Background Briefing

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Chaîne de commandement et impunité

Différentes forces opèrent à Bujumbura rural. Les militaires de l’armée gouvernementale s’organisent en positions fixes, qui généralement sont assignées à un endroit pour un long terme et deviennent même familières aux populations, ainsi qu’en unités mobiles, qui ne restent en place que pour un temps limité. La province est aussi le théâtre d’opérations menées par les combattants FDD de Pierre Nkurunziza et ceux des FNL de Agathon Rwasa. Le nombre élevé d’hommes en armes opérant dans la même région rend plus difficile l’identification des auteurs des violations, les forces se renvoyant souvent la responsabilité, comme dans le cas du viol de Kirombwe sus-mentionné. Les FDD accusent les FNL et réciproquement, et même au sein des supposées alliances entre les FDD et les militaires de l’armée gouvernementale, chaque camp n’hésite pas à rendre l’autre responsable des abus commis.59

Le défaut d’identification des auteurs des violations et de l’unité militaire à laquelle ils appartiennent permet de diluer les responsabilités et favorise l’impunité. Comme l’a résumé un témoin : « On ne sait plus qui est qui. Vous pouvez trouver des militaires de l’armée gouvernementale avec des casquettes. Certains portent même des uniformes rwandais ou congolais. Les unités mobiles travaillent comme des bandes armées, leur tenue est sale et déchirée. »60

Les militaires de l’armée gouvernementale devraient être identifiables à leur uniforme réglementaire, mais c’est rarement le cas à l’intérieur du pays où ils portent de vieilles tenues négligées, souvent dépareillées, à l’image bien souvent de celles des combattants FDD. Le chef d’état major général de l’armée burundaise, le Général de Brigade Germain Niyoyankana, a affirmé qu’il existait des tenues militaires en suffisance et que le port de tenues négligées était sanctionné, reconnaissant aussi l’indiscipline de certains de ses hommes qui préféraient endosser des tenues négligées, « surtout quand ils se comportent comme des rebelles. »61

Les civils se plaignent souvent de l’indiscipline notoire des unités mobiles et des abus qui en résultent. Un habitant a rapporté un incident où un de ces militaires mobiles avait osé insulter et agresser un officier supérieur de la région, lui reprochant son inefficacité contre les FNL.62 Une de ces unités mobiles, le 19ème bataillon de l’armée gouvernementale, se fait appeler « Abakonangwe », ceux qui castrent les léopards, en référence à leur bravoure.63 Mais les civils ont fini par les décrire volontiers comme  « des barbares » ou « des animaux », en référence à leurs agissements qui consistent à terroriser la population, comme par exemple à Kabezi le 20 mars 2004, quand ils ont surgi au milieu des civils déplacés en tirant, sans autre raison apparente que de semer la panique et piller.64



[59] Entretiens de Human Rights Watch, Rushubi, 16 décembre 2003 et 19 mars 2004 et Bujumbura, 15 mars 2004.

[60] Entretien de Human Rights Watch, Buhonga, 11 mars 2004.

[61] Entretien de Human Rights Watch avec le Général de Brigade Germain Niyoyankana, Chef d’état major de l’armée burundaise, Bujumbura, 24 mars 2004.

[62] Entretien de Human Rights Watch, Ruyaga, 26 février 2004.

[63] Une explication avance que les soldats de cette unité sont d’anciens rebelles de Jean Bosco Ndayikenkurukiye recrutés par l’armée sous le Président Buyoya. Une autre version veut qu’il s’agisse de militaires particulièrement indisciplinés que Buyoya a punis en les envoyant se battre, sans ravitaillement ni équipement, à Makamba et Bujumbura rural. Entretiens de Human Rights Watch, Bujumbura, 5 mars 2004.

[64] Entretiens de Human Rights Watch, Bujumbura, 22 mars 2004.


<<previous  |  index  |  next>>juin 2004