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Soudan : Le Darfour a besoin que l’on agisse dans le domaine des droits humains

Les pays donateurs ne peuvent se contenter d’apporter une aide humanitaire

(Genève, le 3 juin 2004) – La réunion des pays donateurs qui a lieu aujourd’hui à Genève devrait porter aussi bien sur la crise des droits humains au Soudan que sur la crise humanitaire, a déclaré Human Rights Watch ce matin.  

« « La crise au Darfour est une situation d’urgence provoquée par l’homme. Le besoin d’aide humanitaire est urgent mais l’aide ne doit pas s’arrêter là. Une solution politique est nécessaire : la politique de nettoyage ethnique menée par le gouvernement soudanais ne doit pas être tolérée. »
Kenneth Roth, Directeur de Human Rights Watch
  

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Alors qu'un million de personnes déplacées se trouvent toujours au Darfour, région aride de l’Ouest du Soudan, 110 000 réfugiés ont fui au Tchad. Tous ont désespérément besoin d’aide humanitaire. L’Organisation des Nations Unies estime que le Darfour est la plus grande catastrophe mondiale au plan humanitaire.  
 
Mais la cause première de cette crise humanitaire est la campagne de « purification ethnique » menée par le gouvernement soudanais contre les civils de trois groupes ethniques. Si les pays donateurs veulent avoir une chance de remédier au désastre humanitaire, ils doivent s’occuper de la crise sur le plan des droits humains, a déclaré Human Rights Watch.  
 
« La crise au Darfour est une situation d’urgence provoquée par l’homme », a affirmé Kenneth Roth, Directeur de Human Rights Watch. « Le besoin d’aide humanitaire est urgent mais l’aide ne doit pas s’arrêter là. Une solution politique est nécessaire : la politique de nettoyage ethnique menée par le gouvernement soudanais ne doit pas être tolérée »  
 
Le gouvernement soudanais a armé, entraîné et déployé des milices connues sous le nom de Janjaweed qui ont attaqué et réduit en cendres des centaines de villages, tué des milliers de civils, volé des centaines de milliers d’animaux et détruit les réserves agricoles et les sources d’alimentation en eau. Le gouvernement soudanais a engagé les forces armées soudanaises aux côtés des Janjaweed et leur a accordé l’appui d’Antonovs et d’hélicoptères d’assaut.  
 
Ces deux alliés prennent pour cibles les civils appartenant à trois groupes ethniques (les Fours, les Zaghawas et les Massalits) parmi lesquels les rebelles recrutent au Darfour. Après les attaques, le gouvernement soudanais a empêché les civils ayant survécu de retourner chez eux.  
 
Kenneth Roth a vivement conseillé aux pays donateurs d’exiger que le gouvernement soudanais désarme, dissolve et retire les Janjaweed des zones qu’ils ont occupées et que ce même gouvernement assure la protection et l’aide aux personnes déplacées pour qu’elles puissent rentrer chez elles volontairement et en toute sécurité.  
 
« Si le gouvernement soudanais ne prend pas les mesures nécessaires», a déclaré M. Roth, « le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies devrait être prêt à invoquer le Chapitre VII de la Charte de l’ONU, qui autorise le Conseil de sécurité à prendre toute action nécessaire `au maintien ou au rétablissement de la paix et de la sécurité internationales’ ».  
 
Le 8 avril, le gouvernement soudanais a signé un accord de cessez-le-feu avec les deux groupes rebelles du Darfour. Mais les attaques contre les civils, y compris les meurtres et les viols, ont continué. La milice Janjaweed a poursuivi sa campagne de purification ethnique dans la région Sud du Darfour, brûlant des villages, tuant des civils (selon les survivants, une seule attaque dans un village aurait fait 56 morts) et déplaçant des milliers de personnes.  
 
Pendant ce temps, un avion Antonov du gouvernement soudanais et deux hélicoptères d’appui ont bombardé un marché bondé le 28 mai, tuant au moins douze personnes dans un village situé près d’El Fashir, la capitale du Nord-Darfour. Il existe aussi de nombreux témoignages crédibles sur des attaques continues contre des civils dans les camps et les regroupements de déplacés contrôlés par le gouvernement.  
 
Lors de l'accord de cessez-le-feu du 8 avril, les parties en conflit ont demandé à l'Union Africaine de créer une commission afin de surveiller la mise en oeuvre du cessez-le-feu. Mais l'accord ne prévoyait pas le mandat spécifique de protéger les civils.  
 
Les pays donateurs doivent financer de façon généreuse non seulement le programme d’aide d’urgence mais aussi les moniteurs qui surveilleront si le rapatriement des personnes déplacées est fait sur une base volontaire et de manière à assurer leur sécurité. Ces inspecteurs devraient aussi évaluer la sécurité des personnes déplacées qui se trouvent dans les camps où elles subissent maintenant les pillages, les viols et les meurtres commis par les Janjaweed. Ils devraient aussi surveiller les villages qui n’ont pas encore été attaqués.  
 
Si et quand les Janjaweed se retirent du Darfour, des mesures seront aussi nécessaires pour empêcher les rebelles de profiter du retrait de la milice gouvernementale.  
 
Le gouvernement soudanais a repris sa campagne dans le Darfour au début de l’année dernière en représailles contre les attaques surprises des rebelles contre sa garnison militaire d’El Fashir, la capitale du Nord Darfour. Les rebelles ont détruit au moins sept avions militaires au sol, infligé des pertes et fait prisonniers des membres du personnel militaire soudanais.  
 
Khartoum a entravé les efforts internationaux visant à mettre en place une campagne d’aide. Bien que le gouvernement ait récemment promis de faciliter la procédure d’obtention des visas pour les travailleurs humanitaires, il fait tout pour gagner du temps et ne pas approuver la nomination d’un représentant de l’ONU qui coordonnerait l’énorme opération humanitaire. Les donateurs doivent vivement conseiller au gouvernement soudanais d’accepter immédiatement le représentant résident de l’ONU et de lui permettre de prendre son poste à Khartoum.  
 
« L’aide humanitaire sauvera des vies, mais une action politique énergique est aussi nécessaire pour mettre fin aux violations massives des droits humains qui provoquent le déplacement de ces agriculteurs et les font souffrir de la faim », a déclaré K. Roth.