Rapports de Human Rights Watch

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Traitement et situation des déserteurs du FNL

 

De nombreux combattants du FNL qui ont déserté le mouvement rebelle se sont rendus à des postes de police ou militaires burundais, certains en prévision d’une arrestation de toutes façons, d’autres cherchant à se protéger de problèmes futurs avec le FDN ou de représailles de la part d’autres combattants du FNL qui tentent de pourchasser et de tuer les déserteurs.44 Beaucoup de ces déserteurs déclarent être fatigués de la guerre et des conditions difficiles et ne plus adhérer aux objectifs du FNL.45 Selon des responsables, quatre-vingt déserteurs environ ont été détenus en février dans trois camps, cinquante-trois à la Police de Sécurité Intérieure dans la province de Bubanza,46 dix-huit au Camp “Défense contre avion” à Kamenge, Bujumbura,47 et quatre à la Police de Sécurité Intérieure dans la province de Cibitoke, mais le total pour tous les camps et les centres de détention dans toutes les provinces est certainement beaucoup plus élevé.48

 

Le statut juridique des déserteurs du FNL n’est pas clair.49 Dans une déclaration à la mi décembre 2005, le général Germain Niyoyankana, ministre de la Défense, a affirmé que les déserteurs du FNL avaient volontairement cherché refuge dans des camps et des postes militaires, ce qui est vrai pour certains.50 D’autres sont détenus contre leur volonté, sans chef d’accusation. Par exemple, quatre jeunes hommes qui avaient d’abord cherché de l’aide auprès du groupe local pour les droits humains APRODH ont plus tard accepté de se rendre à l’armée à la condition qu’ils seraient bien traités. Deux mois plus tard ils étaient encore détenus dans un camp, souffrant de la malaria sans être soignés, mal nourris et enfermés vingt-quatre heures sur vingt-quatre. 51 Ils n’ont été accusés d’aucun crime et ils ont affirmé qu’ils ne craignaient pas de représailles s’ils rentraient chez eux.52 La police et l’armée utilisent parfois des déserteurs pour obtenir des informations sur le FNL et pour identifier les partisans du FNL dans un village, comme décrit plus haut, et ils ont donc un intérêt à les retenir dans leurs postes. Dans un autre cas, un déserteur a été enlevé par d’anciens combattants du FDD, travaillant apparemment pour l’armée. Il a été détenu pendant deux semaines, battu et interrogé jusqu’à ce que des amis fassent pression et utilisent des pots-de-vin pour le libérer. 53

 

Selon le ministre de la Défense Niyoyankana, les déserteurs devaient être transférés des camps et postes militaires et remis à la police pour être hébergés dans deux sites, l’un à Gakungwe, dans la commune de Kabezi, Bujumbura rurale, et l’autre à Buramata dans la province de Bubanza.54 Lors de rencontres avec Human Rights Watch, le général Niyoyankana a dit que cette procédure était suivie pour tous les combattants FNL capturés au cours des combats, qui seraient accusés de participation à un groupe armé et détenus à la prison centrale.55 Mais à la mi février, les sites n’étaient pas ouverts ni de dispositions prise pour leur fonctionnement.56 Sur la question de la durée de la détention des déserteurs dans les camps, le général Niyoyankana a dit que les déserteurs recevraient une formation politique pour les persuader de ne pas rejoindre la rébellion puis relâchés, mais il a remarqué que ceux qui voulaient rester dans les camps pour leur propre protection pourraient le faire.57 Human Rights Watch n’est pas informé de la mesure dans laquelle les déserteurs du FNL détenus ont été accusés de délits criminels.

 



[44] Entretiens de Human Rights Watch, Bujumbura, 14 et 16 septembre 2005.

[45] Entretiens de Human Rights Watch, Bujumbura, 21 décembre 2005, et province de Cibitoke, 26 janvier 2006.

[46] Entretien téléphonique de Human Rights Watch avec la Section des droits humains de l’ONUB, 17 février 2006.

[47] Entretien de Human Rights Watch, Bujumbura, 9 février 2006.

[48] Entretien de Human Rights Watch, Bujumbura, 15 février 2006.

[49] Les combattants capturés (y compris les déserteurs) dans un conflit armé non international peuvent être inculpés de délits criminels, tels que rébellion, détention d’armes ou autres délits, et poursuivis en accord avec les règles internationales de procès équitable. Ils doivent être en toutes occasions traités humainement. Protocole II, articles 5 & 6; voir plus généralement, Comité International de la Croix Rouge, Customary International Humanitarian Law (Cambridge 2005), chapitre 37 (“Personnes privées de liberté”).

[50] “Le ministre de la Défense juge positive la campagne offensive contre le Palipehutu-FNL,” Agence Burundaise de Presse, 15 décembre 2005.

[51] Entretiens de Human Rights Watch, Bujumbura, 21 décembre 2005 et 8 février 2006 ; Radio Isanganiro, Journal d’information du matin, 22 décembre 2005.

[52] Entretien de Human Rights Watch, Bujumbura, 8 février 2006.

[53] Entretien de Human Rights Watch, Bujumbura, 16 septembre 2005.

[54] “Le ministre de la Défense juge positive la campagne offensive contre le Palipehutu-FNL,” Agence Burundaise de Presse, 15 décembre 2005.

[55] Entretien de Human Rights Watch avec le général Germain Niyoyankana, Bujumbura, 13 février 2006.

[56] Entretien de Human Rights Watch, Bujumbura, 14 février 2006.

[57] Entretien de Human Rights Watch, Bujumbura, 13 février 2006.


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