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Maroc: Après la commission vérité, l’Etat doit combattre une impunité persistante

(Rabat, 28 novembre 2005) – Le gouvernement marocain doit désormais agir pour mettre fin à l’impunité des forces de sécurité et accroître l’indépendance de la justice s’il veut cimenter le legs de la commission vérité du pays, a déclaré Human Rights Watch dans un nouveau rapport publié aujourd’hui.

« L’IER semble avoir fait un travail sérieux pour exhumer les violations du passé et pour honorer les victimes. Mais il incombe désormais à l’Etat d’assurer un volet important de la réparation : prendre les mesures nécessaires pour garantir que les violations dont ont souffert les victimes ne puissent jamais se reproduire au Maroc. »
Sarah Leah Whitson, directrice exécutive de la division Moyen-Orient Afrique du Nord à Human Rights Watch.
  

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Après bientôt deux ans d’investigations sur les exactions commises entre 1956 et 1999, l’Instance Equité et Réconciliation désignée par l’Etat doit soumettre son rapport final et ses recommandations au roi Mohammed VI à la fin de ce mois.  
 
La commission marocaine, la première de ce genre au Moyen-Orient et en Afrique du nord, représente une étape historique dans la reconnaissance des violations commises au cours des 38 ans de règne de feu Hassan II - qui comprennent les centaines de cas de « disparus » et les milliers de cas de détentions arbitraires.  
 
L’IER, qui a dit avoir reçu entre 25 000 et 30 000 demandes de réparation, va déterminer la nature et le montant des indemnisations que l’Etat devra verser aux victimes.  
 
« L’IER semble avoir fait un travail sérieux pour exhumer les violations du passé et pour honorer les victimes », a déclaré Sarah Leah Whitson, directrice exécutive de la division Moyen-Orient Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Mais il incombe désormais à l’Etat d’assurer un volet important de la réparation : prendre les mesures nécessaires pour garantir que les violations dont ont souffert les victimes ne puissent jamais se reproduire au Maroc ».  
 
Les autorités marocaines ont présenté l’IER comme la clé de voûte du processus de consolidation démocratique et de primauté du droit. Mais cette affirmation est assombrie par les violations continues des droits humains, et ce, malgré les avancées opérées ces quinze dernières années.  
 
Les autorités continuent de poursuivre les journalistes pour des articles critiques et de casser des manifestations pacifiques. Les arrestations arbitraires de présumés militants de l’Indépendance se poursuivent dans le territoire disputé du Sahara Occidental. Et à la suite des attentats suicide de Casablanca en 2003, les forces de sécurité marocaines ont raflé des centaines de présumés islamistes et les ont soumis, au cours de leurs interrogatoires, à de mauvais traitements. Ces hommes ont été condamnés à des peines de prison après des procès iniques.  
 
Si les exactions commises aujourd’hui n’ont pas la même ampleur que celles perpétrées dans les années 60 et 70, elles démontrent cependant que les mécanismes qui ont facilité les violations du passé – l’impunité dans laquelle agissent les forces de sécurité, l’absence d’indépendance des tribunaux et une législation répressive – sont loin d’être des reliques du passé. Les violations actuelles ne font pas partie du mandat de l’IER mais elles pèsent sur sa mission de proposer des recommandations pour empêcher les abus dans le futur.  
 
Le rapport complet de l’IER va être remis au roi. Mais on ne connaît pas encore la teneur de ce qui sera rendu public. L’IER a enquêté sur l’histoire générale de la répression au Maroc mais aussi sur les cas individuels, en particulier sur les centaines de personnes que les forces de sécurité ont fait « disparaître » dans les années 60, 70 et 80 et dont le sort reste inconnu. Un des indicateurs du succès de l’IER sera l’ampleur avec laquelle elle fournira des informations concrètes aux familles sur le sort de leurs proches « disparus ».  
 
Un autre test pour l’IER sera sa position à l’égard de l’impunité des responsables des violations graves du passé, dont certains occupent toujours leurs fonctions dans les rouages de l’Etat. Si l’IER ne peut nommer publiquement le nom des responsables, elle devrait néanmoins préconiser que l’Etat condamne ou sanctionne ces responsables quand il existe des preuves évidentes de leur implication, a déclaré Human Rights Watch. L’IER devrait également révéler publiquement dans quelle mesure elle a bénéficié de la coopération nécessaire des agents de l’Etat, anciens ou actuels, et divulguer l’impact de tout manque de coopération dans sa recherche pour la vérité.  
 
Dans son rapport de 48 pages, intitulé « La commission marocaine de vérité : le devoir de mémoire honoré à une époque incertaine », Human Rights Watch adresse la plupart de ses recommandations aux autorités marocaines, à qui incombent la responsabilité ultime de protéger les citoyens contre les exactions futures et d’accomplir le droit des victimes du passé à la réparation. Les autorités devraient:  
     
  • Charger un organe supérieur de l'Etat pour superviser et évaluer, publiquement et de manière suivie, la mise en œuvre par l'Etat des recommandations de l’IER.  
  • S'engager à fournir une réponse publique à chacune des recommandations de l’IER, en l'accompagnant d'un plan et d'un calendrier d'application, ou préciser pourquoi le gouvernement n'a pas l'intention d'appliquer telle ou telle recommandation.  
  • Veiller à ce que toutes les preuves matérielles collectées par l’IER soient remises aux autorités judiciaires, en prévision des poursuites que ces preuves justifieraient.  
  • Traduire en justice les personnes identifiées par l’IER comme ayant commis des violations graves des droits humains, lorsqu'il existe suffisamment de preuves pour les renvoyer devant les tribunaux.  
  • S'abstenir de décréter toute amnistie ou toute mesure similaire qui exempterait de poursuites les personnes impliquées dans les “disparitions” ou autres violations graves des droits humains ; toute mesure éventuelle de clémence devrait être adoptée après l'établissement des responsabilités individuelles, non pas avant.  
  • Envisager des sanctions extrajudiciaires, telles que des licenciements, à l'égard de fonctionnaires de l'Etat contre qui il existe de solides preuves de participation à de graves exactions, lorsque le poste qu'ils occupent leur permet de continuer à violer les droits humains d'autres personnes.  
  • Rappeler publiquement aux victimes et à leurs ayants-droit qu'ils jouissent en permanence du droit d'obtenir réparation devant les tribunaux, lequel droit n'est pas compromis par l'existence de l’IER ni par leur acceptation des réparations fixées par l’IER.  
  • Garantir un cadre juridique et administratif qui préserve et assure un accès public facile aux pièces d'archives générées par l’IER, à l'exception du matériel qui devrait légitimement rester confidentiel.  
  • Reconnaître que les atteintes graves aux droits humains perpétrées pendant la période étudiée par l’IER étaient systématiques et ont été ordonnées aux plus hauts niveaux de l'Etat, et présenter des excuses officielles aux victimes et à leurs familles.  
 
« Les commissions vérité servent à tirer les leçons du passé afin de les appliquer à l’avenir », a dit Whitson. « L’héritage de l’Instance Equité et Réconciliation sera d’autant plus noble si l’Etat marocain agit aujourd’hui pour mettre fin à l’impunité, passée et présente »  
 
http://hrw.org/french/reports/2005/morocco1105/  

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