Rapports de Human Rights Watch

Détenus arrêtés et tués par des soldats 

Les soldats des Forces de défense rwandaises (FDR) n’exercent aucune compétence sur les civils. Cependant, dans l’un des cas examinés par les chercheurs de Human Rights Watch, des soldats ont arrêté deux hommes sur présomption de vol à main armée et ils les ont tués.

Décès dans le secteur de Rwabicuma, district de Nyanza, Région sud

En mai 2006, les autorités ont installé un poste militaire dans le secteur de Rwabicuma, district de Nyanza, pour s’occuper de plusieurs attaques à main armée au cours desquelles des habitants avaient été blessés. Les soldats basés au poste militaire, situé à l’Ecole primaire de Kakamushi, cellule de Nyarusange, devaient effectuer des patrouilles de nuit et par ailleurs décourager les activités criminelles.48

Selon un habitant de la zone, le 9 mai 2006, des membres de la Force de défense locale (LDF), assistés d’habitants du coin, ont trouvé un homme appelé John, mais connu sous le nom de « Samunani », caché dans la brousse suite à un vol commis dans un quartier appelé Kabirizi.49 Samunani a été emmené dans les bureaux du secteur de Nyagisozi où, selon un témoin, il a été « sérieusement passé à tabac » par des membres de la LDF à l’aide de matraques, devant une foule importante. Samunani a donné le nom de plusieurs personnes qui, d’après lui, avaient participé aux vols avec lui et le 10 mai, des soldats ont été envoyés pour les « arrêter », alors qu’ils n’étaient pas légalement habilités à le faire et ne disposaient d’aucun mandat d’arrêt. Dans l’un des cas, ils ont apparemment persuadé les personnes qu’ils recherchaient de les accompagner au poste militaire en prétextant qu’ils avaient perdu leur chemin.50

Des habitants du quartier ont déclaré à un chercheur de Human Rights Watch que les soldats avaient amené sept personnes au moins au poste militaire de Nyarusange, dont cinq hommes : Rukara, un habitant du village de Kigogo, cellule de Kamabuye ; Vincent Hakizimana ; le frère de Hakizimana, Aminadabu ; Denis Ndagijimana ; ainsi qu’un homme âgé non identifié, et deux femmes : Immaculée Uwimana et l’épouse d’un homme connu sous le nom de « Kazungu ».51 Plusieurs soldats ont interrogé ceux qui avaient été pris dans la rafle et les auraient menacés. Par la suite, ils ont conduit Vincent Hakizimana, Aminadabu ainsi que le vieil homme au cachot de la cellule toute proche de Rurangazi.52

Plus tard dans l’après-midi du 10 mai, des soldats ont amené d’autres suspects, dont Samunani et Denis Ndagijimana, au cachot situé dans les bureaux du secteur de Nyagisozi. Ce soir-là, des soldats ont fait sortir Samunani et Ndagijimana du cachot, disant qu’ils les emmenaient, à pied, à la ville de Nyanza.53 Le trajet, qui prend environ 40 minutes en voiture, prend environ deux heures à pied. On ignore pourquoi un tel trajet devait être parcouru à pied, le soir, et pourquoi des soldats, plutôt que des policiers, devaient assumer la responsabilité des deux détenus.

Vers 19 heures, des habitants du quartier ont entendu des coups de feu et ont trouvé le corps des deux hommes, gisant dans une petite clairière, à plusieurs centaines de mètres du poste militaire. Samunani avait été abattu d’une balle dans le bas du dos et il gisait face contre terre, tandis que Ndagijimana avait été abattu d’une balle dans la tête et dans le dos. Les soldats et les autorités locales ont expliqué aux habitants que les deux hommes avaient tenté de prendre la fuite.54

Un habitant sceptique a mis en doute l’explication selon laquelle les hommes cherchaient à fuir. Il a confié aux chercheurs de Human Rights Watch :

La police a envoyé un véhicule pour enlever les corps des deux hommes morts. Pourquoi ne pouvait-elle pas envoyer un véhicule pour les conduire à Nyanza lorsqu’ils étaient encore vivants ?55

Le 11 mai, des policiers, qui étaient apparemment chargés de la garde à vue des détenus au cachot de Rurangazi, les ont emmenés sur le lieu de la fusillade pour voir les corps qui y gisaient encore. Selon des témoins, trois des détenus avaient été battus si violemment qu’ils éprouvaient des difficultés à marcher et ils ont déclaré qu’ils avaient également été menacés de mort par les policiers.56 Ils ont été libérés peu de temps après.

Lors d’un entretien avec les chercheurs de Human Rights Watch, le secrétaire exécutif du secteur de Rwabicuma a nié que des attaques à main armée aient eu lieu dans la région et il a également refusé d’admettre que Samunani, Denis Ndagijimana ou toute autre personne avaient été arrêtés en relation avec des affaires de vol ou d’attaque au cours de l’année 2006.57




48 Entretien de Human Rights Watch avec un habitant du quartier, cellule de Nyarusange, 3 avril 2007.

49 Entretien de Human Rights Watch avec un habitant du quartier, cellule de Nyarusange, 3 avril 2007.

50 Entretien de Human Rights Watch avec un habitant du quartier, cellule de Nyarusange, 3 avril 2007.

51 Entretiens de Human Rights Watch avec des habitants du quartier, cellule de Nyarusange, 3 avril 2007 et cellule de Kamabuye, 28 avril 2007.

52 Entretien de Human Rights Watch avec des habitants du quartier, secteur de Rwabicuma, 26 mars 2007.

53 Entretien de Human Rights Watch avec un homme vivant près des bureaux du secteur de Rwabicuma, 3 avril 2007.

54 Entretiens de Human Rights Watch avec des habitants du quartier, secteur de Rwabicuma et cellule de Nyarusange, 3 avril 2007.

55 Entretien de Human Rights Watch avec un habitant du quartier, secteur de Rwabicuma, 3 avril 2007.

56 Entretien de Human Rights Watch avec un habitant du quartier, secteur de Rwabicuma, 3 avril 2007.

57 Entretien de Human Rights Watch avec Ephraim Kavutse, secrétaire exécutif du secteur de Nyagisozi, 28 avril 2007.