Le Canada jouit d’une réputation mondiale de défenseur des droit humains à l’intérieur de ses frontières et à l’étranger, et de pays qui présente un solide bilan en matière de protections des droits civils et politiques fondamentaux, ainsi qu’une approche généralement progressiste sur le plan des droits économiques et sociaux. Néanmoins, certains problèmes graves liés aux droits humains requièrent des mesures correctives de la part des autorités fédérales et provinciales, en particulier en ce qui concerne les droits des peuples autochtones du Canada, des populations affectées par les industries extractives du Canada à l’étranger, et des minorités ethniques et religieuses au Québec. Les récentes mesures du gouvernement fédéral qui amenuisent la capacité des organisations de la société civile à mener des activités de plaidoyer entravent les progrès dans toute une gamme de questions relatives aux droits humains.
Violence à l’encontre des femmes et des filles autochtones
En février 2013, le gouvernement fédéral a mis sur pied un comité multipartite au sein de la Chambre des communes du Canada pour tenir des audiences sur la question des femmes autochtones disparues et assassinées et proposer des solutions visant à s'attaquer aux causes profondes de la violence. Le comité a opéré des progrès limités et a été critiqué par les défenseurs des femmes disparues pour son manque d’orientation claire, pour sa propension à privilégier les témoins du gouvernement par rapport aux proches des victimes, et pour n’avoir pas envisagé de méthodes alternatives, sensibles aux différences culturelles, pour la participation des familles et des communautés.
L'Association des femmes autochtones du Canada a répertorié 582 cas de femmes et de filles autochtones portées disparues et assassinées au Canada à la date de mars 2010. Un grand nombre de meurtres et de disparitions se sont produits entre les années 1960 et 1990, mais 39 pour cent ont eu lieu après 2000. Le nombre de cas est sans aucun doute plus élevé aujourd'hui, mais les données complètes ne sont pas disponibles car le gouvernement a suspendu le financement alloué à la base de données de l'organisation et les forces de police canadiennes ne recueillent pas systématiquement de données relatives à la race et à l’appartenance ethnique.
En février, Bob Paulson, commissaire à la Gendarmerie royale du Canada (GRC), a envoyé un courriel à ses policiers leur disant, « Ne vous inquiétez pas, je vous couvre » suite à un rapport publié en 2013 par Human Rights Watch révélant les manquements de la GRC en Colombie-Britannique (CB) en matière de protection des femmes et des filles autochtones contre la violence, ainsi que le comportement abusif de policiers à l’égard de femmes et de filles autochtones, notamment l’usage excessif de la force ainsi que des agressions physiques et sexuelles. Le Canada dispose de mécanismes inadéquats de plaintes contre la police et de procédures de supervision inadaptées, avec notamment l’absence de mandat pour des enquêtes civiles indépendantes sur tous les cas de graves abus policiers qui sont dénoncés.
En février 2013, le gouvernement fédéral a soumis le rapport de Human Rights Watch sur les mauvais traitements policiers commis à l’encontre de femmes et de filles autochtones en CB à une commission des plaintes en vue d’une enquête. La commission, bien que dirigée par des civils, travaille souvent en étroite collaboration avec la police et n’est pas habilitée à émettre des recommandations contraignantes relatives à la GRC. L’enquête de la commission était toujours en cours en novembre.
Le gouvernement fédéral continue de rejeter les appels lancés par les premiers ministres des provinces et territoires du Canada, l’Assemblée des Premières nations et de nombreuses associations de la société civile pour la création d’une commission d’enquête nationale sur les meurtres et disparitions. Les commissions d’enquête publiques nationales permettent de mener des investigations impartiales sur des questions revêtant une importance nationale.
Lors du deuxième examen périodique du Canada réalisé par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies en avril 2013, plus d’une douzaine de pays, dont la Suisse et la Nouvelle-Zélande, ont soulevé le problème de la violence faite aux femmes et aux filles autochtones au Canada. Tant le Comité de l’ONU pour l'élimination de
la discrimination à l'égard des femmes que la Commission interaméricaine des
droits de l’homme ont dépêché des délégations au Canada pour enquêter sur le problème en 2013. Après avoir effectué sa propre visite en octobre 2013, le Rapporteur spécial de l’ONU sur les droits des populations autochtones, James Anaya, a souscrit à l’appel adressé au Canada pour qu’il ouvre une enquête nationale sur les meurtres et disparitions de femmes autochtones.
Abus dans l’industrie minière
Le Canada est le plus important centre mondial de l’industrie minière, accueillant la plupart des sociétés minières et entreprises d’exploration du monde. Ces firmes ont une incidence collective énorme sur les droits humains des communautés vulnérables partout dans le monde.
En 2013, Human Rights Watch a recueilli des informations concernant les accusations visant Nevsun Resources, une firme basée à Vancouver, selon lesquelles sa mine d’or phare de Bisha, en Érythrée, avait été en partie construite en recourant au travail forcé de main d’œuvre déployée par un entrepreneur public local, Segen Construction. Dans une déclaration, Nevsun a exprimé « des regrets si certains employés de Segen ont été enrôlés de force » lors de la construction de la mine, insistant sur le fait que de tels abus n’avaient plus cours aujourd’hui. La compagnie a toutefois refusé de rompre ses liens avec Segen.
En 2011, Human Rights Watch a recueilli des informations sur les accusations selon lesquelles des agents de sécurité employés par le géant minier canadien Barrick Gold avaient commis des viols collectifs de femmes sur un site minier de Papouasie- Nouvelle-Guinée et s’étaient livrés à d’autres brutalités. Depuis lors, la firme a pris des mesures visant à prévenir de nouvelles brutalités et a promis d’offrir réparation aux dizaines de femmes qui ont été victimes de violence sexuelle. Certains militants ont critiqué le projet de Barrick car les femmes qui choisissent d’accepter les indemnisations seront tenues de signer une clause légale de renonciation, s’engageant à ne participer à aucune poursuite civile intentée contre la firme. Néanmoins, si au final le projet respecte le droit des victimes à une réparation rapide et appropriée, il pourrait s’avérer être un exemple novateur de la démarche proactive que peuvent adopter les entreprises pour répondre aux violences graves liées à leurs opérations dans leurs pays et à l’étranger. Le programme de réparation prévoit de commencer à verser les indemnités aux victimes fin 2013.
Le gouvernement canadien ne réglemente pas et ne contrôle pas les pratiques des sociétés minières canadiennes en matière de droits humains lorsqu’elles s’établissent à l’étranger. L’unique mesure qu’il a adoptée sur ce plan a été de mettre en place, en 2009, un conseiller en responsabilité sociale des entreprises dont le bureau ne dispose d’aucun pouvoir de supervision ni d’enquête.
Lutte contre le terrorisme
Le citoyen canadien Omar Khadr, que les forces américaines avaient capturé sur le champ de bataille afghan en juillet 2002 à l’âge de 15 ans, a été rapatrié en 2012. Le Canada a continué de refuser à Khadr tout accès aux services de réadaptation et de réinsertion requis pour les ex-enfants soldats. Il demeure incarcéré, purgeant une peine de huit ans après avoir plaidé coupable de meurtre commis en violation des lois de la guerre et de soutien matériel au terrorisme, aux termes d’un accord conclu dans le cadre du système de commission militaire de Guantanamo, un système présentant des lacunes fondamentales et ne comprenant aucune disposition pour statuer sur les affaires concernant des délinquants mineurs. Depuis juin 2013, Khadr pourrait bénéficier d’une libération conditionnelle après avoir purgé un tiers de sa peine, soit 32 mois.
Droits des autochtones
Le gouvernement fédéral canadien a présenté des excuses pour le régime des pensionnats appliqué dans les années 1800 et 1900. Quelque 150 000 enfants autochtones avaient été enlevés à leurs familles et communautés et placés dans des écoles, où il leur était interdit de s’exprimer dans leur langue ou de pratiquer leur culture. Beaucoup avaient également subi des violences corporelles et sexuelles. En 2013, des informations ont fait surface, indiquant que certains enfants placés dans des pensionnats dans les années 1940 et 1950 avaient fait l’objet d’expériences médicales.
Les groupes autochtones ont critiqué le Canada pour s’être mis en défaut de respecter les accords fonciers conclus avec les communautés autochtones ou de les consulter comme il se devait, notamment par rapport aux projets d’extraction de ressources sur leurs terres ancestrales. Le gouvernement doit accorder une attention suffisante aux graves problèmes de pauvreté, de logement, d’eau, d’assainissement, de soins de santé et d’éducation auxquels sont confrontées les communautés autochtones, en particulier celles qui vivent dans des zones rurales reculées.
Liberté de religion
En septembre 2013, le gouvernement provincial du Québec a présenté une proposition potentiellement discriminatoire qui porterait atteinte à la liberté d’expression religieuse en interdisant aux employés du gouvernement d’arborer des signes religieux ostentatoires, dont le foulard, mais pas des petits symboles tels que des pendentifs en forme de croix. Les centres de femmes du Québec ont fait état d’une augmentation du nombre d’attaques verbales et physiques à l’encontre de femmes musulmanes après l’ouverture du débat sur ladite proposition.
Droits des demandeurs d’asile et des migrants
En septembre 2013, plus de 150 candidats à l’immigration retenus dans un centre de détention de Toronto ont entamé une grève de la faim pour réclamer un meilleur accès aux soins médicaux et de meilleures conditions. En juin 2012, le parlement canadien a adopté le projet de loi C-31 qui autorise le gouvernement à utiliser le terme « arrivée irrégulière » pour désigner un groupe de personnes arrivant dans le pays, soumettant ces personnes à une détention obligatoire avec des possibilités limitées de réexamen de leur dossier et un risque de détention prolongée pour les réfugiés et les enfants de 16 ans et plus.
Le projet de loi C-31 a créé une section administrative, la Section d’appel pour les réfugiés, mais les demandeurs d’asile de 27 « pays désignés » qui ont pour pratique de respecter les droits humains ne sont pas autorisés à faire appel du rejet de leurs demandes devant ladite section, la Cour fédérale pouvant toutefois procéder à un examen du rejet de ces demandes. Ce projet de loi interdit également aux « arrivées irrégulières » de présenter une demande de résidence permanente avant un délai de cinq ans, compromettant le droit des familles de réfugiés séparés à être réunifiées.
Société civile
Des représentants de la société civile et des organisations opérant dans un large éventail de domaines ont signalé que plusieurs mesures prises par le gouvernement, entre autres la suppression de certains financements, menaçaient d’entraîner la révocation du statut d’organisme de bienfaisance, et que les contrôles intrusifs avaient eu pour effet de refroidir l’ardeur des opposants aux politiques actuelles du gouvernement fédéral.
En juillet 2013, Voices-Voix, une coalition de plus de 200 organisations nationales et locales de la société civile, a exprimé son inquiétude quant aux informations selon lesquelles le Cabinet du Premier Ministre aurait ordonné aux fonctionnaires gouvernementaux de dresser des listes « d’intervenants amis et ennemis » dans le cadre du processus de préparation de documents d’information destinés aux nouveaux ministres.
En 2012, le ministre des Ressources naturelles a accusé des associations environnementales et autres « groupes radicaux » de chercher à utiliser de l’argent provenant de « groupes d’intérêts spéciaux étrangers » pour saper le développement du pays. Il a fait ces commentaires un jour avant le début des audiences fédérales de réglementation devant décider de l’approbation ou non de l’oléoduc Northern Gateway d’Enbridge qui fournirait du pétrole brut des sables bitumineux de l’Alberta à Kitimat, CB, en vue de son expédition vers l’Asie.