Résumé
Dans lintérêt du processus de paix en Côte dIvoire, les initiatives soutenues internationalement et conçues pour contenir les auteurs dabus et combattre limpunité ont été mises en attente. Pourtant les violations continuelles des droits humains et la dégradation de lautorité de la loi sont des obstacles majeurs au processus de paix. Léchec de trois accords de paix successifs pour résoudre limpasse politico-militaire en Côte dIvoire a abouti à une stagnation de presque trois ans de ni paix ni guerre, avec des conséquences désastreuses pour les citoyens ivoiriens ordinaires. Non seulement cette stagnation a facilité des violations graves et répétées des droits humains commises par tous les côtés, mais elle a conduit à une dangereuse dégradation des institutions publiques conçues pour protéger et défendre les droits humains élémentaires. Dans les zones contrôlées par le gouvernement, la police et larmée sattaquent souvent aux civils quils sont censés protéger tandis que le système judiciaire offre peu de recours légaux. Les rebelles des Forces Nouvelles installés au Nord nont pas établi des institutions de gouvernance opérationnelles dans le territoire quils contrôlent, et dirigent au contraire par la menace, lintimidation, ou usent carrément de la force contre les civils. La stagnation a aussi forgé une détérioration incessante de la situation humanitaire, en particulier dans le Nord tenu par les rebelles.
Depuis 2002, la Côte dIvoire a effectivement été divisée entre le Sud contrôlé par le gouvernement et le Nord tenu par les rebelles, avec une zone tampon au milieu patrouillée par les forces françaises et des Nations Unies. En septembre 2005, une élection présidentielle prévue pour le 30 octobre 2005 a été annulée, balayant les espoirs des Ivoiriens et de la communauté internationale de résoudre la crise politico-militaire qui dure depuis trois ans et de réunifier le pays. Pour éviter une crise constitutionnelle et leffondrement complet du processus de paix chancelant, en octobre 2005 lUnion Africaine a annoncé et le Conseil de Sécurité des Nations Unies a avalisé un plan pour permettre au Président Laurent Gbagbo de rester au pouvoir une année de plus jusquà ce que les élections puissent se dérouler au plus tard le 30 octobre 2006. Aux postes de contrôles dans les zones tenues par le gouvernement, les forces de sécurité abusent régulièrement de leur pouvoir pour voler des civils et leur extorquer de largent. Les forces de sécurité gouvernementales sont appuyées par des milices soutenues par le gouvernement, des soldats mal entraînés qui régulièrement harcèlent, intimident et souvent terrorisent la population, en particulier les personnes suspectées dêtre des sympathisants des Rebelles des Forces Nouvelles et de lopposition politique. Selon des rapports dorganisations locales et internationales de surveillance des droits humains, de journalistes et de diplomates, des membres des forces de sécurité officielles du gouvernement dont larmée, la police, ainsi que les forces du Centre de commandement des Opérations de Sécurité nouvellement créé, auraient en 2005 commis de nombreuses exécutions extrajudiciaires, la plupart sous couvert de lutte anticriminelle.
Dans le Nord, des membres des Rebelles des Forces Nouvelles abusent régulièrement de leur pouvoir et extorquent systématiquement de largent aux civils aux postes de contrôle et dans les villes et les villages qui sont sous leur contrôle. Il y a aussi des rapports crédibles sur des rebelles des Forces Nouvelles coupables dexécutions extrajudiciaires dindividus suspectés de travailler comme agents infiltrés du gouvernement.
Le gouvernement na pas pris de mesures significatives pour exiger des comptes aux coupables datteintes récentes aux droits humains, encore moins pour traduire en justice les responsables de graves crimes internationaux dans le passé (à savoir les atteintes aux droits humains et les crimes de guerre commis sous la junte militaire en 1999-2000, les élections de 2000 et le conflit armé de 2002-2003, ainsi que les incidents les plus graves depuis la fin de la cessation des hostilités). Les dirigeants des Forces Nouvelles nont pas puni les coupables qui se trouvent dans leurs rangs, ni nont établi aucun système légal réel dans les zones sous leur contrôle. Pendant ce temps, la communauté internationale, craignant de saper les efforts visant à mettre un terme à limpasse politique militaire, na pas montré beaucoup de vigueur dans lapplication dune résolution du Conseil de Sécurité des Nations Unies prévoyant des sanctions contre les personnes impliquées dans des atteintes aux droits humains, ni pour insister sur les poursuites.
Lincapacité des rebelles et du gouvernement ivoiriens à résoudre les problèmes qui ont donné naissance à la guerre les querelles sur la citoyenneté, léligibilité pour se porter candidat aux élections, et la propriété des terres agricoles accroît léventualité de la reprise du conflit armé entre le gouvernement et les Forces Nouvelles, ou dautres violences politiques, comme un coup détat militaire, ou des affrontements localisés autour dAbidjan ou dans les régions agitées productrices de cacao et de café de lOuest du pays. Dans léventualité de la reprise des violences, le risque pour la vie et les biens des populations civiles demeure élevé. La force qui se tient actuellement entre les forces des rebelles et celles du gouvernement comprend environ 6000 soldats de maintien de la paix des Nations Unies et 4000 soldats français plus lourdement armés sous commandement séparé, mais les Nations Unies affirment que cest une force trop réduite pour assurer le maintien de la paix et la protection des civils en danger imminent. Les Nations Unies ont réclamé des renforts pour améliorer la capacité à protéger les civils. Linstabilité permanente de la Côte dIvoire menace aussi dattirer davantage de combattants des pays voisins et met ainsi en danger lactuelle fragile stabilité de la région.
Mettre la justice en attente pour un règlement final aléatoire dénie aux victimes le droit de voir les individus responsables de crimes graves selon le droit international rendre compte de leurs actes, et sape lautorité de la loi, rendant encore plus difficile de reconstruire le pays après la résolution de la crise. De plus, cette approche et la culture envahissante dimpunité quelle a créée semble avoir encouragé les coupables à commettre contre les civils des actes de violence toujours croissants.
Pour commencer à répondre à ce retranchement persistant dimpunité en Côte dIvoire, la communauté internationale, principalement les Nations Unies, doit prendre des mesures clefs. Premièrement, afin didentifier les personnes impliquées dans des atteintes passées aux droits humains, le Conseil de Sécurité des Nations Unies devrait rendre public le rapport de la commission denquête des Nations Unies sur les violations des droits humains et du droit international humanitaire (les lois de la guerre) depuis septembre 2002. Deuxièmement, pour empêcher les actions futures dauteurs présumés datteintes aux droits humains, le Comité des sanctions pour la Côte dIvoire du Conseil de sécurité des Nations Unies devrait appliquer immédiatement des sanctions économiques et sur les déplacements, autorisées par la résolution 1572 du Conseil de Sécurité, contre les individus désignés comme responsables de violations graves des droits humains. Enfin, dans un effort pour exiger des comptes aux coupables de violations des droits humains, le procureur de la Cour Pénale Internationale devrait rapidement prendre des mesures concrètes pour poursuivre les investigations sur les crimes graves selon le droit international commis par toutes les parties depuis 2002.
Ce rapport décrit les tendances des atteintes aux droits humains commises par les forces de la sécurité publique et des milices et par les forces rebelles et examine les conséquences humanitaires et sur les droits humains de limpasse ni guerre ni paix. Il sappuie sur des entretiens en Côte dIvoire en septembre-octobre 2005 avec des responsables de lOpération des Nations Unies en Côte dIvoire (UNOCI), des membres dautres agences des Nations Unies, des dirigeants des rebelles, des fonctionnaires locaux et des dirigeants des milices, des représentants dorganisations non-gouvernementales locales et internationales, des journalistes, des diplomates et des attachés militaires, des représentants des principaux partis politiques, ainsi quavec des victimes et des témoins de violations des droits humains.
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