volontaire pour soutenir les FDS », RTB, 6 février 2020, https://www.rtb.bf/2020/02/securite-le-menapl-lance-une-souscription-volontaire-pour-soutenir-les-fds/ (consulté le 15 mars 2020).

[118] Entretiens de Human Rights Watch avec des élèves et des enseignants des régions du Sahel, du Centre-Nord, du Centre-Est, du Nord, de l’Est et de la Boucle du Mouhoun, Burkina Faso, décembre 2019 – mars 2020.

[119] Entretien de Human Rights Watch avec un enseignant de Logobou, province de la Tapoa, région de l’Est, 15 février 2020 ; entretien avec le proviseur du lycée de Nagaré, région de l’Est, 31 janvier 2020.

[120] Entretien de Human Rights Watch avec un témoin d’un village de la région de l’Est, Ouagadougou, 15 février 2020. L’attaque de Touodjamoanli est documentée dans la section IV du présent rapport (« Attaques et exactions visant des élèves »).

[121] Entretien de Human Rights Watch avec un enseignant du lycée de Nagaré, Ouagadougou, 11 février 2020.

[122] Ibid.

[123] Entretien et correspondance de Human Rights Watch avec un professionnel de l’éducation de Lanfièra, région de la Boucle du Mouhoun, 17 février 2020.

[124] Entretien de Human Rights Watch avec un administrateur, Lycée Privé de Nebkieta (Pissila), lieu non divulgué, 13 février 2020.

[125] Entretien de Human Rights Watch avec Joseph Ouedraogo, fondateur du Lycée Privé de Nebkieta (Pissila), Ouagadougou, 13 février 2020.

[126] Ibid.

[127] Entretien de Human Rights Watch avec un ancien collégien de 3ème du village de Béléhédé (région du Sahel), Ouagadougou, 14 février 2020 ; entretien avec un ancien collégien de 4ème du village de Béléhédé, Djibo, 14 février 2020 ; entretien avec un villageois de Béléhédé, Djibo, 26 janvier 2020.

[128] Entretien de Human Rights Watch avec un ancien collégien de 4ème du village de Béléhédé, Djibo, 14 février 2020.

[129] Ibid. ; entretien avec un ancien collégien de 3ème du village de Béléhédé, Ouagadougou, 14 février 2020 ; entretien avec un villageois de Béléhédé, Djibo, mars 2020.

[130] Entretiens de Human Rights Watch avec des témoins, des élèves, des professionnels de l’éducation et des fonctionnaires locaux, Burkina Faso, décembre 2019 – mars 2020.

[131] Entretien de Human Rights Watch avec un élève déplacé d’une école post-primaire de Namissiguima (région du Centre-Nord), Kaya, 4 février 2020 ; entretien avec un employé d’une école de Namissiguima, Ouagadougou, 12 décembre 2019.

[132] Entretien de Human Rights Watch avec un employé d’une école de Namissiguima, Ouagadougou, 12 décembre 2019.

[133] Entretien de Human Rights Watch avec un élève déplacé d’Arbinda (région du Sahel), âgé de 13 ans, Kaya, 29 janvier 2020.

[134] Entretien de Human Rights Watch avec un ancien directeur d’une école primaire, Bourzanga, région du Centre-Nord, 8 février 2020.

[135] Entretien de Human Rights Watch avec un témoin, région du Sahel, 11 mars 2020.

[136] Entretien de Human Rights Watch avec un ancien administrateur du CEG de Poughkijibawo, lieu non divulgué, 26 février 2020.

[137] Entretiens de Human Rights Watch avec cinq élèves de Silgadji déplacés, Ouagadougou, 9 février 2020.

[138] Entretien de Human Rights Watch avec un élève de Silgadji déplacé, âgé de 14 ans, Ouagadougou, 9 février 2020.

[139] Entretien de Human Rights Watch avec un témoin, Djibo, 11 mars 2020.

[140] Entretien de Human Rights Watch avec un villageois de Goenega déplacé, Barsalogho, 30 mars 2020.

[141] Entretien de Human Rights Watch avec un enseignant de Goenega déplacé, Kaya, 28 janvier 2020.

[142] Entretien de Human Rights Watch avec un enseignant anciennement du village de Sillaléba (province du Bam, région du Centre-Nord), Ouagadougou, 1er mars 2020.

[143] Voir section V, « Attaques visant des écoles » et section VI, « Utilisation des écoles à des fins militaires. »

[144] À l’époque, les médias avaient indiqué que cette attaque s’était produite à Djibo Secteur 6, à Djao Djao. Voir MENASTREAM, Twitter, 1 février 2019, https://twitter.com/menastream/status/1091374157705687045 (consulté le 20 janvier 2020) ; et « Terrorisme—Djibo : Le bâtiment administratif de l’école de Djao Djao détruit suite à une très forte explosion », NetAfrique, 1 février 2019, article : https://netafrique.net/terrorisme-djibo-le-batiment-administratif-de-lecole-de-djao-djao-detruit-suite-a-une-tres-forte-explosion/ (consulté le 20 janvier 2020).

[145] Entretien de Human Rights Watch avec un témoin, Djibo, 25 janvier 2020.

[146] Les écoles franco-arabes dispensent leurs cours en français et en arabe.

[147] Entretien de Human Rights Watch avec un témoin, Djibo, 25 janvier 2020.

[148] Entretien de Human Rights Watch avec un témoin, Djibo, 11 mars 2020.

[149] Entretien de Human Rights Watch avec un ancien résident du village de Béléhédé (région du Sahel), Djibo, 14 février 2020.

[150] Entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire de Pissila (région du Centre-Nord), Ouagadougou, 10 février 2020.

[151] Entretien de Human Rights Watch avec un membre de l’association des parents d’élèves, Lycée Provincial de Kongoussi, région du Centre-Nord, 15 janvier 2020 ; entretien avec un administrateur, Lycée Provincial de Kongoussi, 7 février 2020 ; copie de cette note dans les dossiers de Human Rights Watch.

[152] Correspondance de Human Rights Watch avec un enseignant de Solhan, province du Yagha, région du Sahel, 21 janvier 2020 ; copie de cette note dans les dossiers de Human Rights Watch.

[153] La Déclaration sur la sécurité dans les écoles est un engagement politique intergouvernemental qui permet aux pays de faire part de leur soutien politique à l’égard de la protection des élèves, des enseignants et des écoles durant les conflits armés ; de l’importance de la continuité pédagogique durant les conflits armés ; et de la mise en œuvre des « Lignes directrices pour la protection des écoles et des universités contre l’utilisation militaire durant les conflits armés ». Entrées en vigueur à Oslo (Norvège) le 28 mai 2015, les pays peuvent désormais les avaliser. En avril 2020, 103 pays avaient avalisé la Déclaration sur la sécurité dans les écoles.

[154] Résolution 2225 du Conseil de sécurité de l’ONU, S/RES/2225 (2015), 18 juin 2015, https://undocs.org/S/RES/2225(2015) (consulté le 12 mai 2020), par. 7 ; et Résolution 2401, S/RES/2401 (2018), 24 février 2018, https://undocs.org/S/RES/2401(2018) (consulté le 12 mai 2020), par. 8.

[155] Traduction non officielle faite par Human Rights Watch. Voir le communiqué de presse relatif à la 597ème réunion du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine (UA), 10 mai 2016, https://www.peaceau.org/en/article/press-statement-of-the-peace-and-security-council-psc-of-the-african-union-au-at-its-597th-meeting-on-the-theme-children-in-armed-conflicts-in-africa-with-particular-focus-on-protecting-schools-from-attacks-during-armed-conflict (consulté le 14 mai 2020) ; et le communiqué de presse relatif à la 615ème réunion du Conseil de paix et de sécurité de l’UA, 9 août 2016, https://www.peaceau.org/en/article/the-615th-meeting-of-the-aupsc-an-open-session-on-the-theme-education-of-refugees-and-displaced-children-in-africa (consulté le 14 mai 2020).

[156] Entretiens de Human Rights Watch avec des résidents et des fonctionnaires locaux des régions du Centre-Nord et du Sahel, février-mars 2020.

[157] Voir « Burkina Faso : Flambée d’atrocités commises par des islamistes armés », communiqué de presse de Human Rights Watch, 6 janvier 2020, https://www.hrw.org/fr/news/2020/01/06/burkina-faso-flambee-datrocites-commises-par-des-islamistes-armes.

[158] « Lignes directrices pour la protection des écoles et des universités contre l’utilisation militaire durant les conflits armés », no. 2 (voir Annexe V).

[159] MENAPLN, « Éléments de réponse aux préoccupations de Human Rights Watch » (lettre de mai 2020 ; voir Annexe II).

[160] Entretien de Human Rights Watch avec des fonctionnaires du MENAPLN, Ouagadougou, 10 décembre 2019 et 12 février 2020.

[161] Entretien de Human Rights Watch avec une fonctionnaire du MENAPLN, Ouagadougou, 12 février 2020.

[162] « Lignes directrices pour la protection des écoles et des universités contre l’utilisation militaire durant les conflits armés », no. 6 (voir Annexe V).

[163] NB : Ce village peut aussi s’écrire « Guendbila » et « Guindbila ».

[164] Entretien de Human Rights Watch avec un professionnel de l’éducation déplacé, lieu non divulgué, 25 février 2020 ; entretien avec un fonctionnaire de Barsalogho, région du Centre-Nord, 5 février 2020.

[165] Entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire local, Barsalogho, région du Centre-Nord, 5 février 2020.

[166] Entretien de Human Rights Watch avec un professionnel de l’éducation déplacé, lieu non divulgué, 25 février 2020 ; entretien avec un fonctionnaire de Barsalogho, région du Centre-Nord, 5 février 2020.

[167] Entretien de Human Rights Watch avec un villageois de Guenbila déplacé, Barsalogho, 2 avril 2020.

[168] Entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire local, Barsalogho, 5 février 2020.

[169] Ibid.

[170] Entretien de Human Rights Watch avec un enseignant, Kaya, 14 avril 2020 ; entretien avec un villageois de Guenbila déplacé, Barsalogho, 15 avril 2020.

[171] Entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire local, Barsalogho, région du Centre-Nord, 24 mars 2020 ; entretien avec un villageois de Goenega déplacé, Barsalogho, 30 mars 2020.

[172] Entretien de Human Rights Watch avec un professionnel de l’éducation de la zone de Dablo (région du Centre-Nord), Kaya, 29 janvier 2020 ; entretien avec un résident local, Dablo, 16 février 2020.

[173] Entretien de Human Rights Watch avec un témoin, Dablo, 16 février 2020.

[174] Voir Human Rights Watch, « Flambée d’atrocités commises par des islamistes armés ».

[175] Entretien de Human Rights Watch avec un résident local, Pensa, région du Centre-Nord, 17 mars 2020 ; entretien avec un villageois de Zinibeogo déplacé, région du Centre-Nord, 24 février 2020 ; entretien avec un enseignant déplacé de Pensa, Kaya, 15 mars 2020 ; entretien avec un enseignant déplacé, Ouagadougou, 12 décembre 2019.

[176] Entretien de Human Rights Watch avec un résident local, Pensa, 17 mars 2020.

[177] Entretien de Human Rights Watch avec un villageois de Zinibeogo déplacé (région du Centre-Nord), Kaya, 24 février 2020.

[178] Entretien de Human Rights Watch avec deux anciens résidents de Namissiguima, Ouagadougou et Kaya, 12 décembre 2019 et 25 février 2020 ; entretien avec un fonctionnaire local, Namissiguima, région du Centre-Nord, 26 février 2020.

[179] Entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire local, Namissiguima, région du Centre-Nord, 26 février 2020.

[180] Entretien de Human Rights Watch avec un professionnel de l’éducation de Namssiguia, Kongoussi, région du Centre-Nord, 18 février 2020.

[181] Entretien de Human Rights Watch avec des villageois de Béléhédé déplacés, région du Sahel, 29 mars 2020 et 26 janvier 2020.

[182] Entretien de Human Rights Watch avec un villageois de Béléhédé déplacé, région du Sahel, 26 janvier 2020.

[183] Entretien de Human Rights Watch avec un professionnel de l’éducation de Namssiguia, Kongoussi, 18 février 2020.

[184] Entretien de Human Rights Watch avec un résident local, Pensa, 17 mars 2020.

[185] Entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire local, Namissiguima, 26 février 2020.

[186] Entretiens de Human Rights Watch avec un fonctionnaire local, Barsalogho, 5 février et 24 mars 2020.

[187] Entretien de Human Rights Watch avec un villageois de Manssifigui, Ouagadougou, 27 janvier 2019. (Human Rights Watch, « ‘Nous avons retrouvé leurs corps plus tard ce jour-là’ : Atrocités commises par les islamistes armés et par les forces

de sécurité dans la région du Sahel au Burkina Faso», 22 mars 2019, https://www.hrw.org/fr/report/2019/03/22/nous-avons-retrouve-leurs-corps-plus-tard-ce-jour-la/atrocites-commises-par-les, p. 18.)

[188] Entretien de Human Rights Watch avec un enseignant de Goenega déplacé, Kaya, janvier 2020.

[189] Entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire local, Barsalogho, 5 février 2020.

[190] Entretien de Human Rights Watch avec un enseignant, région du Centre-Nord, 16 février 2020.

[191] Entretiens de Human Rights Watch avec des professionnels de l’éducation, des parents d’élèves, des travailleurs humanitaires et des chefs communautaires, Burkina Faso, décembre 2019 – mars 2020.

[192] Ibid.

[193] Entretiens de Human Rights Watch avec des enseignants et des directeurs d’écoles et proviseurs de six régions du Burkina Faso, janvier – mars 2020.

[194] Entretien de Human Rights Watch avec un enseignant au Burkina Faso, lieu non divulgué, février 2020.

[195] Ibid.

[196] Entretien de Human Rights Watch avec un enseignant au Burkina Faso, lieu non divulgué, 23 février 2020.

[197] Entretien de Human Rights Watch avec un enseignant de la province de la Tapoa (région de l’Est), Ouagadougou, 11 février 2020.

[198] Entretien de Human Rights Watch avec un enseignant, région du Sahel, 11 mars 2020 ; entretien avec un élève de Silgadji déplacé (région du Sahel), Ouagadougou, 9 février 2020 ; entretien avec Ali Tapsoba, chef communautaire des PDI de Silgadji, Ouagadougou, 9 février 2020.

[199] Entretien de Human Rights Watch avec Souleymane Badiel, secrétaire général, Fédération des syndicats nationaux des travailleurs de l’éducation et de la recherche (F-SYNTER), Ouagadougou, 10 décembre 2019.

[200] Entretien de Human Rights Watch avec un enseignant, région de l’Est, 11 février 2020.

[201] Entretien de Human Rights Watch avec Joseph Ouedraogo, fondateur, Lycée Privé de Nebkieta (Pissila, Centre-Nord), Ouagadougou, 13 février 2020 ; entretien avec le directeur d’une école privée, Bourzanga, région du Centre-Nord, 18 février 2020.

[202] Entretiens de Human Rights Watch avec des professionnels de l’éducation, des parents d’élèves, des travailleurs humanitaires et des chefs communautaires, Burkina Faso, décembre 2019 – mars 2020.

[203] Entretien de Human Rights Watch avec Frank Belemouisgo, ancien directeur d’une école primaire du village de Tébra, Bourzanga, région du Centre-Nord, 8 février 2020.

[204] Entretien de Human Rights Watch avec Ali Tapsoba, chef communautaire des PDI de Silgadji, Ouagadougou, 9 février 2020.

[205] Entretien de Human Rights Watch avec un ancien élève, Ouagadougou, 14 février 2020.

[206] Entretien de Human Rights Watch avec un élève de la région de la Boucle du Mouhoun, Ouagadougou, 12 février 2020.

[207] Entretien de Human Rights Watch avec un enseignant de la Boucle du Mouhoun, Ouagadougou, 12 février 2020.

[208] Entretien de Human Rights Watch avec des professionnels de l’éducation de six régions du Burkina Faso, décembre 2019 – mars 2020.

[209] Entretien de Human Rights Watch avec Frank Belemouisgo, ancien directeur de l’école primaire de Tébra, Bourzanga, 8 février 2020.

[210] Entretien de Human Rights Watch avec un enseignant de la région de l’Est, Ouagadougou, 11 février 2020.

[211] Ibid.

[212] Entretien de Human Rights Watch avec un enseignant, région de l’Est, 7 février 2020.

[213] Entretien de Human Rights Watch avec un enseignant, Kaya, 29 janvier 2020.

[214] Entretien de Human Rights Watch avec des élèves et des professionnels de l’éducation, Burkina Faso, décembre 2019 – mars 2020.

[215] Entretien de Human Rights Watch avec un proviseur de lycée, Kongoussi, région du Centre-Nord, 7 février 2020.

[216] Entretien de Human Rights Watch avec Joseph Ouedraogo, fondateur, Lycée Privé de Nebkieta (Pissila), Ouagadougou, 13 février 2020.

[217] Entretien de Human Rights Watch avec un élève de Namissiguima (région du Centre-Nord), Kaya, 4 février 2020.

[218] Entretien de Human Rights Watch avec Noufou Yampa, directeur de l’école primaire du village de Minima, Zimtenga, région du Centre-Nord, 16 février 2020.

[219] Entretiens de Human Rights Watch avec des enfants et des enseignants dans les régions de la Boucle du Mouhoun, de l’Est et du Centre-Nord, janvier – mars 2020 ; entretien avec Karina Pascale-Suisse, directrice de programme, Danish Refugee Council, Ouagadougou, 13 février 2020 ; entretien avec Guy Andang, spécialiste de l’éducation en situation d’urgence, Plan International, Ouagadougou, 13 février 2020 ; entretien avec un expert en protection de l’enfance, UNICEF, Ouagadougou, 13 février 2020.

[220] Entretien de Human Rights Watch avec un expert en protection de l’enfance, UNICEF, Ouagadougou, 13 février 2020.

[221] Entretien de Human Rights Watch avec un enseignant, Partiaga, région de l’Est, 17 février 2020.

[222] Entretien de Human Rights Watch avec un enseignant de la région de la Boucle du Mouhoun, Ouagadougou, 12 février 2020.

[223] Entretien de Human Rights Watch avec un élève de Tougan (région de la Boucle du Mouhoun), Ouagadougou, 12 février 2020.

[224] Entretien de Human Rights Watch avec un professeur de collège, Tougan, 29 avril 2020.

[225] Entretien de Human Rights Watch avec un enseignant, Titao, région du Nord, 25 février 2020.

[226] Entretiens de Human Rights Watch avec des enseignants, des élèves et des parents d’élèves dans les provinces de Sanmatenga (région du Centre-Nord), Sourou (Boucle du Mouhoun), Loroum (Nord), et Soum (Sahel), janvier à mars 2020.

[227] Entretien de Human Rights Watch avec un enseignant déplacé, Kaya, 29 janvier 2020.

[228] Entretien de Human Rights Watch avec un directeur de collège, Lanfièra, région de la Boucle du Mouhoun, 17 février 2020.

[229] Entretiens de Human Rights Watch avec des enseignants, des élèves et des parents d’élèves dans les régions du Nord et du Sahel, et entretiens avec des travailleurs humanitaires, Ouagadougou, janvier à mars 2020.

[230] Entretien de Human Rights Watch avec un élève déplacé du village de Béléhédé (région du Sahel), Djibo, 19 février 2020.

[231] Entretien de Human Rights Watch avec un professionnel de l’éducation, province du Loroum, région du Nord, 17 février 2020.

[232] Entretien de Human Rights Watch avec un enseignant, Kongoussi, région du Centre-Nord, 18 février 2020.

[233] GT-ESU au Burkina Faso, « L’Éducation au Burkina Faso—Bref Aperçu ».

[234] Entretien de Human Rights Watch avec Zoénabou Ouedraogo, secrétaire générale, Forum for African Women Educationalists (FAWE) – chapitre Burkina Faso, Ouagadougou, 2 février 2020.

[235] Entretien de Human Rights Watch avec Guy Andang, spécialiste de l’éducation en situation d’urgence, Plan International, Ouagadougou, 13 février 2020.

[236] Entretien de Human Rights Watch avec Zoénabou Ouedraogo, secrétaire générale, FAWE Burkina Faso, Ouagadougou, 2 février 2020 ; GT-ESU au Burkina Faso, « L’Éducation au Burkina Faso » ; entretien de Human Rights Watch avec Karina Pascale-Suisse, directrice de programme, Danish Refugee Council, Ouagadougou, 13 février 2020.

[237] Entretien de Human Rights Watch avec une élève âgée de 15 ans et déplacée du village de Silgadji (région du Sahel), Ouagadougou, 9 février 2020.

[238] Entretiens de Human Rights Watch avec un expert de la sécurité, Ouagadougou, décembre 2019 – janvier 2020.

[239] Entretien de Human Rights Watch avec Zoénabou Ouedraogo, secrétaire générale, FAWE Burkina Faso, Ouagadougou, 2 février 2020.

[240] Ibid. ; entretien avec Justine Kielem, présidente, Groupe d’Action pour la Promotion, l’Éducation et la Formation de la Femme et de la Jeune Fille (GAPEF), Ouagadougou, 4 février 2020.

[241] UNICEF, « Burkina Faso: Artist Smarty is committed to fight child marriage » (2019).

[242] Girls Not Brides, « Burkina Faso Child Marriage Rates », 2018, https://www.girlsnotbrides.org/child-marriage/burkina-faso/ (consulté le 16 avril 2020).

[243] Save the Children, « Faire de l’Éducation en Situation d’Urgence une Priorité au Burkina Faso », juin 2019, https://burkinafaso.savethechildren.net/sites/burkinafaso.savethechildren.net/files/library/Faire%20de%20l%27Education%20en%20Situation%20d%27Urgence%20une%20priorite%20-BFA-%20SC-%20Mai%202...%20%2800000002%29.pdf (consulté le 18 mars 2020) ; UNICEF, rapport « Education Cannot Wait », mars 2020 (dans les dossiers de Human Rights Watch) ; entretien de Human Rights Watch avec Justine Kielem, présidente, GAPEF, Ouagadougou, 4 février 2020 ; entretien avec Zoénabou Ouedraogo, secrétaire générale, FAWE Burkina Faso, Ouagadougou, 2 février 2020.

[244] Entretien de Human Rights Watch un expert en protection de l’enfance, UNICEF, Ouagadougou, 13 février 2020.

[245] Entretien de Human Rights Watch avec un parent, village de Yerouporou, région du Sahel, 27 février 2020 ; entretien avec un enseignant, Solhan, région du Sahel, 21 janvier 2019 ; entretiens avec un enseignant, Titao, région du Nord, 16-17 février 2020 ; entretien avec un enseignant, Gayéri, région de l’Est, 5 février 2020 ; correspondance avec le proviseur du lycée de Pibaore, région du Centre-Nord, 14 mars 2020.

[246] Entretien de Human Rights Watch avec Zoénabou Ouedraogo, secrétaire générale, FAWE Burkina Faso, Ouagadougou, 2 février 2020.

[247] Entretien de Human Rights Watch avec Mamounata Sawadogo, coordinatrice provinciale pour Sanmatenga, FAWE Burkina Faso, Kaya, 29 janvier 2020.

[248] Entretien de Human Rights Watch avec une ancienne élève du village de Firguindi (région du Sahel), Djibo, 28 février 2020.

[249] Entretien de Human Rights avec un professionnel de l’éducation (détails non révélés pour des raisons de sécurité), 30 avril 2020.

[250] Entretien de Human Rights Watch avec un spécialiste de l’éducation en situation d’urgence de Plan International, Ouagadougou, 13 février 2020 ; entretien avec un responsable de programme pour Oxfam, Ouagadougou, 28 janvier 2020 ; entretiens avec des experts en éducation en situation d’urgence, UNICEF, Ouagadougou, 9 décembre 2019 et 10 février 2020.

[251] MENAPLN, « Stratégie nationale de scolarisation des élèves des zones à forts défis sécuritaires au Burkina Faso (SSEZDS) 2019-2024 », février 2019, disponible à l’adresse https://bop.bf/wp-content/uploads/STRATEGIE-DE-SCOLARISATION-DES-ELEVES-DES-ZONES-A-FORTS-DEFIS-SECURITAIRES-VERSION-FINALE.pdf (consulté le 19 mars 2020), pp. 28-34 ; Save the Children, « Faire de l’éducation en situation d’urgence une priorité au Burkina Faso ».

[252] GT-ESU au Burkina Faso, « L’Éducation au Burkina Faso - Bref Aperçu ».

[253] Entretien de Human Rights Watch avec Angéline Neya-Donbwa, secrétaire technique en charge de l’Éducation en situation d’urgence (ST-ESU), MENAPLN, Ouagadougou, 12 février 2020.

[254] MENAPLN, « Éléments de réponse aux préoccupations de Human Rights Watch » (lettre de mai 2020 ; voir Annexe II) ; Entretien de Human Rights Watch avec des fonctionnaires du MENAPLN, Ouagadougou, 12 février 2020 ; entretiens avec des experts en éducation en situation d’urgence travaillant pour l’UNICEF, Ouagadougou, 9 décembre 2019 et 10 février 2020 ; MENAPLN, « Rapport sur les statistiques », p. 5.

[255] Entretien de Human Rights Watch avec des fonctionnaires du MENAPLN, Ouagadougou, 12 février 2020 ; MENAPLN, « Stratégie nationale » (SSEZDS) ; MENAPLN, « Rapport sur les statistiques », p. 5.

[256] Prince Beganssou, « Burkina Faso : Les chiffres désespérants du drame de l’Éducation dans 81 communes menacées par le terrorisme », AfrikSoir, 6 février 2020, https://www.afriksoir.net/burkina-faso-les-chiffres-desesperants-du-drame-de-leducation-dans-81-communes-menacees-par-le-terrorisme-education-nationale-burkinabe/ (consulté le 10 février 2020).

[257] Entretiens de Human Rights Watch avec des enseignants de la région du Centre-Nord, janvier à mars 2020.

[258] MENAPLN, « Inscription des élèves et enfants déplacés internes », lettre n° 001094/MENAPLN/SG, novembre 2018 (dans les dossiers de Human Rights Watch).

[259] Entretien de Human Rights Watch avec un travailleur humanitaire, Ouagadougou, 13 février 2020.

[260] MENAPLN, « Éléments de réponse aux préoccupations de Human Rights Watch » (lettre de mai 2020 ; voir Annexe II)..

[261] Entretien de Human Rights Watch avec un enseignant, Bourzanga, 8 février 2020 ; entretien avec un fonctionnaire de Pissila, Ouagadougou, 10 février 2020.

[262] MENAPLN, « Rapport hebdomadaire sur les données ESU à la date du 10 mars 2020. »

[263] Entretiens de Human Rights Watch avec un enseignant de la région Centre-Est, 23 février 2020 ; entretien avec des fonctionnaires du MENAPLN, Ouagadougou, 12 février 2020 ; entretien avec un fonctionnaire local de Pissila, Ouagadougou, 10 février 2020.

[264] MENAPLN, « Rapport sur les statistiques » ; entretien de Human Rights Watch avec Angéline Neya-Donbwa, ST-ESU, MENAPLN, Ouagadougou, 12 février 2020.

[265] Entretien de Human Rights Watch avec un enseignant, Namssiguia, région du Centre-Nord, 18 février 2020 ; MENAPLN, “Rapport hebdomadaire sur les données ESU à la date du 27 février 2020.”

[266] Entretien de Human Rights Watch avec des fonctionnaires du MENAPLN, Ouagadougou, 12 février 2020 ; entretien avec Guy Andang, spécialiste de l’éducation en situation d’urgence, Plan International, Ouagadougou, 13 février 2020.

[267] Entretien de Human Rights Watch avec une fonctionnaire du MENAPLN, Ouagadougou, 12 février 2020.

[268] Entretien de Human Rights Watch avec Guy Andang, spécialiste de l’éducation en situation d’urgence, Plan International, Ouagadougou, 13 février 2020 ; entretien avec Karina Pascale-Suisse, directrice de programme, Danish Refugee Council, Ouagadougou, 13 février 2020 ; entretien avec Gilbert Muyisa, spécialiste de l’éducation en situation d’urgence, UNICEF, Ouagadougou, 10 février 2020 ; entretien avec des fonctionnaires du MENAPLN, Ouagadougou, 12 février 2020.

[269] Ibid.

[270] Ibid. ; MENAPLN, « Éléments de réponse aux préoccupations de [HRW] » (lettre de mai 2020 ; voir Annexe II).

[271] Service de surveillance financière de l’OCHA, « Burkina Faso 2019: Response plan/appeal snapshot for 2019 », https://fts.unocha.org/appeals/794/summary (consulté le 20 mars 2020).

[272] Entretiens de Human Rights Watch avec des experts de l’éducation en situation d’urgence, UNICEF, Ouagadougou, 9 décembre 2019 et 10 février 2020 ; GT-ESU au Burkina Faso, « L’Éducation au Burkina Faso—Bref Aperçu ».

[273] OCHA, « Burkina Faso : Aperçu de la situation humanitaire » (15 avril 2020).

[274] MENAPLN, « Rapport sur les statistiques ».

[275] Entretiens de Human Rights Watch avec des enseignants des régions du Centre-Nord, du Nord et de la Boucle du Mouhoun, janvier à mars 2020.

[276] MENAPLN, « Inscription des élèves et enfants déplacés internes » (lettre de novembre 2018).

[277] Morin, « Coronavirus au Burkina : les écoles fermées », Wakatsera, 14 mars 2020, https://www.wakatsera.com/coronavirus-au-burkina-les-ecoles-fermees/ (consulté le 28 mars 2020).

[278] Entretiens de Human Rights Watch avec des enseignants, des parents d’élèves, des chefs communautaires et des fonctionnaires locaux dans les régions du Centre-Nord, du Nord et de la Boucle du Mouhoun, janvier à mars 2020.

[279] Entretien de Human Rights Watch avec Brice Ouedraogo, maire de Pibaore (Centre-Nord), Ouagadougou, 30 janvier 2020.

[280] Entretien de Human Rights Watch avec Wendiatta Sawadogo, maire de Pissila (Centre-Nord) ; Ouagadougou, 10 février 2020.

[281] Entretiens de Human Rights Watch avec des enseignants des régions du Centre-Nord, du Nord et de la Boucle du Mouhoun, janvier à mars 2020.

[282] Entretien de Human Rights Watch avec Frank Belemouisgo, enseignant, Bourzanga, région du Centre-Nord, 8 février 2020.

[283] Entretien de Human Rights Watch avec l’administrateur d’un établissement scolaire, Titao, région du Nord, 17 février 2020.

[284] « Burkina Faso : le nombre de déplacés a augmenté durant les deux derniers mois », RFI, 26 février 2020, http://www.rfi.fr/fr/afrique/20200226-burkina-faso-nombre-d%C3%A9plac%C3%A9s-augment%C3%A9-durant-deux-derniers-mois (consulté le 20 mars 2020).

[285] Entretien de Human Rights Watch avec le directeur d’une école primaire, Kaya, 29 janvier 2020.

[286] Entretiens de Human Rights Watch avec des enseignants et des administrateurs d’écoles dans les régions du Centre-Nord, du Nord, du Sahel, de l’Est et du Centre-Est, janvier à mars 2020.

[287] Entretien de Human Rights Watch avec un enseignant, région de l’Est, 11 février 2020.

[288] Entretien de Human Rights Watch avec un enseignant, région du Centre-Nord, 9 février 2020.

[289] Entretien de Human Rights Watch avec un administrateur d’école, région du Nord, 17 février 2020.

[290] Entretien de Human Rights Watch avec un enseignant au Burkina Faso, lieu non divulgué, 23 février 2020.

[291] Entretien de Human Rights Watch avec un enseignant, région du Sahel, 24 février 2020.

[292] Entretien de Human Rights Watch avec un enseignant, région du Sahel, 3 février 2020.

[293] Entretien de Human Rights Watch avec un enseignant, Ouagadougou, 11 février 2020.

[294] Entretien de Human Rights Watch avec un enseignant, région du Sahel, 3 février 2020.

[295] Entretiens de Human Rights Watch avec des enseignants des régions du Centre-Nord, du Sahel, de l’Est et du Centre-Est, février 2020.

[296] Entretien de Human Rights Watch avec un enseignant, région du Sahel, 3 février 2020.

[297] Entretien de Human Rights Watch avec un enseignant, région du Sahel, 24 février 2020.

[298] Entretiens de Human Rights Watch avec un professionnel de l’éducation, lieu non divulgué, 9 février et 30 avril 2020.

[299] Entretien de Human Rights Watch avec le secrétaire général du SNEP/PD, Ouagadougou, 5 février 2020.

[300] « Compte rendu du Conseil des ministres du 16 janvier 2019 », Burkina 24, 16 janvier 2019, https://www.burkina24.com/2019/01/16/compte-rendu-du-conseil-des-ministres-du-16-janvier-2019/ (consulté le 30 avril 2020); correspondance de Human Rights Watch avec un chercheur burkinabè spécialisé dans les questions relatives au terrorisme, avril à mai 2020 ; Ministère de la Femme, de la Solidarité nationale, de la Famille et de l’Action humanitaire [MFSNFAH], lettre adressée à Human Rights Watch, Objet : « Réponses du [MFSNFAH] aux préoccupations de HRW sur les attaques visant des enseignants, des élèves et des écoles au Burkina Faso », 18 mai 2020 (voir Annexe III).

[301] « Burkina Faso : Les agents publics victimes de terrorisme seront désormais indemnisés », Koaci, 17 janvier 2020, https://www.koaci.com/article/2019/01/17/burkina-faso/politique/burkina-faso-les-agents-publics-victimes-de-terrorisme-seront-desormais-indemnises_126996.html (consulté le 30 avril 2020).

[302] MFSNFAH, « Réponses du [MFSNFAH] aux préoccupations de HRW » (lettre de mai 2020 ; voir Annexe III).

[303] MENAPLN, lettre no. 2020-[numéro illisible]/MENAPLN/CAB/ST-ESU, Objet : « Situation des acteurs victimes des attaques terroristes à dédommager », [date illisible entre janvier et février] 2020 (copie archivée à Human Rights Watch).

[304] MENAPLN, « Éléments de réponse aux préoccupations de [HRW] » (lettre de mai 2020 ; voir Annexe II).

[305] Entretiens de Human Rights Watch avec des professionnels de l’éducation, Burkina Faso, février à avril 2020.

[306] Entretien de Human Rights Watch avec des fonctionnaires du MENAPLN, Ouagadougou, 12 février 2020 ; entretien avec Karina Pascale-Suisse, directrice de programme, Danish Refugee Council, Ouagadougou, 13 février 2020.

[307] Entretien de Human Rights Watch avec un spécialiste de l’éducation en situation d’urgence, UNICEF, Ouagadougou, 10 février 2020.

[308] Entretien de Human Rights Watch avec une fonctionnaire du MENAPLN, Ouagadougou, 12 février 2020.

[309] MFSNFAH, « Réponses du [MFSNFAH] aux préoccupations de HRW » (lettre de mai 2020 ; voir Annexe III).

[310] Entretien de Human Rights Watch avec des enseignants des régions de l’Est et du Centre-Nord, et des travailleurs humanitaires à Ouagadougou, janvier à mars 2020.

[311] Entretien de Human Rights Watch avec le directeur d’une école de la province de Komondjari (région de l’Est), Ouagadougou, 11 février 2020.

[312] MFSNFAH, « Réponses du [MFSNFAH] aux préoccupations de HRW » (lettre de mai 2020 ; voir Annexe III).

[313] MENAPLN, « Éléments de réponse aux préoccupations de [HRW] » (lettre de mai 2020 ; voir Annexe II).

[314] Entretien de Human Rights Watch avec Frank Belemouisgo, enseignant, Bourzanga, 8 février 2020.