<<previous | index | next>> « Des abeilles qui nous envahissent » : pillages, vols et occupation de propriétésLa plupart des unités mobiles de larmée gouvernementale ainsi que les combattants FDD sont arrivés à Bujumbura sans ravitaillement, pratiquant, en conséquence, « le ravitaillement sur itinéraire »43, ce qui implique pillages, vols, et occupation des maisons dhabitation des civils, à tel point quune femme a décrit les FDD comme « des abeilles qui nous envahissent. »44 Les 23 et 24 février 2004, des unités mobiles de larmée auraient pillé 128 ménages sur la colline Ruhabiro, non loin de Gasarara, emportant bidons, houes, couvertures, poules, haricots, savon, huile, jusquaux casseroles ; 200 ménages de la colline Buzige Musumba, et 136 ménages de la colline Buzige Mugubve.45 Parfois, le pillage est commis avec la seule intention de détruire ou dhumilier la population : les militaires renversent les casseroles qui contiennent de la nourriture, brisent les cruches remplies de bière ou déterrent les bananes qui mûrissent pour la fabrication de la bière.46 Une femme a rapporté : « Ils préfèrent trouer une casserole plutôt que la laisser. Le manioc dans les champs est arraché, même les jeunes pousses sont piétinées pour quelles ne poussent pas.»47 A Kabezi, des habitants ont rapporté que lunité mobile des FAB venue piller le 20 mars, avait été jusquà déféquer dans des casseroles à manioc.48 Dans certains cas, comme à Nyabobondo, commune Nyabiraba, au début du mois de février, le pillage semble organisé et intervient après une distribution daide, lorsque la population dispose de biens à piller. Ainsi, les militaires ont trompé la population de Kinyami et Mayemba, à Nyabibondo, en provoquant sa fuite en dehors de toute circonstance de combat et piller les biens abandonnés. Dans dautres cas, les militaires poursuivent les civils déjà déplacés jusque dans les ménages où ceux-ci ont trouvé refuge.49 Une femme, qui avait fui à Mugere, sest lamentée : « On a fui avec notre petit paquet daffaires qui est toujours prêt emballé au cas où. Le même jour, les militaires sont revenus de lattaque [contre les FNL], ils sont venus nous trouver là où on était réfugié. Ils sont rentrés dans tous les ménages. Ils ont tout fouillé, pris notre argent, nos habits emballés, tout ce quon avait pris pour fuir. Jai tout perdu. Dans mon paquet, il y avait des habits, des assiettes, une casserole. »50 Les résidents de Bujumbura rural ont aussi rapporté des cas de pillage par les FDD. Une femme a raconté : « Un dimanche, on avait mis nos habits du dimanche pour la messe. On a été arrêté en route par les FDD. Ils nous ont déshabillés et personne na été épargné, ils ont tout volé, on est resté sans pagne ni culotte. Même celui qui avait de largent à offrir à été déshabillé. On sest vraiment senti humilié. »51 Comme cétait déjà le cas dans le passé, la présence accrue de militaires de larmée gouvernementale a causé une augmentation sensible des corvées, telles la coupe du bois, le puisage de leau, le transport de biens et nourriture jusquaux positions militaires les plus éloignées, auxquelles la population est obligatoirement soumise, sans contrepartie financière. A Buhama, commune Mutambu, léglise a été encerclée en plein service religieux par des militaires qui voulaient réquisitionner une douzaine de civils pour un transport de vivres jusquà leur position.52 Les FDD ne sont pas en reste depuis leur récente installation. A Mbara Gasarara, les FDD ont fait savoir à la population quelle devra leur fournir le bois de chauffage, et à Rushubi, les FDD ont exigé quelle contribue en nourriture deux à trois fois par semaine.53 « Même celui qui na rien cherche à donner par tous les moyens car si on refuse, on est taxé de collaborateur des FNL », a dit un habitant.54 Les FNL exercent aussi une lourde pression sur la population, en exigeant des contributions en argent, en nourriture, et en lobligeant à assister à des réunions. Ils ont imposé un système de sanctions, bastonnade ou amende, pour ceux qui ne se plient pas à leurs directives.55 Les FNL exigent des jeunes quils deviennent membres des Jeunesses Patriotiques Hutu (JPH), un groupe qui doit exercer la police pour le compte des FNL, leur amener la nourriture récoltée auprès de la population, transporter les blessés ou contrôler la présence de la population aux réunions de propagande. Un habitant a expliqué que la plupart des JPH nont pas le choix et bien quélèves, doivent trouver le temps de participer. « Les parents ne peuvent pas dire grand chose. Sils refusent, ils sont menacés de mort. »56 Les FNL ne tolèrent la manifestation daucune forme dopposition à leur politique, comme la déploré un vieil homme : « On a peur de dire nos idées aux FNL. Pour le moment, cest comme sils nacceptaient pas. Si une personne ose dire ça [quon veut la paix] aux FNL, alors, on trouve des têtes sur la route. »57 [43] Entretien de Human Rights Watch, Ruyaga, 26 février 2004. [44] Entretien de Human Rights Watch, Bujumbura, 25 février 2004. [45] Entretien de Human Rights Watch, Buhonga, 11 mars et Bujumbura, 18 mars 2004. [46] Entretien de Human Rights Watch, Bujumbura, 27 novembre 2003, 5 décembre 2003 et 22 mars 2004.. [47] Entretien de Human Rights Watch, Bujumbura, 22 mars 2004. [48] Entretien de Human Rights Watch, Bujumbura, 22 mars 2004. Cette unité sest présentée comme étant « les Bakonangwe » (voir infra, Chaîne de commandement et impunité.) [49] Entretien de Human Rights Watch, Bujumbura, 18 février 2004 . [50] Entretien de Human Rights Watch, Bujumbura, 18 mars 2004. [51] Entretien de Human Rights Watch, Bujumbura, 18 février 2004. [52] Entretien de Human Rights Watch, Mutambu, 12 mars 2004. [53] Entretien de Human Rights Watch, Bujumbura, 17 mars 2004. [54] Entretien de Human Rights Watch, Rushubi, 19 mars 2004. [55] Entretien de Human Rights Watch, Bujumbura, 27 novembre 2003 et 2 mars 2004. [56] Entretien de Human Rights Watch, Bujumbura, 4 mars 2004. [57] Entretien de Human Rights Watch, Bujumbura, 27 novembre 2003.
|