Rapports de Human Rights Watch

I. Résumé

En octobre 2007, des officiers de la Police Nationale du Burundi (PNB) ont détenu illégalement 22 personnes au moins dans la province de Muramvya, pour des durées de quelques jours pour la plupart, mais pour certains jusqu’à trois semaines. Les agents de la Police de la Sécurité ont frappé les détenus avec des bâtons et des matraques dans un poste de police temporaire établi dans un centre de santé. Deux hommes au moins ont été soumis à des simulacres d’exécutions.

De plus, des membres de la même unité de police ont soumis des habitants à des passages à tabac publics. Dans quatre cas qui ont été rapportés à Human Rights Watch, cela s’est produit après que ces habitants aient mis en cause la conduite des policiers. Dans un autre cas, celui d’un policier, c’est arrivé après qu’il ait dénoncé des actes de torture.

Après que des observateurs burundais des droits de l’homme aient fait état de ces abus, des autorités locales sont intervenues pour limiter les excès de la police, libérant certains détenus immédiatement et en transférant d’autres dans une prison officielle d’où ils ont ensuite été relâchés. Pas un seul détenu n’a été inculpé d’un délit pénal. Peu après, l’unité de police responsable a été transférée et renvoyée à la capitale, Bujumbura.

L’action ultérieure visant à identifier et à enquêter sur les auteurs de ces violations des droits humains a été lente et insuffisante. Une enquête de la police sur les fautes commises par les policiers n’a été ouverte que plusieurs semaines après les événements et elle a été abandonnée par la suite, sans qu’aucune mesure disciplinaire n’ait été prise contre aucun policier. L’officier assurant le commandement de l’unité a bénéficié depuis d’une promotion. Trois victimes ont déposé plainte auprès du Procureur de Muramvya à la fin du mois d’octobre, mais pendant plus d’un mois, aucune action n’a été entreprise pour enquêter sur ces plaintes. Des enquêtes judiciaires ont été ouvertes contre trois policiers, mais seulement après qu’une ONG internationale ait proposé une aide juridique en préparant des plaintes collectives au nom de 13 victimes. Malgré la gravité des charges pesant contre eux, ces policiers sont restés en service et en contact direct avec la population tandis que les enquêtes se poursuivaient. La réticence des autorités à agir contre les auteurs de ces abus est cohérente avec la défaillance plus étendue des autorités pour exiger des comptes aux auteurs d’atteintes aux droits humains, et atteste du défi permanent de l’impunité au Burundi.

Le gouvernement burundais doit prendre des mesures immédiates pour mettre fin au climat d’impunité qui permet à des policiers d’agir en dehors de la loi. Human Rights Watch en appelle aux autorités pour qu’elles présentent rapidement à la justice les policiers présumés responsables d’atteintes aux droits humains à Muramvya. De plus, les autorités devraient garantir que des procédures efficaces sont mises en place pour combattre l’indiscipline et que tous les policiers bénéficient d’une formation suffisante, y compris sur les normes relatives aux droits humains.

Créées officiellement en 2004, les forces de police burundaises sont constituées de policiers et de soldats de l’ancien gouvernement, ainsi que de combattants issus de plusieurs groupes armés et qui ont mené des opérations contre le gouvernement pendant plus de dix ans. L’intégration de combattants démobilisés a fait grimper le nombre de policiers de 2 300 en 2000, à environ 15 000 à 20 000 policiers en 2007. Beaucoup de policiers ont reçu peu ou pas de formation et certains ne respectent pas la loi, sans parler de la faire respecter. Les bavures de la police sont un sujet important de préoccupation pour la société civile.

Le gouvernement actuel a été élu démocratiquement en 2005, après que la majorité des groupes rebelles aient accepté un accord de paix qui comprenait l’intégration de leurs membres dans le gouvernement, l’armée et la police. En juillet 2007, les Forces nationales de libération(FNL), le dernier groupe armé restant dans l’opposition, se sont retirées des pourparlers avec le gouvernement et ont lancé une nouvelle campagne de recrutement, tout en organisant des attaques sporadiques contre les troupes gouvernementales. Leur retrait a coïncidé avec une recrudescence des actes de violence, dont certains ont été attribués à des membres des FNL. La détention répandue d’armes à feu par des civils contribue apparemment aussi bien au nombre des actes commis qu’à leur violence.

Le gouvernement s’est appuyé sur la police, dont trois Groupements mobiles d’intervention rapide (GMIR), pour combattre le crime, pour rechercher les armes à feu non enregistrées et pour limiter les tentatives des FNL de recruter de nouveaux membres et de collecter des fonds et autres types d’aide auprès de sympathisants.

Bien que la police nationale mette en place des programmes de formation visant à améliorer la conduite des policiers et à développer leur efficacité pour faire appliquer la loi, les progrès en vue de construire une force professionnelle bien formée ont été lents. La formation de la police est nécessaire, mais elle doit être complétée par des mesures simultanées pour exiger des comptes aux policiers qui commettent des exactions.

Méthodologie

Le rapport s’appuie sur plus de 65 entretiens, dont 5 entretiens collectifs impliquant de deux à cinq personnes, menés par un chercheur de Human Rights Watch à Bujumbura et dans la province de Muramvya entre octobre 2007 et mars 2008. La plupart des informations relatives aux exactions ont été fournies par les victimes elles-mêmes, dont certaines ont été adressées à Human Rights Watch par d’autres organisations non gouvernementales, certaines ont été identifiées par d’autres victimes et certaines ont été repérées par le chercheur dans des prisons de Muramvya. La plupart de ces entretiens se sont déroulés à Kirundi avec l’aide d’un interprète et la plupart ont été faits en petits groupes.

Le chercheur a aussi interrogé des policiers, d’autres fonctionnaires, des représentants d’organisations non gouvernementales locales et internationales (ONG), des fonctionnaires des Nations Unies (ONU), des représentants de bailleurs de fonds internationaux et des juristes burundais.1 Un certain nombre d’entretiens dans la province de Muramvya ont été menés conjointement avec des représentants de l’Association pour la protection des droits humains et des personnes détenues (APRODH), une organisation non gouvernementale burundaise, ou avec des représentants de la Division des droits de l’homme et Justice du Bureau intégré des Nations Unies au Burundi (BINUB).

Pour des raisons de sécurité, les noms de certaines personnes interrogées ne sont pas cités.




1 Un certain nombre de fonctionnaires de police mentionnés dans ce rapport ont été transférés à de nouveaux postes mais sont restés en service actif à la suite d’un remaniement de la direction de la police le 13 décembre 2007. Sauf indication contraire, les titres indiqués indiquent les postes des fonctionnaires de police en octobre 2007.  Décret No. 100/360 du 13 décembre 2007 portant nomination de certains cadres de la Direction Générale de la Police Nationale du Burundi.