Background Briefing

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Réactions officielles

Le Général de Brigade Niyoyankana de l’armée burundaise a fait procéder à des enquêtes sur les violations commises par ses militaires à Bujumbura rural qui lui avaient déjà été rapportées par un chercheur de Human Rights Watch à la fin de l’année 2003. En mars 2004, il a informé le chercheur que ses officiers n’avaient trouvé aucune preuve de nature à confirmer les allégations mais a reconnu toutefois que « tous les militaires ne sont pas des saints. » Il a contesté la responsabilité de ses hommes dans l’étendue des pillages rapportés, incriminant plutôt les FDD. Il a affirmé que les militaires gouvernementaux reconnus coupables de violations sont sanctionnés mais que les mouvements des troupes sur le terrain et le temps qui s’écoulait entre la violation et sa dénonciation rendaient, en pratique, l’exercice difficile. A propos d’un cas où les tirs des soldats gouvernementaux avaient touché des civils, il a admis une erreur de tir et l’utilisation d’une arme manquant de précision. Il a affirmé qu’il enquêterait sur les abus commis par les Bakonangwe à Kabezi, le 20 mars 2004, ainsi que sur le meurtre d’un civil par une patrouille militaire à Mwico la même date.65

Dans certains cas, des administrateurs et certains officiers militaires tentent de prévenir les abus et de protéger les civils. Lors de la fusillade du marché de Karinzi du 26 janvier, on a retrouvé le corps de deux militaires de l’armée gouvernementale, dont un sergent. Officiellement victime des tirs des FNL, la population laisse entendre que le sergent aurait été tué par ses pairs parce qu’il tentait d’empêcher les autres militaires de tuer et de piller les civils. Un major de la position militaire de Mutambu se serait aussi interposé pour stopper le pillage des biens du marché par les militaires.66 D’autres officiers de l’armée gouvernementale auraient fait de même sur les sous-collines Rukuba, Nkombe et Nyamaboko-Kibazo, de la colline Nyamaboko, commune Kanyosha.67

Sur la question du commandement des hommes à Bujumbura rural, le Général de Brigade Niyoyankana a expliqué à un chercheur de Human Rights Watch que sur le terrain, les officiers de chaque force gardait le commandement de leurs propres troupes, qu’il n’y avait pas de commandement unique et que l’état major intégré n’était qu’un groupe de réflexion destiné à jeter les bases d’une nouvelle armée.68 En conséquence, il a invité le chercheur à s’adresser aux officiers commandants FDD, comme étant les autorités habilitées à répondre des violations attribuées à leurs hommes.

Sur le terrain, lorsque les victimes des exactions commises par des combattants FDD à Bujumbura rural ont tenté de se plaindre auprès des comandants des positions de l’armée gouvernementale, supposée être la seule détentrice de l’autorité légitime, les militaires leur ont indiqué d’aller se plaindre auprès des FDD.69

Le CNDD-FDD a traité de façon légère les diverses plaintes qui lui ont été adressées relativement aux abus commis par leurs représentants armés ou politiques. A la mi-février, le dirigeant du CNDD-FDD Pierre Nkurunziza, Ministre d’état et Ministre de la Bonne Gouvernance, a demandé « pardon à Dieu et au peuple » pour les abus commis par ses combattants pendant la guerre. Mais interpellé sur le sort qui avait été réservé à un administrateur enlevé par ses combattants en août 2003, Nkurunziza n’a pas répondu. Il a préféré évoquer les difficultés qui entourent, partout dans le monde, les périodes de transition.70 Dans une réunion avec les habitants des collines de Mbare Gasarara, deux officiers et un commissaire politique des FDD ont admis qu’il existait des problèmes de discipline chez les militaires FDD mais ont tempéré cette affirmation en accusant la population de les provoquer en continuant à suivre les enseignements des FNL.71

Les officiers supérieurs FDD en charge des opérations sur le terrain n’ont jamais été disponibles pour discuter des abus attribués aux FDD avec le chercheur de Human Rights Watch qui a tenté à plusieurs reprises d’obtenir une entrevue. Mais sur le terrain, certains administratifs locaux qui trouvaient leur propre administration incapable ou réticente à le faire, ont réussi à s’adresser directement à des officiers FDD et parfois, obtenu un règlement rapide de leurs doléances. Selon des observateurs locaux en position de pouvoir suivre ces cas, certains commandants ont sommairement arbitré des plaintes, parfois en punissant très sévèrement les prétendus auteurs.72 Des habitants de Rushubi ont mentionné une restitution partielle des biens qui avaient été pillés par la position FDD, mais pour les cas de pillage ultérieur, les victimes n’ont rien reçu d’autre que l’explication selon laquelle les biens devaient avoir été pillés par les FNL et non les FDD, alors pourtant que ces derniers avaient chassé les premiers depuis longtemps.73 Aux habitants de la zone Ruyaga qui se plaignaient du pillage de leurs biens par les FDD, un commandant  FDD a répondu que « Si vous ne voulez pas que nous vous volions, vendez vos chèvres ! Nous n’avons rien à manger. Allez vous plaindre au gouvernement. »74



[65] Entretien de Human Rights Watch, Bujumbura, 24 mars 2004.

[66] Entretiens de Human Rights Watch, Bujumbura, 3 février 2004 et Mutambu, 12 mars 2004. Un cas semblable a été rapporté en avril 2003 à Kabezi, voir rapport de Human Rights Watch : « Victimes au quotidien : les civils dans la guerre au Burundi », décembre 2003.

[67] Entretien de Human Rights Watch, Bujumbura, 18 mars 2004.

[68] Entretien de Human Rights Watch, Bujumbura, 24 mars 2004.

[69] Entretien de Human Rights Watch, Bujumbura, 5 mars 2004.

[70] Agence Burundaise de Presse (ABP) “Le ministre Pierre Nkurunziza demande pardon à Dieu et à la population”, Kayanza, 14 février 2004.

[71] Entretien de Human Rights Watch, Bujumbura, 17 mars 2004.

[72] Entretien de Human Rights Watch, Bujumbura, 4 février et 22 mars 2004.

[73] Entretien de Human Rights Watch, Rushubi, 19 mars 2004.

[74] Entretien de Human Rights Watch, Ruyaga, 26 février 2004.


<<previous  |  index  |  next>>juin 2004