HUMAN RIGHTS
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L'Union Européenne

Le processus d'intégration dans l'Union Européenne a rencontré un obstacle majeur en 2005 quand les électeurs français et hollandais ont rejeté le nouveau Traité sur la Constitution, le laissant ratifié par à peine la moitié des vingt-cinq Etats membres et incitant certains des Etats indécis à remettre à plus tard leur projet de référendum. La procédure d'expansion de l’UE suit néanmoins son cours, maintenant la conditionnalité des droits de l'homme au centre des négociations qui ont permis l’introduction de pourparlers officiels d’adhésion avec la Croatie et la Turquie (lire les bilans spécifiques sur ces pays).

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Sur des questions comme l’immigration, l'asile et le contre-terrorisme, l’approche générale de l’UE, tout comme les politiques et les pratiques des différents états de l’UE, continuent à refléter une tendance à contourner les engagements internationaux sur les droits de l'homme.  
 
 
Mesures de lutte contre le terrorisme  
 
La question de la lutte contre le terrorisme en Europe a été dominée en 2005, d'une part, par la menace terroriste qui a pris une dimension jusqu'à présent inégalée dans les Etats de l'UE, et d'autre part, par le développement de politiques de contre-terrorisme instaurées par les gouvernements de l'UE, avec un impact négatif sur les droits de l'homme fondamentaux.  
 
Cette menace a été particulièrement ressentie quand Londres a été frappée le 7 juillet par l’explosion simultanée de trois bombes dans son réseau ferroviaire souterrain, et d’une quatrième dans un autobus, tuant cinquante-six personnes (y compris les quatre terroristes), ce qui en a fait l'attaque la plus mortelle de l'histoire moderne de la Grande-Bretagne. Une attaque d’autant plus marquante qu’elle est la première subie par l’UE, perpétrée par des kamikazes, de nationalité britannique de surcroît.  
 
Le 21 juillet, deux semaines plus tard exactement, des kamikazes ont échoué dans une tentative d’attentat quasi identique dans trois rames de métro et un autobus londoniens. Le lendemain, la police a abattu un Brésilien à bord d’une rame du métro de Londres, l'ayant apparemment confondu avec un terroriste suspect. L'incident, qui a soulevé des questions sur les méthodes de surveillance de la police ainsi que sur la mise en application d'une réglementation l’autorisant à utiliser la force mortelle, a été immédiatement soumis à une enquête de la Commission indépendante des plaintes contre la police. A l’heure où nous écrivions ce bilan, son rapport était normalement prévu pour la fin de l’année 2005.  
 
En septembre dernier, un tribunal espagnol a condamné un chef présumé d'Al-Qaida à vingt-sept ans d'emprisonnement pour conspiration dans le but de commettre des actes meurtriers, en ayant fourni un soutien logistique aux acteurs des attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, et pour avoir été le chef d'une organisation terroriste. Dix-sept co-accusés ont été jugés coupables d'appartenir ou de collaborer avec un groupe terroriste. Un procès du terrorisme s'est ouvert en Belgique début novembre, avec treize inculpés (tous marocains ou belges d’origine marocaine) accusés de fournir un soutien logistique aux acteurs des attentats commis à Madrid, à bord de plusieurs trains en 2004, et ceux de Casablanca, au Maroc, en 2003.  
 
Au début du mois de novembre, le Washington Post, citant des sources du gouvernement américain, a signalé que les Etats-Unis avaient utilisé des lieux de détention secrets en Europe et ailleurs afin de détenir illégalement des personnes suspectées de terrorisme sans leur avoir accordé le droit ou l’accès à un avocat. Alors que l'article n'identifiait pas ces lieux, ses allégations étaient conformes à celles établies par les enquêtes de Human Rights Watch suggérant l'existence de centres de détention secrets en Pologne et en Roumanie (le premier un Etat membre de l’UE, le dernier un Etat en cours d’adhésion). La Commission européenne et l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe ont immédiatement annoncé l’ouverture d’une enquête, alors que le Comité international de la Croix-Rouge demandait l'accès aux centres en question.  
 
 
Détention sans limitation de durée ou à durée prolongée  
 
La plus haute juridiction du Royaume-Uni, le Comité judiciaire de la Chambre des Lords (généralement dénommé «Law Lords»), a décidé en décembre 2004 que la détention sans limitation de durée, sans inculpation et sans procès d’étrangers suspectés de terrorisme était incompatible avec la loi sur les droits de l'homme du Royaume-Uni (qui incorpore la Convention européenne sur les droits de l'homme à la loi locale). En réponse, le gouvernement britannique a annoncé une série d’alternatives « à deux voies » face à la détention sans limitation de durée. Y sont inclus, le recours à des « mises sous contrôle judiciaire » qui limitent fermement les faits et gestes de toute personne soupçonnée d’acte de terrorisme (indépendamment de sa nationalité), et l'utilisation des « assurances diplomatiques » permettant d’expulser des ressortissants étrangers qui risqueraient de subir des tortures ou des mauvais traitements une fois reconduits chez eux, et ce en dépit du fait qu’il est clairement prouvé que ces assurances n’apportent aucune garantie contre de tels agissements (voir ci-dessous).  
 
Human Rights Watch a critiqué cette nouvelle loi qui autorise les contrôles judiciaires, en raison de l'insuffisance des garanties de procédure par rapport aux graves restrictions de la liberté que ces contrôles risquent d'imposer. La loi de prévention contre le terrorisme de 2005 a été adoptée en mars 2005.  
 
Le gouvernement britannique a rédigé, en septembre dernier, un nouveau projet de loi contre le terrorisme qui prolonge jusqu’à quatre-vingt-dix jours la période maximale de détention sans accusation des personnes suspectées d’actes de terrorisme (cette période étant actuellement de quatorze jours, soit déjà la plus longue d’Europe), et ajoute un nouveau délit criminel, celui « d’encourager » le terrorisme (voir ci-dessous). Le projet de loi a été adopté par la Chambre des Communes en novembre, bien que la proposition du gouvernement de prolonger à quatre-vingt-dix jours la période de détention ait été rejetée et remplacée par un amendement prolongeant cette période maximale à vingt-huit jours. Human Rights Watch a jugé que toute prolongation de détention demeurait à ce jour injustifiée et que toute détention sans accusation allant jusqu'à vingt-huit jours pourrait devenir une forme de détention arbitraire, risquant de violer le droit d'une personne en état d’arrêt d’être informée rapidement des accusations qui sont portées contre elle. A l’heure où nous écrivions ce bilan, le projet de loi était débattu à la Chambre des Lords.  
 
Le gouvernement italien a présenté à la fin juillet 2005 une nouvelle loi antiterroriste qui, après un débat parlementaire très bref, est entrée en vigueur au début du mois d'août. Elle introduisait un certain nombre de nouveaux délits et augmentait les peines pénales pour d'autres. Parmi ses clauses les plus discutables, elle prolonge de douze à vingt-quatre heures la période maximale pendant laquelle un suspect pourrait être détenu pour interrogation, sans accusation ni avocat, et allonge la liste des autorités habilitées à faire respecter les lois, les autorisant à garder en détention et à interroger toute personne suspectée de terrorisme.  
 
Elle autorise également les officiers de police confirmés à ordonner l'expulsion immédiate des personnes résidant illégalement en Italie qu’ils jugeraient dangereuses pour la sécurité nationale ; les recours contre de telles expulsions n’auraient aucun effet suspensif.  
 
Le projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme en France, présenté au parlement en novembre, a introduit une clause qui reclasse, de la catégorie d’infraction à celle de délit criminel, toute "association de malfaiteurs" à caractère terroriste. La nature excessivement vague de cet intitulé autorise la mise en détention d’individus sur la base de preuves limitées. Qu’elle permette de garder en détention, de façon préventive, des suspects, qui sont ultérieurement libérés sans accusation, est largement critiqué. Ce reclassement augmenterait la période de détention maximale autorisée en pré-procès de trois ans et quatre mois, à quatre ans et huit mois. Il porterait également la peine criminelle maximale possible à vingt ans de réclusion. Cette proposition de loi augmenterait également, de quatre à six jours, la période dont bénéficie la police pour garder en détention des personnes soupçonnées de terrorisme.  
 
 
Preuves extorquées sous la torture  
 
En octobre dernier, les « Law Lords » britanniques ont commencé à débattre de la légalité, dans le cadre de la loi britannique, de preuves extorquées sous la torture dans des pays tiers. L’affaire en question était un recours, déposé par dix hommes, précédemment sujets à une détention à durée indéterminée et soupçonnés de terrorisme, contre une décision votée à la majorité par la Commission d’appel en août 2004 qui autorisait le gouvernement britannique à se fonder sur des preuves obtenues sous la torture, dans des cas spéciaux de terrorisme, à condition que le Royaume-Uni n’ait « ni infligé ni été complice de » ces tortures, ce qui serait contraire à la loi internationale des droits de l’homme. Human Rights Watch a fait partie d'une coalition de quatorze organisations pour les droits de l'homme et contre la torture, qui est intervenue dans cette affaire à la Chambre des Lords. Le verdict des « Law Lords », prévu pour la fin de l’année 2005, ne sera probablement pas sans conséquences sérieuses sur l'interdiction mondiale de la torture.  
 
 
Expulsions et assurances diplomatiques  
 
Des jugements importants ont été rendus contre différents gouvernements de l’UE au sujet de leurs recours aux « assurances diplomatiques », sans pour autant mettre un frein à leurs stratégies qui défient ouvertement et cherchent à contourner l’interdiction absolue d’utiliser le refoulement (l’expulsion d'une personne dans un pays qui risquerait de lui faire subir la torture ou des traitements inhumains ou dégradants). Cette tendance alarmante a incité le Secrétaire général du Conseil de l'Europe en octobre 2005 à rappeler aux gouvernements européens que « la prohibition de la torture... est absolue et s'applique dans toutes les circonstances. Elle n'est pas négociable». Dans son rapport annuel à l'Assemblée générale des Nations Unies, le Rapporteur des Nations Unies sur la torture, Manfred Nowak, a souligné, à son tour, qu’ «on ne peut pas se fier aux assurances diplomatiques, qui ne constituent pas des protections efficaces contre la torture et les mauvais traitements », et a invité les gouvernements à « observer scrupuleusement le principe de non-refoulement ».  
 
On a rapporté que cinq gouvernements de l’UE se sont unis contre le jugement phare de l’année 1996 à la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), Chahal c. Royaume-Uni, qui affirmait l’interdiction absolue de se livrer à des expulsions. L’autorisation de prendre part à la procédure devant la Cour en qualité de tierce partie a été accordée en octobre aux gouvernements italien, lituanien, portugais, slovaque et britannique dans l’affaire Ramzy c. Pays-Bas, pendante à l’heure de ce bilan, dans laquelle un algérien, Mohammed Ramzy, soupçonné d’avoir pris part à des actes de terrorisme, contestait son expulsion au motif qu’il risquait de subir des actes de torture s’il retournait en Algérie. Les gouvernements en question auraient cherché à faire annuler le jugement Chahal et le remplacer par le point de vue selon lequel le droit d'un individu à ne pas subir de torture pourrait être contrebalancé par les intérêts de sécurité nationale de l'Etat (point de discorde essentiel dans Chahal, soulevé par une minorité de juges du CEDH).  
 
En mai 2005, le Comité des Nations Unies contre la torture a décidé que la Suède avait violé l’interdiction absolue d’utiliser la torture en expulsant en Egypte, en 2001, Ahmed Agiza, soupçonné de terrorisme. La Suède avait cherché à justifier le transfert en affirmant qu'elle avait obtenu de l'Egypte l'assurance qu'Agiza serait traité avec humanité, mais Agiza a soutenu de façon crédible qu'il avait bien été torturé après son retour forcé en Egypte. Le Comité des Nations Unies contre la torture en a conclu que les assurances obtenues par les autorités suédoises auprès des officiels égyptiens ne représentaient pas une protection suffisante et fiable pour Agiza. Il a fait remarquer que l'Egypte avait une longue tradition, bien documentée, d’abus de torture, particulièrement envers les personnes soupçonnées de terrorisme, et que son utilisation routinière de la torture, associée à l'intérêt qu’elle porte avec les Etats-Unis pour Agiza, auraient dû mener « à la conclusion logique » qu'Agiza était en danger de torture une fois de retour dans son pays.  
 
Le transfert d’Agiza et d'un autre homme, Mohammed Al-Zari, avait été opéré par les services secrets américains à qui les officiels suédois avaient confié la garde des deux hommes à l'aéroport Bromma de Stockholm, dans ce qui prit la forme d’une « reddition extraordinaire ». En mars, un rapport du médiateur en chef du parlement suédois a conclu que le service de sécurité suédois et la police de l'aéroport « ont montré une subordination remarquable aux officiels américains » et « qu’ils « ont perdu le contrôle de la situation » alors qu’Agiza et Al-Zari furent brutalisés et humiliés à l'aéroport, juste avant d’être mis dans un avion pour Le Caire. Le comité des Nations Unies a affirmé que ce traitement à l'aéroport de Bromma aurait dû convaincre les autorités suédoises que les deux hommes risqueraient la torture s'ils étaient renvoyés en Egypte.  
 
En janvier 2005, une cour d'appel des Pays-Bas a tranché contre l'extradition en Turquie de Nuriye Kesbir, une dirigeante de l’ancien parti du Kurdistan (PKK), placée sous un mandat d'extradition de la Turquie qui l’accusait d’avoir commis des crimes de guerre quand elle opérait les affaires militaires du PKK pendant la guerre civile dans le sud-est de la Turquie.  
 
En mai 2004, une cour inférieure avait déterminé que, bien qu’elles n'aient pas été complètement infondées, les craintes de Kesbir sur la possibilité d’être torturée et de ne pas bénéficier d’un procès équitable en Turquie ne formaient pas des preuves suffisantes pour stopper son extradition. La cour a donné l'autorisation exclusive au gouvernement de confirmer ou rejeter la demande d'extradition, mais a incité le ministre de la justice des Pays-Bas à obtenir des assurances diplomatiques supplémentaires de la Turquie contre toute forme de torture et de procès inéquitable. La cour d'appel a conclu que les assurances diplomatiques ne pourraient pas garantir que Kesbir ne soit pas torturée ou maltraitée une fois rentrée en Turquie.  
 
La Cour européenne des Droits de l’Homme a prononcé en février 2005 en audience publique son arrêt de Grande Chambre dans l’affaire Mamatkulov et Askarov c. Turquie, procédure par rapport à laquelle Human Rights Watch et le Advice on Individual Rights in Europe (AIRE) Centre avaient contribué en qualité de tiers intervenants. Les deux hommes avaient été extradés de Turquie vers l’Ouzbékistan en 1999 à la suite de l’obtention d’assurances auprès du gouvernement ouzbek garantissant qu’ils ne seraient pas soumis à des actes de torture et bénéficieraient d’un procès équitable. Il était attendu de la Grande Chambre qu’elle puisse trancher sur la fiabilité et/ou l’effectivité des assurances diplomatiques contre les tortures perpétrées par le gouvernement ouzbek, mais la cour a conclut qu'elle n'avait pas eu suffisamment d’éléments en sa possession pour pouvoir décider de la non violation de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme (interdisant la torture et les peines et traitements inhumains ou dégradants) ; la cour ne s'est pas engagée dans une remise en question de la fiabilité ou de l’effectivité de ces assurances. Néanmoins, la Grande Chambre en a conclu que la Turquie aurait dû faire une demande auprès de la CEDH afin de retarder l'extradition des deux hommes jusqu'à ce qu’elle ait eu l’occasion d’examiner leurs requêtes.  
 
Le gouvernement britannique a signé en août et en octobre 2005, des protocoles d'accord (MOU) avec la Jordanie et la Libye contenant des garanties afin que les personnes expulsées du Royaume-Uni vers ces pays n’y seraient pas torturés ou maltraitées. Le gouvernement britannique a également confirmé qu'il était sur le point de finaliser de tels arrangements avec la Tunisie, le Liban et l'Algérie, et que, vraisemblablement, un accord semblable serait envisagé avec l'Egypte.  
 
En août, le Rapporteur spécial de l’ONU sur la torture a exprimé ses « craintes que le projet du Royaume-Uni, qui est de demander des assurances diplomatiques dans le but d'expulser des personnes, malgré le risque de torture qu’elles pourraient encourir, reflète une tendance européenne à enfreindre la règle internationale qui interdit d’expulser quelqu’un s'il subsiste un risque certain qu’il puisse être soumis à la torture », ajoutant que « les assurances diplomatiques ne sont pas des outils appropriés pour supprimer ce risque ».  
 
L'inefficacité à protéger contre la torture des assurances diplomatiques et le danger qu’elles représentent pour la nature même de la règle de non refoulement ont fait l’objet de recherches intensives par Human Rights Watch dans un rapport publié en avril 2005 et intitulé : « Promesses vides : les assurances diplomatiques ne protègent pas de la torture », ou encore dans les rapports qui ont suivi, critiquant les accords bilatéraux que le Royaume-Uni a fondé sous le couvert des assurances diplomatiques.  
 
Entre août et octobre, plus de vingt ressortissants étrangers soupçonnés d’avoir participé à des actes de terrorisme ont été placés en détention dans l’attente de leur déportation au motif de la sécurité nationale, y compris des personnes précédemment placées en détention sans limitation de durée au Royaume-Uni. Certains d’entre eux, originaires de Jordanie, de Libye et d'Algérie entre autres, avaient précédemment obtenu l'asile en Grande-Bretagne. Quatre des Algériens ont été libérés sous caution en octobre, mais la majorité d’entre eux se trouvait toujours en détention à l’heure de ce bilan. Aucune déportation n'avait été opérée dans le cadre des accords, à l’heure de ce bilan, et il était encore difficile de prédire quelle importance les cours britanniques attacheraient aux promesses de bon traitements quand elles évalueraient le risque de torture encouru par les détenus lors de saisies en appel auxquelles ils auront recours pour contester leur déportation.  
 
 
Les nouveaux délits d’incitation  
 
Les attentats de Londres ont donné une impulsion nouvelle aux initiatives législatives et aux initiatives visant à confronter le recrutement de groupes terroristes. Certaines mesures proposées ont une implication préoccupante sur la liberté d'expression. Au niveau de la politique commune de l’UE, le ton a été donné en septembre 2005 par un communiqué de presse publié par la Commission européenne sur «le recrutement de groupes terroristes : combattre les facteurs qui contribuent à la radicalisation violente». Le Conseil de l’Europe devait adopter une stratégie sur cette question en fin d'année, dans le cadre de son plan d'action sur le terrorisme. Une nouvelle convention adoptée en mai par le Conseil de l'Europe sur la prévention du terrorisme exige des états membres qu’ils criminalisent « toute provocation publique qui inciterait au délit de terrorisme » et qui se ferait directement ou non l’avocate du terrorisme, à partir du moment qu’elle est intentionnelle.  
 
Le projet de loi contre le terrorisme, publié en septembre par le gouvernement britannique, a ajouté un nouveau délit criminalisant les discours qui ressembleraient à des « incitations au terrorisme » parmi lesquelles les discours qui justifieraient ou glorifieraient le terrorisme, et autorisant la fermeture des lieux de culte qui « attiseraient le radicalisme ». Human Rights Watch a fait part de son inquiétude sur le fait que de telles mesures mineraient le droit de s’exprimer non violemment en criminalisant tout discours même quand il n'a aucune intention d'inciter la violence. En septembre, le Danemark a traité une première affaire dans le cadre d'une loi antiterroriste, votée en 2002, qui interdit l’incitation au terrorisme ou à donner des conseils aux terroristes, encourrant une peine pouvant aller jusqu'à six ans de prison. L’accusé, un citoyen danois d’origine marocaine, a été condamné pour avoir téléchargé sur Internet et diffusé des discours enflammés et des images de décapitations perpétrées par des insurgés iraquiens.  
 
En août, le gouvernement britannique a annoncé une liste « de comportements inacceptables » pour compléter celle faisant état des présomptions de sécurité nationale permettant la déportation ou l’expulsion des ressortissants étrangers. Parmi celles-ci on retrouve les discours ou les publications de points de vues qui, en apparence, « attiseraient, glorifieraient ou encourageraient le terrorisme » et les incitations aux actes de terrorisme ou à la haine qui pourraient mener à des violences entre communautés au Royaume-Uni. Ces amendements sont allés plus loin qu'une loi votée en France en juillet 2004 permettant l’expulsion des étrangers qui s’adonneraient à des actes « explicites et délibérés » d’incitation à la discrimination, à la haine ou à la violence. Alors que les expulsions dans le cadre de la loi française étaient placées en cour d’appel, un ordre d'expulsion n'était pas automatiquement suspendu tant que l'affaire était pendante ; plusieurs cas d’expulsion vers le pays d'origine ont été annulés par un recours en appel. En Allemagne, une nouvelle loi d'immigration est entrée en vigueur le premier janvier 2005, permettant aux autorités d'expulser les personnes qui soutiendraient ou promouvraient publiquement des actes de terrorisme ou qui inciteraient la haine « d’une manière à déstabiliser l’ordre public ».  
 
Le 9 novembre 2005, après 13 nuits d’émeutes consécutives en France, le ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy a annoncé que les étrangers d’âge adulte reconnus coupables de participation dans les émeutes, y compris ceux qui ont un titre de séjour, seraient expulsés.  
 
 
Les demandeurs d’asile et les immigrants  
 
Comme l’a systématiquement signalé Human Rights Watch, les flux migratoires au sein de l’Union Européenne sont de réels défis pour les gouvernements européens et peu d’entre eux remettent en question la légitimité ou l'urgence des politiques à mettre en place pour y faire face. Pourtant, la politique commune de l’Union Européenne dans ce domaine continue à se développer exclusivement dans le but de contenir les migrants et les demandeurs d'asile en dehors et loin de l’Europe. De plus, des pratiques de refoulement outrepassant les lois ont été constatées dans au moins deux états de l’Union Européenne, l'Italie et l'Espagne, qui se livrent activement à des refoulements sans respect du droit des individus à demander asile. Ces états, tout comme d’autres états de l’UE, procèdent aussi à des renvois sans se soucier de savoir si les pays d’accueil peuvent garantir une protection efficace.  
 
La politique communautaire du droit d’asile et de l’immigration au sein de l'UE  
La Commission européenne a publié en septembre un projet de directive relative « aux normes et procédures communes applicables au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier». Bien que ce projet soit mieux rédigé que la version précédente en ce qui concerne la protection des droits de l’homme, de nombreuses préoccupations demeurent. Le texte ne répond pas suffisamment aux critères établis par une coalition d’ONG spécialisées dans les droits de l’homme et des réfugiés européens, dont Human Rights Watch, sur un ensemble de normes communes relatives au renvoi des étrangers non admis. Parmi les points principaux suscitant une inquiétude, on note l’absence du droit de recours, de rigueur contre ces renvois, et l’interdiction de réadmission qui équivaudrait à une double peine avec des conséquences potentiellement graves pour le principe de non refoulement. A l’heure de ce bilan, cette directive était en instance de « codécision » par le Conseil de l’Europe et le Parlement européen.  
 
La directive de procédures d’asile, acceptée par le Conseil de l’Europe en avril 2004, a été soumise pour avis au Parlement Européen qui a émis de « sérieuses réserves » en septembre 2005 et a demandé à ce que plus d’une centaine d’amendements y soit apportés. En réaffirmant le principe que toute demande d’asile doit être individuellement examinée, le parlement a plaidé pour que tout demandeur puisse avoir le droit de « réfuter la présomption de sûreté » associée aux listes de « pays tiers sûrs » qu’on lui propose. Human Rights Watch et d’autres organisations ont demandé en mars 2004 le retrait du projet de directive au motif que « les mesures les plus contestables ont toutes été conçues dans le but de refuser aux demandeurs l’accès aux procédures d’asile et d’encourager leur transfert vers des pays situés en dehors de l’UE ». Les amendements proposés par le Parlement européen n’obligeaient en rien le Conseil. Au moment où nous écrivions ce rapport, aucune autre action n’avait été entreprise vers l’adoption de ce projet de directive.  
 
 
Accords de réadmission  
 
Dans les pays situés à l’Est des nouvelles frontières de l'UE, l’enquête de Human Rights Watch a confirmé les préoccupations exprimées à l’égard de certains nouveaux Etats membres qui n'ont pas établi de système garantissant l’accès à des procédures de demande d'asile appropriées et équitables, ni de politiques et de pratiques visant à s'assurer qu'aucune personne n'est renvoyée vers un pays dans lequel sa vie ou sa liberté seraient menacées. Comme l’illustre, de façon documentée, le rapport de novembre 2005 de Human Rights Watch, intitulé « En marge, Ukraine : violation des droits des migrants et des chercheurs d'asile sur la nouvelle frontière Est de l'Union Européenne », les polices des frontières polonaise et slovaque, qui interceptent les visiteurs en provenance d'Ukraine, interrogent ces derniers et traitent généralement leur demande sous quarante-huit heures, sans vraiment chercher à identifier leur nom, leur origine ou leur statut, sans leur avoir accordé un accès à un avocat ou à un interprète, ni leur avoir laissé la possibilité de contester leur décision de les renvoyer en Ukraine.  
 
La plupart de ces refoulements, appliqués dans le cadre d’accords bilatéraux de réadmission conclus entre l'UE et l'Ukraine, sont préoccupants : en théorie les accords de réadmission ne sont pas conçus pour interférer avec le droit d’asile, alors qu’en pratique on peut retrouver dans les personnes passibles d’être renvoyées, des demandeurs d'asile pour qui le niveau de protection n’a pas été évalué.  
 
Des accords de réadmission de la Communauté européenne (applicables à tous les Etats membres de l’UE excepté le Danemark, où une abstention est en cours) ont été signés avec l'Albanie en avril et la Russie en octobre et faisaient l'objet de négociations avec quatre autres pays dont l'Ukraine et le Maroc.  
 
Le traitement des immigrés et des demandeurs d'asile en dehors de l'UE  
Une communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen relative aux Programmes de protection régionaux (PPR) a été saluée par le Conseil «Justice et affaires intérieures» en octobre pour ce qui constitue une première étape de l’UE visant à « améliorer l'accès à des solutions durables et les capacités de protection à l’égard des populations qui ont besoin d’une protection internationale aussi rapide et aussi proche que possible." Des PPR pilotes devaient être lancés avant la fin de l’année 2005.  
 
Dans son rapport de novembre 2005 sur l'Ukraine (située dans la région couverte par le premier PPR pilote), Human Rights Watch a souligné que les PPR offraient la possibilité de vraies améliorations sur le plan des capacités de protection des pays cibles, mais a soulevé des inquiétudes sur le fait que les PPR pourraient miner le droit de demander asile dans l'UE, en accordant prématurément à un pays cible l’appellation de pays tiers sûr, pays qui accélérerait ensuite le renvoi des demandeurs d’asile qui aurait transité par son territoire, sans avoir pris en considération, au préalable, leurs besoins en matière de protection. De même, le bureau du Haut Commissaire pour les réfugiés (UNHCR) a accueilli favorablement la proposition des PPR mais a souligné le besoin de garantir que ces PPR soient complémentaires avec les mesures de demande d'asile en place dans les Etats membre de l’UE.  
 
L’UE continue à instaurer des programmes en faveur d’un contrôle strict de l’entrée sur son territoire et ses politiques migratoires à l’égard des pays voisins sont axées sur l'application des lois plutôt que sur la protection des migrants.  
 
Par arrangement bilatéral avec la Libye, l'Italie continue à expulser, sans évaluation appropriée de leurs demandes d'asile, les personnes qui arrivent d'Afrique du Nord et qui étaient détenues sur l'île de Lampedusa dans le cadre de la politique italienne de détention obligatoire des immigrés illégaux et des demandeurs d'asile. En mars 2005, près de cinq cents Egyptiens ont été expulsés vers la Libye et soixante-seize directement vers l'Egypte, menottés et les yeux bandés pendant le vol, à bord d’avions charters. Presque deux cents personnes ont été expulsées vers la Libye en mai et juin. Ces expulsions ont été faites dans l’ignorance totale des preuves qui font de la Libye, qui n'a pas ratifié la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, un pays dans lequel les droits fondamentaux des migrants sont fréquemment bafoués, ce qui ne peut certainement pas en faire un « pays tiers sûr » pour ces extraditions.  
 
Le ministre italien de l'intérieur a affirmé au Parlement italien, après les expulsions de mars, que les actions du gouvernement étaient en totale conformité avec ses engagements envers les droits de l'homme, mais ces dernières ont été critiquées par l’UNHCR, dont les officiels n’avaient pas été autorisé à accéder à Lampedusa à l’époque.  
 
Une délégation de parlementaires européens (MPE), lors d’une visite du camp de Lampedusa fin juin, s’est enquis de savoir si la présence de fonctionnaires consulaires de pays tiers, impliqués dans les procédures d'identification des détenus sur place, était appropriée, compte tenu du danger que cela représente pour les demandeurs d'asile. De plus, les parlementaires ont été informés que « personne » n’avait déposé de demande d’asile ces derniers temps, une affirmation qu’ils ont jugé « incroyable » car elle ferait de Lampedusa « le premier centre en Italie où l’on n’en déposerait pas ».  
 
Début octobre, le gouvernement espagnol a été confronté à des tentatives massives d’entrées illégales sur son territoire, par ses enclaves nord-africaines de Ceuta et de Melilla, l’obligeant ainsi à expulser vers le Maroc au moins 73 personnes qui les avaient atteintes, y compris plusieurs demandeurs d’asile en cours de traitement. Apparemment, les expulsions ont été effectuées sans examen individuel des migrants, ce qui aurait permis de détecter ces derniers. Le 23 octobre, le Maroc a expulsé du groupe quarante-neuf Maliens qui furent renvoyés vers leur pays d'origine malgré le fait qu’au moins deux d’entre eux avait déposé une demande d'asile au Maroc. On dénote plusieurs rapports alarmants de violations des droits de l'homme contre des migrants, expulsés d'Espagne vers le Maroc, ou détenus au Maroc parce qu’ils essayaient d'entrer par Ceuta ou Melilla, parmi lesquelles des expulsions effectuées dans des conditions inhumaines, jusqu’aux frontières désertiques avec l'Algérie et la Mauritanie. Au moins onze personnes ont été abattues alors que les troupes espagnoles et marocaines essayaient de bloquer le passage des enclaves. Le Maroc a admis que ses garde-frontières étaient responsables de quatre morts, alors qu'une enquête espagnole interne blanchissait les forces espagnoles. Human Rights Watch a demandé à ce qu’une enquête indépendante soit faite sur ces décès, tout comme l’a exigé Dr Jorge Bustamante, Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants, qui a également invité le Maroc à mettre fin à ses déportations collectives.

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