HUMAN RIGHTS
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Union européenne

Les attaques et les attentats déjoués au Royaume-Uni, en Allemagne, au Danemark et en Espagne ont mis en relief la menace persistante du terrorisme, en partie d’origine locale. La réaction des gouvernements continue à affaiblir les droits humains et l’Etat de droit.

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Les expulsions de personnes pour des raisons de sécurité nationale demeurent une tactique répandue, mais avec des garanties insuffisantes contre le renvoi vers des pays où ces personnes courent le risque d’être maltraitées, y compris le recours à des « assurances diplomatiques » non efficaces contre la torture. Les Etats de l’UE font preuve d’une volonté croissante de qualifier de terrorisme des actions qui ne sont que vaguement liées à la préparation et à l’exécution d’attaques violentes, avec des conséquences néfastes pour la liberté d’expression, la vie privée, et dans certains cas la liberté.  
 
La politique du droit d’asile et de l’immigration reste largement dictée par le contrôle des frontières plutôt que par des préoccupations de protection. Les expulsions sans garanties suffisantes se poursuivent, y compris dans le cadre d’accords avec des pays n’ayant pas la capacité de protéger les migrants. L’interdiction du territoire faite en pleine mer, y compris par le biais de l’agence européenne chargée des frontières, vise surtout à maintenir les demandeurs d’asile et les migrants hors du territoire de l’UE, plutôt qu’à les protéger.  
 
Mesures de lutte antiterroriste et droits humains  
En février, le Parlement européen a adopté le rapport définitif d’une commission spéciale chargée d’enquêter sur la complicité d’Etats membres de l’UE avec l’Agence centrale de renseignement des Etats-Unis (CIA) dans la détention et le transfert illégaux de terroristes présumés vers des lieux où ils risquaient de subir des mauvais traitements et des actes de torture. Le rapport a critiqué de nombreux pays européens, dont l’Allemagne, l’Italie, la Suède et le Royaume-Uni pour avoir permis que leur espace aérien soit utilisé par la CIA pour cette pratique, connue sous le nom de « restitution extraordinaire ». Le rapport a demandé aux Etats européens d’ouvrir des enquêtes nationales indépendantes, d’exiger le retour des citoyens et résidents détenus illégalement par les autorités des Etats-Unis, et de dédommager les victimes.  
 
Une déclaration conjointe faite après la rencontre du G6 en octobre 2007 par les ministres de l’Intérieur de la France, de l’Allemagne, de l’Italie, de la Pologne, de l’Espagne et du Royaume-Uni a considéré les assurances diplomatiques contre la torture et les mauvais traitements comme une « avancée efficace » pour la reconduite par la force de personnes suspectées d’atteinte à la sécurité nationale. L’Autriche, l’Allemagne, l’Italie, les Pays-Bas, la Suède et le Royaume-Uni ont tous cherché à s’appuyer sur ces assurances, en dépit des preuves selon lesquelles elles ne réussissent pas à protéger les personnes contre des exactions à leur retour, et malgré les critiques dont elles ont fait l’objet de la part des organismes de défense des droits humains des Nations Unies et de l’Europe.  
 
Une commission de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) a confirmé dans un rapport du mois de juin que la CIA disposait de prisons illégales pour des personnes soupçonnées d’activités terroristes en Pologne et en Roumanie en 2003-2005, prisons dans lesquelles les prisonniers étaient soumis à des « techniques d’interrogatoire s’apparentant à des actes de torture. » Les gouvernements polonais et roumain persistent à nier l’existence de ces centres. Le rapport de l’APCE a également déploré l’obstruction dont son enquête a fait l’objet de la part de gouvernements européens, à savoir l’Allemagne, l’Italie, la Pologne et la Roumanie.  
 
La politique communautaire du droit d’asile et de l’immigration au sein de l’UE  
L’UE continue à pratiquer l’externalisation de sa politique du droit d’asile et de l’immigration, en particulier par le biais d’accords de réadmission avec des pays tiers et de patrouilles navales coordonnées dans la mer Méditerranée, au détriment de l’accès au droit d’asile et de la protection contre le retour dans un lieu présentant des risques de torture.  
 
L’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures (FRONTEX) a mené des opérations navales conjointes avec le Sénégal et la Mauritanie dans leurs eaux territoriales pour intercepter et renvoyer des embarcations se dirigeant vers les Iles Canaries, avant qu’elles aient atteint les eaux internationales. L’UE a cherché à obtenir la participation de la Tunisie, de l’Algérie, du Maroc et de la Libye à des patrouilles conjointes similaires. Les opérations menées ne comportaient pas de directives claires pour garantir un accès au droit d’asile, et il existait un désaccord entre les Etats en matière de responsabilité quand des bateaux sont interceptés dans des eaux internationales, ainsi qu’entre des Etats européens et d’autres Etats méditerranéens en matière de responsabilité en cas de sauvetage d’immigrants naufragés.  
 
L’UE a signé des accords de réadmission avec cinq pays des Balkans occidentaux au mois de septembre, et a continué à négocier des accords avec d’autres pays, dont le Maroc, l’Algérie et la Turquie. Des accords ont déjà été conclus avec l’Ukraine, le Sri Lanka, l’Albanie, Hong Kong, et Macao. Selon ces accords, les Etats extérieurs à l’UE acceptent le retour de migrants originaires de pays tiers et qui ont transité par leur territoire en route vers l’UE. Les accords de réadmission soulèvent des préoccupations relatives au sort de personnes ayant besoin de protection et qui seraient expulsées vers des pays ne disposant pas de systèmes d’asile sûrs ni de protection contre un retour vers des lieux présentant des risques d’atteintes aux droits humains.  
 
Au mois de juin, la Commission européenne a lancé un processus de consultation sur le système d’asile dans la Communauté européenne avec la publication d’un livre vert examinant les façons de développer et d’harmoniser la protection. La Cour de Justice européenne a clôturé les débats sur la demande formulée par le Parlement européen d’annuler les dispositions largement critiquées dans la Directive sur les procédures d’asile qui établissent des listes communes de « pays d’origine sûrs » et de « pays tiers sûrs. » Premier pas avant qu’une décision ne soit rendue, l’avocat général de la Cour a exprimé son opinion au mois de septembre, recommandant l’annulation de ces dispositions.  
 
Les Irakiens représentent actuellement le plus grand nombre de demandeurs d’asile dans l’UE, avec 19 375 demandeurs d’asile en 2006 et 18 205 dans la première moitié de 2007. Plus de la moitié de ces derniers se trouvaient en Suède. L’Allemagne, arrivant au troisième rang pour le nombre de demandeurs d’asile irakiens dans la première moitié de 2007 (820), a continué à abroger le statut des réfugiés irakiens de l’ère de Saddam Hussein, invoquant le changement de circonstances. Environ 18 000 réfugiés irakiens ont vu leur statut révoqué depuis 2003.  
 
Des préoccupations demeurent à propos d’un projet de directive proposé par la Commission établissant les normes et procédures européennes communes relatives au renvoi des immigrants illégaux. Selon le projet, cette directive permettrait aux Etats membres de maintenir des migrants en détention dans l’attente de leur expulsion pour une durée pouvant aller jusqu’à 18 mois. Au moment de la rédaction du présent document, le Parlement européen n’a pas encore débattu de cette directive.  
 
Problèmes en matière de droits humains dans les Etats membres de l’UE  
France  
Le nouveau gouvernement du Président Nicolas Sarkozy a proposé une nouvelle législation sur l’immigration au mois de septembre. Adoptée par le Parlement à la fin du mois d’octobre, la loi augmente les restrictions sur le regroupement familial et crée une procédure de recours sur le territoire pour les demandeurs d’asile déboutés et détenus à la frontière ; cette dernière mesure répond à une décision critique rendue au mois d’avril par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), jugeant que le système d’asile français offre des garanties insuffisantes. Le Parlement n’a pas amélioré les garanties de procédure pour d’autres personnes qui encourent le risque d’atteintes aux droits humains en cas de renvoi, y compris des demandeurs d’asile faisant l’objet de procédures accélérées et des personnes soupçonnées d’activités terroristes passibles d’expulsion.  
 
Une insuffisance de garanties a également été soulignée dans une décision rendue au mois de mai par le Comité contre la torture de l’ONU (CAT), selon laquelle la France aurait violé la Convention contre la torture lorsqu’elle a expulsé Adel Tebourski. Ce Franco-Tunisien détenteur de la double nationalité avait été privé de la citoyenneté française avant d’être libéré de prison, accusé de terrorisme, et expulsé vers la Tunisie en août 2006, et ce avant que les tribunaux français et le CAT aient fini d’examiner son recours alléguant le risque de torture dans son pays d’origine.  
 
Pareillement, en mai 2007, la Cour d’appel de Paris a alourdi les peines de prison pour neuf des treize accusés dans le procès dit du Réseau tchétchène. Un premier jugement avait inculpé 24 personnes, dont 16 étaient des ressortissants étrangers, du délit vague d’ « association criminelle en relation avec une entreprise terroriste » en juin 2006. Le tribunal avait ordonné l’expulsion de 11 des 16 étrangers après qu’ils aient purgé leur peine. Un douzième homme a été expulsé en février 2007 sur l’ordre du ministre de l’Intérieur.  
 
L’expulsion forcée d’immigrants illégaux a figuré en tête du programme du nouveau ministère de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Codéveloppement, qui a imposé un quota de 25 000 expulsions d’ici la fin de l’année.  
 
Allemagne  
En juin, un tribunal de Munich a ordonné l’arrestation de 13 agents de la CIA pour leur implication dans l’enlèvement en 2003 de Khaled el-Masri, un citoyen allemand d’origine libanaise appréhendé en Macédoine et emmené par avion en Afghanistan, où il a été emprisonné pendant cinq mois et torturé. Le procureur général de la Bavière a demandé formellement à ce que le gouvernement fédéral allemand exige l’extradition des 13 agents vers l’Allemagne pour y être jugés, mais au mois de septembre le ministère de la Justice a abandonné la tentative d’extradition à cause de la non-coopération du gouvernement des Etats-Unis.  
 
Un rapport du mois de juillet du commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe a accusé le gouvernement allemand d’avoir aidé à l’enlèvement d’el-Masri et a fait remarquer qu’un officier du renseignement allemand avait rendu visite à el-Masri à Kaboul en mai 2004. Le ministre des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, a nié que l’Allemagne ait joué un rôle dans l’enlèvement d’el-Masri.  
 
Au mois d’août, des procureurs ont rouvert une enquête sur la base d’allégations selon lesquelles deux soldats allemands avaient interrogé et maltraité Murat Kurnaz, un citoyen turc né en Allemagne, dans un camp de détention en Afghanistan en 2002. Kurnaz a ensuite passé près de cinq ans à Guantanamo Bay. Il a été libéré sans accusation en 2006 et rapatrié en Allemagne. Les procureurs ont abandonné les chefs d’accusation contre les soldats en mai 2007 par manque de preuves, mais ils ont rouvert le dossier contre eux au mois d’août, en vue d’interroger deux nouveaux témoins détenus avec Kurnaz en Afghanistan.  
 
Un groupe de parlementaires allemands a poursuivi son enquête sur d’éventuelles violations des droits humains au cours des opérations antiterroristes menées par les services du renseignement allemands, y compris dans les cas d’el-Masri et de Kurnaz.  
 
L’arrestation de deux universitaires en juillet a soulevé des questions relatives à la liberté de pensée et d’expression dans le contexte de l’antiterrorisme. La police fédérale a arrêté Andrej Holm, un professeur de l’université de Humboldt, et un autre universitaire identifié seulement comme « Mattias B., » invoquant leurs écrits universitaires et les accusant d’être des partisans intellectuels d’une faction militante de gauche présumée responsable d’une série d’incendies volontaires depuis 2001. Aucun des deux hommes n’est suspect dans l’enquête sur ces incendies volontaires, mais Holm est accusé d’avoir rencontré l’un des présumés incendiaires au début 2007. Holm a été emprisonné et placé en cellule d’isolement jusqu’à ce qu’il soit libéré sous caution en août. Les chefs d’accusation d’appartenance à une organisation terroriste sont maintenus contre les deux hommes.  
 
Le gouvernement allemand a présenté un projet de loi en septembre criminalisant les « actes de préparation » d’attaques terroristes violentes, à la suite des arrestations un peu plus tôt de trois militants islamistes présumés. Le délit couvrirait l’entraînement dans un camp terroriste ou la formation au pilotage, mais ne s’appliquerait que lorsqu’il y a intention de mener une attaque terroriste. Un autre délit proposé, « instructions pour un acte de violence, » s’appliquerait pour toute personne diffusant des instructions sur Internet sur la fabrication de bombes devant être utilisées pour une attaque, ou à toute personne qui télécharge ces instructions. Les opposants à ce projet de loi affirment que la criminalisation de l’utilisation de l’Internet enfreint les droits de la vie privée.  
 
Italie  
Le procès de 26 citoyens des Etats-Unis (25 agents présumés de la CIA et un officier de l’Armée de l’air des Etats-Unis) et de six Italiens accusés d’avoir enlevé l’imam Hassan Mustafa Osama Nasr (dit Abu Omar) a été suspendu en juin pour que le Tribunal constitutionnel puisse prendre en compte une plainte du gouvernement de Romani Prodi selon laquelle les procureurs de Milan auraient violé le secret d’Etat au cours de leurs enquêtes. Au moment où nous écrivons, le Tribunal constitutionnel n’a pas encore statué sur cette plainte. Le gouvernement italien n’a pas donné suite à la requête des procureurs relative à l’extradition des citoyens des Etats-Unis, qui seront de ce fait jugés par contumace, représentés par des avocats désignés par le tribunal. Abu Omar, kidnappé à Milan en février 2003 et livré à l’Egypte, y demeure à la suite de sa libération en février 2007.  
 
L’Italie continue à expulser de présumés terroristes dans le cadre d’une procédure expéditive qui refuse explicitement le droit à un recours dans le pays. Le CAT de l’ONU a exprimé sa préoccupation en mai au sujet de cette procédure et de son manque de protection efficace contre un renvoi vers un risque de torture et de mauvais traitements. En janvier, Fouad Cherif Ben Fitouri a été expulsé vers la Tunisie où il a été maintenu au secret pendant 12 jours et où il aurait été torturé. Il a ensuite été accusé de délits de terrorisme et au moment où nous écrivons il était en prison dans l’attente de son procès. Le ministre de l’Intérieur Giuliano Amato a déclaré au mois de mars que 30 ordres d’expulsion avaient été faits dans le cadre de cette procédure expéditive depuis son introduction en août 2005.  
 
La Grande Chambre de la CEDH devait statuer d’ici la fin de l’année dans l’affaire Nassim Saadi, un Tunisien que le gouvernement italien cherchait à expulser sur la base d’assurances diplomatiques insuffisantes qu’il bénéficierait d’un traitement humain à son retour dans son pays. L’Italie a soutenu devant la Grande Chambre en juillet (avec l’appui du gouvernement du Royaume-Uni, qui est intervenu dans l’affaire) que l’interdiction absolue de renvois vers des risques de mauvais traitements dans le cadre de la Convention européenne des droits de l’Homme devrait être reconsidérée pour permettre une exception de sécurité nationale.  
 
En octobre, le gouvernement italien a adopté un décret d’urgence pour l’expulsion immédiate de citoyens européens considérés comme des menaces pour la sécurité publique. A la mi novembre, les autorités avaient procédé à l’expulsion de plus de 150 Roumains, et au moment où nous écrivons le Parlement étudie de meilleures garanties pour de tels cas. Le décret d’urgence faisait suite à un crime brutal commis en octobre dont le responsable serait un citoyen roumain d’origine Rom.  
 
Selon le ministère de l’Intérieur, 12 419 immigrants illégaux seraient arrivés en Italie par la mer au cours des huit premiers mois de 2007, soit une légère baisse par rapport à 2006. Les migrants continuent à mourir en essayant de traverser sur des embarcations de fortune : selon une estimation, 491 personnes sont mortes dans le détroit de Sicile jusqu'au mois de septembre. Dans un épisode qui risquait de décourager les sauvetages en mer, sept pêcheurs tunisiens ont été poursuivis pour encouragement d’immigration illégale après avoir secouru 44 migrants et les avoir amenés à Lampedusa, une île au large de la Sicile, au mois d’août. Aucun verdict n’avait été rendu au moment où nous écrivons.  
 
Malte  
Malta a continué d’être critiquée pour ne pas avoir secouru des migrants en détresse en mer et pour son opposition à autoriser des embarcations transportant des migrants secourus en mer à pénétrer dans ses ports. En mai, un bateau de pêche maltais a refusé de porter secours à un groupe de 27 migrants africains naufragés, les laissant accrochés à des filets de pêche pendant trois jours. Le gouvernement maltais a refusé de porter secours à ce groupe en invoquant le fait que les naufragés se trouvaient en dehors de sa zone de recherche et secours, et que c’était la Libye qui en avait la responsabilité ; les migrants ont finalement été secourus par un bateau militaire italien. Quelques jours plus tard, le gouvernement a refusé l’autorisation d’entrer à Malte à un bateau de pêche espagnol transportant 26 migrants secourus en mer, désignant une nouvelle fois la Libye. Les migrants ont par la suite été admis par l’Espagne.  
 
Les immigrants illégaux qui entrent à Malte sont soumis à une détention obligatoire dans des centres fermés pour des durées pouvant aller jusqu’à 18 mois (un an dans le cas de demandeurs d’asile), sauf s’il s’agit de femmes enceintes ou de mineurs, auquel cas la période de détention maximum est de six semaines. Les conditions de détention restent médiocres, surpeuplement, malnutrition, accès insuffisant aux soins médicaux, conditions sanitaires médiocres, et exercice insuffisant. En septembre, le gouvernement a créé une commission indépendante de visiteurs pour contrôler les centres de détention.  
 
Les Pays-Bas  
Un nouveau gouvernement est arrivé au pouvoir en février. En juin, le parlement a approuvé le programme gouvernemental pour amnistier jusqu’à 30 000 demandeurs d’asile déboutés qui avaient fait leur demande avant 2001. Cette disposition a été considérée comme une rupture claire par rapport aux politiques de l’ancien gouvernement.  
 
Le système d’asile est resté problématique. Le CAT de l’ONU a exprimé sa préoccupation en mai 2007 au sujet de la procédure d’asile accélérée dans le cadre de la Loi sur les étrangers de 2000 qui pourrait aboutir au renvoi de personnes vers des pays où elles encourent le risque de torture. Le Comité a critiqué la durée de 48 heures de la procédure comme ne laissant pas assez de temps à un demandeur d’asile pour accéder correctement à un avocat ; parce qu’elle ne permet qu’un « examen limité » des recours en cas de demandes rejetées ; et parce que cette durée restreint les possibilités de soumettre des informations et des documentations supplémentaires.  
 
Une nouvelle loi élargissant les pouvoirs de l’Etat pour enquêter et engager des poursuites pour des actes de terrorisme est entrée en vigueur en février. La loi abaisse le niveau auquel des pouvoirs spéciaux de surveillance, comme la mise sur écoutes, peuvent être invoqués, depuis une « suspicion raisonnable » à des « indications » selon lesquelles un acte terroriste est préparé ; elle permet à un procureur général de désigner des cordons de sécurité préventifs à l’intérieur desquels les personnes peuvent être fouillées ; et elle allonge la période maximum de détention préventive dans les cas de terrorisme de 90 jours à deux ans. Des groupes de défense des droits humains ont exprimé leur inquiétude quant au fait que ces nouvelles mesures pourraient violer les droits à la vie privée, à la liberté et à la sécurité de la personne, et à un procès équitable.  
 
Un projet de loi visant à empêcher les actes de terrorisme a été approuvé par la Chambre des Représentants au mois de mars, et il est en instance devant le Sénat au moment où nous écrivons. Il contient des dispositions limitant la liberté de mouvement et le droit à la vie privée des personnes suspectées d’être « connectées » à des activités terroristes ou de les soutenir, à savoir des interdictions de séjour dans certaines parties des Pays-Bas et d’association avec des personnes spécifiques, ainsi que des obligations de rendre compte périodiquement à la police. Le projet de loi a été critiqué par des groupes de défense des droits humains parce qu’il ne définit pas de façon spécifique ce qui constitue une activité terroriste ou un « soutien » à une telle activité. Il n’y a pas d’obligation qu’un juge autorise ces mesures, et un contrôle judiciaire ne serait déclenché que si un recours est déposé.  
 
Pologne  
Le parti d’opposition Plateforme civique a remporté les élections parlementaires anticipées à la fin du mois d’octobre 2007 et a formé une coalition avec le Parti paysan de Pologne un mois plus tard. Le gouvernement sortant a bloqué l’adoption par l’UE du 10 octobre comme Journée européenne contre la peine de mort. Cette journée a été proclamée par la suite par le Conseil de l’Europe.  
 
En avril, le Parlement européen a adopté une résolution qui reflétait le climat d’homophobie encouragée par l’Etat en Pologne. En mai, la CEDH a statué que la décision prise par le maire de Varsovie d’interdire la Parade pour l’égalité de 2005 contrevenait à la liberté d’assemblée et d’association au regard de la Convention européenne. En juin, le commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe a critiqué les politiques de la Pologne relatives aux communautés lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres dans un rapport sur le respect de la Convention européenne par la Pologne.  
 
Espagne  
En juin 2007, le groupe séparatiste violent basque ETA a officiellement déclaré qu’il mettait fin au cessez-le-feu unilatéral qu’il avait annoncé en mars 2006. L’ETA a revendiqué la responsabilité d’un attentat à la voiture piégée à l’aéroport de Barajas à Madrid en décembre 2006, qui a fait deux morts. Les autorités françaises et espagnoles ont arrêté de nombreuses personnes soupçonnées d’appartenir à l’ETA en 2007, dont son chef logistique présumé et son principal expert en explosifs. En octobre, les autorités ont arrêté 21 membres présumés de Batasuna, le parti politique séparatiste basque interdit, sur l’accusation d’appartenance à une organisation terroriste.  
 
En janvier, la Cour Suprême a désigné comme organisation terroriste un groupe de jeunes basques impliqué dans des violences de rue dans la région autonome basque, annulant une décision antérieure d’un tribunal. En mai, le Tribunal national a décidé que les poursuites pour terrorisme à l’encontre de sept anciens employés du journal en langue basque Egunkaria pouvaient passer en jugement, en dépit des recommandations faites par le procureur en décembre 2006 d’abandonner toutes les charges. Cette décision reflète l’implication de deux organisations de défense des droits des victimes, qui s’étaient portées parties civiles dans cette affaire. Le procès collectif de plus de 50 membres des organisations accusées de fournir un soutien à l’ETA a duré 16 mois et s’est terminé en mars 2007. Aucun verdict n’avait été prononcé au moment où nous écrivons.  
 
En octobre 2007, le Tribunal national a inculpé 21 hommes d’implication dans les attentats à la bombe contre des trains à Madrid en mars 2004. Trois hommes ont été condamnés à des peines d’emprisonnement allant de 34 000 à 42 000 années pour des centaines de chefs d’accusation de meurtre, tandis que dix-huit autres étaient condamnés à des peines de trois à 23 ans pour d’autres chefs d’accusation, dont la collaboration avec une organisation terroriste. Sept autres ont été acquittés.  
 
Le régime qui autorise le maintien au secret de suspects de terrorisme pour une durée pouvant aller jusqu’à 13 jours demeure en vigueur, en dépit de critiques internationales persistantes. Dans un rapport du mois de juillet sur l’Espagne, le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) a recommandé de meilleures garanties, à savoir un accès à un avocat dès le début de la détention, un plus grand contrôle judiciaire, et des enquêtes promptes et efficaces sur les allégations de mauvais traitements. Le gouvernement a répondu que les garanties existantes étaient suffisantes.  
 
Il y a eu une chute marquée des arrivées par la mer d’immigrants illégaux : 9400 personnes au cours des huit premiers mois de 2007 par rapport à 24 300 pour la même période l’année précédente. Les interceptions en pleine mer, entre autres par la FRONTEX, et la multiplication des expulsions forcées par l’Espagne expliquent en partie ce phénomène. A fin août, plus de 8000 migrants avaient été expulsés. En juillet, le ministère de l’Intérieur a adopté de nouvelles directives autorisant l’utilisation de camisoles de force et de casques pour contenir les migrants qui résistent à l’expulsion, après qu’un Nigérian soit mort sur un vol commercial alors qu’il était menotté et bâillonné.  
 
Un accord du mois de mars avec le Maroc sur la réadmission d’enfants migrants non accompagnés ne comportait pas de garanties pour protéger les enfants de mauvais traitements éventuels et pour garantir leurs meilleurs intérêts. Des centaines d’enfants migrants non accompagnés ont continué à être hébergés dans des centres d’urgence surpeuplés dans les Iles Canaries, où ils ont subi des restrictions excessives de leur liberté de mouvement, un manque d’accès à l’éducation publique, des obstacles pour leur demande d’asile, et des cas de maltraitance et de négligence de la part du personnel. Le CPT a inclus un de ces centres dans une visite qu’il a faite en Espagne au mois de septembre.  
 
Royaume-Uni  
Le Premier Ministre Gordon Brown, qui est entré en fonctions en juin, a subi immédiatement l’épreuve d’attaques terroristes manquées en Angleterre et en Ecosse. Deux hommes ont précipité un véhicule en feu bourré de bouteilles de gaz contre le terminal principal de l’aéroport international de Glasgow le 30 juin. La veille, la police a découvert deux véhicules piégés dans le centre de Londres qui n’avaient pas explosé. Sur les sept personnes arrêtées au Royaume-Uni en relation avec ces attaques, trois ont été inculpées, trois ont été relâchées sans être inculpées, et un suspect est mort à la suite des brûlures subies au cours de l’attaque de Glasgow. Un huitième suspect a été arrêté en Australie, mais il a ensuite été relâché lorsque les procureurs australiens ont abandonné toutes les charges.  
 
En juillet, le gouvernement Brown a présenté de nouvelles propositions pour la lutte antiterroriste, renouvelant la tentative pour allonger la durée de la détention préventive au-delà de 28 jours, qui est déjà la plus longue de l’UE. Parmi les autres propositions, se trouvaient l’assouplissement de l’interdiction d’utiliser au tribunal des éléments de preuve obtenus par écoute téléphonique, l’élargissement de la définition déjà vaste du terrorisme, et l’aggravation des peines pour des délits ordinaires lorsqu’ils sont commis avec un objectif terroriste. Au moment où nous écrivons, un projet de loi doit encore être présenté au Parlement.  
 
La plus haute cour britannique, le Comité judiciaire de la Chambre des Lords (Lords juridiques), a statué en octobre sur quatre recours liés au système des ordres de contrôle pour les suspects de terrorisme. La cour a jugé que les ordres basés seulement sur des éléments de preuve secrets qui ne seraient pas correctement transmis aux accusés violent le droit à un procès équitable. Elle a affirmé que des ordres qui confinent des suspects dans leur maison 18 heures par jour enfreignent le droit à la liberté, mais elle a confirmé l’illégalité globale du régime d’ordre de contrôle, jugeant que des périodes plus courtes étaient acceptables, et elle a rejeté les arguments selon lesquels les ordres sont des peines criminelles.  
 
Les statistiques gouvernementales ont montré qu’au mois de mars, plus de la moitié de tous les suspects de terrorisme arrêtés depuis septembre 2001 avaient été relâchés sans avoir fait l’objet de chef d’accusation. Toutefois, plusieurs poursuites intentées pour des actes de terrorisme de premier plan ont abouti à des inculpations en 2007. En juillet, quatre hommes ont été condamnés à la prison à vie pour complot dans le but de commettre un meurtre dans les attentats manqués contre le réseau de transport londonien le 21 juillet 2005, tandis qu’un cinquième conspirateur était condamné à 33 ans de prison en novembre. Cinq autres ont été inculpés en avril et également condamnés à la prison à vie pour complot dans le but d’utiliser des bombes à base de fertilisants contre différentes cibles. En juin, sept membres d’une cellule terroriste présumée ont plaidé coupables de complot dans le but de commettre un meurtre en 2006, et ils ont été condamnés à des peines allant de 15 à 26 ans d’emprisonnement.  
 
Certaines poursuites judiciaires soulèvent des inquiétudes relatives à des restrictions irrégulières de la liberté d’expression. Dans des procès clôturés en juillet, deux hommes jugés chacun séparément ainsi qu’un groupe de cinq étudiants jugés collectivement ont été condamnés à des peines de prison allant de deux à neuf ans pour possession de documents relatifs au terrorisme. Au moment où nous écrivons, deux jeunes hommes de 17 ans font face à des accusations similaires dans des affaires en cours. Dans le premier procès de ce genre au Royaume-Uni, trois hommes ont reçu des condamnations, également en juillet, allant de six ans et demi à dix ans de prison après avoir plaidé coupables d’incitation au terrorisme sur Internet. Deux hommes ont reçu des peines de prison de huit et six ans, en octobre et novembre respectivement, pour avoir distribué des documents terroristes et autres délits liés au terrorisme. En novembre, la première femme à être inculpée dans le cadre de la Loi antiterroriste a été reconnue coupable de possession d’articles susceptibles d’être utiles pour le terrorisme, y compris le « Manuel d’Al-Qaïda. »  
 
Trois hommes inculpés dans des procès différents entre novembre 2006 et juillet 2007 de sollicitation au meurtre et d’incitation à la haine raciale au cours d’une manifestation devant l’ambassade danoise à Londres en février 2006, après la publication de caricatures blessantes du Prophète Mahomet, ont été condamnés chacun à six ans de prison en juillet. Un quatrième homme, inculpé en février pour incitation à la haine raciale, a été condamné à quatre ans d’emprisonnement.  
 
Les tentatives du Royaume-Uni pour expulser des suspects de terrorisme étrangers sur la base d’assurances diplomatiques qu’ils seront traités humainement ont été différées par des contestations devant les tribunaux, avec des résultats mitigés. En février, la Commission spéciale des recours en matière d’immigration (SIAC) a jugé qu’Omar Othman (dit Abu Qatada) pouvait être renvoyé en Jordanie en toute sécurité, selon les termes d’un protocole d’accord (« memorandum of understanding ») négocié avec le Royaume-Uni en 2005. La SIAC a approuvé l’expulsion d’un autre Jordanien en novembre pour les mêmes motifs, en dépit de preuves récentes d’actes de torture en Jordanie. Le même tribunal a jugé en avril, cependant, que deux suspects de terrorisme libyens couraient le risque d’être torturés et ainsi qu’un refus « total » de procès équitable s’ils étaient expulsés, en dépit d’un mémorandum similaire de 2005 conclu entre Londres et Tripoli.  
 
En juillet, la Cour d’appel a ordonné à la SIAC de reconsidérer ses décisions antérieures d’autoriser l’expulsion de trois Algériens. Ces hommes ont été exclus du tribunal et les raisons pour examiner leurs recours sont tenues secrètes, mais la Cour d’appel a accepté la conclusion de la SIAC selon laquelle les assurances diplomatiques fournies par l’Algérie seraient valables. La SIAC a de nouveau conclu en novembre que les trois hommes pouvaient être expulsés en toute sécurité.  
 
Dans un renversement de politique qui est bienvenu, le Royaume-Uni a officiellement demandé en août que soient libérés de la prison de Guantanamo Bay, et renvoyés au Royaume-Uni, Jamil al-Banna, un Jordanien ayant le statut de réfugié au Royaume-Uni, ainsi que quatre autres anciens résidents du Royaume-Uni. Un autre ancien résident du Royaume-Uni, Bisher al-Rawi, a été relâché et renvoyé au Royaume-Uni en avril, après avoir passé quatre ans à Guantanamo.  

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