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Russie : La Pratique Systématique d’Initiation, un Abus Sérieux

Le corps d’officiers et le gouvernement ont manqué de réagir

(Moscou, le 20 octobre, 2004)—Des centaines de milliers de nouvelles recrues risquent des traitements abusifs commis par d’anciens conscrits pendant leur première année de service dans les forces armées russes, a dit Human Rights Watch dans un rapport aujourd’hui.

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The Wrongs of Passage : Inhuman and Degrading Treatment of New Recruits in the Russian Armed Forces.
http://hrw.org/reports/2004/russia1004/

Le rapport de 86 pages, intitulé « The Wrongs of Passage : Inhuman and Degrading Treatment of New Recruits in the Russian Armed Forces, » documente les violations des droits humains résultant du dedovshchina, ou « la loi des grands-pères », qui conduit à la mort des douzaines de recrue chaque année, et à une détérioration sérieuse – et parfois permanente - de la santé physique et mentale de milliers d’autres. Chaque année, des centaines de recrues commettent ou tentent de commettre des suicides et des milliers d’autres fuient, abandonnant leurs postes.  
 
Dans l’armée russe, les anciens conscrits obligent les jeunes recrues à subir une servitude inutile pendant toute une année. Ils les punissent violemment pour des violations aux règles officielles ou informelles et les maltraitent sans ménagement, pratiques manifestement contraires au code de conduite de l’armée russe. Le corps d’officiers et le gouvernement russe n’ont rien entrepris pour arrêter ces abus.  
 
« Les recherches de Human Rights Watch démontrent qu’il est tout à fait possible de prévenir ces pratiques d’initiation » a dit Diederik Lohman, un chercheur pour la Division Europe et Asie Centrale et l’auteur du rapport. « Il est temps pour le gouvernement russe de mettre fin à cette pratique choquante. »  
 
Le rapport est basé sur trois ans de recherche du système dedovshchina dans sept régions en Russie y compris Cheliabinsk, Moscou, Novokuznetsk, Novosibirsk, St. Petersburg, Vladivostok, et Volgograd, et des entretiens avec plus de cent recrues, leurs parents, des officiels du gouvernement, des avocats, des spécialistes d’organisations non gouvernementales, et des anciens militaires. Ces recrues ont fait leur service à plus de 50 postes dans plus de 25 sur 89 provinces en Russie.  
 
Le système de bisoutage est nourri par un cycle vicieux de vengeance, a dit Lohman. Après avoir subi des abus horribles pendant leur première année de service, les conscrits se vengent au cours de leur seconde année, faisant subir les mêmes actes outrageants à la prochaine génération de recrues, et ainsi de suite.  
 
Pendant la première année de service, les nouvelles recrues subissent des menaces constantes de violence, pour défaut d’exécuter les ordres arbitraires des conscrits de seconde année. Ces ordres varient de l’obligation de polir les bottes à celle de fournir de la nourriture et de l’alcool. La recrue de première année passe la plupart de son temps à observer ces ordres, son refus appelant des coups violents ou d’autres punitions corporelles, souvent infligées à l’insu des officiers.  
 
Dans leur grande majorité les officiers militaires choisissent d’ignorer ces abus ou de les encourager parce qu’ils considèrent la dedovshchina comme utile pour entretenir la discipline dans les troupes. Dans plusieurs unités, des mesures préventives existantes ont été réduites en de simples formalités sans conséquence.  
 
Le fait que dedovshchina est systématiquement utilisée dans certaines unités et presque pas dans d’autres suggère que les abus d’initiation seraient évitables si les officiers exerçaient leur autorité afin de les arrêter. Certaines recrues ont dit que les officiers dans les unités sans dedovshchina avaient envoyé un message clair et concis aux troupes disant qu’ils ne tolèreraient pas ces abus. Ainsi ils ont maintenu un bon rapport avec leurs troupes, ont mis en place des mesures préventives, et ont répondu de façon décisive aux allégations d’abus.  
 
Malgré la connaissance notoire, depuis des années, de la dedovshchina et de ses conséquences, le gouvernement n’a pris aucune disposition nécessaire pour combattre la pratique. Au lieu de se prononcer clairement contre ces abus, les officiels du gouvernement les ont ignorés dans de nombreux discours sur la réforme militaire. Le gouvernement n’a pas encore adopté un plan pour arrêter les abus ni pour entamer un processus d’établissement des responsabilités.  
 
« L’indifférence du gouvernement à l’initiation est renversante, » a dit Lohman. « Comment un pays si préoccupé par la capacité de ses forces armées peut-il ignorer une pratique qui sape ces forces ? »  
 
Chaque année, des histoires horribles sur la dedovshchina poussent des milliers de parents russes à protéger leurs fils du service militaire. Les familles les plus aisées et les plus éduquées y parviennent le plus souvent. Les forces armées attirent de plus en plus de recrues de la population pauvre, et beaucoup de nouvelles recrues souffrent de malnutrition, de mauvaise santé, d’abus d’alcool et de drogues, et d’autres maux sociaux avant leur conscription. Pendant leur service, les recrues courent des risques d’abus corporal ou mental, de malnutrition, et d’absence de protection médicale, ce qui explique un niveau très bas du moral dans l’armée.  
 
Human Rights Watch a appelé le gouvernement russe à la création d’une commission chargée de proposer et de mettre en oeuvre une stratégie pour combattre les abus de dedovshchina. Il a aussi demandé la création d’un médiateur spécial pour le service militaire sous le médiateur général, Vladimir Lukin.