(Kinshasa, le 4 juin 2014) – Les autorités de la République démocratique du Congo devraient mener des enquêtes approfondies et impartiales sur les menaces et les violences à l’encontre des gardes de parc travaillant dans le parc national des Virunga ainsi que d’activistes locaux, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Le gouvernement devrait examiner si les incidents sont liés aux projets concernant l’éventuelle exploration pétrolière à l’intérieur et à proximité du parc des Virunga par SOCO International, une compagnie pétrolière britannique opérant dans l’est de la RD Congo.
Plusieurs gardes de parc et activistes ont été détenus de façon arbitraire par les autorités, et menacés ou agressés par des personnes non identifiées après avoir critiqué des projets d’exploration pétrolière dans le parc des Virunga, patrimoine mondial de l’UNESCO qui abrite un grand nombre des derniers gorilles de montagnes. Le 15 avril 2014, des hommes armés ont tiré sur le directeur du parc, Emmanuel de Mérode, un ressortissant belge, et l’ont gravement blessé. Des représentants de la justice militaire et de la police congolaises ont ouvert une enquête sur l’attaque.
« L’attaque à l’encontre du directeur du parc national rappelle de façon douloureuse et choquante que les personnes qui travaillent à la protection du parc le plus ancien d’Afrique – son habitat, sa faune et ses communautés locales – le font au prix de risques énormes », a déploré Ida Sawyer, chercheuse senior sur la RD Congo à Human Rights Watch. « Les autorités congolaises doivent faire en sorte que les responsables de cette attaque et d’autres soient arrêtés et poursuivis en justice. »
Le procureur fédéral belge devrait également envisager d’ouvrir une enquête sur l’attaque du fait que de Mérode est un ressortissant belge. Les autorités judiciaires belges et congolaises pourraient travailler ensemble afin de renforcer l’enquête.
De Mérode et d’autres gardes de parc, des activistes et des membres de la communauté locale critiquent depuis longtemps la proposition de l’exploration et l’exploitation du pétrole dans le parc, dont ils pensent qu’elles auront un impact négatif sur le parc, sa faune et les communautés locales. En 2006, SOCO International a signé un contrat de partage de production avec le gouvernement congolais pour effectuer des explorations de pétrole à l’intérieur et à proximité du parc des Virunga. En octobre 2011, SOCO a reçu un permis pour effectuer des explorations de pétrole à Block V, une vaste région située dans l’est de la RD Congo, dont 52 pour cent se trouve dans le parc des Virunga, près de l’habitat des gorilles en voie d’extinction.
De Mérode et d’autres gardes de parc ont affirmé que les activités de SOCO dans le parc enfreignent le droit congolais et international, qu’en tant qu’agents du gouvernement, les gardes de parc ont, selon eux, le devoir de faire respecter. D’autres autorités gouvernementales à Kinshasa et dans l’est du Congo soutiennent les projets de SOCO, du fait des importants gains financiers potentiels qu’apporterait le pétrole.
La compagnie SOCO a nié tout rôle dans les menaces, les actes de violence, ou le recours à des paiements illicites ou « pots-de-vin », mais a affirmé qu’elle examinera les allégations de corruption de ce type, et condamné l’usage de la violence et de l’intimidation.
La semaine suivant l’attaque qui a visé de Mérode, au moins trois défenseurs des droits humains et de l’environnement ont reçu des menaces par messages texto (SMS) provenant de numéros non identifiés, a indiqué Human Rights Watch. L’un des messages disait (en utilisant quelques abréviations) : « Tu joues avec le feu [nom de l’activiste], tu vas te brûler ta deuxième jambe, c’est inutile de changer de voiture car nous connaissons toutes les voitures et nous sommes partout où vous passez avec votre équipe. Ne croyez pas que si nous avons raté votre directeur qu’on peut vous rater aussi. » Un autre message disait : « Vous pensez qu’en écrivant vous nous empêcherez d’extraire le pétrole. Vous allez mourir pour rien comme de Mérode. »
Le 3 mai 2014, un défenseur de l’environnement à Goma a reçu trois appels provenant d’un numéro inconnu. La personne qui appelait a menacé le défenseur, disant qu’ils « voulaient la tête » d’un membre du personnel de l’organisation qui, selon l’interlocuteur, avait « médit » leurs intérêts. Cet interlocuteur a dit : « Nous n’avons pas réussi à avoir de Mérode, mais nous aurons [nom de l’employé]. » Ils ont affirmé à l’employé que s’il parlait de ces appels à quiconque, on « s’occuperait de lui. »
« Les gardes de parc et les activistes devraient pouvoir s’opposer à l’exploration pétrolière dans le parc des Virunga sans risquer leur vie », a déclaré Ida Sawyer. « Les autorités congolaises doivent prendre des mesures immédiates pour assurer un environnement sûr aux personnes qui cherchent à faire respecter la loi, protègent le parc et expriment leurs opinions de façon pacifique. »
Des victimes d’exactions et des témoins de ces incidents soutiennent que des agents gouvernementaux, militaires et des renseignements congolais qui appuient l’exploration de pétrole dans le parc étaient responsables de nombreuses menaces et actes de violence commis par le passé contre des militants et personnels du parc.
Des militants et des gardiens du parc ont affirmé que des représentants de SOCO et de sociétés de sécurité avaient essayé de les soudoyer afin d’obtenir leur soutien et de les décourager de prendre la parole contre l’exploration pétrolière dans le parc et pour faciliter les activités de la compagnie dans le parc. Un défenseur de l’environnement a affirmé que des représentants de SOCO lui avaient offert 20 000 USD et lui avaient indiqué qu’il pourrait engager cinq personnes à son service s’il acceptait l’argent.
Une enquête menée par les autorités du parc a également révélé qu’un représentant de SOCO avait versé plusieurs milliers de dollars US à un haut responsable du parc sur plusieurs mois pour soutenir les activités de SOCO. Ce haut responsable a participé à des réunions avec des gardes de parc au cours desquelles ils ont été menacés d’être renvoyés s’ils ne soutenaient pas SOCO. Les résultats de cette enquête, qui a duré plus de trois ans, ont été transmis à un procureur congolais à Goma le 15 avril, plusieurs heures avant l’attaque contre de Mérode.
Lors d’une rencontre avec Human Rights Watch le 23 mai, le gouverneur du Nord Kivu, Julien Paluku, a reconnu que certains représentants du gouvernement et des forces de sécurité semblent avoir été « manipulés. » Il a ajouté qu’il ne savait pas qui les manipulait, mais que semble-t-il ils avaient été payés et « instrumentalisés » pour soutenir l’exploration pétrolière. Il a ajouté qu’il y avait eu de nombreuses allégations à propos de menaces et d’agressions contre des activistes et des gardes de parc opposés à l’exploration pétrolière, et qu’il avait demandé aux autorités de la police et de la justice militaire de mener des enquêtes.
Dans sa réponse du 30 mai à une lettre de Human Rights Watch portant sur les allégations selon lesquelles des représentants de SOCO étaient impliqués dans la corruption, le Directeur général adjoint de SOCO, Roger Cagle, a écrit :
Il y a eu un nombre substantiel d’allégations fausses et inexactes à l’encontre de SOCO International Plc ces dernières années et en particulier au cours du dernier mois. Malheureusement, un certain nombre de ces allégations ont découlé de déclarations inexactes, fausses, déformées et/ou exagérées rendant compte de nos activités en République démocratique du Congo (la « RDC »). Il semble également que de plus en plus toute personne se livrant à une conduite douteuse et contraire à l’éthique est immédiatement cataloguée comme « représentant de SOCO » et « partisan de SOCO » même quand ces personnes ne font tout simplement pas partie et n’ont rien à voir avec elle. …
Nous opérons selon un strict code de déontologie et d’éthique (notre «Code»). … Nous sommes pleinement engagés envers une conduite honnête et éthique de nos affaires et nous attendons des entreprises avec qui nous travaillons, de nos fournisseurs et de nos agents qu’ils se conduisent de la même façon. En outre, la Compagnie fonctionne en accord avec la loi du Royaume-Uni de 2010 sur la corruption, et dans le cadre de notre code de Bonne gouvernance en matière de corruption (Bribery Risk Governance), nous disposons d’un processus formel pour atténuer les risques de corruption.
En ce qui concerne les allégations spécifiques de corruption soulevés par Human Rights Watch, Cagle a écrit que les responsables de la compagnie « n’ont aucune information quant à savoir si oui ou non les incidents ont réellement eu lieu, et si oui, ce qui s’est produit. Toutefois, sur la base des informations dont nous disposons, nous avons enclenché les procédures dans notre code. »
SOCO devrait respecter les Principes volontaires sur la sécurité et les droits de l’homme, des directives internationales qui octroient aux entreprises la responsabilité de prendre des mesures spécifiques pour protéger les droits quand elles s’appuient sur des forces de sécurité publiques ou privées pour protéger leurs opérations, selon Human Rights Watch. En outre, l’entreprise devrait se conformer aux Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, qui appellent toutes les entreprises à identifier les risques éventuels liés aux droits humains dans leurs opérations et à régler les problèmes qui pourraient survenir.
Human Rights Watch a exhorté le gouvernement britannique à enquêter sur les activités de SOCO dans l’est de la RD Congo dans le cadre de la loi du Royaume-Uni sur la corruption. Toute enquête devrait examiner les actes de corruption ou de subornation pouvant avoir conduit à des attaques et des menaces contre les gardes de parc et les activistes.
« Les allégations selon lesquelles des représentants de SOCO auraient offert des paiements illicites dans le climat instable du parc des Virunga doivent être prises au sérieux », a conclu Ida Sawyer. « La compagnie SOCO devrait enquêter sur ses représentants et agents, ainsi que sur les entreprises avec qui elle a signé des contrats, et s’assurer qu’aucun d’eux ne soit impliqué dans du harcèlement d’activistes ou de personnel du parc. »
Attaque contre Emmanuel de Mérode, le directeur du parc des Virunga
Emmanuel de Mérode conduisait seul dans le parc à une dizaine de kilomètres du siège du parc des Virunga à Rumangabo, dans une zone qui est contrôlée par l’armée congolaise, quand au moins trois hommes en uniforme militaire lui ont tiré dessus. Il conduisait un véhicule de l’Institut Congolais pour la Conservation de la Nature (ICCN), une institution gouvernementale congolaise qui supervise les parcs nationaux. Une personne civile à moto a trouvé plus tard de Mérode sur la route et l’a conduit vers Goma. Il a ensuite été transféré dans deux véhicules de l’armée congolaise et un véhicule de l’ICCN avant d’arriver à l’hôpital à Goma, où il a été soigné pour des blessures par balles à la poitrine et à l’abdomen.
L’armée congolaise occupe une position située à 500 mètres de la route principale où de Mérode a été attaqué et habituellement elle dispose de militaires déployés le long de la route. Les Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda (FDLR), un groupe armé composé majoritairement de Hutus rwandais, dont certains membres ont participé au génocide du Rwanda en 1994, ont également opéré dans cette zone par le passé. Les FDLR sont actives dans l’est de la RD Congo et sont impliquées dans du commerce lucratif et illégal de charbon dans le parc des Virunga – une pratique que de Mérode et d’autres gardes de parc ont cherché à stopper.
Arrestation et intimidation du chef de secteur central du parc des Virunga
Le 19 septembre 2013, des militaires et des agents de renseignement ont arrêté le gardien-chef du secteur central du parc des Virunga, Rodrigue Mugaruka Katembo. Il avait essayé d’empêcher la construction d’une antenne téléphonique dans le parc parce que, a-t-il expliqué, les responsables de SOCO qui avaient financé cette construction n’avaient pas l’autorisation exigée par le droit congolais pour construire dans le parc.
Katembo a confié à Human Rights Watch que le 3 septembre, Dr. Guy Mbayma Atalia, le directeur technique et scientifique de l’ICCN et le Point Focal SOCO à l’ICCN à cette période, l’avait prévenu que s’il continuait de s’opposer aux activités de SOCO dans le parc, il serait tué. Dans un entretien avec Human Rights Watch le 23 avril 2014, Mbayma a nié cette accusation et a déclaré n’être en rien impliqué dans l’arrestation de Katembo.
Katembo a expliqué que des militaires l’ont arrêté à Kanyabayonga, au Nord Kivu, où il rendait visite à de la famille, et les ont sévèrement battus lui et son jeune frère. Ces militaires ont dit à Katembo qu’il était contre le gouvernement car il ne voulait pas de SOCO dans le parc.
« Ce qui m’a fait le plus mal, c’est la façon dont ils ont torturé mon jeune frère devant moi », a confié Katembo à Human Rights Watch. « J’ai dit : ‘Qu’a-t-il fait ? Il n’est même pas à l’ICCN.’ Je pleurais et ils m’avaient attaché alors je ne pouvais rien faire. »
Les militaires ont amené Katembo à Rwindi, où ils ont continué à l’humilier, le faisant défiler devant chez lui, et en lui brûlant des cigarettes sur le crâne. Il a ensuite été détenu dans les quartiers généraux provinciaux de l’Agence nationale de renseignements (ANR) à Goma et a été relâché le 7 octobre 2013 sous la pression internationale.
Katembo a rapporté à Human Rights Watch que les agents gouvernementaux impliqués dans son arrestation et lui ayant fait subir des mauvais traitements lui ont déclaré qu’on leur avait promis de l’argent s’ils le tuaient, au lieu de l’arrêter. Katembo a expliqué qu’il avait également appris que des agents de renseignement avaient dit aux prisonniers qu’ils les paieraient s’ils battaient Katembo à mort pendant qu’il était en détention. Des autorités ont informé en privé Katembo et sa famille à propos d’autres projets en cours de lui tendre une embuscade ou de le tuer.
Après qu’il ait été relâché, Katembo s’est vu demander de se présenter à l’ANR quotidiennement et de payer 5 000 francs congolais (environ 5,50 USD) chaque jour. Plusieurs mois après, un agent de renseignement compatissant l’a prévenu qu’il y avait des projets de le tuer à Goma et il s’est vu conseiller de quitter la ville.
Le directeur provincial de l’ANR du Nord Kivu à cette période, Jean-Marc Banza, a déclaré à Human Rights Watch le 17 avril 2014 que Katembo avait été « détenu légalement » car il avait insulté le président du pays, Joseph Kabila. Banza a nié les accusations de mauvais traitements de la part des forces de sécurité.
Menaces contre des activistes
Dans plusieurs des cas documentés par Human Rights Watch, des agents gouvernementaux, militaires et des renseignements congolais étaient impliqués dans les menaces et les attaques contre les activistes de droits humains et de l’environnement et d’autres responsables communautaires. Certains avaient apparemment reçu de l’argent de la part de SOCO.
Le 31 janvier 2014, une coopérative locale d’agriculteurs à Rutshuru a organisé une manifestation de plus de 300 personnes protestant contre les activités de SOCO. La coopérative avait informé les autorités locales de la manifestation à l’avance, comme l’exige la loi congolaise. Peu de temps après que la marche ait commencé, des policiers se sont rendus au bureau de la coopérative, ont confisqué un ordinateur et d’autres fournitures, et ont déchiré une banderole qui disait : « Non à l’exploitation pétrolière dans nos champs et notre lac. » La police a appréhendé et battu des manifestants, avant de les relâcher plus tard.
Au cours d’une réunion publique le 19 février à Nyakakoma, un village de pêcheurs au bord du Lac Édouard dans le territoire de Rutshuru, des représentants de SOCO ont expliqué aux résidents que les travaux d’exploration pourraient entraîner la fermeture à la pêche de certaines parties du lac, pouvant durer jusqu’à trois mois. La fermeture pourrait nuire à 80 000 personnes dont la subsistance dépend du lac, selon des responsables communautaires. Un pêcheur local et défenseur de l’environnement a exprimé son inquiétude pendant la réunion, demandant comment les résidents subviendraient à leurs besoins pendant cette période.
Le 26 février, le défenseur a reçu une lettre de l’Agence nationale de renseignements (ANR), lui demandant de se présenter à son bureau à Rutshuru. Il a expliqué à Human Rights Watch que lorsqu’il s’est rendu au bureau de l’ANR le 3 mars : « Ils m’ont dit que je me comportais mal et que c’était une affaire d’État, que je ne devrais pas agir en héros et que je risquais de me faire couper la tête. » Le militant a été relâché après avoir versé 20 USD à l’agent de l’ANR.
Le 2 avril, une autre réunion publique s’est tenue à Nyakakoma, avec des représentants de SOCO, des agents gouvernementaux et des résidents. Après que des résidents aient protesté contre les projets de SOCO de fermer des parties du lac pendant les tests sismiques, des personnes présentes à la réunion ont rapporté plus tard à Human Rights Watch que l’administrateur territorial de Rutshuru, Justin Mukanya, avait déclaré que les projets d’exploration pétrolière de SOCO se poursuivraient : « Le train est déjà parti », a-t-il dit. « Quiconque tenterait de l’arrêter sera écrasé. »
De nombreux défenseurs des droits humains s’opposant aux activités de SOCO dans le parc ont indiqué à Human Rights Watch que pendant les trois dernières années, ils avaient reçu des menaces par messages texto et appels téléphoniques. Voici quelques exemples de ces messages, en plus des cas plus récents mentionnés ci-dessus :
- Le 26 février 2011, deux militants pour les droits humains ont reçu les messages texto suivants : « Laissez notre pétrole tranquille. Si vous continuez, vous connaîtrez le même sort que le parc. » La même nuit, trois hommes non identifiés sont allés chez l’un des activistes à Goma ; il n’était pas chez lui à ce moment-là. Deux jours après, l’activiste a reçu le message suivant : « Si vous continuez à parler du pétrole, vous verrez. Faites attention. »
- Le 24 avril 2011, trois activistes ont reçu des appels d’une personne non identifiée leur demandant de se rendre au gouvernorat. Quand ils sont arrivés, on leur a demandé de signer un document disant qu’ils avaient participé à une réunion avec SOCO le 13 août 2010. Les trois activistes ont refusé de signer. Trois jours plus tard, l’un d’entre eux a reçu le message suivant : « Vous avez refusé de signer. Vous êtes arrogant. Nous avons déjà identifié votre domicile. »
- Le 7 mai 2011, un autre activiste a reçu un appel téléphonique alors qu’il sortait d’un café Internet à Goma. Le correspondant, qui ne s’est pas identifié, a dit : « Vous pensez que vous [vous] cachez, mais nous pouvons vous voir. Vous venez d’arrêter un bus. Vous avez pensé croyez que nous ne savons pas mais nous vous suivons. »
- Le 27 février 2012, trois agents des services de renseignement se sont rendus chez ce même activiste à Goma et ont dit à sa femme qu’il « encourageait la population à propos de choses que le chef d’État avait déjà décidées. S’il continue il perdra la vie ». L’activiste avait déjà été menacé de nombreuses fois par téléphone et avait été convoqué au tribunal après avoir envoyé une lettre aux autorités gouvernementales détaillant les agissements d’un agent de sécurité gouvernemental à Nyakakoma qui prétendait être responsable de « la sécurité et de la mobilisation pour SOCO. »
- En décembre 2013, un pêcheur a rapporté à Human Rights Watch avoir été harcelé par la force navale après être passé en bateau devant le bureau de SOCO. Il a été convoqué au bureau d’un commandant de la force navale. Il y a été accusé d’espionner et de prendre des photos du bureau de SOCO. Le pêcheur a demandé au commandant : « Sur quelle base légale vous appuyez-vous pour m’accuser de ceci ? » Le commandant aurait répondu : « Vous venez ici avec vos droits de l’homme. Ici on ne fait pas la loi. On fait l’armée. » Le commandant a saisi l’appareil photo du pêcheur mais n’a trouvé aucune photo du bureau de SOCO et l’a relâché au bout de deux heures.
Après que plusieurs défenseurs des droits humains aient dénoncé publiquement les menaces et intimidations de la part d’agents travaillant pour SOCO, Mbayma, le Point Focal SOCO à l’ICCN durant cette période, a écrit une lettre, vue par Human Rights Watch, au directeur général de l’ICCN au début 2014, dans laquelle il a accusé les activistes à inciter la population contre le gouvernement :
Du moment que ces structures se targuent de la liberté à la fois de s’ériger contre un Etat Souverain qu’est la RDC et d’appeler la paisible population à la désobéissance civile, il y a de quoi que la GD/ICCN prenne des dispositions préventives adéquates. Celles-ci devront aller dans le sens de suspendre toute collaboration, fusse-t-elle directe ou indirecte, avec ces ONG. Autrement, l’ICCN risque d’être qualifiée de complice de ces ONG dans leur tentative avérée d’effritement de l’autorité de l’ETAT à des fins, peut-être, de créer de nouveaux groupes armés.
Dans une lettre adressée au président de l’Assemblée provinciale du Nord Kivu, datée du 13 mai 2014 et conservée dans les dossiers de Human Rights Watch, le directeur général de l’ICCN a déclaré que Mbayma avait été suspendu de son poste de directeur technique et scientifique, qu’il n’était plus le Point Focal SOCO à l’ICCN et qu’il n’était plus autorisé à parler au nom de l’ICCN.
Allégations contre SOCO International
En décembre 2010, un tribunal congolais à Goma a autorisé les autorités du parc à enquêter sur des allégations d’activités illégales de SOCO International, y compris des entrées non autorisées en voiture et en avion, des constructions non autorisées dans le parc ainsi que des tentatives de corruption et de harcèlement du personnel du parc et des membres des forces de sécurité congolaises.
Dans le cadre de l’enquête, un gardien du parc a filmé secrètement un agent de sécurité lié à SOCO et l’officier congolais militaire de liaison avec SOCO en train d’offrir de l’argent au gardien. Ce gardien a expliqué à Human Rights Watch qu’il avait refusé une offre d’un « bon paquet de fric » pour laisser les représentants de SOCO se déplacer librement dans le parc. Plusieurs mois après, le même gardien a déclaré qu’on lui avait proposé 50 USD tout de suite puis 3 000 USD à la fin de chaque mois pour donner des informations à SOCO sur la zone par laquelle ils voulaient entrer dans le parc et pour leur permettre de circuler librement dans le parc sans en avertir le directeur du gardien, de Mérode.
Un autre gardien du parc a confié à Human Rights Watch que Mbayma lui avait donné l’ordre de se rendre au village de Nyakakoma avec cinq gardes du parc pour travailler avec lui dans le camp de SOCO. « Nous avons été payés 20 USD par jour chacun, pendant 35 jours », a indiqué le gardien. « Leur objectif était que nous les accompagnions aux réunions avec la population afin de la convaincre de soutenir les activités de SOCO et de tenter de montrer qu’ils avaient le plein appui de l’ICCN. » Le gardien a déclaré qu’ils étaient payés par Mbayma en présence d’un agent de SOCO. Il a ajouté que Mbayma l’avait averti que s’il informait son superviseur direct sur ce qu’ils faisaient, « ça te retombera sur la tête, et tu seras arrêté ».
Quand le gardien a fini par refuser de travailler avec Mbayma et qu’il est revenu à sa base, il a reçu au moins quatre appels menaçants de la part de Mbayma entre novembre 2013 et février 2014, essayant de le convaincre de travailler à nouveau avec eux. Mbayma l’a averti que s’il refusait de se joindre à eux, il perdrait son travail avec l’ICCN et serait arrêté.