Background Briefing

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La communauté internationale

Soucieuse de faire progresser par tous les moyens le processus de paix, les représentants de la communauté internationale, des Nations Unies ou de la Facilitation, n’ont jamais condamné les nombreux délais et reports qui ont émaillé la mise à exécution des accords de cessez-le-feu et de partage de pouvoir, pas plus qu’ils n’ont formulé de désapprobation sur certaines des provisions contenues dans ces accords.

Faisant suite déjà à un premier accord de cessez-le-feu signé en décembre 2002, des bailleurs européens avaient financé l’opération de distribution de nourriture aux rebelles FDD, aux fins entendues de les rassembler dans des sites identifiés, les dénombrer et pouvoir procéder aux opérations de désarmement et démobilisation. Un an et demi plus tard, ils ont repris la même opération, même s’il est apparu que certains de ces combattants, qui sont tous restés armés, ne se rassemblaient pas dans les sites initialement attribués. Les bailleurs n’ont jamais pu obtenir un décompte fiable et définitif des combattants à nourrir, de sorte qu’ils se sont basés sur les chiffres fournis par les groupes rebelles eux-mêmes. Dans  certains sites, les groupes rebelles ont pu avoir stocké une partie de cette nourriture distribuée, et s’en servir pour gagner de nouveaux adhérents ou un soutien politique supplémentaire. Selon des témoins, dans au moins un cas, des camions militaires en provenance de la province de Bubanza, qui abrite deux sites de rassemblement FDD/Nkurunziza, sont venus fournir en vivres les combattants FDD engagés dans les combats à Mbare Gasarara, dans Bujumbura rural.86 Craignant de mettre en péril le processus de paix, les bailleurs ont rechigné à mettre un terme à la délivrance de nourriture, avec pour conséquence que les Burundais ont fini par « considérer la distribution de nourriture comme un droit », a conclu un diplomate. « Et ils adoptent la même attitude pour exiger une assistance en faveur de la nouvelle armée intégrée. »87

La Banque Mondiale et d’autres bailleurs ont consenti des fonds importants pour le processus de paix et de démobilisation et réintégration. Il n’est pas exclu que les dirigeants burundais reviennent insister auprès de la communauté internationale pour qu’elle prenne aussi en charge le coût qui sera généré par la nouvelle armée intégrée avant démobilisation, coût que le gouvernement burundais ne peut supporter lui-même en l’état actuel des choses. Bien qu’il soit inimaginable que des bailleurs financent une armée, même en attente d’une réduction progressive des effectifs, certaines voix semblent vouloir considérer le problème, dans l’espoir de préserver le processus de paix et d’éviter tout conflit dans le futur.88

En avril 2004, après plus d’un an sur le terrain, l’AMIB souffrait sérieusement d’un manque de fonds pour pouvoir poursuivre sa mission de maintien de la paix. Le Secrétaire Général des Nations Unies a proposé que le Conseil de Sécurité vote la reprise de cette force sous la bannière onusienne et de doubler les effectifs pour atteindre le chiffre de 5.600 personnes, en ce compris le personnel civil qui sera chargé de l’observation des droits de l’homme et de la préparation des élections.89

Dernièrement, certains signaux traduisent la volonté, dans le chef de la communauté internationale, d’afficher une position plus ferme à l’encontre des dirigeants burundais. Le 21 avril, le président de la CSA critiquaient les nombreux reports dont a souffert le processus de paix, exigeant des mouvements armés qu’ils finalisent le rassemblement de leurs combattants, ce qui, au début de mois de juin, n’avait toujours  pas été annoncé officiellement.90 La Banque Mondiale a conditionné la libération de ses fonds à plusieurs points et exige, entre autres, que la CMC se prononce définitivement sur la définition du combattant et fournisse une réponse claire pour régler le sort des Gardiens de la Paix. Le 5 juin, les chefs d’état de la région qui suivent le processus de paix se sont réunis une nouvelle fois et ont rejeté la proposition du gouvernement burundais de prolonger d’un an la période de transition. Ils ont insisté pour que le gouvernement prenne ses dispositions afin de tenir les élections à la date prévue du 31 octobre et ont promis de se mobiliser pour l’obtention des fonds nécessaires au processus de cantonnement, démobilisation et réintégration des anciens combattants. Ils ont aussi décidé d’imposer des sanctions, sans pour autant les définir, au dernier groupe rebelle FNL et appelé le nouveau Conseil pour la Paix et la Sécurité de l’Union Africaine à recommander d’autres sanctions contre eux, à défaut d’une cessation des combats dans les trois mois à venir.91

La nouvelle présence onusienne et la plus grande fermeté affichée par les acteurs internationaux donnent, plus que jamais, des raisons de croire que la paix est possible. Avec la paix, rendre justice pour les crimes décrits dans ce document devra être la prochaine priorité.





[86] Entretiens de Human Rights Watch, Bujumbura, 17 mars 2004.

[87] Entretien de Human Rights Watch, Bujumbura, 22 mars 2004.

[88] Entretien de Human Rights Watch, Bujumbura, 31 mars 2004.

[89] Entretien de Human Rights Watch par téléphone avec Washington, 28 avril 2004.

[90] Arib News, « Dinka appelle au désarmement avant le 15 mai prochain », 21 avril 2004.

[91] IRIN, « Burundi : Stick to peace accord, regional leaders tell Burundi », 7 juin 2004.


<<previous  |  indexjuin 2004