Rapport Mondial 2005

Burundi

La majeure partie du Burundi a bénéficié en 2004 d'une paix relative pour la première fois en onze ans, mais la province de Bujumbura-rural, autour de la capitale, est restée le théâtre d'affrontements entre les rebelles des Forces nationales de libération (FNL) d'une part et une coalition des Forces armées burundaises et des Forces pour la défense de la démocratie (FDD) d'une autre. Les FDD, un ancien groupe rebelle ont rallié l'armée à la fin 2003. Les FNL, issues de la majorité hutue de la population, sont à ce jour le seul groupe à rester hors du processus de paix qui rassemble tous les autres mouvements hutus—dont les FDD - et les partis de la minorité tutsie qui a dominé l'armée et la vie politique depuis des générations. Toutes les forces impliquées dans la guerre civile qui a ravagé ce pays et celles qui restent impliquées dans les incidents armés qui continuent d'éclater aux abords de la capitale ont commis de graves violations du droit international humanitaire et des droits humains, tuant, violant et pillant les populations civiles.

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Les Accords d'Arusha signés en 2000, premiers d'une série d'arrangements sur le partage du pouvoir entre belligérants, garantissaient une période de transition de trois ans devant s'achever par des élections nationales le 1er novembre 2004. Mais en juillet 2004, les principaux partis n'avaient pas réussi à se mettre d'accord ne serait-ce que sur une constitution dans le cadre de laquelle seraient organisées ces élections. Fortement soutenus par les chefs d'Etat de la région, les partis dominés par les Hutus ont défendu en septembre un projet de constitution qui a été rejeté par les principaux partis tutsis au motif qu'il ne garantissait pas suffisamment les droits et la sécurité de la minorité. Finalement, juste avant la date théorique de son entrée en vigueur, la plupart des partis dirigés par des Tutsis ont changé d'avis et ont donné leur accord pour oeuvrer dans le cadre de cette constitution, au moins jusqu'à la tenue d'un référendum national initialement prévu pour la fin 2004, les élections devant se tenir début 2005.  
 
En juin 2004, la force de maintien de la paix dirigée par les Sud-Africains et déployée sous les auspices de l'Union africaine a été remplacée par une mission de maintien de la paix des Nations Unies, l'Opération de l'ONU au Burundi (ONUB). N'ayant atteint ses effectifs prévus que vers la fin de l'année, l'ONUB a déployé un nombre croissant de troupes et d'observateurs dans Bujumbura-Rural, sans réduire pourtant de façon significative le nombre d'abus commis contre les civils.  
 
Les civils, cibles des combattants  
Les soldats gouvernementaux, en collaboration avec les FDD, ont chassé les FNL des collines entourant la capitale Bujumbura qui constituèrent pendant des années les bases des rebelles de ce mouvement. Dans certains cas, les combats n'ont visé que les FNL mais, le plus souvent, les populations civiles ont aussi été attaquées parce que soupçonnées de soutenir les FNL, financièrement ou en leur procurant vivres et abris. Ils ont aussi attaqué les civils en représailles aux embuscades tendues par les FNL aux soldats gouvernementaux ou aux combattants FDD. Ils ont délibérément tué des civils, violé des femmes et des filles, incendié des maisons et volé des biens. Les forces des FNL ont assassiné ceux connus ou soupçonnés de travailler pour le gouvernement et ont volé ou extorqué les biens des civils. Les combats et les exactions des combattants ont fréquemment poussé les populations civiles à fuir et des dizaines de milliers d'entre eux ont passé plus de six mois de l'année dans des camps, des logements temporaires ou carrément dans le bush. A la fin 2004, le gouvernement et les forces des FDD se sont régulièrement livrés au pillage des civils, à peine ces derniers avaient-ils reçu de l'aide humanitaire en vivres, couvertures ou autres objets domestiques. La pratique s'est tellement répandue que les organisations humanitaires ont été contraintes de suspendre leurs distributions afin d'éviter de provoquer de nouvelles attaques contre des populations vivant déjà dans une terrible misère. Les FDD, qui furent dans le passé parfois alliées aux FNL, ont vu dans ce mouvement un rival potentiel en cas d'élections et se sont montrées, selon toute vraisemblance, les plus acharnées contre les civils dont elles pensaient qu'ils soutenaient les FNL.  
 
Le 13 août 2004, les rebelles FNL, apparemment renforcés par des combattants d'autres groupes, ont massacré plus de 150 réfugiés congolais dans le camp de Gatumba, proche de la frontière avec la R.D. Congo. Plus d'une centaine de soldats burundais et plusieurs dizaines de policiers, stationnés dans des casernements proches, se sont abstenus de toute intervention malgré les appels à l'aide répétés des civils attaqués, essentiellement des femmes et des enfants, tués dans une fusillade nourrie ou brûlés vifs dans leurs tentes. Au début du mois de novembre, les autorités militaires burundaises n'avaient encore pris aucune mesure publique contre les officiers coupables de n'avoir pas protégé les civils placés sous leur responsabilité.  
 
La Justice  
Malgré leurs fréquents appels à la justice, les acteurs nationaux comme internationaux semblent s'être contentés d'expédients sans réel souci de dégager les responsabilités. L'accord signé fin 2003 entre le gouvernement et les FDD, amplement soutenu par la communauté internationale, garantissait « l'immunité provisoire » à tous les combattants et aux dirigeants des deux parties concernées. Cette disposition signifiait que la justice ne s'intéresserait à leurs crimes que plus tard, et même sans doute jamais. Les procureurs de la justice militaire assurent maintenant qu'ils ne peuvent pas poursuivre des soldats accusés en raison de cette « immunité provisoire ».  
 
Des centaines de combattants FDD détenus dans les prisons du Burundi, dont certains accusés de crimes ayant entraîné la mort, ont été libérés à la mi-2004 en vertu de cette disposition. En juillet 2004, les détenus de la plupart des prisons du Burundi ont entamé une grève de plusieurs semaines exigeant d'être libérés conformément à cet accord ou en vertu d'un autre, plus large, concernant la libération des « prisonniers politiques ». Les autorités ont ramené l'ordre dans les prisons en promettant de créer une commission pour examiner les revendications des prisonniers, remettant ainsi à plus tard une décision sur cette question complexe.  
 
Dans le cadre des accords d'Arusha, les parties demandaient aux Nations Unies de créer une commission internationale d'enquête sur les crimes graves commis au Burundi depuis 1962. Le Conseil de sécurité n'a pas réagi à cette requête jusqu'en 2004, puis a envoyé une équipe sur place seulement chargée d'évaluer la faisabilité d'un tel projet. Les conclusions de cette mission d'évaluation n'avaient pas été rendues publiques fin novembre mais le Conseil de sécurité semblait plutôt enclin à se passer de nouvelles commissions et à aller de l'avant en soutenant d'éventuelles poursuites. Pendant ces années de retard, les autorités burundaises ont assuré qu'elles voulaient qu'un mécanisme international soit chargé de rendre la justice, mais ont montré peu de réelle volonté de le faire elles-mêmes au travers de la justice nationale du pays.  
 
En 2004, les autorités ont commencé à mettre doucement en oeuvre les réformes du système judiciaire adoptées en 2003, mais n'ont encore inculpé aucun suspect en vertu de la loi contre les crimes de génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité adoptée l'année précédente.  
 
Après qu'un porte-parole eut reconnu la responsabilité des FNL dans le massacre de Gatumba, le gouvernement a délivré un mandat d'arrêt à l'encontre de deux responsables des FNL qui n'ont cependant jamais été arrêtés.  
 
Confrontés à la difficulté de poursuivre en justice des crimes aussi horribles que complexes, certains Burundais ont émis l’idée de se tourner vers la Cour Pénale internationale, processus amorcé mais interrompu en août 2003. Sous l’effet de pressions intérieures et internationales, le gouvernement a finalement achevé les procédures de ratification pour adhérer à la CPI, ouvrant ainsi l’espoir que de tels crimes puissent finalement être punis.  
 
La question foncière et le retour des réfugiés  
Près de 80.000 réfugiés en Tanzanie, majoritairement hutus, avaient regagné le Burundi en août 2004, mais le flot s’est ralenti et même provisoirement tari en raison des incertitudes et des craintes d’instabilité qui pourraient résulter de l’absence d’élections. Des centaines de Tutsis ont également fui le Burundi vers le Rwanda en septembre et octobre, craignant également des violences.  
 
Le gouvernement doit trouver le moyen de concilier le droit à la propriété des réfugiés de retour et ceux des personnes qui occupent actuellement la terre. Dans des circonstances similaires il y a dix ans, le retour d’une génération précédente de réfugiés et ses revendications sur la propriété des terres avaient engendré des tensions menant le pays aux prémices d’une guerre civile.  
 
Les principaux acteurs internationaux  
Les acteurs internationaux se sont engagés à éviter un génocide semblable à celui qui s’est produit au Rwanda, pays voisin et de composition démographique similaire, mais se sont montrés réticents à apporter les moyens nécessaires à la promotion d’une paix réelle : les Nations Unies n’ont décidé de l’envoi d’une force de maintien de la paix qu’en 2004 et n’ont toujours pas donné leur accord à l’établissement d’une commission qui permettrait de rendre justice pour les graves violations passées du droit international.  
 
L’Afrique du Sud a supporté seule l’essentiel des coûts de la force de maintien de la paix initialement déployée par l’Union africaine et a également engagé d’importants efforts politiques pour faciliter la conclusion d’accords au Burundi. Ses dirigeants ont parfois mal géré les efforts des autres chefs d’Etat de la région sur ce dossier, mais au bout du compte, tous ont apporté un soutien de poids aux récents progrès vers une nouvelle constitution.  
 
Différents acteurs internationaux, en particulier l’ONU, ont essayé d’amener les FNL à la table de négociations en juin et juillet, mais après le massacre de Gatumba, tous ont suspendu leurs efforts. Vers la fin de l’année, l’ONU et d’autres ont discrètement laissé entendre qu’ils pourraient reprendre leurs pourparlers avec les FNL, sans cependant préciser comment ils s’y prendraient pour, malgré tout, ne pas sacrifier les droits de la justice pour le massacre de Gatumba.  
 
La Commission des droits de l’Homme de l’ONU n’a pas renouvelé le mandat de son rapporteur spécial pour le Burundi, mais les personnels de la force des Nations Unies au Burundi chargés des droits humains sont devenus de plus en plus efficaces dans l’observation des violations sur le terrain.  
 
Fin novembre 2004, le Burundi s’est joint aux initiatives internationales en faveur de la protection des enfants et a ratifié deux protocoles additionnels à la Convention sur les droits de l’enfant (elle-même formellement adoptée le 25 mai 2000), celui concernant l’implication des enfants dans les conflits armés et celui sur la traite, la prostitution et la pornographie infantiles.