Rapports de Human Rights Watch

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Droit International Et Droit National Burundais

Au cours de la guerre civile au Burundi, les soldats des forces armées burundaises et les combattants FNL ainsi que ceux d’autres mouvements rebelles ont souvent été responsables de nombreuses violations du droit international humanitaire (également connu sous le nom de droit de la guerre).60

Selon les Conventions de Genève de 1949, la guerre civile au Burundi est un conflit armé non international (interne). Les conflits armés internes sont ceux qui se déclarent dans un état partie aux Conventions de Genève. Ils sont couverts par l’Article 3 commun aux Conventions de Genève et au Second protocole additionnel de 1977 aux Conventions de Genève (Protocole II) ainsi que par une bonne partie du droit coutumier applicable aux conflits internationaux. Le Burundi a ratifié les Conventions de Genève de 1949 en 1971 et le Protocole II en 1993.

L’Article 3 commun aux Conventions de Genève oblige expressément toutes les parties à un conflit armé interne, y compris les forces armées burundaises et les groupes armés non étatiques comme le FNL. L’Article 3 commun exige que soient traités avec humanité les civils et les combattants capturés et interdit les atteintes portées à la vie et à l'intégrité corporelle, notamment le meurtre, les mutilations, les traitements cruels et les tortures ; les prises d'otages ; les atteintes à la dignité des personnes, les condamnations prononcées et les exécutions effectuées sans un jugement préalable, rendu par un tribunal régulièrement constitué.61

Le Protocole II est applicable lorsque les forces qui s’opposent dans un conflit interne sont sous la conduite d'un commandement responsable, exercent sur une partie de son territoire un contrôle tel qu'il leur permette de mener des opérations militaires continues et concertées et d'appliquer le Protocole II, conditions qui sont remplies dans le cas du Burundi. Le Protocole II complète l’Article 3 commun et fournit une liste plus complète des protections dont doivent bénéficier les civils dans des conflits armés internes, notamment l’interdiction des pillages des biens civils et l’obligation de permettre l’accès à une aide humanitaire impartiale.62

Le Burundi est également lié par le droit international relatif aux droits humains, qui s’applique pendant les conflits armés comme en temps de paix. Le Burundi est un état partie au Pacte international relatif aux droits civils (ICCPR)63 et à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Convention contre la torture)64, qui tous les deux interdisent la torture et autres mauvais traitements à tout moment et en toute circonstance. Le Burundi est également un état partie à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples de 1981 qui interdit également la torture.65

La Convention contre la torture prévoit spécifiquement que les autorités compétentes procèdent immédiatement à une enquête impartiale chaque fois qu'il y a des motifs raisonnables de croire qu'un acte de torture a été commis.66 L’ICCPR et la Convention contre la torture exigent tous les deux que la personne dont les droits ont été violés disposera d'un recours utile, que l'autorité compétente judiciaire ou toute autre autorité compétente statuera sur les droits de la personne qui forme le recours et qu’une suite sera donnée à tout recours qui aura été reconnu justifié.67

Le droit national burundais interdit également les abus décrits dans ce rapport. Un homicide commis avec l’intention de tuer est considéré comme un meurtre et est passible d’un emprisonnement ou de la peine de mort68. Si la torture n’est pas expressément définie, le droit pénal burundais stipule que « toute personne qui volontairement blesse ou frappe une autre personne » peut être emprisonnée ou faire l’objet d’une amende. Si ces blessures rendent la victime invalide ou impliquent la mutilation du corps de la victime, la peine maximale est de vingt ans de prison69. Les membres des forces armées peuvent être traduits en justice, par le système judiciaire militaire, selon les dispositions du code pénal ordinaire.70



[60] La signature de l’accord de cessez-le-feu ne signifie pas que le droit international humanitaire ne s’applique plus. Par exemple, selon le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie dans Tadic, Appeal on Jurisdiction, Case IT-94-1-AR72 (2 octobre 1995) : « Un conflit armé existe chaque fois qu’il y a recours à la force armée entre des Etats ou une violence armée prolongée entre de tels groupes au sein d’un Etat. Le droit international humanitaire s’applique dès le début de tels conflits et s’étend au-delà de la fin des hostilités jusqu’à ce qu’une conclusion générale soit trouvée ou dans le cas de conflits armés internes, la signature d’un accord de paix. Jusqu’à ce moment précis, le droit international humanitaire continue de s’appliquer … dans le cas de conflits internes, sur tout le territoire sous contrôle de l’une des parties, que des combats aient ou non effectivement cours sur place. »

[61] Conventions de Genève de 1949, article 3.

[62] Protocole additionnel relatif à la protection des victimes de conflits armés non-internationaux, 1977 (Protocole II, articles 13à 18).

[63] Pacte international relatif aux droits civils et politiques, G.A. res. 2200A (XXI), 21 U.N. GAOR Supp. (No. 16) à 52, U.N. Doc. A/6316 (1966), entré en vigueur le 23 mars 1976.

[64] Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, G.A. res. 39/46, annex, 39 U.N. GAOR Supp. (No. 51) à 197, U.N. Doc. A/39/51 (1984), entrée en vigueur le 26 juin 1987.

[65] Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, article 5.

[66] Convention contre la torture, article 12.

[67] ICCPR, article 2 ; Convention contre la torture, articles 13 et 14.

[68] Décret-loi no. 1/6 d’avril 1981 portant réforme du Code Pénal, articles 141-142. Human Rights Watch s’oppose à la peine de mort en toute circonstance comme étant un acte irréversible, intrinsèquement cruel.

[69] Décret-loi no. 1/6 d’avril 1981 portant réforme du Code Pénal, articles 146-150.

[70] Décret-loi No. 1/8 de mars 1980 portant réforme du code pénal militaire, article 116 (sur la complémentarité entre le code militaire et le code pénal civil).


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