Rapports de Human Rights Watch

VI. Détention illégale par des agents du SNR

Le gouvernement  n’a pas réussi à assurer un contrôle réel des installations de détention du SNR. A Bujumbura même, le SNR dirige au moins deux sites de détention, un dans le quartier de Rohero 1 et l’autre à côté du bureau du Procureur général.

D’après la loi, les procureurs généraux sont mandatés pour visiter les installations de détention dans leur juridiction.113 Le procureur de Bujumbura Mairie a confirmé avoir eu accès aux installations du SNR lors de visites d’inspection occasionnelles, mais d’après d’autres personnes de son équipe qui ont cherché à visiter les sites, les magistrats et les procureurs se sont parfois vu refuser l’admission par des membres du  SNR .114 L’un a déclaré : « Il y a beaucoup de cachots et de cellules dans l’enceinte du SNR. Elles fonctionnent complètement en dehors de la loi. Nous ne savons vraiment pas ce qui s’y passe. »115 Le Comité international de la Croix-Rouge a eu accès aux cachots du SNR en deux occasions en mai et septembre 2006.116 Les observateursdes droits humains de l’ONUB n’ont pas eu accès aux sites de détention du service de renseignement depuis décembre 2005, et des enquêteurs locaux et internationaux sur les droits humains qui font des comptes-rendus publics de leurs résultats n’ont pas été autorisés à visiter les installations, laissant les détenus privés de garanties élémentaires contre de graves  violations  potentielles des droits humains.117

Selon la procédure légale burundaise de l’instruction criminelle, une personne peut être détenue par la police judiciaire pendant une semaine, durée qui peut être prolongée à deux semaines en cas de « prorogation indispensable » et doit ensuite être inculpée ou relâchée.118 Il semble qu’au moins trois combattants présumés des FNL aient été détenus au SNR pendant des mois sans être inculpés. Aloys Nzabampema a été placé en détention le 8 novembre 2005,119 et il n’a pas été transféré dans un autre lieu de détention ni remis en liberté. Un témoin détenu auparavant dans les cachots du SNR a dit aux chercheurs de Human Rights Watch que Nzabampema y était encore à la mi-août 2006.120 Deux autres hauts dirigeants présumés des FNL ont été détenus par des agents du SNR depuis le 4 juillet 2006.121 Ces hommes pourraient avoir été impliqués dans de graves violations du droit international humanitaire. Si des renseignements crédibles permettant d’engager des poursuites existent, les autorités devraient les inculper et les faire passer en jugement. Sinon, ils devraient être relâchés. Selon le procureur de Bujumbura Mairie, le SNR a dit que les trois hommes seraient envoyés dans un centre de démobilisation pour combattants des FNL administré par le ministère de la Défense, mais à la fin du mois de septembre des sources militaires disaient qu’ils n’y étaient pas arrivés.122 

Human Rights Watch a décrit de façon détaillée de nombreux autres cas de présumés combattants des FNL se trouvant maintenant dans le système pénitentiaire normal et détenus au-delà de la limite légale de la détention préventive.123 Contrairement à ceux qui sont détenus par le SNR, cependant, ces détenus ont été placés en détention dans des sites visités régulièrement par des observateurs des droits humains des ONG et de la division des Droits de l’Homme de l’ONUB.  

En avril, l’administrateur général adjoint du SNR, le Colonel Kiziba, a dit à Human Rights Watch que le SNR travaillait à améliorer son image et sa réputation et que les installations du SNR ne seraient plus utilisées comme lieux de détention mais plutôt seulement pour collecter des informations.124

Pour défendre son agence, le Colonel Kiziba a dit qu’avant le changement de gouvernement en août 2005, la Documentation Nationale avait mauvaise réputation et que, sous les régimes précédents, les services de l’agence gouvernement de renseignement étaient insultés. Il pensait que les actuels employés du SNR avaient hérité d’une mauvaise réputation qui n’était plus justifiée. A l’issue de la rencontre du 6 avril, le Colonel Kiziba a accepté une date à laquelle des chercheurs de Human Rights Watch et des observateursde l’ONUB pourraient visiter les cachots et cellules du SNR, mais à la date convenue personne n’a été autorisé à y accéder.125

Le Burundi est un Etat partie au Pacte International relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), qui exige qu’un Etat spécifie la base légale sur laquelle les personnes peuvent être privées de leur liberté et les procédures à suivre pour les arrestations et les détentions (Article 9). Seules les arrestations et les détentions effectuées en accord avec ces règles sont considérées comme légales, ce qui restreint la capacité discrétionnaire  de policiers procédant à des arrestations. L’interdiction des arrestations ou des détentions arbitraires signifie aussi que la  privation de liberté, même si elle est prévue par la loi, doit être nécessaire et raisonnable, prévisible, et proportionnelle aux motifs de l’arrestation.

Le PIDCP exige aussi qu’une autorité procédant à une arrestation communique rapidement aux détenus les charges qui pèsent contre eux. Une personne peut tout d’abord être légalement détenue sans accusation mais il ou elle doit être inculpé dans un délai raisonnable. Au Burundi, la période autorisée est de deux semaines au plus.

Le droit international des droits humains oblige aussi l’Etat à offrir réparation pour les violations du droit à la liberté de la personne et à la sécurité de la personne. Selon les termes du PIDCP, « Tout individu victime d’arrestation ou de détention illégale a droit à réparation. »126




113 Loi No 1/015 du 20 juillet 1999 portant réforme du code de procédure pénale, arts. 27 et 61.

114 Entretien de Human Rights Watch, Bujumbura, 28 septembre 2006.

115 Ibid.

116 Confirmé par téléphone avec le Comité international de la Croix-Rouge, les 28 septembre et 9 octobre 2006.

117 Ensemble de principes pour la Protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement, résolution 43/173 adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1988 (Ensemble de principes), qui stipule, au principe 29 : « Afin d’assurer le strict respect des lois et règlements pertinents, les lieux de détention doivent être inspectés régulièrement par des personnes qualifiées et expérimentées, nommées par une autorité compétente distincte de l’autorité directement chargée de l’administration du lieu de détention ou d’emprisonnement et responsables devant elle. »

118 Loi No 1/015 du 20 Juillet 1999 portant reforme du code de procédure pénale, art. 60.

119 “Capture d’Aloys Nzabampema, ” Afrique Centrale Info, Bulletin No 25, 14 novembre 2005, http://www.abarundi.org/actualite/nat3/aci_171105_1.html (consulté le 9 octobre 2006); Radio-Télévision nationale du Burundi (en français), 18 novembre 2006, repris (en français, et traduit en anglais) aux Nouvelles brèves du matin d’OCHA, 18 novembre 2005, http://www.reliefweb.int/ochaburundi/am_brief/bur181105.htm (consulté le 28 septembre 2006).

120 Entretien de Human Rights Watch, Bujumbura, 6 septembre 2006.

121 “Le Burundi arrête des chefs supérieurs rebelles,” Agence France-Presse, 5 juillet 2006; “Que peut donner le Palipehutu-FNL,” Intumwa, No. 104, 15-30 juillet 2006.

122 Entretien de Human Rights Watch, Bujumbura, 29 septembre 2006.

123 Human Rights Watch, Loin de chez eux : les enfants soldats des FNL au Burundi, juin 2006,  http://hrw.org/backgrounder/africa/burundi0606/.

124 Entretien de Human Rights Watch avec le Colonel Léonidas Kiziba, 6 avril 2006. A ce moment-là, d’après le registre officiel, il y avait 12 personnes détenues au SNR. Il y a eu des arrestations par des agents du SNR depuis lors, mais le nombre de personnes actuellement détenues n’est pas clair.

125 Entretien de Human Rights Watch avec un observateur des droits de l’homme de  l’ONUB, 29 septembre 2006. 

126 PIDCP, art. 9.5.