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France/Arabie saoudite: Sarkozy doit aborder les questions de droits humains en Arabie saoudite

Le gouvernement saoudien refuse les libertés fondamentales

Le Président français Nicolas Sarkozy doit profiter de sa visite en Arabie saoudite, les 13 et 14 janvier prochains, pour soulever les inquiétudes en matière de droits humains auprès du Roi saoudien Abdallah, a annoncé Human Rights Watch aujourd’hui. Le gouvernement saoudien refuse à ses citoyens les droits fondamentaux à la liberté d’expression, de rassemblement et d’association, se rend impunément responsable d’abus, et discrimine systématiquement les travailleurs immigrés, les femmes et les minorités religieuses.

La France estime que son « partenariat stratégique » avec l’Arabie saoudite est fondé sur une « convergence de points de vue sur une vaste majorité de questions internationales et sur des relations personnelles de qualité au plus haut niveau. »

« L’importance régionale de l’Arabie saoudite, ainsi que les contrats extérieurs lucratifs qui y sont disponibles, ne doivent pas empêcher le Président Sarkozy d’évoquer les abus de droits humains généralisés dans le pays », a declaré Sarah Leah Whitsnon, directrice pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à Human Rights Watch. « L’Arabie saoudite réprime les dissidents, les femmes et les minorités, torture les prisonniers et maltraite les travailleurs immigrés. La France ne devrait pas privilégier les contrats commerciaux au détriment des droits humains des personnes. »

En décembre 2006, Human Rights Watch a mené la première mission d’enquête par un groupe international de défense des droits humains dans le royaume, lequel n’a pas adhéré aux deux traités fondamentaux en matière de droits humains, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Human Rights Watch note de nombreuses préoccupations, y compris le fait que :

  • L’Arabie saoudite n’a pas de code pénal écrit et les agences de maintien de l’ordre et les tribunaux se basent sur des notions vagues et excessivement larges de la législation pénale.
  • L’Arabie saoudite refuse régulièrement à ses citoyens les droits à la liberté d’association, de ressemblement pacifique et d’expression.
  • La torture demeure une pratique courante à l’égard des criminels présumés avant leur procès et à l’égard des détenus en prison, comme en témoigne une vidéo enregistrée en avril 2007.
  • Le royaume a procédé à 156 décapitations en 2007, en comparaison à 40 en 2006, y compris pour des « crimes » tels que la sorcellerie et l’apostasie. Les travailleurs immigrés doivent faire face à des lois et des pratiques discriminatoires.
  • Le système saoudien de tutelle légale des hommes prive les femmes de leurs droits fondamentaux. Les femmes doivent obtenir la permission de leurs pères, leurs maris, ou même leurs fils, en tant que tuteurs hommes, pour pouvoir travailler, voyager, étudier, se marier, recevoir des soins de santé, et faire appel aux institutions gouvernementales, par exemple lorsqu’elles tentent d’obtenir une protection ou des dédommagements en cas de violences domestiques.
  • Les chiites de la Province Est et les ismaéliens à Najran font état de discrimination officielle en matiere d’emploi, d’affaires judiciaires, de pratiques religieuses et de concession de terrains.

Human Rights Watch a demandé au Président Sarkozy d’exhorter le Roi Abdallah à initier des reformes audacieuses en matiere de droits humains, y compris:

  • émettre un moratoire sur la peine de mort, ou du moins réduire son applicabilité afin qu’elle ne puisse être prononcée que pour les crimes les plus graves, et jamais à l’égard de délinquants juvéniles ;
  • élaborer un code pénal qui ne criminalise pas les droits humains protégés et qui prévoit des conséquences sérieuses à l’égard de responsables officiels qui se sont rendus complices d’actes de torture ou de mauvais traitement ;
  • élaborer des lois qui protègent les droits à la liberté d’association, de rassemblement et d’expression, en accord avec les normes internationales et les pratiques exemplaires ;
  • abolir le système de sponsorisation pour les travailleurs immigrés ;
  • abolir le système de tutelle légale des hommes sur les femmes et prendre des mesures pour faciliter l’accès des femmes aux services gouvernementaux, y compris à une protection contre les violences domestiques et au système judiciaire ; et,
  • mettre fin à la discrimination, dans tous les domaines, contre les minorités religieuses, particulièrement les citoyens chiites et ismaéliens.

Contexte et cas

Liberté d’association
Le 11 septembre 2007, Abdallah al-Sharif, Abd al-Muhsin Hilal, Wajeha al-Huwaider, Zaki Abu al-Sa’ud, ‘Aql al-Bahili, et Fawzia al-‘Uyuni ont presenté, au nom d’un groupe de citoyens saoudiens plus large, une demande complémentaire auprès du ministre des affaires sociales afin de faire enregistrer le Comité national saoudien pour les droits humains, mais n’ont reçu aucune réponse. Une première demande d’enregistrement avait ete envoyée en janvier 2003. Les forces de securité saoudiennes ont arrêté plusieurs membres fondateurs en mars 2004 après qu’ils ont lancé publiquement une pétition à l’attention du Roi Abdallah, alors Prince héritier, pour demander, entre autres, une Constitution. En septembre, Fawzia al-‘Uyuni, Wajeha al-Huwaidar, Ebtihal Mubarak et Haifa Usra, dont trois sont des femmes, ont annoncé la création de la Société de protection et de défense des droits des femmes et ont lancé une pétition en ligne à l’attention du Roi Abdallah, regroupant 1 100 signatures de personnes en faveur du droit à la conduite pour les femmes. Le groupe a reçu un avertissement officieux contre la tenue de manifestations publiques et n’a pas reçu de reconnaissance officielle. En août 2007, un groupe de citoyens préoccupés a voulu créer une organisation pour contrer le chômage et soutenir l’accession des femmes au travail, mais le Ministère du Travail a refusé en janvier 2008 de donner sa permission, prétextant que des organisations similaires existaient déjà.

Liberté de rassemblement
Le 7 novembre dernier, un tribunal de Buraida a condamné ‘Isa et Abdallah al-Hamid, deux éminents militants en faveur de réformes dans le pays, à quatre et six mois de prison pour avoir encouragé la tenue d’une manifestation publique de femmes de prisonniers détenus par les services de sécurité dans les prisons secrètes du pays. Les femmes affirmaient que leurs maris n’avaient pas été condamnés ou n’avaient pas eu de procès, malgré le fait qu’ils aient été emprisonnés depuis plus de deux ans. Le gouvernement considère toutes les manifestations publiques comme illégales.

Liberté d’expression
Tandis que tout rassemblement et toute association semblent interdits, l’expression en public est possible, mais seulement dans des limites variables et inconnues. Le 10 décembre dernier, les forces de sécurité ont arrêté Fu’ad al-Farhan, un bloggeur populaire, pour un motif inconnu. Farhan avait critiqué par écrit l’arrestation en février 2007 de neuf militants en faveur de réformes. Tous sauf un sont encore détenus sans avoir été inculpés, malgré les six mois maximum de détention avant procès autorisés par le Code de procédure pénale saoudien. En octobre, le gouvernement a fermé l’accès à un site internet (www.menber-alhewar.com) dédié à la discussion sur les droits humains et les réformes politiques, géré par un prisonnier politique, Ali al-Dumain, qui a été gracié par le Roi Abdallah en août 2005. Le site web de Ra’if Badawi sur les manquements de la police religieuse dans la pays a été fermé début 2007. En octobre, le police secrète a interrogé Badawi sur ses relations avec Human Rights Watch. Le 13 décembre, les services secrets ont arrêté Muhanna al-Falih, un militant en faveur de réformes constitutionnelles.

Torture et impunité
Bien qu’il empèche que des responsables officiels soient amenés devant la justice, le système judiciaire pénal est biaisé au détriment de l’accusé. L’usage de la torture sur les personnes arrêtées pour crimes est courant, particulièrement par le département d’enquête criminelle. Human Rights Watch s’est entretenu avec plus d’une douzaine de victimes d’abus. Une vidéo publiée sur internet en avril 2007 a confirmé ces abus en prison (https://www.hrw.org/english/docs/2007/04/27/saudia15774.htm ;
https://www.hrw.org/english/docs/2007/04/26/saudia15761.htm). Badawi, qui est un homme d’affaire et non un avocat, défend volontairement les victimes d’abus par le police religieuse. Il s’est chargé de la procédure d’appel de la famille d’un homme qui a été battu à mort par la police. Il s’agit au moins du troisième cas de ce genre en 2007. Un tribunal de Riyad a relaxé en décembre dernier deux policiers accusés d’avoir tué Salman al-Huraisi, malgré les preuves medico-légales sur la cause de la mort et les témoignages attestant que les policiers ont tabassé al-Huraisi.

La peine de mort
L’Arabie saoudite continue d’appliquer la peine de mort pour des crimes tels que la sorcellerie, la prise et le trafic de drogue, l’apostasie et le vol, qui ne font pas partie des crimes les plus graves pour lesquels la peine de mort est admissible selon la législation en matière de droits humains. En 2007, au moins 156 personnes ont été éxécutées en Arabie saoudite, alors qu’il y en avait eu 40 l’année précédente. L’Arabie saoudite maintient la peine de mort pour les enfants, ce qui constitue une violation flagrante de ses obligations en vertu de la Convention des droits de l’enfant. En 2007, l’Arabie saoudite a éxécuté un jeune déliquent, Dhahian Rakan al-Sibai’I, pour un meutre qu’il a prétendument commis lorsqu’il avait 15 ans. Les autorités ont condamné à mort des filles qui n’avaient parfois que 13 ans au moment des faits. Au moins une jeune femme, Rizana Nafeek, attend actuellement son éxécution pour un crime qu’elle a commis quand elle n’était encore qu’une enfant.

Les autorités saoudiennes ont décapité en novembre 2007 un Egyptien pour apostasie après qu’il a été trouvé en possession d’une copie du Coran dans des toilettes, acte considéré comme ayant « violé les limites imposées par Dieu ». En février, quatre Sri Lankais accusés d’une série de vols ont été éxécutés et leur corps crucifiés en public. Ils n’ont pas été mis au courant de l’imminence leur éxécution. Un travailleur indonésien immigré dans la province d’al-Qasim a été condamné à 10 ans de prison et à 2 000 coups de fouet pour actes de sorcellerie, une réduction de la condamnation à mort initialement prononcée. L’ambassade indonésienne n’a été mise au courant de l’arrestation, de la détention et du procès qu’un mois après la proclamation de le sentence.

Travailleurs immigrés
Les travailleurs immigrés sont tenus par le système de commandite saoudien qui les obligent à obtenir l’autorisation de leur employeur pour quitter le pays ou changer d’emploi. Une réforme récente autorisant le Ministère du Travail à lever cette exigence si l’employeur néglige de payer trois mois de salaire est insuffisante pour régler ces problèmes.

Un médecin, le Dr Abd al-Halim Yusif, a démissionné en 2006 de son poste dans une polyclinique en raison de divergences professionnelles avec son commanditaire et son employeur. Malgré le fait qu’il ait trouvé un nouvel emploi quelques semaines plus tard, son ancien employeur refusa de lui délivrer un certificat de non objection, l’empêchant ainsi d’accepter son nouvel emploi. Yusif a également perdu son droit à la résidence légale. Ses quatre enfants étudiant dans des collèges saoudiens ne peuvent par conséquent plus continuer leurs études. Sa femme ne peut également plus travailler, puisque les femmes sont comprises dans le permis de résidence de leur mari.

Au début du mois d’août 2007, sept membres d’une famille saoudienne qui employaient des Indonésiennes comme domestiques les ont battues après les avoir accusées de pratiquer de la « magie noire » sur un adolescent de la famille. Siti Tarwiyah Slamet, 32 ans, et Susmiyati Abdul Fulan, 28 ans, ont succombées à leurs blessures. Ruminih Surtim, 25 ans, and Tari Tarsim, 27ans, ont reçu des soins intensifs dans le Complexe médical de Riyad, où la police est venue les arrêter pour sorcellerie peu de temps après leur admission a l’hôpital.

Les femmes
Le système institutionalisé de tutelle légale en Arabie saoudite s’oppose aux droits fondamentaux des femmes, entre autres, celui de voyager, d’avoir accès à la justice, aux soins médicaux et à des choix en matière d’éducation. En novembre 2007, un tribunal de Qatif dans la Province Est a plus que doublé en appel une sentence rendue en octobre 2006 contre une jeune femme et un jeune homme, tous deux victimes de viol par un gang de sept hommes. Leur crime résidait dans un « isolement illégal » parce qu’ils avaient été ensemble dans une voiture tandis que son tuteur legal n’était pas présent lorsqu’ils ont été attaqués. Le Roi Abdallah a annulé leur sentence en décembre.

Fatima al-‘Azzaz a été détenue en prison et dans d’autres centres de détention depuis qu’un juge l’obligea à divorcer de son mari Mansur al-Timani, en août 2005. Les demi-frères d’al-‘Azzaz avaient intenté le procès qui conclua que les origines non tribales de al-Timani le rendait socialement inadéquat pour être le mari d’al-Azzaz. Craignant de retourner vivre avec ses demi-frères, qui étaient devenus ses tuteurs légaux à la place de son ex-mari, la seule option pour al-Azzaz était de rester en détention, étant donné que les femmes n’ont pas le droit de vivre seules et de prendre soin de leurs propres affaires.

Les Saoudiens chiites
Ces dernières années, le gouverneur de la région d’al-Ahsa dans la Province Est a détenu sans inculpation plus de 150 meneurs de prières chiites pour de courtes périodes.

En juin 2007, le Ministère de l’Education a expulsé une jeune écoliere chiite de tout établissement scolaire pour avoir insulté les compagnons du Prophète Mahomet, en violation des obligations du pays à fournir une éducation primaire obligatoire.

Toujours à al-Ahsa, des chiites ont été empêchés de fêter librement leur congé religieux d’Ashura en 2007. Un avis religieux (fatwa) rendu en février 2000 par le Comité permanent, exclusivement sunnite, pour la recherche académique et l’opinion religieuse n’admet seulement que les congés religieux d’Eid al-Fitr et Eid al-Adha.

Chiites et ismaéliens à Najran, une province frontalière du Yemen, rapportent également de graves discriminations en matière d’emploi, de justice et de concession de terrains. En 2007, le Conseil juridique suprême a rejeté la révision du procès et a maintenu la peine de mort pour Hadj Al Mutif, un ismaélien reconnu coupable d’apostasie pour avoir prononcé en 1993 deux mots considérés comme offensants vis-à-vis du Prophète Mahomet.

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